Contenu du sommaire : Mémoires Europe-Asie

Revue 20 & 21. Revue d'histoire Mir@bel
Titre à cette date : Vingtième siècle, revue d'histoire
Numéro no 94, avril-juin 2007
Titre du numéro Mémoires Europe-Asie
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Mémoires Europe-Asie

    - introduit par Henry Rousso
    • Vers une mondialisation de la mémoire - Henry Rousso p. 3 accès libre
    • Le massacre de Nankin : mémoire et oubli en Chine et au Japon - Rana Mitter p. 11 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La polémique autour des événements qui se déroulèrent à Nankin pendant l'hiver 1937-1938 est devenue une pierre d'achoppement des relations sino-japonaises au 21e siècle. Cet article soutient que la capacité de la Chine et du Japon à dépasser la controverse actuelle ne dépend pas seulement d'exercices d'interprétation historique. Au contraire, le « devoir de mémoire » exige que les deux parties se demandent pourquoi les événements de 1937-1938 furent si longtemps dissimulés en Chine, et pourquoi émerge un nouvel enthousiasme parmi les Japonais qui demandent que leur rôle en Asie avant 1945 soit considéré comme positif. L'article examine en outre dans quelle mesure l'histoire du massacre fut éludée durant la guerre froide et, à partir des années 1980, la république populaire de Chine donna une priorité plus haute à la réunification avec Taiwan, cherchant ainsi une nouvelle source de légitimité politique après le déclin du maoïsme. Au Japon, la controverse sur les années de guerre fut à nouveau déclenchée par des enquêtes d'historiens et de journalistes de gauche, suscitant des réactions à droite. Le massacre de Nankin prit une nouvelle importance dans cette discussion alimentée par la construction du musée qui lui est consacré et par l'émergence, en Chine, d'un genre inédit de littérature sur le massacre. En reconnaissant publiquement les raisons pour lesquelles le massacre fut dissimulé pendant tant d'années, la transparence des Chinois sur la partialité de leur propre historiographie peut représenter un défi pour les Japonais qui faussèrent les points de vue sur un massacre qu'ils condamnent aujourd'hui à juste titre.
      The controversy over what happened in Nanjing in the winter of 1937-1938 has become a stumbling block in Sino-Japanese relationships in the 21th century. This article argues that the ability of China and Japan to move beyond the current controversy does not simply depend on exercises in historical interpretation alone. On the contrary, the “duty of memory” demands that both sides ask why in China the events of 1937-1938 were concealed for so long itself, and why there is such a new enthusiasm in Japan for claiming that their role in Asia before 1945 was a positive one. The paper examines to what extent the history of the massacre was eluded during the Cold War, and how, from the 1980s on, the People's Republic of China gave higher priority to the reunification with Taiwan, seeking in it a new source of political legitimacy after the decline of Maoism. In Japan, controversy over the war years was ignited again by investigations carried out by historians and journalists from the left, provoking reactions from the right. The Nanjing massacre gained a new prominence in this discussion, fuelled by the building of the Nanjing massacre memorial museum, and the development of a new genre of literature in China concerning the massacre. In acknowledging publicly the reasons why the massacre, and its context, were concealed from view for so long, the new Chinese openness about the partiality of their own historiography can be seen as a challenge to the Japanese who now rightly condemn their own biased views of the massacre.
    • Publier la revue Old Photos en Chine - Ding Dong p. 25 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La revue Old Photos, créée en 1996 afin de valoriser le patrimoine photographique chinois, connaît un réel succès et est aujourd'hui diffusée à quarante mille exemplaires. Parce qu'elle accorde autant de place à l'image qu'au texte, parce qu'elle éclaire le contexte dans lequel les clichés ont été pris et qu'elle entend retracer, à travers leur commentaire, le parcours des personnes photographiées, elle est beaucoup plus qu'une simple revue de photographies. C'est en réalité une publication à vocation historique qui s'efforce de contourner les contraintes auxquelles sont soumis les historiens chinois pour faire connaître de manière indépendante l'histoire de leur pays. En empruntant des chemins de traverse, en exposant indirectement les faits à l'occasion de récits biographiques, la Rédaction réussit à sortir du carcan de l'histoire officielle et préserve certains pans de la mémoire et de la vérité historiques. L'auteur conclut sur les limites de l'expérience tout en appelant à sa poursuite : l'exercice qui consiste à faire connaître une partie de l'histoire chinoise, aussi mince soit-elle, est indispensable.
      Old Photos, a journal created in 1996 that highlights China's photographic heritage is highly successful with a circulation of forty thousand. Because it grants as much place to images as to texts and it explains the context in which the photos were taken and seeks to relate the itinerary of the people who are photographed through its comments, it is much more than a simple photographic magazine. It is in reality a publication with a historical aim that strives to dodge the constraints Chinese historians are subjected to in order to transmit the country's history in an independent manner. By taking side paths and by relating facts indirectly through biographical accounts, the editors manage to get out of the straitjacket of official history and to preserve certain areas of historical memory and truth. The author acknowledges the limits of the experience while calling for its continuation: the exercise of making known even a tiny part of Chinese history is indispensable.
    • Regards sur la collaboration en Corée - Michael Kim p. 35 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article reconsidère la collaboration coréenne avec les Japonais dans la période coloniale (1910-1945) à la lumière de la collaboration de Vichy avec l'Allemagne nazie. Les historiens français ont soutenu que la collaboration vichyste émergea en partie d'une volonté de réformes au sein de la société française des années 1930, anticipant en un certain sens les transformations sociales d'après-guerre. Un regard similaire peut être posé sur la Corée coloniale. Des intellectuels coréens virent dans la guerre du Pacifique (1931-1945) l'occasion de réformer leur société et de créer un « Ordre nouveau » en Asie orientale. Plusieurs intellectuels éminents aspirèrent à établir l'égalité sur la péninsule et à jouer un rôle important dans la construction d'un Empire japonais multi-ethnique. Les collaborateurs, qui représentent l'ensemble du spectre idéologique, rationalisèrent leur coopération, espérant qu'une victoire japonaise aboutirait à la transformation radicale de la société coréenne. Ainsi, la logique de la collaboration en Corée coloniale ne peut être comprise sans considérer les différents courants intellectuels et la conscience d'une crise de l'ordre colonial.
      This article reconsiders collaboration of the Koreans with the Japanese during the colonial period (1910-1945) in light of the Vichy collaboration with Nazi Germany. French historians have defended the idea that the collaboration of the Vichy regime stemmed in part from a willingness of the French society of the 1930s to reform, anticipating in a way the social transformations in the post-war. Similar views can be held on colonial Korea. Korean intellectuals saw in the Pacific war (1931-1945) an occasion to reform their society and to create a “New order” in eastern Asia. Several eminent intellectuals aspired to establish equality in the peninsula and to play an important role in the construction of a multi-ethnic Japanese empire. The collaborationists, who were representative of the entire ideological spectrum, rationalized their cooperation, hoping that a Japanese victory would result in the radical transformation of Korean society. The logic of colonial Korean collaboration cannot thus be understood without taking into account the different intellectual points of view and the conscience of the crisis in the colonial order.
    • Collaboration au féminin : intellectuelles coréennes entre histoire et mémoire - Hyunsoog So p. 45 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article a pour but d'analyser comment la collaboration d'intellectuelles coréennes à la tête d'établissements d'enseignement à la fin de l'occupation japonaise a été perçue depuis la Libération. Kim Hwallan, Yi Sugjong, et Song Geumseon, qui consacrèrent leur vie à la promotion des droits et de l'éducation des femmes sont l'objet de débats historiques en raison de leurs activités collaborationnistes. Des années 1950 aux années 1980, les traces de leur collaboration pendant l'Occupation furent soit supprimées des archives officielles soit présentées comme le produit de la coercition japonaise. Après 1987, la démocratisation de la société coréenne s'accompagna d'une critique radicale de l'historiographie nationale et de la dénonciation des actes de collaboration sous l'occupation japonaise. Si, à partir du milieu des années 1990, la question de la collaboration de ces intellectuelles coréennes se cristallisa autour d'une opposition entre avocats valorisant leur rôle dans le mouvement féministe et accusateurs soulignant l'antinationalisme dont elles firent preuve sous l'Occupation, des études récentes changent de perspective, ouvrant la voie à des recherches nouvelles.
      This article aims to analyze how collaboration of Korean intellectuals women heads of educational institutions at the end of Japanese occupation has been perceived since the Liberation. Kim Hwallan, Yi Sugjong and Song Geumseon, who devoted their lives to the promotion of women's rights and education, are the subject of historical debates because of their collaborationist activities. From the 1950s to the 1980s, the traces of their collaboration during the Occupation were either erased from official records or presented as the product of the Japanese coercion. After 1987, the democratization of the Korean society was accompanied by a radical criticism of the national historiography and the denunciation of acts of collaboration under Japanese occupation. If, from mid-1990s, the question of the collaboration of these Korean intellectuals women focused on the opposition between advocates promoting their role in the feminist movement and opponents underlining the antinationalism they showed under the Occupation, recent studies are changing perspective, opening up the way for new researches.
    • La nouvelle bataille des Falaises rouges ? A propos du manuel commun "Chine - Corée - Japon" - Alain Delissen p. 57 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 2002, l'agrément donné au Japon à un nouveau manuel d'histoire ouvertement révisionniste déclenche chez ses voisins une vague de protestation et de polémiques si puissante qu'elle semble mettre à mal une décennie réussie d'« intégration de l'Asie orientale ». Certes, cette notion qui fait florès entre Chine, Corée et Japon relève de plusieurs régimes de fonctionnement. Elle renvoie à des faits actuels bien ancrés, un projet politique futuriste, des ébauches sectorielles d'intégration, un thème récurrent du discours politique. Dans ce dispositif et dans cette conjoncture, l'histoire est appelée à jouer un rôle clé : facteur de blocage fréquemment invoqué au nom d'« un passé qui ne passe pas », on lui intime de se dépasser afin d'« ouvrir le futur ». C'est du moins le titre dont s'est doté en 2005 un manuel d'histoire moderne de l'Asie orientale, élaboré en commun et publié simultanément en trois langues par des chercheurs et enseignants des trois pays. À partir de deux idées principales (l'achèvement en cours de trois trajectoires nationalistes ; une sortie de guerre ratée en 1945), il s'agit dans cet article d'éclairer les conditions géopolitiques qui ont guidé le projet de manuel « alternatif » CJK (China, Japan, Korea). Le contenu, consacré pour l'essentiel aux troubles et aux tragédies du 20e siècle, sera décrit dans le menu de ses thèmes, références, sujets tabous et dispositifs rhétoriques. L'exploration parallèle des modalités sociales et institutionnelles de sa réalisation permettra enfin d'esquisser une première étude d'impact : au final, les conditions d'accueil par le grand public et d'insertion pédagogique dans les écoles de Chine, de Corée et du Japon sont-elles bien comparables ?
      In 2002, the permission given in Japan for a new, openly revisionist history textbook has set off such a powerful wave of protest and polemics among its neighbors that it seems to be jeopardizing a successful decade of “integration of East Asia”. This productive notion in China, Korea and Japan functions on several levels. It goes back to real and well-anchored facts, a futuristic political project, and sectorial attempts at integration, a recurrent theme of political discourse. In this arrangement and this period, history was called on to play a major role: often considered as an obstructive factor invoked in the name of “a past that doesn't pass”, history is called upon to go beyond itself to “open the future”. At least that is the title of the 2005 East Asian modern history textbook, prepared jointly and published simultaneously in three languages by scholars and teachers of the three countries. The two main ideas (the ongoing conclusion of three nationalist paths and a failed way out of war in 1945) are the basis for an analysis of the geopolitical conditions framing the CJK (China Japan, Korea) “alternative” textbook project. The content essentially focuses on the troubles and tragedies of the 20th century and will be described in detail in its themes, references, taboos and rhetorical choices. The parallel exploration of the social and institutional modalities of its publication will lead to a first impact study: in the end, can one compare the way the general public receives it and its pedagogical acceptance in the schools in China, Korea and Japan?
    • Le manuel franco-allemand d'histoire : une entreprise inédite - Etienne François p. 73 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis l'été 2006, les lycéens français et allemands des classes de terminale ainsi que leurs professeurs ont à leur disposition un manuel d'histoire rédigé en commun par des historiens des deux pays, au contenu rigoureusement identique et en même temps conforme aux programmes en vigueur dans les deux pays. Quelles sont les origines et les finalités de cette entreprise ? Quels facteurs l'ont rendue possible ? Quels défis a-t-il fallu relever pour arriver à ce résultat ? Quelle est enfin la portée historique, didactique et politique de cette première mondiale ? Telles sont les questions auxquels l'article entreprend de répondre. Pour ce faire sont successivement envisagées la genèse du projet (40e anniversaire du traité de l'Élysée en 2003), les initiatives politiques et administratives préalables au travail proprement dit, l'élaboration du cahier des charges par un comité de pilotage paritaire, la préhistoire de ce projet et les conditions institutionnelles qui l'ont rendu possible (tentatives précédentes, partenariats multiples entre historiens français et allemands), les difficultés et défis survenus en cours de rédaction du manuel – difficultés et défis qui tiennent non tant à des conflits sur l'interprétation du passé qu'à des différences profondes sur les modes de rapport au passé et les manières d'enseigner l'histoire –, les réponses, enfin, qui leur ont été apportées.
      Since the summer of 2006, high school students in their final year of study in France and Germany as well as their teachers have had at their disposal a textbook for history, jointly written by historians from both countries, which content is strictly identical while at the same time in conformity with both syllabus. What were the origins and purposes of this joint enterprise? What factors made it possible and what affected the outcome? And, finally, what is the historical, didactic and political significance of the first ever attempt ? These are the questions this article seeks to answer. To do so involves reconstructing the genesis of the project (during the 40th anniversary celebrations of the Franco-German Treaty in 2003), the political and administrative work before the project could begin, the development of a frame of reference by a joint steering committee, the pre-history of the project and the institutional conditions which made it possible (e.g., earlier initiatives, multiple partnerships between French and German historians). It also involves consideration of the difficulties and challenges arising during the textbook writing, not so much from profoundly different interpretations of the past, but from very different ways of writing about and teaching history.
    • Günter Grass et la Waffen-SS : la mémoire maudite d'un prix Nobel allemand - Thomas Serrier p. 87 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Devançant de quelques jours la publication de sa nouvelle autobiographie Beim Häuten der Zwiebel (En épluchant les oignons), Günter Grass, prix Nobel de littérature 1999, a créé la sensation en révélant, dans un entretien accordé au Frankfurter Allgemeine Zeitung le 11 août 2006, qu'il avait servi dans la Waffen-SS à la fin de la seconde guerre mondiale, contrairement au récit flou et édulcoré qu'il avait jusqu'alors fait de son expérience du front. Les débats intenses que ces aveux tardifs et embarrassés ont suscités en Allemagne et à l'étranger ont d'une part pris la forme d'un retour complexe sur la spécificité de la Waffen-SS en 1945. Ils ont d'autre part mis l'accent sur le long délai de ce refoulement et sur le paradoxe essentiel de la vie et de l'œuvre littéraire et politique de Grass, combinant un mensonge d'une durée de soixante ans et un engagement inlassable pour faire advenir la parole sur le Troisième Reich et assumer tout le passé nazi. Si cette affaire, à partir du cas individuel d'une personnalité centrale des débats publics allemands, montre le poids du traumatisme de la honte propre à cette génération, elle est aussi l'occasion d'une réinterprétation nuancée de la gestion allemande de la mémoire du nazisme depuis 1945.
      On August 11, 2006, just a few days before the publication of his new autobiography, Beim Häuten der Zwiebel (Peeling the Onion), Günter Grass, the 1999 winner of the Nobel Prize in literature, dramatically revealed, that he had served in the Waffen-SS during the last months of World War 2, in an interview published in the Frankfurter Allgemeine Zeitung. This was in complete contradiction with the somewhat vague and toned down he had previously painted of his experiences during the war. The intense discussions that these late and uneasy confessions have started in Germany and elsewhere have raised two different questions. On the one hand, the debate has led to a complex questioning about the specific nature of the Waffen-SS in 1945. On the other hand, it has highlighted the length of time it has taken for this repressed memory to come to the fore and the essential paradox of the life, literary and political work of Günter Grass which combined a sixty years lie with a tireless crusade for the truth about the Third Reich and the Nazi past of his country. This affair, which concerns someone who has been central to public debate in Germany on this question, has had two important outcomes: it shows how heavily the trauma of shame lies on the shoulders of this generation and it also provides the occasion for a balanced re-interpretation of the way in which Germany has managed the memory of Nazism since 1945.
    • Le Goulag contre la Shoah : mémoires officielles et cultures mémorielles dans l'Europe élargie - Emmanuel Droit p. 101 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article entend mettre en lumière le « rideau de fer mémoriel » entre l'Europe occidentale et l'Europe postsocialiste. D?un côté, l'extermination des juifs constitue en Occident le crime le plus abominable dans l'échelle des horreurs du 20e siècle, si bien qu?Auschwitz est devenu depuis la fin des années 1970 le symbole du mal absolu. De l'autre, les anciens pays du bloc de l'Est, et plus particulièrement les candidats à l'entrée dans l'Union européenne, mettent en avant la mémoire douloureuse de l'occupation soviétique. Le poids de la mémoire de la Shoah est critiqué par les Européens de l'Est qui pensent que les Occidentaux relativisent les crimes du communisme. En retour, les Occidentaux dénoncent l'antisémitisme des Européens de l'Est. Sous la pression de l'Union européenne, de nombreux pays d?Europe de l'Est ont entamé une phase d?anamnèse. Toutefois, en dépit d?une politique officielle visible, la place de la Shoah dans la mémoire collective des sociétés civiles de ces pays est encore limitée. Au sein même de l'ancien bloc de l'Est, les anciennes républiques soviétiques proches de la Russie continuent de célébrer la « Grande Guerre patriotique » et d?occulter plus ou moins le travail de mémoire sur la Shoah. Ce dialogue de sourds entre Europe de l'Ouest et Europe de l'Est est une réalité durable. C?est pourquoi des intellectuels comme Jorge Semprun appellent à la reconnaissance mutuelle des mémoires de la Shoah et du Goulag, base d?une future mémoire européenne.
      This article sheds light on the Iron Curtain which divides collective memory in Western Europe and postsocialist Europe. In Western Europe, the extermination of the Jews during World War 2 represents the most abominable crime on the scale of 20th-century horrors, to such an extent that since the end of the 1970s Auschwitz has become a symbol of absolute evil. However, in the former Soviet countries, and especially those who are currently European Union candidate countries, the stress is put above all on the very painful memory of Soviet occupation. Eastern Europeans are critical of the weight given to the memory of the Shoah as they believe that Western Europeans minimize the crimes of communism in relation to the extermination of the Jews. In return, Western Europeans denounce Eastern European anti-Semitism. Under pressure from the European Union, many Eastern European countries have begun a phase of anamnesis. However, in spite of official policy, collective memory of the Shoah among civil society in these countries is still limited. Within the former communist bloc the former Soviet republics which remain close to Russia continue to celebrate the ?Great Patriotic War? masking attempts to cultivate collective memory of the Shoah. This dialogue of the deaf between Western and Eastern Europe is a enduring reality. It is for this reason that intellectuals like Jorge Semprun are calling for the establishment of a mutual recognition of memories of both the Shoah and the Gulag throughout Europe which would serve as a basis for a future common European memory.
    • Point de vue - Une histoire très catholique ? Révisionnisme et orthodoxie dans l'historiographie irlandaise - David Fitzpatrick p. 121 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le révisionnisme, dans cet article, désigne une tendance à défier les approches orthodoxes de l'écriture de l'histoire. Dans les deux Irlande comme ailleurs, les principales sources qui peuvent imposer une orthodoxie aux historiens sont l'État, les universités, la pression des pairs et la demande du public. Ces sources opèrent par différentes instances (contrôle des programmes scolaires, attribution de subventions de recherches, etc.), qui sont souvent entrées en conflit les unes avec les autres, conduisant des orthodoxies rivales à être promues par l'État et les universités, les chercheurs et les manageurs, ou par des historiens amateurs ou professionnels. Cependant, en Irlande, les instances étatiques ont réussi, de manière alarmante, à promouvoir des formes d'histoire qui attirent à la fois le public intéressé et de nombreux historiens. Des modèles orthodoxes y ont affecté la pratique de l'histoire dans tous ses aspects. Le révisionnisme, parce que réactif, est intrinsèquement moins susceptible que l'orthodoxie de se conformer à une quelconque idéologie cohérente ou un quelconque programme politique, bien que certains groupes de révisionnistes irlandais aient consciemment valorisé des alternatives systématiques dans les premières phases de leur carrière. La résistance révisionniste a souvent été effective, dans le sens où les universitaires prêchant et enseignant l'« objectivité » ont sapé les formes les plus sommaires d'une histoire nationaliste promue par l'État, alors que (plus récemment) des « postrévisionnistes » soutenus par l'État ont miné l'ascendant des critères objectifs, dans de nombreuses universités et dans le domaine public. Dans de tels cas, le succès va à l'encontre du but recherché : le révisionnisme d'hier devient orthodoxie de demain. Un révisionnisme durable est peut-être seulement possible au prix d'une distanciation vis-à-vis de l'État, des universités, de ses pairs et du public.
      “Revisionism”, in this paper, denotes a tendency to challenge orthodox approaches to the writing of history. In the two Irelands, as elsewhere, the major potential sources for imposing orthodoxy on historians are the state, the universities, peer pressure, and public demand. These have operated through various agencies (control of the school curriculum, state funding of research, etc.), which have often conflicted with each other, leading to rival orthodoxies being promoted by the state and the universities, scholars and managers, or professional or amateur historians. In contemporary Ireland, however, state agencies have been alarmingly successful in promoting forms of history that appeal both to the interested public and to many historians. Orthodox models have affected Irish historical practice in every aspect. Revisionism, being reactive, is intrinsically less likely than orthodoxy to conform to any coherent ideology or political agenda, although some groups of Irish revisionists have self-consciously promoted systematic alternatives in early phases of their careers. Revisionist resistance has often been effective, in the sense that academics preaching and teaching “objectivity” have undermined the cruder forms of state-sponsored nationalist history, while (more recently) state-sponsored “post-revisionists” have undermined the ascendancy of objective standards in many universities and in the public domain. In such cases, success proves self-defeating as yesterday's revisionism is transformed into tomorrow's orthodoxy. Lifelong revisionism is perhaps only feasible at the cost of alienation from the state, the universities, one's peers, and the public.
    • Senghor et l'ouverture culturelle de la RFA en 68. Pour une histoire transnationale - Allemagne - France - Afrique - Jakob Vogel p. 135 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'attribution du prix de la paix par l'Association des libraires allemands (Börsenverein) à Léopold Sédar Senghor en 1968 devait, selon la volonté des organisateurs, symboliser l'ouverture de la politique culturelle de l'Allemagne de l'Ouest à l'égard du continent africain et des anciennes colonies européennes. L'implication de Senghor dans les protestations étudiantes au Sénégal en mai 1968 conduisit néanmoins à ce que le mouvement étudiant allemand et l'Union des étudiants allemands socialistes (Sozialistischer deutscher Studentenbund, SDS) profitèrent de la manifestation à l'église Saint-Paul de Francfort pour organiser des protestations massives contre le président sénégalais. Cette étude examine les réseaux transnationaux qui, aussi bien du côté des partisans de la distinction que de celui de ses opposants, influencèrent la réception de Senghor et de la culture d'Afrique noire dans les années 1950 et 1960. Ainsi se révèle le rôle important joué par les relations avec la France à cette époque pour forger l'image du poète tout comme généralement du continent africain dans l'opinion publique allemande. Les liens étroits qui lièrent la jeune République fédérale et la France au niveau des politiques culturelles soulignent la nécessité de nuancer le concept d'« occidentalisation » de l'Allemagne de l'Ouest après 1945, concept généralement associé dans les débats historiques aux échanges avec les États-Unis et le monde anglo-saxon. Ainsi, l'exemple étudié ici souligne une fois de plus l'importance d'une approche transnationale plus large pour la compréhension de l'histoire contemporaine allemande après 1945.
      The awarding of the peace-award by the union of German editors and booksellers (Börsenverein) to Léopold Sédar Senghor in 1968 should have, according to the organizers, symbolize the opening of West-Germany cultural politics towards the African continent and the former European colonies. However Senghor's role in the student uprisings in Senegal in May 1968 gave rise to a massif protest campaign organized by the German student movement and the Union of German socialist students (Sozialistischer deutscher Studentenbund, SDS) against the Senegalese president on the occasion of the awarding in Frankfurt's Paulskirche in September 1968. The article analyses the transnational networks that shaped the perception of Senghor and the black African culture in the 1950s and 1960s in Germany among both the supporters and the opponents of the distinction. It reveals the important role played by the relationship with France during this period to forge the image of the poet and, more generally, of the African continent in the German public opinion. The strong ties that united the young Federal Republic to France on the level of cultural policies underline the necessity to qualify the concept of the “westernization” of West-Germany after 1945 which is usually associated in the historical debates with the exchanges with the US and the Anglo-Saxon world. The case studied here thus underlines once more the importance of a broader transnational approach for understanding of Germany's contemporary history after 1945.
    • Carl Peters et l'Afrique orientale allemande : entre mythe, littérature coloniale et prussianisme - Constant Kpao Sarè p. 149 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Étudiant la littérature coloniale allemande (romans, biographies romancées, chants, essais, pièces de théâtre, films, etc.) publiée entre 1884 et 1945, cet article montre comment des propagandistes völkisch et nationaux-socialistes ont eu recours au prussianisme pour réhabiliter le personnage controversé de Carl Peters. Plus d'un siècle après son débarquement théâtral en Afrique orientale allemande (actuelle république de Tanzanie), les souvenirs des populations de ce pays restent encore vivaces sur les actes du « conquistador Hanovrien », comme en témoigne un site Internet officiel tanzanien : Carl Peters, l'« homme qui a du sang sur les mains » (mikono wa damu), est le commissaire du Reich qui fit pendre sa concubine et son valet, les soupçonnant d'entretenir une relation amoureuse.
      Looking at German colonial literature (novels, historical fiction, songs, essays, plays, films, etc.) published between 1884 and 1945, this article shows how völkisch and national-socialist propagandists resorted to prussianism to rehabilitate the controversial figure of Carl Peters. More than a century after his dramatic arrival in German East Africa (present Republic of Tanzania), memories of this country's populations concerning the “Hanoverian conquistador's” actions remain vivid, as an official Tanzanian Internet site points out: Carl Peters, the “Man with Blood on his Hands” (mikono wa damu), is the Reich's commissary who had his concubine and servant hanged because he suspected them of having an affair.
    • Un vichyste en Résistance, le général de La Laurencie - Johanna Barasz p. 167 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Représentant du régime en zone occupée pendant quelques mois, fidèle soutien du maréchal Pétain et convaincu de sa destinée de chef de la Résistance, le général de La Laurencie relève de la catégorie des vichysto-résistants : des résistants actifs dont l'expérience vichyste (celle de soutiens effectifs de l'État français) marque l'identité résistante. Retracer l'itinéraire du général de La Laurencie peut contribuer, d'une part, à clarifier l'idéal-type vichysto-résistant et, d'autre part, à mettre en lumière le défi que ces hommes posèrent à l'ensemble de la Résistance. Rejeté par Vichy en raison de son anglophilie et de son opposition à Darlan, La Laurencie nourrit de grandes ambitions, alimentées par certains chefs de la Résistance de zone Sud qui l'imaginèrent un temps en porte-drapeau. S'il ne fut sans doute pas, aux yeux des dirigeants des États-Unis, l'alternative à de Gaulle qu'on a parfois décrite, il reçut incontestablement des fonds d'origine américaine et rechercha le soutien des Anglo-Américains, afin de prendre la tête d'un gouvernement pro-allié. Son échec, largement imputable à son engagement dans un rapport de force avec la France libre qui tourna vite à l'avantage des gaullistes, est à la fois source et symptôme d'une première cristallisation de l'identité de la Résistance au tournant de l'année 1941-1942. « L'affaire La Laurencie » est en effet rapidement devenu un topos du discours gaulliste de la Résistance, dans lequel elle incarne « le prélude à l'affaire Giraud ».
      As a representative of the Vichy regime in the occupied zone for a few months, a faithful supporter of Marshal Pétain and convinced of his destiny as a Resistance leader, General de La Laurencie belongs to the category of “vichysto-résistants”. This defines active Resistance members whose role in Vichy (effective support for the French State) gives a particular character to their identity as Resistance members. General La Laurencie's biography contributes, on the one hand, to clarify the definition of the “vichysto-résistant” type, and on the other hand, to highlight the challenge these men posed to Resistance identity as a whole. Rejected by the Vichy government as an anglophile and an opponent of Darlan, La Laurencie had great ambitions which were encouraged by some of the Southern zone Resistance leaders who saw him, for a while, as a potential standard bearer. Although in the eyes of the United-States Administration he was probably not an alternative to de Gaulle as it is sometimes suggested, he undoubtedly received American funds, and actively sought support from the Anglo-Americans to become leader of a French pro-Allies government. He failed, largely due to his power struggle with the Free France – an unbalanced battle he very quickly lost. This failure was both a source and a symptom of the early crystallization of Resistance identity, during the years 1941-1942. The “La Laurencie affair” rapidly became part of Gaullist Resistance discourse in which it embodied the prelude to the “Giraud affair”.
    • L'impossible pérennité de la police républicaine sous l'Occupation - Jean-Mard Berlière p. 183 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans une histoire des rapports entre police et pouvoir, l'exemple de l'Occupation représente un cas limite. Quelle était la meilleure façon de « servir » ? L'étude des multiples alternatives (servir les intérêts patriotiques ou professionnels, la morale ou le droit, une éthique ou la loi, servir pour mieux donner le change et œuvrer pour la Résistance) dans des circonstances qui rendent l'exercice de l'autorité plus que jamais ambigu et délicat, ouvre des perspectives sur une autre histoire du politique, une autre histoire de l'État et une autre histoire de l'administration. Elle permet également d'éclairer le poids des cultures professionnelles, mais aussi le souci récurrent d'autonomie de l'institution et des policiers dont on perçoit mieux les enjeux et le prix.
      In a history of police-power relationships, the example of the Occupation stands as an extreme case. What was the best way to “serve”? Studying the many alternatives (serve patriotic or professional interests, morality or law, a code of ethics or the law, serve to allay suspicion and work for the Resistance) in circumstances that make the exercise of authority more ambiguous and delicate than ever, opens horizons on another history of politics, another history of the State and another history of the administration. It also makes it possible to look at the weight of professional cultures but also the recurrent concern for institutional and officers autonomy and to see its stakes and the price more clearly.
    • Les implications politiques du ravitaillement en France sous l'Occupation - Fabrice Grenard p. 199 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les problèmes du ravitaillement s'imposent comme une évidence lorsque l'on évoque les difficultés matérielles sous l'Occupation. Pourtant, les questions liées au ravitaillement apparaissent le plus souvent strictement confinées au cadre de la vie quotidienne, bien qu'elles constituèrent un enjeu politique essentiel sous l'Occupation. Ainsi, alors que le système du ravitaillement pouvait au départ incarner la promesse d'une répartition plus égalitaire des ressources, l'échec de Vichy en la matière (insuffisance des rations, essor du marché noir) fragilisa considérablement le régime. Dès le début de l'année 1941, la crise du ravitaillement constitua l'un des facteurs déterminants du processus de détachement de l'opinion du régime. Conscient de l'enjeu essentiel qu'elle représentait, Vichy tenta pourtant de gagner la « bataille du ravitaillement » en mobilisant des moyens considérables et en adoptant une profonde réorganisation du système mis en place à l'automne 1940. Mais le retour au pouvoir de Pierre Laval et sa volonté de satisfaire des prélèvements allemands en forte augmentation à partir de l'été 1942 entraînèrent la faillite définitive du ravitaillement, qui apparut de plus en plus, aux yeux de l'opinion, comme un instrument au service de l'occupant.
      The problem of supplies is central to any discussion on material difficulties in France during the Occupation, it goes without saying that the question of how supplies and rationing were maintained is a central one. However, questions linked to the issue of supplies seem most often to focus merely on the daily life of citizens whereas, in reality, they were a key political issue during the Occupation. Thus, although initially the supply system embodied the promise of a more equitable distribution of resources, Vichy's failure to deliver on this (shortage of rations, rise of the black market) considerably weakened the regime itself. From the beginning of 1941, the crisis in the provision of supplies became one of the most decisive factors in the detachment of public opinion from the regime. Aware that this question was of critical importance, Vichy tried to win “the supplies battle” by mobilizing substantial resources and by significantly reorganizing the system put in place during the 1940 autumn. However, the return of Pierre Laval to power and his wish to satisfy the Germans' supply needs – which increased substantially from summer 1942 – led to a definitive failure of the supplies system which increasingly appeared in the eyes of public opinion to be an instrument at the service of the occupying forces.
    • Les communistes et les massacres du Constantinois (mai-juin 1945) - Alain Ruscio p. 217 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au rang des grands points d'interrogation de l'histoire des massacres de mai 1945 figure l'attitude des communistes, français et algériens. L'auteur posera deux questions historiques, certes liées entre elles, mais qu'il vaut mieux distinguer pour la clarté de l'exposé. Les communistes ont-ils bien saisi la nature de ce drame, l'ont-ils analysé pour ce qu'il était, un crime colonial ? On sait bien que non. Une étude de la presse communiste, dont celle, jour par jour, de L'Humanité entre mai et décembre 1945, permettra de rappeler les étapes de ces prises de position. Ont-ils sciemment participé, voire ordonné, les bombardements, comme l'affirment certains avec insistance depuis soixante ans ? Grâce à l'accès, aujourd'hui facile, aux archives du parti communiste français, l'auteur apportera quelques éléments d'information nouveaux.
      One of the major question marks surrounding the history of the May 1945 massacres is the attitude of French and Algerian communists. The author poses two historical questions, of course interconnected, but that are better left separated for the clarity of the discussion. Did the communists really grasp the nature of this tragedy, did they analyze it for what it was, that is a colonial crime? Of course not. A study of the communist press including that of L'Humanité day by day between May and December 1945, reminds of the stages of these stands. Did they consciously participate in, and even order, the bombings as some people have insistently put forward over the last sixty years? Thanks to today's easy access to the French communist party's archives, the author will bring some new pieces of information.
    • Enjeu - "Remettre l'éducation à la une des journaux" : bilan des années Allègre (1997-2000) - Yann Forestier p. 231 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La volonté de Claude Allègre d'animer le débat scolaire dans le but de conduire des réformes ambitieuses a été mise à l'épreuve lors de la genèse de la réforme des lycées (1998-1999). Renonçant à profiter de la dynamique créée par la consultation préliminaire et négligeant les soutiens qu'il aurait pu trouver, il a laissé les adversaires de la réforme définir les termes du débat. Développant la dénonciation d'un complot « pédagogiste » qui préparerait la destruction de l'institution scolaire, leur discours a fourni à l'opposition multiforme rencontrée par Claude Allègre un fondement idéologique qu'on peut désigner sous le nom d'« antipédagogisme ». C'est ainsi qu'une querelle séculaire, appelée à orienter durablement l'appréciation des questions éducatives par la société civile et les gouvernants, a été réactivée à la faveur des affrontements entre le ministre et ses adversaires. Or, fondée sur un mythe, la doxa antipédagogiste, abondamment médiatisée, obscurcit les débats scolaires et contribue un peu plus à la paralysie du système.
      Claude Allègre's determination to work towards ambitious education reforms was tested during the genesis of the high school reform (1988-1999). Refusing to take advantage of the dynamics created by the preliminary consultation and neglecting the support he could have received, he allowed reform opponents to define the terms of the debate. Their discourse, developing the denunciation of a “pedagogist” plot that supposedly was preparing the destruction of the school institution, provided the many-faceted opposition Claude Allègre encountered with an ideological basis that can be designated as “antipedagogism”. Thus an age-old quarrel, promised to orient in a lasting way the assessment of educational questions by the civil society and the authorities, was reactivated thanks to clashes between the minister and his opponents. However based on a myth, the abundantly publicized antipedagogist point of view obscured the school debates and contributed a little more to the system's paralysis.
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