Contenu du sommaire : Migrations et nations
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 174, 3ème trimestre 2019 |
Titre du numéro | Migrations et nations |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Nations et migrations - Béatrice Giblin p. 3-11 Il y a vingt-six ans qu'Hérodote interroge cette question complexe qui pose des problèmes géopolitiques tels que les rapports entre États du Nord et du Sud, mais aussi entre États du Sud, ce que l'on a parfois tendance à négliger, des questions de frontières, d'étrangers, de nationaux. L'immigration met aussi en jeu des rivalités de pouvoir sur des territoires et alimente par le biais des médias des débats entre citoyens ; enfin elle fait l'objet de représentations mobilisatrices ; parmi elles, la menace que ferait planer l'immigration sur l'identité nationale est suffisamment puissante pour contraindre les responsables politiques d'adapter leur politique migratoire, en particulier en renforçant le contrôle des frontières. Dans ce numéro nous ne nous sommes pas limités à la situation européenne en analysant plus largement la question des migrations afin de prendre en compte les conséquences des départs pour certains pays. Ce qui distingue les pays c'est la possibilité ou non d'y acquérir la nationalité, d'en devenir des citoyens de plein droit, qu'il s'agisse de réfugiés demandant l'asile ou de migrants économiques. Cette possibilité offerte aux migrants de devenir citoyen est celle qui change l'approche de la question de l'immigration et de la nation car elle permet de passer d'une émigration temporaire de travail à une immigration définitive de peuplement.For the past 26 years, Hérodote has studied the complex geopolitical question of the North-South relations, but also the sometimes neglected relations between southern Nations, in borders, foreigners and domestic terms. Immigration also rises power rivalries and is a source of debates between citizens through media. It is also a source of mobilizing representations, one of them being that the so-called threat on a national identity is powerful enough to force politicians to change their migration policy, especially by strengthening border controls. This issue is not just about the European Community situation, but about the migration question in order to analyze the consequences for some countries. For the different countries observed in this issue, the difference is the possibility (or not) to obtain citizenship, to become full citizens, whether you are looking for asylum or an economic migrant. This possibility to become a citizen changes the way to address immigration and the idea of Nation, for we can consider a temporary working emigration to become a permanent population swelling immigration.
- Droit dans le mur ? Trump, la politique d'immigration et les représentations de la nation aux États-Unis - Frédérick Douzet p. 13-24 Le 15 février 2019, le président Donald Trump déclare l'état d'urgence nationale à la frontière sud des États-Unis afin de réquisitionner des financements fédéraux pour construire un mur le long de la frontière avec le Mexique. Il s'affranchit ainsi de l'opposition du Congrès et de l'opinion publique qui doutent dans l'ensemble de la pertinence, du réalisme et de l'efficacité de la construction d'un mur pour résorber l'immigration clandestine aux États-Unis. Cet article montre que la construction du mur est d'abord un enjeu de géopolitique interne, destiné à mobiliser la base électorale du président Trump en instrumentalisant les représentations de la nation et les ressentiments liés à l'explosion de la diversité démographique. Or, sa politique fortement hostile à l'immigration risque à terme de nuire au parti républicain, étant donné la part croissante de minorités parmi les nouveaux électeurs.On February 15, 2019, President Donald Trump declared a National Emergency about the Southern Border of the United States to redirect financial funds for the construction of a wall along the Mexican Border. He therefore circumvented Congress opposition and public opinion doubts about the relevance, realism and efficiency of the construction of a wall to fight illegal immigration to the United States. This paper argues that building a wall is first and foremost a domestic political issue designed to mobilize the electoral base of President Trump by exploiting representations of the nation and resentments linked to the demographic diversity explosion. Meanwhile, his anti-immigration policy could alienate a new and increasingly diverse electorate, hurting the Republican Party in the long run.
- Traverser, dépasser, contourner : les futures stratégies géopolitiques des murs frontaliers - Rodrigo Nieto Gómez p. 25-44 Cet article analyse comment les représentations et les stimuli géopolitiques influencent le devenir de la protection des frontières dans la région limitrophe du Mexique et des États-Unis. Nous explorons la façon dont les adversaires confrontent ces déploiements sécuritaires en traversant, passant par-dessus ou en contournant les murs, suivant un processus d'adaptation stigmergique. Nous démontrons ces dynamiques à travers deux études de cas : la première montre comment les réseaux criminels de trafiquants utilisent la technologie des drones pour triompher des murs frontaliers, et la seconde décrit la pression géopolitique que la stratégie actuelle exerce sur les opérations côtières et sous-marines. L'article conclut que, alors que la fonction première des murs frontaliers est d'envoyer des signaux à une audience domestique (à l'intérieur) pour renforcer la représentation géopolitique de la peur de l'« Autre », leur développement a néanmoins un impact sur l'évolution des trafics en encourageant les réseaux criminels à s'adapter et s'améliorer.This paper studies how geopolitical representations and geopolitical stimulus influence the future of border security deployments in the US/Mexico borderlands. It explores the way in which adversaries confront those security deployments by going “through, over or around” the walls, following a stigmergic adaptation process of coordination. By applying future-thinking methodologies, it demonstrates these dynamics using two case studies: the first one explores how criminal smugglers have adopted drone technologies to defeat border walls and the second one describes the geopolitical pressure that current strategy place on coastal and submarine operations. The paper concludes by demonstrating that while the true function of border walls is to send signals to a domestic audience in order to build geopolitical representations based on the fear of “the other”, their deployment is nevertheless impacting the future shape of smuggling, providing incentives to organized crime to improve and adapt.
- Immigration, post-colonialisme et biopolitique de l'identité au Japon - Philippe Pelletier p. 45-64 L'État japonais conditionne sa politique migratoire à une conception de l'identité japonaise, et cela depuis la fin du XIXe siècle. Bien qu'entrant en contradiction avec des besoins économiques et une situation coloniale puis postcoloniale (présence, notamment, d'une minorité coréenne), il avance la peur du mélange et la crainte d'une dissolution nationale pour promouvoir des mesures restrictives, argument en partie endossé par les Japonais. Il doit, a contrario, établir « ce qu'est être japonais » par un cadre juridique définissant la « nationalité japonaise », la « citoyenneté japonaise » et l'« état civil japonais » (kôseki) qui s'appuie sur une nouvelle conception patriarcale de la famille (le ie). En rendant difficile l'accès à la nationalité japonaise autrement que par la patrilinéarité et en la fondant sur le jus sanguinis, il prône une vision quasi racialiste et genrée de la japonité qui lui permet de mener une biopolitique de l'immigration correspondant à la vision nationaliste du kokutai (« corps-pays »).Japanese State implements its migration policy under a conception of Japanese identity, from late 19th century onward. Beyond the contradictions toward economic needs and colonial then postcolonial situation (mostly Korean minority), it promotes fear of mixing and national dissolution in order to push restrictive measures, with arguments seducing a lot of Japanese people. On the contrary, it must build “what and who is Japanese” by a legal framework defining “Japanese nationality”, “Japanese citizenship” and “household registers” based on a new patriarchal conception of family (ie). Making difficult to obtain Japanese nationality otherwise than by patrilineality, granted by jus sanguinis, it offers a quasi-racialist and gendered approach of Japaneseness, allowing a biopolicy of immigration corresponding to the nationalist idea of kokutai (body-country).
- Ancrage local et (dé)construction scolaire de la xénophobie : les effets de lieu sur les représentations de l'étranger chez les lycéens de quartiers populaires à Johannesburg - Jeanne Bouyat p. 65-84 L'article explore comment les représentations de l'étranger chez des lycéens varient selon les lieux où ils sont scolarisés, à partir d'une enquête dans trois quartiers populaires de Johannesburg. En abordant la xénophobie comme un discours politique, il montre que la conception hégémonique de la citoyenneté basée sur l'indigénéité que prend la trajectoire nationale sud-africaine est nuancée par des effets de lieu et l'habitus organisationnel des lycées. Les lycéens ont des attitudes plus inclusives envers les migrants internationaux dans le quartier panafricain et central de Yeoville, et plus exclusive envers les migrants internationaux et venus de régions rurales dans les townships d'Alexandra et Orlando Est. Ces différences s'expliquent par les transformations démographiques et les mobilisations (anti) xénophobes locales, les interactions avec des migrants, le filtrage institutionnel scolaire, et les pratiques du personnel scolaire.The paper explores how notions of foreignness and belonging among high school learners vary according to the location of their schools, based on a comparison of three low-income areas in Johannesburg. Conceptualizing xenophobia as a political discourse, it demonstrates that the hegemonic conception of citizenship based on indigeneity taken by the South African national trajectory is locally mediated through site effects and the schools' organizational habitus. Learners develop more inclusive attitudes towards international migrants in pan-African Yeoville, and more exclusive attitudes towards international and some internal rural migrants in the townships of Alexandra and Orlando East. This is due to differential local demographic transformations and (anti) xenophobic mobilisations, interactions with migrants, institutional filtering in schools, and the practices of the school staff.
- Immigration et libre circulation dans le référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne - Thibaud Harrois p. 85-99 Au début des années 2000, pour répondre aux demandes de l'économie nationale, notamment aux besoins de main-d'œuvre, le gouvernement travailliste de Tony Blair a choisi d'ouvrir plus largement les frontières aux migrants extra-européens et d'autoriser sans restriction la libre circulation des travailleurs en provenance des nouveaux États membres de l'Union européenne (UE). Cet article cherche à montrer que cette politique migratoire a été accusée de faire peser un poids démesuré sur les services publics. Devenue la cible de l'hostilité d'une part croissante de la population britannique, cette question a été habilement juxtaposée au débat sur l'appartenance à l'UE par les acteurs politiques les plus hostiles au projet européen. Les succès électoraux du principal parti eurosceptique (UKIP) ont conduit travaillistes et conservateurs à infléchir leur propre attitude sur ces questions. De retour au pouvoir en 2010, ces derniers ont promis la réduction du nombre d'immigrés, avant de s'engager dans la voie d'un référendum sur l'appartenance à l'UE. Divisé, le gouvernement n'a pas su convaincre les électeurs que le Brexit ne suffirait pas à résoudre les problèmes sociaux et économiques auxquels le Royaume-Uni devait faire face. Après le 23 juin 2016, l'un des défis pour les dirigeants britanniques est désormais de négocier l'issue la moins négative possible pour l'économie du pays alors même que la fin de la libre circulation lui sera directement nuisible.At the start of the 2000s, the demands of the British economy, specifically in terms of manpower, led Tony Blair's Labour government to open the United Kingdom's (UK) borders more widely to non-EU (European union) migrants, while allowing workers from the new EU member states to move to Britain without restriction. This article seeks to show that this migration policy was accused of placing an unbearable burden on public services. It became the target of hostility from a growing share of the British population and was cleverly associated with the debate on British membership of the EU by those who were the most hostile to the European project. The successive electoral victories of UKIP, the main Eurosceptic party, led both the Labour and Conservative parties to change their attitudes on these issues. The latter were back in power and 2010 with the promise of cutting the number of immigrants, before committing to organising a referendum on the country's membership of the EU. But the government was divided and did not manage to convince voters that leaving the EU would not be sufficient to solve the social and economic issues that faced Britain. Since 23 June 2016 one of the challenges for British leaders has been to negotiate an exit that would have the least negative consequences for the country's economy despite the fact that ending free movement will harm it directly.
- Crise de la représentation de la nation en France - Jérémy Robine p. 101-112 La « crise migratoire » de 2015 n'a pas touché la France, où, contrairement à ses voisins, les flux n'ont pas augmenté significativement. Cela n'empêche en rien la représentation de la crise migratoire, ou même de l'invasion, d'y avoir des effets géopolitiques importants. S'il y a crise en France au sujet de l'immigration, cela concerne en réalité le fait que les générations de Français issus de l'immigration en provenance des anciennes colonies ont transformé la France en une nation multiculturelle, sans que les représentations dominantes de la nation n'en prennent acte. Hormis l'extrême droite, aucune force politique ne met au centre de son discours ce que devrait devenir la nation française, et un discours inclusif et positif à ce sujet fait cruellement défaut. La ségrégation raciale joue un rôle majeur dans ce blocage, fortement aggravé par le rejet de la visibilité nouvelle de la pratique religieuse musulmane, lui-même renforcé par les attentats djihadistes subis depuis 2012 et surtout 2015.The 2015 “migration crisis” did not affect France where, unlike its neighbors, the flows did not significantly increase. This has not prevented the representation of a migration crisis, or even of an invasion, from having significant geopolitical effects on the country. If there is an immigration crisis in France, it actually deals with the fact that France has been transformed into a multicultural nation by generations of citizens born out of an immigration from the former colonies and yet, the dominant representations of the nation didn't take notice of that. Apart from the far right, no political force has put at the center of its discourse what exactly the French nation should become, and an inclusive and positive discourse on this subject is sorely lacking. Racial segregation plays a major role in this stalemate, strongly aggravated by the rejection of the new visibility taken by the religious practice of Islam, a prejudice reinforced by the jihadist attacks that have unfolded since 2012, in 2015 especially.
- Cent ans d'immigration racontés par les prénoms - Jérôme Fourquet, Sylvain Manternach p. 113-140 L'étude des prénoms s'avère une méthode extrêmement féconde en enseignements sur les phénomènes migratoires qu'a connus et que connaît encore la France. Le fichier Insee des prénoms attribués aux nouveau-nés chaque année en France, qui se décline également à l'échelle départementale, offre la possibilité de suivre l'histoire des immigrations en France depuis 1900. La disparition rapide des prénoms d'origine pour les immigrations polonaise et portugaise, notamment une fois les flux migratoires taris, montre la puissance de la machine assimilatrice républicaine. L'analyse des listes électorales du 13e arrondissement de Paris montre que 75 % des Français issus de l'immigration asiatique (Vietnam, Laos, Cambodge, Chine) portent un prénom français ou européen, un choix pragmatique à même de faciliter leur intégration. L'analyse anthroponymique permet aussi d'étudier et de mesurer la montée en puissance du groupe ethnoculturel arabo-musulman (par ailleurs fortement hétérogène) au sein de la société française depuis la Seconde Guerre mondiale, sa diffusion sur le territoire au fil des décennies et sa très inégale répartition sur le territoire métropolitain. Le dépouillement des listes électorales de Marseille montre, à l'échelle locale, une ségrégation plus grande encore avec des bureaux de vote où plus de 50 % des électeurs inscrits portent un prénom issu des mondes arabo-musulmans, ces bureaux se trouvant essentiellement au nord du centre-ville et dans les arrondissements septentrionaux de Marseille, quand cette proportion est inférieure à 5 % dans de nombreux bureaux du sud de la ville. Cette inégale répartition dessine une correspondance quasi parfaite entre le taux de prénoms arabo-musulmans dans les bureaux de vote et le taux de pauvreté au niveau local (carroyage Insee de 200 mètres de côté). Enfin, les concentrations notables (comoriens, arméniens) selon des temporalités et des modalités très différentes ou au contraire la diffusion de certaines communautés (pieds-noirs) montre la différence des parcours individuels et collectifs en fonction de l'origine des immigrés à Marseille.Studying given names is an extremely fruitful method for examining migratory movements that France has and is experiencing. The Insee file of first names given to newborns each year in France, which is also available at a departmental level, creates an opportunity to follow the history of immigration in France since 1900. The rapid disappearance of Polish and Portuguese first names, especially once the migratory movements had ended, shows the strength of France's assimilation apparatus. An analysis of lists of voters in the 13th arrondissement of Paris shows that 75 % of French people of Asian descent (whose families immigrated from Vietnam, Laos, Cambodia, and China) had a French or otherwise European first name. This is a pragmatic choice for facilitating integration. An anthroponomic analysis further assists with examining and measuring the rise of the Arab Muslim ethnocultural group (which tends to be highly heterogeneous) within France since the Second World War, specifically its spread across the country over the decades and its very unequal countrywide distribution. Counts of Marseilles voter lists shows that at a local level, there is even greater segregation with some voting stations having over 50 % of registered voters with an Arab Muslim first name. These voting stations are primarily located north of the city center and in the northern arrondissements of Marseille. At the same time, this proportion is under 5 % in many voting stations in the southern parts of the city. This unequal distribution of Arab Muslim first names at voting stations corresponds almost perfectly with poverty rates at a local level (using the Insee 200-m grid patterns). Finally, significant concentrations of groups (such as immigrants from the Comoros and Armenia) depending on various circumstances and time periods or dispersal (as with the Pieds-Noirs) shows that immigrants had very different individual and group journeys in Marseille.
- Migrations post-soviétiques en Russie et affirmation de la Nation - Sophie Hohmann p. 141-157 La Russie est devenue, plus de deux décennies après la fin de l'URSS, le deuxième (en 2010) puis le quatrième pays d'immigration au monde (en stock) derrière les États-Unis, l'Arabie saoudite et l'Allemagne. En 2017, le nombre de migrants internationaux sur le territoire russe s'élève à environ 12 millions de personnes, majoritairement originaires des anciennes républiques soviétiques et plus spécifiquement d'Asie centrale. Plus de 5 millions de personnes originaires d'Asie centrale et du Caucase du Sud (Arménie et Azerbaïdjan) auraient immigré en Fédération de Russie, les principaux pays pourvoyeurs de main-d'œuvre étant l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan. Les pays du Sud Caucase sont également concernés mais avec des rythmes différents. L'Ukraine est devenue, depuis la crise de 2014 ainsi que le conflit dans les régions séparatistes orientales, un pays d'émigration dont la nature des flux diffère des autres pays puisqu'il s'agit essentiellement de flux de réfugiés, en plus d'une émigration de « compatriotes » soutenue par les autorités russes. La question de l'immigration est très hétérogène et nécessite de connaître, d'une part, les différents contextes qui vont pousser des personnes à émigrer vers un ailleurs plus prometteur, et, d'autre part, les conditions qui font que ces situations migratoires répondent en Russie à des besoins réels et imposent une politique migratoire composite.More than two decades after the dissolution of the USSR (Union of Soviet Socialist Republics), Russia has become the second (in 2010), then the fourth country in the world in terms of immigration (stock) behind the United States, Saudi Arabia and Germany. In the 2017, the number of international migrants on the Russian territory reached 12 million people, mostly coming from the former soviet republics and more specifically from Central Asia. Over 5 million people from Central Asia and North Caucasus (Armenia and Azerbaijan) allegedly settled in the Russian federation, the main working force providers being Uzbekistan, Tajikistan and Kirghizstan. The South Caucasus countries are also affected, but at different rates. Since the 2014 crisis and the conflict in the eastern separatist regions, Ukraine became a country of emigration whose flows are different from the other countries because it is mostly made of refugees and of “compatriots” supported by Russian authorities. The immigration debate is eclectic and requires to understanding the different contexts leading people to search for better places, and the conditions that make these migrations respond to real needs for Russia who, in turn, put composite migration policies into place.
- L'aliya : condition première et quintessence de la nation israélienne - Frédéric Encel p. 159-175 Depuis la première aliya de 1881-1882, plus de trois millions de Juifs ont rejoint le foyer national, le Yishouv, puis l'État d'Israël souverain. Mais l'immigration juive vers l'espace biblique d'Eretz Israël ne procède pas seulement d'un phénomène démographique ou social, constituant bien davantage encore la centralité du projet de construction de la nation juive, le sionisme. À telle enseigne que des budgets faramineux ainsi que des postures diplomatiques furent toujours sacrifiés à l'aliya, y compris quand les nouveaux arrivants, les olim, ne correspondaient plus au profil idéalisé des premiers temps du sionisme, ashkénaze, laïc et travailliste. Deux aliyot massives, celle des Marocains très conservateurs et mal accueillis par l'élite ashkénaze, puis celle des Russes anticommunistes, ont fait durablement évoluer le curseur politique israélien vers la droite. À court terme, le solde migratoire positif conjugué à une natalité forte propulsera Israël comme foyer de la majorité absolue des Juifs du monde.Since the first aliya in 1881-1882, over three million of Jews joined the Yishuv, the settlement, and then the sovereign State of Israel. But the Jewish immigration towards the biblical space of Eretz Israel is not limited to a demographic or social phenomenon as it is, even more, the central feature of the Jewish nation construction project, sionism. So much so that astronomical budgets and diplomatic positions have always been sacrificed to the aliya, including when the newcomers, the olim, were no longer reflecting the idealized figure of the early times of sionism: Ashkenazi, secular and labor. Two massive aliyot contributed to push the Israeli political cursor to the right: the Moroccans – very conservative, they were not well accepted by the Ashkenazi elite – and the anticommunist Russians. Soon, the positive net migration added to a strong birth rate will propel Israel as the worldwide home of the absolute majority of Jews.
- La politique du déni face aux multiples enjeux de la présence des déplacés syriens au Liban - Carine Lahoud-Tatar p. 177-191 Alors que la guerre en Syrie est entrée dans sa neuvième année, les leaders politiques libanais ne parviennent toujours pas à s'entendre sur la gestion des retombées du conflit. Paralysées par le contentieux historique avec le régime des Al Assad et les expériences précédentes avec les réfugiés palestiniens, les forces politiques se polarisent autour de deux blocs aux intérêts diamétralement opposés, cohabitant au sein des organes décisionnels. Le blocage du système politique rend toute recherche de consensus impossible dans un contexte de malaise économique et social grandissant, aggravé par l'inaction et le laxisme d'une élite dirigeante qui, par des discours de surenchère confessionnelle et de démagogie, fait du déplacé syrien le bouc émissaire de son inaction et de tous les maux dont souffre le pays.As the war in Syria entered its ninth year, Lebanese political leaders still disagree on managing the outcome of the conflict. Paralyzed by historical tensions with the Al Assad regime and previous experiences with Palestinian refugees, the political forces are polarized around two diametrically opposed blocs coexisting in the decision-making bodies. The political system blockage makes any search for a consensus impossible in a context of growing economic crisis and social discontent, worsened by a leading class inaction and laxness whose demagogic discourses and sectarian competition make displaced Syrians the scapegoat for its inaction and all the difficulties the country is facing.
- Golfe Arabo-Persique : de la ségrégation au « vivre ensemble » ? - Marc Lavergne p. 193-207 Le golfe « Arabo-Persique » est aujourd'hui peuplé pour une large part, voire souvent une majorité, de migrants. Ceux-ci vivent sous un système de ségrégation juridique qui interdit leur installation définitive. Pour autant, la péninsule Arabique est depuis l'Antiquité une terre de migrations et de brassages internes et externes, en relation avec l'Afrique, l'Asie centrale et le sous-continent indien, qui en ont façonné le paysage humain. L'ère pétrolière a provoqué un afflux nouveau de main-d'œuvre, originaire d'abord du Moyen-Orient arabe, puis de plus en plus du sous-continent indien et d'Extrême-Orient, tandis que l'indépendance des États riverains du Golfe a figé les mécanismes d'intégration. Néanmoins, les influences croisées entre pays de départ et pays d'accueil s'intensifient, non seulement en ce qui concerne les flux financiers et les effets d'entraînement économiques, mais aussi les cultures et les modes de vie urbains.The “Arab-Persian” Gulf is today largely, if not mainly populated by migrants. They live there under a system of statutory segregation which forbids any final settling. Nevertheless, the Arabic peninsula is since Antiquity a land of internal and external migration and mixing, in connection with Africa, Central Asia and the Indian Subcontinent, which shaped its human landscape. The oil era triggered a new inflow of manpower, emanating at first from the Middle East, then increasingly from the Indian Subcontinent and the Far East, while the independence of the riverine states of the Gulf froze the integrating mechanisms. Still, the crossed influences between sending and receiving countries are intensifying, not merely in terms of financial remittances and their economic driving effects, but also on the urban cultures and ways of life.
- Le royaume du Maroc a lié son destin aux migrations - Pierre Vermeren p. 209-224 Le Maroc est devenu un des grands pays émetteurs d'émigration vers l'Europe. Même si l'émigration vers l'étranger commence au début du XXe siècle, et qu'elle s'accélère un temps à la fin de la colonisation avec le départ des minorités, c'est vraiment dans les années 1980 que se développe une migration marocaine de masse. Le Maroc compte aujourd'hui une diaspora qui oscille entre 6 et 7 millions de personnes sur trois générations, essentiellement dans une demi-douzaine de pays d'Europe, dont un tiers en France. Cette émigration est capitale pour le royaume. Non seulement elle permet à des régions pauvres de survivre, mais elle contribue aussi fortement à l'équilibre de la balance des capitaux du Maroc. Après l'indifférence de son père à ce phénomène, le roi Mohammed VI a compris tout le profit qu'il pouvait en retirer dans le cadre de son soft power. Mais les élites de l'immigration marocaine en Europe sont si choyées par le royaume que cela nuit à leur bonne intégration en Europe.Morocco has become one of the major emigration countries to Europe. Even if emigration to foreign countries began at the beginning of the 20th Century and accelerated for a time at the end of colonization with the departure of minorities, it was really in the 1980s that mass Moroccan migration developed. Morocco now has a diaspora of between 6 and 7 million people over three generations, mainly in half a dozen European countries, a third of them in France. This emigration is crucial for the kingdom. Not only does it enable poor regions to survive, but it also contributes significantly to the balance of Morocco's capital balance. After his father's indifference to this phenomenon, King Mohammed VI understood all the benefits he could gain from it as part of his soft power. But the Moroccan immigration elites in Europe are so blessed by the kingdom that it hinders their successful integration in Europe.
- Cartographier les migrations dans un grand quotidien - Mathilde Costil, Francesca Fattori p. 225-232 Depuis l'apparition, dans les médias et notamment dans ses colonnes, de l'expression « crise de migrants », le quotidien Le Monde a traité de façon extensive ce phénomène complexe, sous forme de reportages, d'analyses, de débats, mais aussi de cartes. Représentation graphique synthétique de phénomènes géographiques complexes, la carte est un outil incontournable pour appréhender la réalité mouvante des migrations, dans plusieurs régions et à plusieurs échelles. C'est aussi, dans la pratique du service infographie du journal Le Monde, un produit éditorial qui propose plusieurs niveaux de lecture, résultant du choix entre données statistiques, analyse qualitative et récits sensibles.Since the expression “crisis of migrants” appeared in the European media coverage, as well as in its own columns, French daily and national newspaper Le Monde choose to give a broad coverage to this complex topic. As a synthetic representation of complex geographic phenomena, maps are a powerful tool to transmit a message and represent the changing reality of migrations. But according to the sensitive political nature of migrations, maps are also to be realized giving a special attention to the choose of the frame, scale, colors and pictograms, to avoid a simplifying representation. In the practice of Le Monde infographic department, maps – especially those treating migrations topics – are the result of complex series of editorial choices, between statistical data and qualitative analysis.
- Hérodote a lu - Béatrice Giblin p. 233-236