Contenu du sommaire : Transition écologique et sociale : enjeux de responsabilité pour l'enseignement supérieur

Ce cahier est consacré à la responsabilité sociétale des établissements d'enseignement supérieur et de recherche (RSU). Appréhendée dans sa définition globale, la RSU désigne la manière dont les organisations académiques intègrent les enjeux de transition écologique et sociale à leur fonctionnement, ainsi qu'à leurs missions d'enseignement et de recherche. En France, le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche demande aux établissements d'élaborer un schéma directeur DD&RSE (développement durable & responsabilité sociale et environnementale) et de former l'ensemble des étudiants de premier cycle aux enjeux de la transition écologique pour un développement soutenable en s'appuyant sur un socle commun de connaissances et compétences. Les réalisations des établissements sont examinées lors de la négociation des contrats d'objectifs et de moyens, ainsi que dans le cadre de l'accréditation des formations et grades. Ces éléments de contexte nous invitent à mieux comprendre les processus de gestion de la RSU, ainsi que les résultats de ces démarches vis-à-vis des parties prenantes clés de l'ESR. C'est l'ambition de ce cahier thématique rassemblant huit articles académiques et le point de vue d'un expert.

"À l'instar de la RSE, il est possible d'analyser la Responsabilité Sociale de l'Université à l'aune d'un mouvement d'amélioration continue. La RSU évolue d'une dimension contraignante (loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ; loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013), à une dimension volontaire (plan vert, schéma directeur Développement durable-responsabilité sociétale, mise en place de l'enseignement à la transition écologique …). Ces deux dimensions ne sont pas en opposition, bien au contraire, l'une inspire l'autre. L'étude des déclinaisons détaillées des objectifs légaux pesant sur les universités révèle une large part laissée à l'approche volontaire. Des textes émanant du ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche proposent des « préconisations ». Dans ce cadre, le dialogue avec les parties prenantes de l'université doit être privilégié pour une co-construction d'un programme d'action en matière de RSU."

Cet article réflexif questionne la singularité des établissements d'enseignement supérieur et de recherche dans leur rapport à la responsabilité sociétale et ses conséquences sur le choix des outils de son déploiement. L'article offre un éclairage original de cette question, basé sur l'étude de l'influence des normes institutionnelles de la science (ethos de R. Merton et paradigme de T. Kuhn) et complété par l'apport de la théorie des conventions. Enfin, l'article discute des limites de cet effet de singularité sur le déploiement du DDRS, à partir de ce même cadre théorique. Cette analyse montre que les normes institutionnelles peuvent conduire à une singularité opérationnelle dans les EESR, rendant la mise en œuvre du DDRS plus complexe en raison de potentiels conflits avec les valeurs et pratiques académiques traditionnelles. Elle montre aussi que des outils spécifiques aux EESR peuvent limiter cette difficulté, à condition de rester cohérents avec les outils génériques du DDRS.

Malgré les obligations législatives qui ont inscrit la Responsabilité sociale des universités (RSU) dans le Code de l'Éducation, sa mise en œuvre reste poussive. Présente dans les discours et les intentions stratégiques des universités, elle l'est beaucoup moins dans les faits. Un décalage existe entre une doxa laissant penser que les universités se sont totalement emparées de la RSU et une réalité qui en est bien éloignée. Cet article présente et analyse ce décalage, il en identifie les causes principales. Il s'appuie pour cela sur l'analyse des déclarations des principaux acteurs de la RSU et l'étude des différents rapports publiés sur ce sujet. Partant de la description d'un contexte favorable à la RSU tant au niveau global que territorial, cet article établit le constat d'une faible performativité des discours qui promeuvent la RSU. Ce qui se traduit par un portage politique difficilement concrétisé, des appuis en termes de pilotage insuffisants et une valorisation délicate des actions RSU. Un éclairage conceptuel sur deux causes identifiées de ce décalage est présenté : la complexité de la RSU et le manque de sens pour les parties prenantes, d'où la nécessité de les faire participer au processus.

"Les établissements d'enseignement supérieur (EES), en raison de leur mission éducative et de leur rôle d'employeurs, sont incités à développer une politique de Diversité et Inclusion (D&I). Aussi, ils considèrent l'importance de mesurer la portée de leurs engagements pour mieux piloter une stratégie en la matière. Pour autant, les enjeux relatifs à la mesure D&I des EES sont importants, compte tenu du fait que les initiatives manquent encore de structuration. Cet article repose sur l'étude de cas unique d'une Grande École, mature dans son engagement D&I, qui a décidé de coopérer avec une entreprise experte pour co-construire un outil de pilotage à visée transformationnelle. Il vise à explorer les conditions d'élaboration de l'outil à partir d'une démarche de recherche collaborative et caractérise les implications stratégiques et opérationnelles liées à cette expérimentation. Nous montrons que le nouvel outil de mesure D&I, et à travers lui la collaboration engagée avec le partenaire, apparaît à la fois comme un levier de légitimité organisationnelle et de transformation pour l'École porteuse du projet et pour le secteur des EES. Nos contributions mettent également en avant la nécessité de structurer le projet en interne autour d'un portage stratégique qui implique l'ensemble des parties prenantes. "

Cet article explore les efforts d'institutionnalisation de la responsabilité sociale au sein des établissements d'enseignement supérieur en s'appuyant sur une étude qualitative menée auprès de 14 universités et grandes écoles françaises labellisées Développement durable et responsabilité sociétale et environnementale (DD&RSE). À travers l'analyse de contenu des entretiens, cette recherche dévoile la nature dynamique du travail institutionnel requis pour une intégration efficace de la RSU, englobant les dimensions structurelles, conceptuelles, opérationnelles, relationnelles, émotionnelles et extra-institutionnelles. La recherche met en lumière le rôle pivot du travail relationnel et émotionnel pour surmonter les résistances au changement, ainsi que l'importance du travail extra-institutionnel dans l'amélioration de la visibilité des initiatives de responsabilité sociale. En proposant une vision intégrée de l'engagement institutionnel envers la RSU, cet article contribue à repenser les stratégies d'intégration de la responsabilité sociale dans les établissements du supérieur.

Soumises à des pressions internes et externes, les écoles de commerce sont appelées à intégrer dans leurs formations, les sujets relatifs à la transition environnementale pour former leurs étudiants aux enjeux actuels et futurs. Cela implique de s'interroger sur la nature, la posture et le contexte des enseignements. Dans cette optique, les enseignants-chercheurs (EC) ont un rôle clef à jouer comme l'ont montré de nombreux auteurs. Centrée sur des EC qui enseignent les sujets relatifs à la transition environnementale en école de commerce, cette recherche a pour objectif de comprendre les raisons de leur engagement dans la transition environnementale. Pour ce faire, nous avons mené une série d'entretiens semi-directifs auprès de quatorze enseignants-chercheurs travaillant dans sept écoles différentes et ayant déjà intégré la transition environnementale dans leurs activités d'enseignement. Nous qualifierons ces EC d'écologiquement engagés (ECEE). Il ressort notamment de ces entretiens une typologie des ECEE selon les raisons de leur engagement à enseigner la transition environnementale : les ECEE critiques responsables, les ECEE pragmatiques et les ECEE opportunistes. L'émergence de cette dernière catégorie souligne un changement dans la prise en compte de la transition environnementale au sein des écoles de commerce.

Cet article dresse un retour d'expérience (ReX) sur le premier hackathon académique pluridisciplinaire – entre écoles de management et d'ingénieurs - portant sur la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), organisé dans le cadre du 20ème congrès de l'ADERSE. Il a pour ambition de servir de guide méthodologique pour les enseignants-chercheurs désirant utiliser de nouveaux outils pédagogiques. L'action au cœur de l'enseignement stimule l'implication personnelle, facilite l'apprentissage et acculture à la RSE.

Les réformes universitaires menées en France depuis 30 ans ont abouti à une déstructuration des universités. Cette déstructuration interroge la responsabilité d'un acteur compétent, l'enseignant-chercheur, garant de la transmission d'un savoir durable auprès des jeunes générations dans le domaine des sciences de gestion. La remise en cause de la structure est analysée sous le prisme de la théorie de la structuration de Giddens et des routines institutionnelles de Nelson et Winter. L'article propose des solutions pour préserver les missions d'enseignement et de recherche au profit des jeunes générations dans un contexte où l'enseignant-chercheur se doit d'affirmer son capital spécifique. Ces solutions s'articulent impérativement autour de cet acteur légitime et compétent, gérant son parcours professionnel et ses temps nécessaires au ressourcement. Il préserve alors l'objectif d'ascenseur social par l'éducation et la recherche, conscient des enjeux de la pré distribution. Se recentrer pour se régénérer apparait comme une réponse responsable de l'enseignant-chercheur face à des réformes dont le dissentiment ne laisse que peu de place à des articulations pratiques. Ces propositions sont conditionnelles et centrées sur la prise de conscience d'une responsabilité sociétale à affirmer.

Cette étude vise à explorer les impacts de la personnalisation sur les relations clientèles et la satisfaction, tout en analysant les défis associés à la confidentialité des données dans le domaine du marketing digital. Pour ce faire, une approche qualitative exploratoire a été adoptée, impliquant des entretiens avec des experts du marketing digital. Les résultats obtenus mettent en lumière l'impératif d'adopter les nouvelles technologies tout en équilibrant attentivement les préoccupations des utilisateurs concernant la protection de leur vie privée. Ils soulignent également l'importance cruciale de la transparence dans la gestion des données et du consentement éclairé des utilisateurs. En résumé, cette étude souligne l'importance de trouver un équilibre entre personnalisation et respect de la vie privée dans le marketing digital, mettant en avant la nécessité de pratiques transparentes en matière de données pour maintenir des relations clients satisfaisantes.

La Chine, acteur mondial de plus en plus important, connaît une transformation sociale profonde depuis les dernières décennies, à laquelle contribue également le mouvement RSE. Si un nombre croissant de travaux s'intéressent à la montée de la RSE en Chine, les pratiques locales restent toutefois peu étudiées dans la littérature francophone. En nous inscrivant dans la théorie institutionnelle et en bénéficiant d'une immersion totale au sein d'une entreprise multinationale de la grande distribution, nous avons mené une étude de cas sur la mise en œuvre d'une politique globale RSE, la politique d'égalité hommes-femmes, dans la filiale chinoise de cette entreprise. En nous appuyant sur les trois éléments identifiés dans la littérature – contexte national, stratégie d'internationalisation du groupe et positionnement stratégique de la filiale – nous avons tenté d'expliquer le paradoxe dans le résultat obtenu et l'effort émis au sein de la filiale chinoise en la matière par des éléments complémentaires d'ordre social, culturel et managérial. Nous souhaitons ainsi apporter quelques pistes de réflexions managériales aux groupes français qui opèrent en Chine, dans leur définition stratégique d'une politique globale RSE.

Par essence, une multinationale est implantée au sein de plusieurs pays voire continents, sur lesquels elle est confrontée à des cultures diverses, et parfois très éloignées. Parmi les critères de différenciation se trouvent les croyances religieuses ainsi que le degré de religiosité des populations. Lorsqu'il s'agit de gérer le fait religieux au travail, cette multiplicité des contextes peut être un véritable enjeu pour l'organisation. S'appuyant sur le cadre néo-institutionnel, cet article se propose de fournir un cadre d'analyse théorique permettant d'appréhender la manière dont la politique de régulation du fait religieux au travail d'une multinationale peut évoluer entre des contextes culturels et religieux différents. Ainsi plusieurs variables émergent de la littérature – le degré de proximité culturelle d'une part et les pressions institutionnelles d'autre part –, pouvant expliquer l'évolution de cette politique RH.