Contenu du sommaire : Numéro spécial : innovation dans le secteur public

Revue Revue Internationale des Sciences Administratives Mir@bel
Numéro vol. 84, no 2, juin 2018
Titre du numéro Numéro spécial : innovation dans le secteur public
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'innovation dans le secteur public : vers une approche ouverte et collaborative - Victor Bekkers, Lars Tummers p. 215-220 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'innovation dans le secteur public est au cœur des préoccupations des politiciens, des agents de l'État et des organisations sociétales. Cet intérêt se retrouve concrètement dans le nombre croissant d'articles scientifiques. Dans la présente introduction au numéro spécial sur l'innovation dans le secteur public, nous examinons la manière dont ont évolué les perceptions scientifiques en matière d'innovation. On pensait autrefois que l'innovation pouvait être organisée au sein des organisations. Si votre organisation disposait des ressources nécessaires, l'innovation y était possible. De nos jours, l'innovation dans le secteur public est considérée comme un processus ouvert de collaboration entre des parties prenantes à l'échelle de plusieurs organisations. Cette évolution vers des approches ouvertes et collaboratives a des conséquences pour les études sur l'innovation. Par exemple, il devient important d'analyser la manière d'encourager les parties prenantes à adhérer au processus d'innovation. Parallèlement à cela, les scientifiques qui s'intéressent à l'innovation doivent relier leurs recherches à d'autres courants de la littérature, comme ceux axés sur la gouvernance en réseau, le leadership et la réflexion conceptuelle. C'est ainsi que les spécialistes de l'innovation parviennent à développer des recherches qui sont pertinentes pour la société.
    Innovation in the public sector is high on the agenda of politicians, civil servants and societal organizations. This attention in practice is mirrored in an increasing number of scholarly articles. In this introduction to the special issue on public sector innovation, we discuss how the scholarly perspectives on innovation have changed. Previously, it was assumed that innovation could be organized within organizations: if your organization had the necessary resources, innovation could happen. Nowadays, innovation in the public sector is seen as an open process of collaboration between stakeholders across various organizations. This change towards open and collaborative approaches has consequences for studies on innovation, for instance, it becomes important to analyse how to activate stakeholders to join the innovation process. Next to this, scholars interested in innovation should connect their research with other literature streams, such as those focused on network governance, leadership and design thinking. In such ways, innovation scholars can develop research that is relevant to society.
  • La capacité technologique dans le secteur public : le cas de l'Estonie - Veiko Lember, Rainer Kattel, Piret Tõnurist p. 221-239 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La technologie est un facteur essentiel dans la vie des organisations. Rares sont pourtant les études qui s'intéressent à la technologie et aux organisations publiques. Dans le présent article, nous proposons de comprendre l'évolution technologique dans le secteur public, en particulier la manière dont la technologie influence la capacité administrative, au moyen d'un nouveau concept lié à la capacité technologique. Nous utilisons le cas de l'Estonie (internationalement associée à une image d'État électronique bien établi) pour répondre à deux questions de recherche : pourquoi et comment le changement technologique a-t-il lieu dans le secteur public, et quelle est son influence sur la capacité administrative dans les organisations publiques ? Nous allons voir que l'évolution dynamique et statique dans les capacités technologiques est influencée par quatre mécanismes de feedback et de sélection différents dans le secteur public. En conclusion, nous verrons que, malgré le faible intérêt de la littérature sur l'administration publique pour la question de la technologie, celle-ci est un facteur intrinsèque dans la manière dont la capacité administrative évolue. Dans le présent article, nous soutenons que le changement technologique dans le secteur public n'est pas qu'une question de compétences techniques, mais que la technologie a un impact fondamental sur la manière dont les organisations publiques fonctionnent et sur la manière dont les services sont offerts. Il existe néanmoins des différences fondamentales dans la rapidité avec laquelle la technologie fait sentir ses effets dans les différentes organisations et les différents services, ainsi que dans la direction de ces effets. Certaines organisations parviennent à développer les capacités technologiques et connaissent des évolutions rapides et transformatrices, contrairement à d'autres qui, par conséquent, connaissent une évolution progressive. Les causes à l'origine de cette différence sont à la fois internes et externes. Les organisations qui présentent des capacités technologiques dynamiques gèrent bien l'ambidextrie : elles recherchent de nouvelles solutions tout en parvenant à offrir des services de haut niveau. Nous proposons de nouvelles explications pour ce phénomène.
    Technology is clearly a critical factor in the lives of organizations, yet there are only a few studies that deal with technology and public organizations. In this article, we propose to understand technological change in the public sector, in particular, how technology influences administrative capacity, through a new concept of technological capacity. We use the case of Estonia – internationally associated with a strong e-state profile – as an exploratory case to answer two research questions: ‘Why and how does technological change takes place in the public sector?'; and ‘How does technological change influence administrative capacity in public organizations?'. We demonstrate how dynamic and static change in technological capacities is influenced by four different public sector feedback and selection mechanisms. We conclude that in spite of the neglected position of technology in the public administration literature, technology is an intrinsic factor in how administrative capacity evolves.Points for practitioners:This article argues that technological change in the public sector is not just a matter of technical skills; rather, technology fundamentally changes how public organizations function and how services are delivered. There are, however, key differences in the speed and direction of how technology's impacts unfold in various organizations and services. Some organizations master developing dynamic technological capacities and experience rapid and transformative changes, while others do not and accordingly go through incremental changes. This difference has both internal and external causes. Those organizations that show dynamic technological capabilities manage ambidexterity well: seeking new solutions while managing to offer high-level services. We provide new explanations as to why this is the case.
  • L'innovation et l'apprentissage interorganisationnel dans le contexte de la réforme du service public - Jean Hartley, Lyndsay Rashman p. 241-260 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans le présent article, nous examinons les liens entre l'innovation et l'apprentissage interorganisationnel, dans le contexte de la réforme du service public. L'élaboration théorique et la recherche empirique s'appuient sur une analyse longitudinale, qui fait appel à diverses méthodes et à des répondants multiples, dans le contexte du Programme Beacon instrument de la réforme du service public britannique. Notre recherche porte sur deux questions : premièrement, en quoi l'apprentissage interorganisationnel contribue-t-il à l'innovation ? Deuxièmement, de quelle manière les évolutions dans la manière d'envisager l'apprentissage interorganisationnel déterminent-elles les changements dans la manière d'aborder l'innovation au fil du temps ? Les recherches dans l'ensemble du gouvernement local britannique (N=388) utilisaient la décomposition temporelle pour examiner les évolutions en trois phases sur une période de neuf ans. Dans notre article, nous élaborons une théorie à propos de l'apprentissage interorganisationnel à la base de l'innovation, et nous verrons qu'au fil du temps, l'approche en matière d'innovation a évolué, puisqu'elle est passée du fait d'apprendre à imiter au fait d'apprendre à innover. Remarques à l'intention des praticiens l'innovation s'appuie sur l'apprentissage interorganisationnel ; les organisations ont amélioré, au fil du temps, leur capacité à acquérir et à utiliser l'apprentissage ; l'innovation suppose le partage de connaissances tacites et explicites ; au fil du temps, les organisations ont appris à passer du fait d'apprendre à imiter au fait d'apprendre à innover ; l'amélioration dans le cadre de l'apprentissage interorganisationnel n'a pas été uniforme. Au départ, les différences entre les organisations se sont accentuées, puisque ceux qui étaient capables d'acquérir l'apprentissage s'en sont servis pour s'améliorer plus vite ; on observe une adaptation au contexte local, et non l'adoption d'une approche unique, mais ce trait n'est pas suffisamment pris en compte dans la réforme du service public ; c'est l'attrait de l'apprentissage et non la promotion de la diffusion qui favorise l'apprentissage et l'amélioration.
    This article examines links between innovation and inter-organizational learning in the context of public service reform. The theory-building and empirical research draws on longitudinal analysis using mixed methods and multiple stakeholder respondents, set in the context of the Beacon Scheme, an instrument of UK public service reform. The research examines two questions: first, how does inter-organizational learning contribute to innovation? Second, how do changes in the approach to inter-organizational learning shape changes in the approach to innovation over time? The research on the whole of English local government (N¼ 388) used temporal bracketing to examine developments in three phases over nine years. The article builds theory about the inter-organizational learning underpinning innovation, and shows that the approach to innovation changed over time, shifting from learning to imitate, to learning to innovate. Points for practitioners: Innovation is underpinned by inter-organizational learning. Organizations improved over time in their ability to acquire and use learning. Innovation involves the sharing of tacit as well as explicit knowledge. Over time, organizations learnt to shift from learning to imitate, to learning to innovate. Improvement through inter-organizational learning was not uniform. Initially, differences between organizations widened as those able to acquire learning used it to improve more rapidly. Adaptation to local context, not adoption of a single approach, is apparent but is underemphasized in public service reform. Learning pull, not dissemination push, aids learning and improvement.
  • Pourquoi les innovations dans le secteur public surviventelles ? Étude exploratoire sur l'influence du feedback, de l'imputabilité et de l'apprentissage - Wouter van Acker, Geert Bouckaert p. 261-280 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La question de savoir si les innovations dans le secteur public durent, et ce qui détermine leurs chances de survie, reste une lacune dans la littérature relative à la gestion publique. La présente étude exploratoire se penche sur les gagnants et les lauréats des prix de l'innovation dans le secteur public en Belgique, en France, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Slovaquie et au Royaume-Uni. Grâce à une étude couvrant 220 cas, elle examine si les boucles de feedback, les mécanismes d'imputabilité et les processus d'apprentissage (FIA) (Feedback, Accountability, Learning [FAL]) peuvent expliquer la survie des innovations dans le secteur public. La conclusion est qu'une culture de feedback, d'imputabilité et d'apprentissage semble avoir un lien positif avec la survie des innovations.Innover est une chose, faire durer les innovations en est une autre. Une culture combinant informations nées du feedback, processus d'apprentissage visant à interpréter ces informations, et culture d'imputabilité semble améliorer les chances qu'ont les innovations de résister à l'épreuve du temps. Les instruments permettant de mesurer la performance de l'innovation en soi ne semblent pas affecter les chances de survie de l'innovation.
    The question whether public sector innovations last, and what determines their chances of survival, remains a gap in the public management literature. This exploratory study focuses on the winners and nominees of public sector innovation awards in Belgium, France, the Netherlands, Romania, Slovakia and the UK. Through a survey covering 220 cases, it examines whether feedback loops, accountability mechanisms and learning processes (FAL) can explain the survival of public sector innovations. The conclusion is that a culture of feedback, accountability and learning seems to be positively linked with the survival of innovations.Points for practitioners:It is one thing to innovate, but it is another to make innovations last. A culture of feedback information, learning processes to interpret this feedback information, and a culture of accountability seem to improve the chances of innovations to stand the test of time. Instruments to measure innovation's performance on its own do not seem to affect innovation's survival chances.
  • Le point de vue des parties prenantes à propos de l'innovation dans le secteur public : de l'importance de la position - Hanna de Vries, Lars Tummers, Victor Bekkers p. 281-300 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les études sur l'adoption des innovations considèrent souvent les organisations comme des entités uniformes. Ces études partent implicitement du principe que les perceptions en ce qui concerne l'adoption d'une innovation sont identiques partout au sein de l'organisation. La théorie organisationnelle et la littérature sur la gestion du changement soutiennent cependant que les organisations sont composées de groupes distincts, qui ont des valeurs et des objectifs différents. Il est dès lors important de bien examiner l'organisation et de prendre en compte les différentes parties prenantes concernées. Dans la présente étude, nous suivons ce conseil et tâchons de comprendre comment deux groupes organisationnels (les directeurs municipaux et les membres des comités d'entreprise) perçoivent les opinions des membres de leurs organisations à propos de l'innovation que représente le télétravail. Nous nous appuyons sur des données inédites recueillies dans le cadre de deux enquêtes menées au niveau national auprès de directeurs municipaux et de membres des comités d'entreprise. Les résultats indiquent que des différences essentielles existent dans les perceptions des deux groupes, puisque les directeurs municipaux sont en général plus positifs à propos de l'innovation. Sur la base de notre analyse, nous estimons qu'il est important de faire la distinction entre les différents acteurs organisationnels dans le processus d'adoption des innovations et que les managers doivent être conscients de l'existence d'un parti pris dans leurs perceptions.Il est important de faire la distinction entre les différents acteurs organisationnels dans le processus d'adoption des innovations, car ils ont sans doute des opinions différentes en ce qui concerne les innovations. Les managers doivent aller au-delà de leurs propres perceptions à propos d'une innovation donnée et se rendre compte que leurs perceptions sont sans doute plus positives que celles des autres membres de leur`np pagenum="282"/b organisation. Plus précisément, nous avons constaté que les membres des comités d'entreprise accordent plus d'importance que les directeurs municipaux à la possibilité de tester les innovations avant qu'elles ne soient pleinement introduites. Ils accordent aussi plus d'importance à la facilité d'utilisation et de mise en œuvre des innovations.
    Studies on the adoption of innovations often treat an organization as a uniform entity. Such studies implicitly assume that perceptions regarding the adoption of an innovation are identical across the organization. However, organizational theory and change management literature argue that organizations are composed of distinct groups that have different values and goals. It is therefore important to dissect the organization and to look at the various internal stakeholders involved. In this study, we follow this advice and study how two key organizational groups (city managers and Works Council members) perceive their organization's members' views regarding the specific innovation of teleworking. We use unique data collected through two nationwide surveys of city managers and Works Council members. The results show that there are crucial differences in the perceptions of the two groups, with city managers generally being more positive about the innovation. Based on our analysis, we conclude that it is important to distinguish between different organizational stakeholders in the innovation adoption process and that managers should be aware of a bias in their perceptions.Points for practitioners:It is important to distinguish between the various organizational stakeholders in the innovation adoption process because they probably have different attitudes regarding an innovation. Managers should look beyond their own perceptions regarding an innovation and be aware that they are probably more positive in their perceptions than are others in their organization. More specifically, we found that Works Council members attach more importance to the ability to try out innovations before their full introduction than city managers. It is also more important for them that an innovation seems easy to implement and use.
  • Politique d'innovation et ses facteurs - Jenny M. Lewis, Lykke Margot Ricard, Erik Hans Klijn p. 301-320 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le besoin de comprendre l'innovation dans le cadre du secteur public se fait de plus en plus sentir. Il y a aussi la nécessité de développer la théorie, de la tester de manière empirique et de comparer les choses d'un pays à l'autre. Avec le présent article, notre intention est de comprendre les facteurs qui ont une influence sur la capacité d'innovation. Nous y examinons la capacité d'innovation autoproclamée de trois gouvernements municipaux européens (Barcelone, Copenhague et Rotterdam) sur le plan des facteurs d'innovation (structures, processus et facteurs contextuels), du réseautage externe (niveaux de communication en dehors de la municipalité) et des qualités de leadership. Nous nous sommes servis des résultats d'une enquête en ligne menée auprès d'administrateurs de haut niveau dans les villes (n = 323) pour analyser de manière empirique les relations entre ceux-ci au moyen d'une modélisation par équation structurelle. Le leadership a une influence plus forte que les facteurs d'innovation et le réseautage externe sur la capacité d'innovation autoproclamée pour ces trois gouvernements municipaux.L'innovation dans le secteur public est une thématique très importante pour les gestionnaires publics étant donné que l'on attend de plus en plus des organes gouvernementaux. La capacité d'innovation est liée aux facteurs d'innovation et aux obstacles à l'innovation, à l'ampleur des contacts qu'entretiennent les individus avec des personnes en dehors de leur organisation et au leadership. La présente étude empirique menée auprès de trois villes indique que le leadership a une influence plus grande sur la capacité d'innovation que les structures, les processus et les facteurs contextuels qui favorisent l'innovation, de même que l'ampleur des contacts extérieurs qu'entretiennent les gestionnaires publics en dehors de leurs organisations. Par ailleurs, pour Barcelone et Copenhague, le type de gouvernance du réseau et les types transformationnels sont les facteurs qui ont le plus d'influence sur l'innovation, alors que pour Rotterdam, c'est le type entrepreneurial, suivi du type de la gouvernance du réseau.
    The need to understand innovation in public sector environments is growing. There is also a need to build theory, test it empirically and compare across jurisdictions. This article aims to understand the factors that have an impact on innovation capacity. It examines the self-rated innovation capacity of three European city governments – Barcelona, Copenhagen and Rotterdam – in regard to innovation drivers (structures, processes and contextual factors), external networking (levels of communication outside the municipality) and leadership qualities. Results from an online survey of senior administrators in the cities (n=323) was used to empirically analyse the relationships between these using a structural equation model. Leadership has a stronger effect than innovation drivers and external networking on self-rated innovation capacity for these three city governments.Points for practitioners:Public sector innovation is a very important topic for public managers as the expectations on government agencies increase. Innovation capacity is related to innovation drivers and barriers, the amount of contact that individuals have with others outside their organization, and leadership. This empirical study of three cities shows that leadership has a bigger effect on innovation capacity than the structures, processes and contextual factors that drive innovation, as well as the amount of external contact that public managers have outside their organizations. In addition, for Barcelona and Copenhagen, the network governance and transformational types have the biggest effect on innovation, while for Rotterdam, it is the entrepreneurial type followed by the network governance type.
  • Étude des réformes administratives par l'analyse textuelle : le cas de la comptabilité de l'administration centrale italienne - Mariannunziata Liguori, Ileana Steccolini, Silvia Rota p. 321-342 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le présent article contribue à la littérature relative aux réformes du secteur public en proposant l'analyse textuelle en tant que stratégie de recherche utile pour examiner comment les archétypes de la réforme et les idées connexes sont déployés dans le débat parlementaire et les réformes qui font progresser les réglementations. L'administration publique (AP), le nouveau management public (NMP) et la gouvernance publique (GOV) peuvent être décrits comme trois archétypes différents fournissant des idées et des concepts administratifs caractéristiques ainsi que des outils et pratiques connexes qui régissent les réformes. Nous utilisons l'analyse textuelle pour examiner plus de 20 ans de réformes comptables du gouvernement central italien et examiner comment les trois archétypes administratifs ont évolué, se sont entremêlés et se sont mutuellement remplacés. L'analyse textuelle s'avère être un outil utile pour étudier les processus de réforme, et nous permet de montrer que dans les pays néo-wébériens tels que l'Italie, le NMP et la GOV, loin d'être des paradigmes révolutionnaires, peuvent représenter des tendances passagères qui n'ont pas laissé de traces significatives dans la pratique et la rhétorique des réformes. Dans des contextes fondés sur des traditions de droit civil, l'introduction de nouvelles réformes apparaît lente et ardue, et elle est souvent plus efficace lorsqu'elle respecte les systèmes d'AP existants, qui restent fortement enracinés dans le secteur public. Les décideurs peuvent vouloir en tenir compte lorsqu'ils proposent ou mettent en œuvre de nouveaux changements. D'un point de vue organisationnel, ce qui précède souligne l'importance de rassurer les fonctionnaires et les politiciens quant à la cohérence des « nouveaux » modèles proposés avec ceux auxquels ils sont habitués, et d'utiliser le langage traditionnel de l'AP pour expliquer et introduire de nouvelles idées et de nouveaux outils et les rendre plus acceptables. Cependant, cela doit être contrebalancé par un changement réel dans les anciens systèmes et routines, en utilisant la continuité pour générer le changement et en évitant la reconstitution d'approches purement formelles.
    This article contributes to the literature on public sector reforms by proposing textual analysis as a useful research strategy to explore how reform archetypes and related ideas are deployed in the parliamentary debate and regulations advancing reforms. Public Administration (PA), New Public Management (NPM) and Public Governance (GOV) can be depicted as three different archetypes providing characteristic administrative ideas and concepts and related tools and practices, which lead reforms. We use textual analysis to look into more than 20 years of Italian central government accounting reforms and investigate how the three administrative archetypes have evolved, intertwined and replaced each other. Textual analysis proves a useful tool through which to investigate reform processes and allows us to show that in neo-Weberian countries, such as Italy, NPM and GOV, far from being revolutionary paradigms, may represent fashionable trends that have not left significant traces in the practice and rhetoric of reforms.Points for practitioners:In contexts based on civil law traditions, the introduction of new reforms appears to be slow and difficult, and is often more successful when it respects extant PA systems, which remain well rooted in the public sector. Decision-makers may want to keep this into consideration when proposing or implementing new changes. From an organizational point of view, this underlines the importance of reassuring civil servants and politicians of the consistency of the ‘new' proposed models with those they have been accustomed to, and of using the traditional language of PA to explain and introduce new ideas and tools and make them more acceptable. However, this has to be balanced by an actual change in the old systems and routines, using continuity to bring about change and avoiding the re-enactment of merely formalistic approaches.
  • Les politiques industrielles à l'heure de la libéralisation : l'internationalisation des entreprises de transport européennes - Marco Di Giulio p. 343-362 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis plus de trois décennies, les institutions européennes ont à cœur d'ouvrir les marchés des services publics, qui ont toujours été gérés dans le cadre d'accords monopolistiques au sein de chaque État membre. L'internationalisation des entreprises actives dans ce secteur est un phénomène qui va redéfinir les relations entre les gouvernements nationaux et l'industrie nationale. La création d'un avantage comparé sur ces marchés apparaît dès lors comme une question déterminante au sein de chaque économie politique nationale. Si de nombreux scientifiques soulignent l'importance des stratégies mercantilistes, considérées comme le principal moyen de créer des champions nationaux, d'autres laissent entendre que le renforcement du marché et la poursuite d'objectifs industriels peuvent se renforcer mutuellement. En optant pour une analyse du marché européen du transport public au niveau des entreprises, nous espérons, avec le présent article, apporter des données empiriques au débat sur le lien entre réglementation et politique industrielle. Dans le présent article, nous décrivons l'évolution de treize entreprises européennes actives dans les domaines de la gestion des infrastructures et des services de transports publics. Nous essayons d'évaluer le lien entre les styles de politiques nationales et les résultats stratégiques concrets au niveau sectoriel. Les observations issues de ces études de cas intéresseront trois types de praticiens. (1) Les décideurs, qui pourront mieux comprendre l'impact de la réglementation sur les stratégies des entreprises et les compromis potentiels en rapport avec ce lien. (2) Les gestionnaires, qui pourront mieux comprendre les différentes façons d'aborder les questions réglementaires. (3) Les parties prenantes, qui découvriront les mécanismes complexes qui se cachent derrière les processus de privatisation.
    For more than three decades, European institutions have been committed to opening up the markets of public services, which were traditionally managed under monopolistic arrangements within each member state. The internationalization of firms previously operating in this sector is a phenomenon that will reshape the relationships between national governments and national industry. The creation of a comparative advantage in these markets is thus emerging as a crucial issue within each national political economy. While many scholars have emphasized the role of mercantilist strategies as the most prominent strategy for the creation of national champions, others have suggested that market-building and the pursuit of industrial goals may be self-reinforcing. Adopting a firm-level analysis of the EU market for public transport, this article adds empirical evidence to the debate on the relationship between regulation and industrial policy.Points for practitioners:This article describes the evolution of 13 European firms operating in the fields of infrastructure management and public transport services. It tries to assess the linkage between national policy styles and concrete policy outcomes at the sectorial level. Three kinds of practitioners may benefit from the knowledge of these case studies. (1) Policy-makers might have a wider understanding of the impact of regulation on firms' strategies and the potential trade-offs related to this connection. (2) Managers might benefit from a deeper knowledge of the different national approaches to regulatory issues. (3) Stakeholders might increase their awareness of the complex mechanisms operating behind privatization processes.
  • Règles du jeu dans la coopération transfrontalière : différences juridico-administratives dans la prévention de la criminalité entre la Finlande et la Russie - Anna-Liisa Heusala, Jarmo Koistinen p. 363-379 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le présent article illustre la dynamique de la coopération transfrontalière bilatérale entre deux partenaires juridico-administratifs très différents. L'analyse s'appuie sur les résultats empiriques d'une étude de cas concernant la coopération bilatérale entre la Finlande et la Russie en matière de prévention de la criminalité. À l'heure actuelle, les différences entre les législations nationales, ainsi que l'évolution rapide de l'environnement administratif, rendent cette coopération difficile. L'étude de cas a montré que la coopération bilatérale, qui est la forme dominante de coopération entre les États membres de l'UE et la Russie, est actuellement affectée par des structures multilatérales et bilatérales disjointes voire concurrentes, des différences en matière de droit pénal et de procédure pénale, des écarts entre les traités internationaux et la législation nationale, des variations locales et régionales des pratiques, une confiance institutionnelle faible et des changements soudains de politique. Les résultats indiquent que l'efficacité des réseaux transfrontaliers ne peut être évaluée strictement en termes de résultats quantitatifs. Le développement à long terme de la coopération exige à la fois une compréhension réaliste des contraintes juridico-administratives et un engagement fort au niveau politique national et supranational.Le développement futur à long terme de la coopération transfrontalière en matière de prévention de la criminalité entre les États membres de l'UE et la Fédération de Russie nécessite des instruments de prévention de la criminalité plus souples et l'institutionnalisation d'équipes communes d'enquête. Le modèle optimal d'enquêtes criminelles conjointes avec les autorités russes pourrait être un modèle où les preuves du protocole d'enquête préliminaire pourraient être acquises par le biais de connexions régionales directes entre les autorités. Concrètement, cela nécessite une confiance pratique beaucoup plus forte entre les différents niveaux d'autorités des États membres de l'UE et de la Fédération de Russie, la réconciliation des différences dans les législations nationales et un engagement politique à long terme au plus haut niveau.
    The article illuminates the dynamics of bilateral cross-border cooperation between two vastly different legal-administrative partners. The analysis utilizes empirical findings of a case study on bilateral Finnish-Russian crime prevention cooperation. Currently, both the differences in national legislations and the fast-changing administrative environment make this cooperation challenging. The case study showed that bilateral cooperation, which is the dominant form of cooperation between EU member states and Russia, is currently affected by disjointed and even competing multilateral and bilateral structures, differences in criminal law and procedure, gaps between international treaties and national legislation, local and regional variations of practices, weak institutional trust and abrupt policy changes. The results indicate that the effectiveness of cross-border networks cannot be assessed strictly in terms of quantitative outcomes. Further long term development of the cooperation requires both realistic understanding of legal administrative constraints and strong commitment at the national and supranational political levels.Points for practitioners:Future long-term development of cross-border crime prevention cooperation between EU member countries and the Russian Federation requires more flexible crime prevention instruments and institutionalization of joint investigation teams. The optimal model in joint criminal investigations with Russian authorities could be one where the evidence of the protocol of the preliminary investigation could be acquired through direct regional connections between authorities. In practice, this requires a much stronger practical trust between different levels of authorities in the EU member countries and the Russian Federation, reconciliation of differences in national legislations and long-term political commitment at the highest level.
  • Les compétences politiques, la justice organisationnelle et la réussite professionnelle en Chine continentale - Xiaojun Lu, Mary E. Guy p. 381-399 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La justice organisationnelle est un thème populaire dans les démocraties occidentales, mais on en sait moins sur son influence dans les cultures orientales. Dans la présente étude, nous examinons l'influence de la justice organisationnelle sur le lien entre compétences politiques et réussite professionnelle dans le secteur public chinois. Notre analyse fait apparaître une corrélation positive entre quatre dimensions des compétences politiques (aptitude au travail en réseau, sincérité apparente, habileté sociale et influence interpersonnelle) et la réussite professionnelle (mesurée comme la possibilité perçue de faire valoir ses compétences en interne et la réussite professionnelle perçue). Même si nous partons de l'hypothèse que la justice organisationnelle réduirait l'influence des compétences politiques sur la réussite professionnelle sous l'effet de la mise en œuvre de règles de rémunération formelles basées sur le mérite, nos observations indiquent que les compétences politiques ne sont qu'en partie influencées. Même si l'importance de l'habileté sociale est réduite, il subsiste une relation positive entre l'influence interpersonnelle et la possibilité de faire valoir ses compétences en interne. Les évolutions radicales dans le système de rémunération chinois entraînent une remise en cause des habitudes sur le lieu de travail. La mise en œuvre de la rémunération basée sur le mérite requiert l'existence d'une procédure équitable pour déterminer les augmentations salariales. En Chine, le personnalisme reste un élément déterminant en raison de l'importance du guanxi, ce qui influence la manière dont les systèmes basés sur le mérite fonctionnent en Orient. La culture chinoise tempère les idées occidentales de justice organisationnelle compte tenu de l'importance des compétences politiques qui subsiste. Ce mélange de comportement des travailleurs et de réussite professionnelle, influencé par une conceptualisation de la justice organisationnelle qui englobe les compétences politiques, complique l'application des systèmes de gestion occidentaux en Orient.
    Organizational justice is a topic popularized for Western bureaucracies but there is less known about its influence in Eastern cultures. This research tests how organizational justice moderates the relationship between political skill and career success in the Chinese public sector. Analysis reveals that four dimensions of political skill (networking ability, apparent sincerity, social astuteness, and interpersonal influence) correlate positively with career success (measured as perceived internal marketability and perceived career success). Although hypothesized that organizational justice would lessen the influence of political skill on career success as a result of the implementation of formal merit-based pay rules, findings show that political skill is only partially moderated. While lessening the value of social astuteness, a positive relationship between interpersonal influence and internal marketability remains.Points for practitioners:Profound changes in China's salary system challenge traditional workplace customs. The implementation of merit-based pay requires a fair procedure for determining salary raises. In China, personalism remains a driving force because of the importance of guanxi. This affects how formal merit-based pay systems function in the East. Chinese culture tempers Western notions of organizational justice with its persistent reliance on political skill. This blend of worker behavior and career success, moderated by a conceptualization of organizational justice that embraces political skill, complicates the application of Western management systems in the East.
  • Le post-nouveau management public : un nouveau paradigme administratif pour la Chine ? - Tom Christensen, Yongmao Fan p. 401-418 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En partant de trois perspectives théoriques – instrumentale, culturelle et mythique –, le présent article analyse les raisons de l'émergence mondiale des réformes post-nouveau management public et résume les caractéristiques typiques de ces mesures. Plus spécifiquement, il explore le lien entre le post-nouveau management public et les réformes du secteur public en Chine, et soutient que les réformes en cours en Chine, comme la réforme du super-ministère, la réglementation de l'industrie, la politique de logement abordable, les réformes sociales et de soins de santé, ainsi que la campagne de lutte contre la corruption, ont mis en lumière divers aspects des mesures post-nouveau management public. Cependant, étant donné que les systèmes administratifs publics complexes de la Chine sont plus centralisés que dans de nombreux pays occidentaux, elle est confrontée à de grands défis pour décider des réformes et les mettre en œuvre.Les réformes administratives examinées démontrent que la Chine imite les réformes post-nouveau management public et les adapte aux traditions culturelles chinoises. Le cas de la Chine révèle que le secteur public est une combinaison complexe d'éléments de nouveau management public et de réformes post-nouveau management public dans un processus où de nouveaux éléments de réforme sont continuellement ajoutés aux anciens. Les réformes de la Chine sont toujours en cours ; ces dernières années, le pays s'est davantage concentré sur la réforme économique, la décentralisation et l'efficacité ; mais aujourd'hui, ses réformes se tournent vers la stabilité sociale, l'ordre politique et le contrôle central.
    From three theoretical perspectives – instrumental, cultural and mythical – this article analyses the reasons for the worldwide emergence of post-New Public Management reforms and summarizes the typical features of those measures. In particular, it explores the link between post-New Public Management and public-sector reforms in China and argues that the ongoing reforms in China, including the super-ministry reform, the regulation of industry, the affordable housing policy, social and healthcare reforms, and the anti-corruption campaign, have shed light on various aspects of post-New Public Management measures. However, because China's complex public administrative systems are more centralized than they are in many Western countries, it faces big challenges in deciding on and implementing reforms.Points for practitioners:The examined administrative reforms demonstrate that China is imitating post-New Public Management reforms and adapting them to Chinese cultural traditions. China's case reveals that the public sector is a complicated combination of elements from New Public Management and post-New Public Management reforms in a process where new reform elements are continuously added to old ones. China's reforms are still ongoing; in the past years, China focused more on economic reform, decentralization and efficiency, but today its reforms are turning to social stability, political order and central control.
  • L'art de la bonne gouvernance : quand les représentations du passé inspirent la pratique moderne - Gjalt de Graaf, Hanneke van Asperen p. 419-435 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis le début des années 1990, le discours sur la « bonne gouvernance » gagne en importance. La question de savoir ce que signifie et ce que suppose la « bonne gouvernance », et à partir de quel moment on peut parler de « bonne » gouvernance dans ce discours n'est cependant pas toujours évidente. Bon nombre de spécialistes de l'administration publique et d'autres sciences sociales qui se sont intéressés à la bonne gouvernance ont recouru à des interprétations visuelles de la bonne gouvernance qui datent de plusieurs siècles pour illustrer leur propos. Dans le présent article, nous recourons nous aussi à des images du passé (les fresques de Sienne de Lorenzetti, pour être plus précis), mais non pas en guise d'illustration, mais bien de fondement de notre argument. Notre question de recherche principale est la suivante : de quelle manière les fresques de Lorenzetti sur le bon gouvernement peuvent-elles inspirer notre conception actuelle de la bonne gouvernance ? Dans notre conclusion, nous avançons que la bonne gouvernance est la gouvernance par de bons gouverneurs, et que les bons gouverneurs sont des gouverneurs inspirés par la bienveillance. Nous terminerons par une analyse de ce que cela suppose pour la pratique de la gouvernance moderne.La gouvernance sans violations de l'intégrité n'est pas forcément la bonne gouvernance. La bienveillance est nécessaire.
    Since the early 1990s, discourse on ‘good governance' has become more prevalent. What ‘good governance' means and entails, however, and when we can speak of ‘good' governance in this discourse, is not always clear. Many scholars in public administration and other social sciences writing about good governance have used visual interpretations of good governance from centuries ago to illustrate their case in point. Here, we also use pictures from the past – Lorenzetti's Sienese frescoes to be more precise – yet, not as an illustration, but as the core of the argument. Our main research question is: how can Lorenzetti's frescoes of Good Governance inspire our modern-day conception of good governance ? We conclude that good governance is governance by good governors, and good governors are governors guided by benevolence. We end with a discussion of what that entails for modern-day governance practice.Points for practitioners:Governance without integrity violations is not necessarily good governance. Benevolence is needed for that.