Contenu du sommaire : Les espaces temps de l'éducation

L'article revient sur le concept de forme scolaire élaboré par Vincent. Il met d'abord en évidence que les multiples réappropriations dont il a été l'objet ont contribué à brouiller le sens de cette notion qui désigne à la fois un mode de socialisation et les caractéristiques des appareils techniques qui lui donnent sa consistance concrète. Il souligne que ceux-ci sont en évolution constante et suggère que l'effacement des frontières entre les enseignements formels, informels et non formels par l'action d'organismes internationaux tend à invalider la définition de la forme scolaire par les caractéristiques techniques des appareils de socialisation. Il conclut en suggérant de recourir au syntagme de “dispositif de production de l'homme”.

Si une situation d'enseignement met en œuvre des contraintes de lieu, de temps, de savoir enseigné et de manière d'apprendre, le numérique peut-il réduire ces contraintes ? Pour répondre à la question, une revue de la littérature empirique sur le numérique éducatif est proposée. Elle met en évidence le peu d'effet du numérique sur la contrainte du savoir enseigné. Elle montre aussi que si les contraintes de temps, de lieu et de manière sont parfois soulagées, elles sont surtout déplacées : gérées par l'enseignant ou l'enseignante dans la situation de classe, elles sont souvent autogérées par les élèves dans les environnements numériques éducatifs, notamment à distance. En réalité, un accroissement des exigences est souvent observé, au détriment des élèves les plus fragiles ou les moins compétents dans l'autorégulation de leurs apprentissages.

L'incertitude est une question centrale pour les sciences de l'information et de la communication et pour les sciences de l'éducation, particulièrement dans l'analyse du rapport entre information, apprentissage et connaissance. Du point de vue de l'éducation, elle interroge le rapport à la vérité et est liée à la formation de l'esprit critique. Incertitude et esprit critique sont examinés au regard des normes sociales et scolaires, des représentations et des pratiques des enseignants autour de l'information, dans une perspective comparative et synthétique des politiques d'éducation à l'information. L'approche des cultures de l'information, centrée sur les dimensions stratégique et communicationnelle, permet de mettre l'incertitude au cœur de l'apprentissage de la démarche d'enquête et de controverse.

Des dispositifs de formation tentent de contrer les stéréotypes. À l'appui d'une démarche compréhensive, l'article montre comment les acteurs et actrices s'emparent d'un dispositif œuvrant à l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine du numérique. Le terrain de recherche, “Les filles qui”, est celui d'ateliers de médiation numérique créés dans des écoles primaires de Bretagne. L'expérience redéfinit le rôle de l'identité professionnelle et la fait évoluer. Les étudiantes expérimentent une place entre la grande sœur et la sachante scientifique. Le corps enseignant identifie chez les élèves des potentialités non mobilisées par l'école traditionnelle. Son identité professionnelle évolue d'une logique de qualification vers une logique de compétence, sans que l'une annihile l'autre. Les participants dessinent une alternative : un partenariat sur des dispositifs qui viennent combler des manques en leur apportant des bénéfices en termes d'image et de représentations du métier.

L'apprentissage en famille (AEF) est en croissance dans le monde comme le corpus international de recherche sur ce thème, mais il est peu étudié en francophonie. Ce travail, appuyé sur des données d'enquêtes au Québec, en Suisse romande et en France, rapporte et compare les profils des familles, les motivations parentales et leurs pratiques pédagogiques. Leurs caractéristiques sociodémographiques les distinguent peu de la population générale, sauf une surreprésentation de diplômés universitaires et de détenteurs d'une formation ou expérience de travail en éducation. Ces parents choisissent l'AEF pour vivre un projet éducatif en famille, par souci du bien-être de leurs enfants, pour améliorer l'expérience d'apprentissage et parce qu'ils critiquent le système d'éducation. Leurs pratiques éducatives sont diversifiées, ces familles trouvant dans l'AEF des réponses à leurs attentes et à des besoins éducationnels, souvent particuliers, mettent au jour des défis sur l'évolution et la gouvernance démocratique des systèmes éducatifs.

L'objet est le développement actuel de l'instruction à domicile dont la pratique, encore marginale, s'étend dans la plupart des pays ayant un système scolaire massifié. Cette expansion quantitative dans de nombreux pays industrialisés amène à considérer qu'il s'agit d'un phénomène de plus en plus global qui appelle une explication globale. La littérature identifie des types de familles instruisant à domicile, mais s'interroge peu sur ce phénomène ailleurs qu'en Amérique du Nord et encore moins sur le caractère global de son expansion. L'article s'appuie sur une enquête en Belgique et aux États-Unis pour décrire l'auto-organisation de l'instruction à domicile et tenter d'expliquer son expansion. Il souligne les rapports de renforcement mutuel entre expansion et auto-organisation. Situer ce phénomène dans une perspective sociologique plus large est susceptible d'aider à mieux comprendre son caractère global et à suggérer des voies de recherche.

Avec le développement du mouvement de l'apprentissage en famille (AEF) dans les pays largement scolarisés, plusieurs États révisent leur cadre normatif pour mieux tenir compte de cette pratique. Le manque de classification satisfaisante des approches de l'AEF a suscité une recension d'écrits scientifiques et juridiques sur sa régulation dans plus de trente pays sur tous les continents. L'article présente les outils de régulation de l'AEF identifiés, la classification pragmatique et opérationnelle créée en six approches types : –absence d'interaction, –soutien, –intervision, –contrôle, –interdiction et –tiers pouvoirs. Il y associe les recommandations formulées par la recherche.

Cet article explore la dualité de l'expérience adolescente contemporaine pour en cerner les conséquences sur l'éducation. L'école et le travail scolaire, obligatoires et porteurs d'enjeux décisifs en termes d'avenir social et professionnel, rencontrent aujourd'hui de manière constante d'autres activités choisies et pratiquées dans les loisirs, dans une sphère hétérogène aimantée et densifiée par le numérique. Cette réflexion est portée par une interrogation sur la spécificité de l'éducation scolaire et la nature de l'écart qu'elle peut avoir face à des évolutions sociétales susceptibles à certains égards d'en affaiblir la légitimité.

À partir d'un travail d'observation ethnographique et d'entretiens in situ, l'article décrit et analyse les apprentissages, essentiellement sur soi, effectués dans l'espace-temps de voyages auto-organisés d'une longueur supérieure à deux mois par des personnes déjà engagées dans la vie active. Il s'agit d'un espace vécu comme autre, ce qui en fait l'intérêt touristique, mais qui peut être porteur d'épreuve pendant un temps suffisamment long pour permettre de prendre son temps, de se “relâcher”, autre condition essentielle de la situation informelle d'apprentissage, qu'elle soit tacite, fortuite ou marquée par une logique d'autoformation. Enfin, c'est à travers le discours lié aux échanges avec d'autres touristes ou avec le chercheur-touriste que peuvent se révéler voire s'effectuer ces apprentissages.

Cet article découle d'une série d'exposés oraux faits à la demande de diverses instances gouvernementales et institutionnelles désireuses de connaître la population étudiante associée, à tort ou à raison, à la génération Z (1997-2010). Après avoir envisagé ses membres en tant que génération, comme jeunes et comme étudiants et étudiantes, à la lumière des caractéristiques qui leur sont accolées, l'auteur s'emploie à considérer les défis que soulève cette génération dans les murs des institutions universitaires et collégiales sous l'angle de la relation pédagogique investie par les médias et réseaux sociaux susceptibles notamment de modifier les modes d'acquisition des connaissances.