Contenu du sommaire : Ouvrières : les dessous de l'embellie

Revue Travail, genres et société Mir@bel
Numéro no 8, 2002
Titre du numéro Ouvrières : les dessous de l'embellie
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Parcours

  • Dossier  : Ouvrières, les dessous de l'embellie

    • Ouvrières, les dessous de l'embellie - Philippe Alonzo, Tania Angeloff p. 21-23 accès libre
    • La mise au travail des stéreotypes de genre : Les conditions de travail des ouvrières - Michel Gollac, Serge Volkoff p. 25-53 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La segmentation du travail ouvrier selon le genre apparaît, à travers les enquêtes statistiques sur les conditions de travail, comme une réalisation caricaturale de certains stéréotypes. Contrainte, répétitivité et isolement caractérisent le travail des femmes ouvrières. Par contre elles sont relativement à l'abri, si ce n'est des contraintes, du moins des atteintes les plus violentes à l'intégrité corporelle. Et leurs horaires sont censément compatibles avec une activité extra-professionnelle intense. Des modifications considérables dans les conditions et l'organisation du travail se sont produites sans guère changer les positions relatives des ouvriers et des ouvrières. Les conditions de travail des ouvrières sont peu objectivées. Leur naturalisation sous la figure d'un travail "féminin" est un obstacle à leur amélioration.
      The segmentation of workers according to gender appears to be a caricatural result of certain stereoptypes, accordind to statistical surveys of working conditions. Constraint, repetition and isolation caharacterize the jobs of the female workers. On the other hand, they are relatively protected if not from the constraints, at least from the most violent attacks on physical integrity. Furthermore, their schedules are supposed to be compatible with an intense extra-professional activity. Considerable modifications of working conditions and work organization took place without changing the relative positions of male and female workers. The working conditions of female workers are not clearly identified. They are presented as the natural characteristics of "female" work, which is an obstacle to their improvment.
    • Les salarié-e-s du grand commerce : des “employé-e-s” ? : Les parcours professionnels des salarié-e-s du Grand Bazar de Lyon aux 19`supbe`/supb et 20`supbe`/supb siècles - Anne-Sophie Beau p. 55-72 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les parcours professionnels des salarié-e-s du Grand Bazar de Lyon aux 19e et 20e siècles, profondément marqués par l'instabilité, ne correspondent pas à la présentation par opposition aux ouvrières et ouvriers que donnent habituellement les études historiques de la catégorie des "employé-e-s". Les conditions d'emploi et de rémunération proposées au Grand Bazar, d'abord, ne sont pas celles, bien supérieures à la condition ouvrière, que devrait procurer le "statut d'employé-e". Ensuite, les postes de travail occupés successivement voire simultanément par ces salarié-e-s au cours de leur carrière, ceux du marché du travail non qualifié commun à l'ensemble des secteurs d'activité, ne permettent pas d'identifier les salarié-e-s du Grand Bazar comme des "employé-e-s" et confirment que, dès le 19e siècle, les "ouvriers" ou "ouvrières" et les "employé-e-s" sont, pour partie au moins, les mêmes personnes.
      Professional paths of wage earners of the Grand Bazar of Lyon in the 19th and 20th centuries, profoundly affected by instability, contradict the usual opposition of the employee category to factory workers in historical studies. Firstly, employment conditions and wages offered by the Grand Bazar are not of the kind that the employee status should provide, i.e. clearly better than that of the working class. Secondly, the positions successively or even simultaneously occupied by these wage earners in the course of their career, those on the workplace common to all activity sectors, do not enable the identification of the wage earners of the Grand Bazar as employees and confirm that since the 19th century, at least part of factory worker positions and employee positions are held by the same categories.
    • Jeunes ouvrier(e)s à l'usine : Notes de recherche sur la concurrence garçons/filles et sur la remise en cause de la masculinité ouvrière - Stéphane Beaud, Michel Pialoux p. 73-103 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      A partir d'une enquête de terrain de longue durée dans la région ouvrière de Sochaux-Montbéliard, les auteurs analysent les transformations récentes du marché du travail liées à la forte reprise économique des années 1998-2001. Ils mettent l'accent sur la mise au travail des jeunes "de cité", longtemps tenus à l'écart des entreprises, qui entrent alors massivement, via l'intérim, à l'usine de Sochaux et chez les équipementiers de l'automobile. La comparaison des attitudes au travail, telles quelles apparaissent à travers les entretiens réalisés tant avec les jeunes ouvrier(e)s qu'avec les ouvriers ou chefs d'équipe plus âgés, donne un net avantage aux filles ("sérieuses", "motivées", "sociables") au détriment des garçons. Ces derniers, souvent prisonniers de la "culture de rue" dans laquelle ils ont baigné toute leur adolescence se retrouvent, au travail, mis en question dans leur masculinité ouvrière.
      Starting from a long-term field study in the French region of Sochaux-Montbéliard, which has a dense working class population, the authors analyze recent transformations of the labor market linked to the strong economic recovery of the years 1998 to 2001. They focus on how youngsters from poor housing estates, usually excluded from companies, massively joined the workforce via temp work positions at the factory of Sochaux and car equipment manufacturers. The comparison of attitudes on the workplace revealed by interviews, whether with young workers, male or female, or with olders workers and foremen favors female ("serious", "motivated", "sociable") over male. The latter, often prisoners of a "street culture", that has been theirs, their teenage years through, find that their workers' masculinity is challenged at work.
    • Exiler, désœuvrer les femmes licenciées - Noëlle Burgi p. 105-122 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Quand on suit la trajectoire des licenciées du textile au chômage depuis plusieurs années, on s'aperçoit que les arguments classiques invoquant leur manque de motivation, de mobilité et d'autonomie, ainsi que les dures réalités du marché du travail, ne sont pas tout à fait convaincants. En tant que femmes, elles ont doublement, triplement subi l'indifférente inertie de l'environnement politique et social qui tend à ne pas reconnaître un droit à l'emploi consistant aux chômeurs dépourvus de qualifications reconnues. Elles n'ont pas seulement été privées d'emploi. Elles ont aussi été privées, au nom du "deuil" de leur ex-entreprise et du réalisme des "emplois modernes", de leur histoire passée et de la possibilité de se réinvestir dignement dans une activité salariée future. Souvent vécu dans la souffrance du "désœuvrement", cet exil intérieur résultant de la négation par l'entourage de leur identité de femmes actives s'alimente à l'idéologie de l'épouse dépendante vouée au sacrifice pour ses proches et au service d'autrui.
      As one studies the career path of laid-off female workers in the textile industry over several years, one realizes that the classical arguments referring to their lack of motivation, mobility and autonomy as well as to the rough realities of the labor market do not hold. As women, they have been twice, or even thrice the victims of the indifferent inertia of the political and social environment that tends to ignore the right to hold a consistent job to the unemployed that do not recognized qualifications. Not only have they been deprived of work : they have also been deprived, in the name of the "mourning" of their ex-firms and of the realism of "modern jobs", of their past history and of the possibility of getting involved in a future salaried activity with dignity. Often experienced together with the sufferance of being at loose ends, this internal exile is the result of the negation of their identity of active women by their circle of friends and family. It stems from the ideology of the dependent spouse, dedicated to sacrifice for the close ones, and at the service of others.
    • Les femmes ouvrières en Russie : confusion des genres et précarité - Karine Clément p. 123-145 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les femmes ouvrières de Russie voient leur situation profondément détériorée par les transformations sociales de marché. Celles-ci aggravent la division sexuée du travail et les discriminations dont elles sont l'objet. Surtout, elles soumettent la majorité des ouvriers à une grande instabilité, ce qui les oblige à développer des pratiques de "débrouille" de toutes sortes. Les hommes ouvriers se chargent surtout de la "débrouille" dans le monde professionnel, alors que les femmes assument la charge physique et surtout nerveuse de la gestion de la sphère domestique. Discriminations et division sexuée du travail sont liées aux représentations sociales qui mettent en avant la femme-mère et la femme féminine. Dans les faits, la femme ouvrière est cependant avant tout une travailleuse du précaire usant sa vie à la gagner. Par ce trait principal, sa vie se distingue peu de celle des hommes ouvriers. Pour prendre toute la mesure de la condition des femmes ouvrières, la problématique du genre doit donc être articulée à celle de déconstruction du groupe ouvrier.
      Female workers in Russia have experienced a profound deterioration of their situation due to the social transformations of the market. These transformations worsen the gendered division of labor and the discriminations they experience. Most of all, they submit most of the workers to a great instability, which forces them to develop resourcefulness of every kind. Male workers are mainly in charge of resourcefulness in the professional sphere, whereas women manage the domestic sphere physically and, more importantly, nervoulsly. Discriminations and gendered division of labor are linked to social representations that favor women as mothers and embodiments of feminity. In actual fact, the female workers is first and foremost a casual worker who wastes her life trying to earn a living. This main characteristic makes her life quite similar to that of male workers. To fully understand the condition of female workers, the question of gender must therefore be linked to the deconstruction of the workers'entity.
  • Mutations

    • Les paroxysmes de la conciliation. Violence au travail et violence du conjoint - Elizabeth Brown, Dominique Fougeyrollas-Schwebel, Maryse Jaspard p. 149-165 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (enquête Enveff) apporte sur la conciliation entre travail et famille un éclairage supplémentaire, différent de ce que révèle d'ordinaire le seul angle des contraintes spatio-temporelles. Alors que les inégalités entre les sexes ont souvent été analysées au travers des contraintes qui s'imposent aux femmes dans le travail et la famille, les hommes bénéficiant d'une liberté tangible, l'enquête Enveff permet de mettre directement en relation les situations de violence repérées au cours des douze derniers mois dans la vie de travail avec les situations de vie en couple. Le caractère multiforme de la violence est analysé en prenant en compte les divers types de violences interpersonnelles, verbales, psychologiques, physiques et sexuelles, perpétrées dans le cadre du travail et par le conjoint.Dans la majorité des cas, activité professionnelle et vie maritale n'apparaissent pas incompatibles, à condition d'accomplir la conciliation des deux vies dans l'harmonie, car la moindre difficulté ouvre la voie à des effets cumulatifs de violences dans les deux sphères.
      The national survey of violences against women in France (the Enveff survey) casts a new light on the conciliation of work and family, different from what time and space constraints ordinarily reveal. Gender discrepancies an often analyzed from the angle of constraints imposed on women at work and in the family : men benefit from a tangible freedom. The Enveff survey directly links violences at work over the past twelve months with situations in relationships. The many faces of violence are analyzed : interpersonal, verbal, psychological, physical or sexual, perpetrated within the work environment and by the spouse.In the majority of cases, professionnel activity and marital life do not appear to be incompatible, provided that the conciliation of both lives is accomplished in harmony, since the least difficulty gives way to cumulative effects of violences in both spheres.
    • Les 35 heures des hommes et des femmes - Martine Lurol, Jérôme Pélisse p. 167-192 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      A partir de trois entreprises ayant signé des accords Aubry I, de taille, de secteur et de localisation variés, Martine Lurol et Jérôme Pélisse analysent dans cet article la question des différences entre les hommes et les femmes dans la mise en œuvre des 35 heures. Dans les trois entreprises étudiées, les représentations différenciées du travail jouent de façon implicite sur les choix des modalités de réduction du temps de travail retenus, ceux-ci renforçant les traitements différenciés selon le genre. Ainsi, l'égalité professionnelle, clairement identifiée dans le bilan social d'une entreprise, n'est en fait qu'un affichage, les pratiques de gestion du personnel étant sexuées et liées aux représentations de l'emploi féminin véhiculées par les employeurs et par les salariés. Ces pratiques entraînent une prise de jours RTT différente pour les hommes et pour les femmes. L'accroissement de la flexibilité dans une autre entreprise, avec en corollaire l'irrégularité des horaires et les variations de l'amplitude des temps travaillés consécutives aux 35 heures annualisées, ne facilite pas le développement d'un temps “libéré” du travail en particulier pour les femmes non qualifiées. La non prise en compte dans l'accord RTT d'une catégorie de personnel dans une troisième entreprise montre bien que le temps de travail joue comme un révélateur et un marqueur des disparités entre les sexes et entre les catégories sociales. Par ailleurs, des entretiens menés avec des couples travaillant dans la même entreprise permettent de mieux cerner les tensions et les arbitrages qui s'opèrent dans la vie privée où la répartition des rôles ne va pas de soi.
      Based on the example of three companies having signed the Aubry I agreements, of various sizes, fields of activity and localizations, Martine Lurol and Jérôme Pélisse analyze the question of the gendered differences in the implementation of the 35-hour week. In all three companies under scruting, the differenciated representation of work implicitely impact the choice made in the type of reduction of working hours, such choices backfiring by reinforcing the gendered treatment discrepancies. For example, professional equality, clearly identified in the social balance sheet of a company, is only an expression, since management practices of personnel are gendered and linked to the representations of female employment that employers and employees hold. These practices result in different leave days for men and for women. In an other company, the increase of flexibility, together with irregular working schedules and variations in the number of daily hours resulting from the annualization of the 35-hour week, do not promote the development of a “freed” working schedule, in particular with non-qualified women. In the third company, the fact that the agreement is not applied to a specific category of personnel shows that working hours reveal and highlight gender and social inequalities. Furthermore, interviews with couples working for the same company provide more information on the tensions and negociations that take place in private life, where the sharing out of tasks does not go without saying.
    • Les femmes sur le marché du travail au Québec et au Canada - Diane-Gabrielle Tremblay p. 193-211 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article présente la situation des femmes sur les marchés du travail canadien et québécois. Il indique que le taux d'activité des femmes, et notamment des femmes avec enfants, s'est considérablement accru au cours des dernières décennies. De plus, avec l'avancement en âge des enfants, le taux d'activité des femmes augmente. Toutefois, les femmes se trouvent encore souvent dans des emplois précaires ou atypiques. Dans le contexte actuel de déstandardisation des formes d'emploi et d'horaires variables, les femmes vivent parfois difficilement l'articulation entre l'emploi et la famille.
      This article is an introduction to the situation of women of the Canadian and Quebec labor markets. It indicates that the female participation rate in the labor force, and especially that of women with children, has considerably increased over the past decades. Furthermore, as children grow up, the female participation rate increases. However, women often find jobs that are casual and atypical. In the present context of destandardization of jobs and of flexible hours, women sometimes painfully experience the combination of work and family.
  • Controverse  : "Le nouvel esprit de famille"

  • Critiques