Contenu du sommaire : Cafés et caféiers

Revue Etudes rurales Mir@bel
Numéro no 180, 2007
Titre du numéro Cafés et caféiers
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction : Matières, itinéraires et imaginaires de la mondialisation - Bernard Charlery de la Masselière p. 9 accès libre
  • Topiques

    • Sur les chemins des caféiers - Fabrice Pinard p. 15-34 accès libre avec résumé
      Originaire d'Afrique tropicale, le café, plante et boisson, a conquis la planète à partir du XVII siècle. C'est aujourd'hui une des matières premières les plus consommées au monde, encore largement produite, sur un mode traditionnel, par la petite paysannerie du tiers-monde, sous la contrainte de la libéralisation et des aléas du négoce international. Mis en difficulté après des crises récentes, le secteur « café » tente d'évoluer pour s'adapter à une demande moderne tournée vers la qualité. Sur des bases biologiques et agronomiques solides, la production se voudrait aujourd'hui plus respectueuse de l'environnement, économiquement équitable, pour un produit plus riche en saveur. Le défi est d'envergure, scientifiquement possible, mais sans doute difficile à relever pour les communautés de petits planteurs.
    • Café des montagnes, café des plaines - François Bart p. 35-48 accès libre avec résumé
      Cette courte synthèse évoque la diversité des paysages de la caféiculture mondiale dans un contexte marqué, non seulement par la dualité café d'altitude (Arabica)-café des basses terres (Robusta) mais aussi par des enjeux où interfèrent différentes questions : celle de la dimension patrimoniale de cette activité, celle de la modernisation des techniques et celle d'une demande croissante en produits de qualité spécifique. Après un bref rappel de la complexité des contextes de la caféiculture contemporaine, plusieurs exemples sont abordés, en Afrique (Éthiopie, Tanzanie, Kenya), en Asie-Océanie (Inde, Vietnam, Timor) et en Amérique latine (Costa Rica, Nicaragua, Brésil).
    • La conquête du monde tropical par la caféiculture - Jean-Christian Tulet p. 49-68 accès libre avec résumé
      L'expansion de la caféiculture est somme toute relativement récente. Elle a débuté à la fin du Moyen Âge, depuis son foyer africain d'origine. Cette diffusion a suivi des systèmes de production très différents, avant la montée en puissance de la caféiculture paysanne à partir de la seconde moitié du XIX siècle. Tout au long de son histoire, la caféiculture est devenue une des activités majeures du monde rural tropical, suscitant la mise en place de sociétés spécialisées, souvent très dynamiques. Cette expansion a souvent été l'objet d'incitations au niveau national, sans que l'on puisse toujours observer une relation directe avec une hausse des prix sur le marché international. Bien entendu, les périodes de chute des cours, fréquentes et parfois particulièrement graves, entraînent des reclassements importants dans la hiérarchie des pays producteurs.
  • Sociétés

    • Planteurs et plantations : Le système de l'exploitation caféière en Amérique latine - Denise Douzant-Rosenfeld, Pernette Grandjean p. 69-84 accès libre avec résumé
      L'exploitation caféière en Amérique latine est abordée ici suivant une démarche systémique, en se basant sur un certain nombre d'exemples représentatifs où le planteur joue le premier rôle. L'unité de production de Don José, suffisamment banale pour constituer un prototype de l'exploitation familiale tournée vers le marché mondial, sert à saisir les éléments en interaction, la logique de fonctionnement et les dynamiques à l'oeuvre. D'autres configurations sont ensuite appréhendées, en particulier la plantation de type « entreprise agricole ». L'étude des ajustements multiples, dans le temps et dans l'espace, débouche sur la notion de « seuils », seuils d'ordres différents qui nous semblent plus opérationnels pour comprendre l'évolution des systèmes caféiers que la seule taille des exploitations ou qu'une analyse centrée uniquement sur la répercussion des prix du café.
    • L'impact social de la caféiculture en Tanzanie du nord - Catherine Baroin p. 85 accès libre avec résumé
      En Tanzanie du Nord, l'essor de la caféiculture a, en un siècle, eu un impact considérable sur les sociétés paysannes. En effet, cet essor a contribué à la modernisation de ces sociétés. Ce processus a associé l'enrichissement des caféiculteurs, la valorisation de l'éducation, l'implantation, plus ou moins rapide, du christianisme ; il a vu naître de nouvelles élites et se politiser les « tribus » circonscrites par l'administration coloniale. L'ensemble de ces phénomènes a mené aux luttes pour l'indépendance. Les grands traits de cette histoire sociale sont retracés ainsi que ses différentes modalités qu'expliquent les spécificités de chacune des quatre ethnies considérées : les Haya, les Chaga, les Arusha et les Rwa, encore connus sous le nom de Meru.
    • Women in the coffee society: the case of Nyeri, Kenya - Patrick Mbataru p. 101-116 accès libre avec résumé
      Une société se construit sur des normes, des pratiques, des orientations morales et physiques, qui mettent en jeu toute une série de symboles, cette structure constituant un mode particulier d'existence. Dans toute société, un glissement dans la répartition du rôle économique entre les hommes et les femmes traduit un glissement dans le mode d'existence. Après une crise économique et sociale se posent des questions sur les conflits de genre et sur les tensions qui existent entre les jeunes et les vieux. Ces questions portent sur l'émergence d'un nouveau capital social et économique ainsi que sur la réorganisation du territoire. Cet article explore les conflits de genre dans une économie caféière en mutation.
    • Café, développement et autochtonie en Nouvelle-Cadédonie - Isabelle Leblic p. 117-130 accès libre avec résumé
      En Nouvelle-Calédonie, l'histoire de l'implantation du café ne peut être dissociée de celle de la colonisation. L'administration coloniale a d'abord fait venir les colons pour leur faire planter du café, et ce au détriment des populations kanak qui subissaient les spoliations foncières du grand cantonnement. Puis, dans une volonté d'intégrer les Kanak dans l'économie de marché, cette même administration a favorisé le développement, en milieu tribal, de caféries sous ombrage avant de procéder à « l'opération café » visant à planter du « café soleil ». Aujourd'hui, essayant de tirer les leçons du passé, la province Nord mène une politique de relance de la caféiculture, qui tient compte de l'organisation sociale et foncière kanak. En effet, l'analyse des échecs des différentes tentatives précédentes ne peut se faire qu'à la lumière des caractéristiques propres à la société kanak (opposition plantes autochtones/plantes allochtones, représentations du travail, représentations en matière de développement/sous-développement).
    • A true story of coffees magendo through mount elgon (Uganda) - Bob Nakileza p. 131-136 accès libre
  • Pouvoirs

    • Café et pouvoir en Amérique centrale - Noëlle Demyk p. 137-154 accès libre avec résumé
      La caféiculture se développe en Amérique centrale à partir du milieu du XIX siècle. Les oligarchies foncières jettent alors les bases, politiques et sociales, de l'économie agro-exportatrice qui caractérise l'insertion de ces pays dans l'économie mondiale. L'article explore les relations qui existent entre les logiques de pouvoir, leurs temporalités et la construction des systèmes caféiers, notamment au Guatemala, au Salvador et au Costa Rica, où l'État caféier oligarchique se maintient jusqu'aux années 1970. Une première partie étudie les structures agraires et les systèmes de production caféiers, mis en place entre 1850 et 1900, et met en évidence l'opposition entre deux types de sociétés : l'une fondée sur le pouvoir pur, la coercition exercée sur la main-d'oeuvre indienne ; l'autre fondée sur l'autorité légitime. La seconde partie, qui analyse brièvement les crises du XX siècle, montre les transformations et, finalement, la perte de pouvoir des élites caféières traditionnelles au profit d'élites entrepreneuriales diversifiées, associées au capital multinational.
    • Le café au Togo : Chronique d'une émergence de la modernité rurale (1920-1960) - Benoît Antheaume p. 155-170 accès libre avec résumé
      Le café au Togo est particulièrement représentatif de l'émergence de la modernité rurale au début du XX siècle, et ce malgré un écosystème favorable restreint et une production devenue aujourd'hui insignifiante au plan mondial. Les archives coloniales officielles révèlent les préoccupations de l'administration. L'information est toujours classée selon quelques critères limités mais traités de façon récurrente entre les années 1920 et 1960 : le café, son introduction et la progression des plantations, le développement d'un petit capitalisme rural endogène, l'évolution du droit foncier, les migrations de travail nécessaires à l'extension des plantations de café et, enfin, l'insertion du Togo dans l'économie-monde, compte tenu des fluctuations des prix du café qui ont toujours dépendu du marché mondial ou d'une frontière locale.
    • Rôle politique de la caféiculture au Rwanda - Laurien Uwizeyimana p. 171-186 accès libre avec résumé
      L'introduction d'une innovation dans une société s'accompagne d'une modification des rapports de pouvoir et donc d'un bouleversement de l'ordre social. En s'appropriant la nouveauté, les catégories sociales défavorisées profitent de l'occasion pour renégocier leur statut dans la société, au besoin par la violence. Au Rwanda, la plante exogène qu'est le caféier a été introduite par les colons belges dans la polyculture paysanne précisément au moment où prévalait un ordre social inégalitaire : Hutus et Tutsis cohabitaient en effet dans un équilibre fragile, les Tutsis occupant une position hiérarchique avantageuse. En grande partie grâce aux revenus de la caféiculture, les Hutus seront en mesure de contester leur infériorité sociale, d'où le cycle de violences qui dure depuis près de cinquante ans.
  • Marchés

    • The world behind the world coffee market - Wim Pelupessy p. 187-212 accès libre avec résumé
      Les liens entre la production du café dans les pays en voie de développement et sa consommation dans les pays développés ont été l'objet de tensions fréquentes. Nous recourons ici à une approche qui rend compte, de manière globale, de la chaîne production-consommation pour analyser ces problèmes et proposer des solutions. Les déséquilibres sur les marchés internationaux de crédits spot résultent de l'accès facile à la production et au commerce du café, des inconvénients climatiques dont souffrent les grands pays producteurs, ainsi que des décalages qui existent entre l'offre et le goût des consommateurs. Le recours aux fonds spéculatifs et aux contrats à terme sur devises accroît plus encore la volatilité des prix. Les grands torréfacteurs et détaillants internationaux contrôlent le transfert des denrées, les flux de valeur et d'information dans les secteurs stratégiques de la chaîne grâce au pouvoir qu'ils exercent sur le marché et aux outils de coordination dont ils disposent. Il en résulte des prix élevés pour les consommateurs et très bas pour les producteurs. La structure de gouvernance qui régit actuellement le système caféier n'offre ainsi aucune solution durable aux déséquilibres du marché et des revenus. Il faut donc donner plus de poids à la coordination verticale en partageant l'information, en réformant les institutions qui régissent l'industrie dans les pays producteurs et en introduisant des mécanismes de redistribution des surplus, susceptibles de renforcer les maillons les plus faibles.
    • Stratégies caféières du brésil sur le marché mondial - Céline Broggio, Martine Droulers p. 213-228 accès libre avec résumé
      Face à l'évolution paradoxale du marché mondial du café depuis les annés 1990 ­ « boom » dans les pays consommateurs et « crise » dans les pays producteurs ­ le Brésil répond en se repositionnant rapidement en tant que pays consommateur, en adoptant diverses stratégies de valorisation de la qualité, adaptées à chaque région, et en proposant une réforme de la gouvernance de la filière. Pour la caféiculture brésilienne, l'enjeu actuel est de se faire une place dans le secteur du café soluble et de s'imposer sur de nouveaux marchés, comme le marché asiatique. Les auteurs prennent pour exemple le Minas Gerais, État qui fournit à lui seul 50 % du café brésilien.
    • Les fondements économiques de la guerre du café au Kenya - Bernard Charlery de la Masselière, Patrick Mbataru p. 229-242 accès libre avec résumé
      Plus que toute autre activité économique, la filière « café » a construit la société et l'État kenyans. Estimé sur le marché mondial, le café kenyan voit aujourd'hui ses parts de marché menacées par les changements technologiques et structurels à l'échelle globale. Alors que, des années 1960 à la fin des années 1980, le secteur du café était le premier pourvoyeur de devises du pays, ce secteur se situe désormais loin derrière le thé, le tourisme et l'horticulture. Et cette crise semble s'amplifier depuis la fin des années 1990 puisque la production a brutalement chuté de moitié. Par ailleurs, contrairement à ses voisins, le Kenya a tardé à libéraliser les opérations de transformation et de commercialisation, et peine à maintenir l'attractivité de la culture auprès des petits fermiers. Très dépendant de la compétition politique aux échelles locale, régionale et nationale, le secteur coopératif est divisé et fragilisé. Dans ce contexte de crise, tant économique que sociale, l'avenir du café kenyan dépend de l'élaboration d'un nouveau contrat entre l'État, les opérateurs privés et le secteur paysan.
  • Consommation

    • Les établissements de café du Caire - Jean-Charles Depaule p. 243-262 accès libre avec résumé
      Au Caire, les cafés, apparus au cours du XVI siècle, sont, aujourd'hui encore, une institution urbaine masculine majeure. L'étude du décor et du mobilier, de l'ambiance lumineuse, sonore et olfactive, et de la qualité gustative de ce qui y est consommé dégage les traits d'une « esthétique de café ». L'accent est mis d'autre part sur la dimension territoriale du café du Caire, qui est généralement installé à la frontière de deux mondes urbains, celui du voisinage, familial et féminin, et le reste de la ville, entre lesquels il constitue un seuil. Il apparaît comme une annexe des lieux de travail, voire un endroit où s'exercent des activités professionnelles. Conjurant la menace d'une violence potentielle, des sociabilités et des ritualisations s'y expriment, dans lesquelles l'usage du narguilé, de nouveau à la mode (y compris chez les femmes), occupe une place importante.
  • Comptes rendus - p. 263 accès libre