Contenu du sommaire : Filles et garçons : pour le meilleur et pour le pire
Revue | Travail, genres et société |
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Numéro | no 9, 2003 |
Titre du numéro | Filles et garçons : pour le meilleur et pour le pire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Parcours
- Cynthia Cockburn, une universitaire hors du commun - Margaret Maruani, Chantal Rogerat p. 5-33
Dossier : Filles et garçons : pour le meilleur et pour le pire
- Filles et garçons : pour le meilleur et pour le pire - Marlaine Cacouault-Bitaud, Nicole Mosconi p. 35-37
- Les comportements “déviants” des adolescentes des quartiers populaires : être “crapuleuse”, pourquoi et comment ? : Les recherches sur les conduites violentes des filles - Stéphanie Rubi p. 39-70 Les enquêtes de délinquance auto-déclarée ou de “victimation” montrent la moindre participation des filles – par rapport à celle des garçons – dans les délits ou les déviances. Cependant, en reconnaissant l'implication des adolescentes dans certaines formes de violence, on est amené à appréhender ces conduites violentes et déviantes au travers de l'étude de la “complexité anthropologique de cette violence”`renvoi id="re1no1" idref="no1" typeref="note"b1`/renvoib. Nous comparons les résultats de ces études, en particulier celle qui a été menée par Eric Debarbieux sur le climat scolaire, aux statistiques officielles de la délinquance. Cette confrontation fournit les premiers éléments de réponse quant à l'implication des filles dans les conduites violentes, quant aux spécificités de leurs comportements déviants. Des travaux ethnographiques effectués sur la socialisation juvénile des adolescentes des quartiers populaires de Marseille, Paris et Bordeaux, ont été réalisés conjointement avec l'enquête nationale sur le climat scolaire. Or, si les adolescentes ont généralement de meilleures relations que les collégiens avec l'école, nous verrons que parmi ces jeunes filles se profilent des attitudes en rupture avec la culture scolaire. Leur rejet de l'école peut alors s'accompagner de défis comme les violences verbales et physiques à l'encontre des pairs et des adultes, les atteintes morales destinées aux plus “faibles”, et parfois les actes délictueux. Si ces “défis” n'ont qu'un caractère déviant et répréhensible pour la culture légitime, ils revêtent une tout autre signification au sein de la loi du plus fort, mécanisme de socialisation juvénile régissant les interactions entre adolescent(e)s des quartiers populaires. Démonstration du statut social acquis entre pairs, ces conduites “violentes” deviennent aussi le mode de relation privilégié des “crapuleuses” dans leurs interactions avec les adolescents.Surveys of self-confessed delinquency or victimisation show a lesser participation of girls – in comparison to boys – in offences and deviance. However, by acknowledging the implication of female adolescents in certain forms of violence, one is led to grasp these violent behaviors through the study of the “anthropological complexity of this violence”`renvoi id="re2no2" idref="no2" typeref="note"b2`/renvoib. We compare the results of these studies, particularly the study carried out by Eric Debarbieux on the atmosphere in schools, with official statistics relative to delinquency. This comparison furnishes the first answers to the question of girls' implication in violent behavior and the specificity of their deviant behavior. Ethnographic studies on socialization of female teenagers in working-class neighborhoods in Marseille, Paris and Bordeaux were carried out jointly with the national study of the atmosphere in schools. If female teenagers generally have better relations in school than their male counterparts, some of them reject the culture of school. They sometimes adopt violent behaviors, verbally and physically, with their peers as well as with adults, and undermine morally those considered “weak”, or commit offences. If these “challenges” are deviant and reprehensible for the legitimate culture, they have an entirely different meaning where the law of the strongest prevails, and this law applies to the mechanisms of juvenile socialization of teenagers in working-class neighborhoods. These “violent” behaviors demonstrate the social status acquired among the peers ; they also become the privileged mode of relation between “villainous” girls and teenaged boys.
- C'est technique, est-ce pour elles ? : Les filles dans les sections techniques industrielles des lycées - Nicole Mosconi, Rosine Dahl-Lanotte p. 71-90 Cet article décrit, à partir de l'analyse d'entretiens, l'expérience scolaire de filles qui ont choisi des filières non traditionnelles de l'enseignement technologique, génie civil et génie thermique. Sont examinées successivement les motivations de leur choix, leurs relations avec leurs pairs garçons marquées aussi bien par l'accueil favorable de quelques-uns et les résistances du plus grand nombre, qui se marquent par les plaisanteries sexistes et, en atelier, par la surprotection, la mise à l'écart ou l'assignation à des tâches subalternes ; les relations avec les enseignants, aidantes de la part de certains, plus ou moins discriminatoires chez d'autres ; et enfin leurs projets professionnels, là encore différenciés, entre celles qui espèrent pouvoir exercer un métier en relation avec leur formation et celles qui tirent de leurs stages des conséquences pessimistes sur leur insertion professionnelle et qui envisagent une réorientation plus ou moins complète. La division des territoires, qui fait du technique industriel un territoire masculin, reste encore très prégnante et fait de la présence des filles un combat quotidien.Based on the analysis of interviews, this article describes the schooling experience of girls who have chosen non-traditional options such as technology, civil engineering or thermal engineering. The subject is tackled from various angles : the motives behind their choice ; their relations with the boys they study with : from the favorable dispositions of a few to the resistance of the majority, as shown by sexist jokes as well as their overprotection, isolation or relegation to low-ranking tasks in the workshops ; relations with the professors, helpful in some cases, more or less discriminatory in other cases ; finally, their professional projects, some girls hoping to get a job related to their training, others drawing pessimistic conclusions from their internships as to their professional insertion, and therefore envisaging a more or less complete reorientation. The division of territories that turns technical and industrial jobs into male territories is still vivid and turns female presence into an everyday struggle.
- Les “relations filles-garçons” : du chaperonnage à la mixité (1870-1970) - Anne-Marie Sohn p. 91-109 Les relations entre les jeunes gens des deux sexes ont toujours suscité la vigilance des adultes inquiets des conséquences du commerce amoureux. Elles s'effectuent donc sous l'œil vigilant des parents et de l'entourage. Le siècle qui s'étend de 1870 à 1970 voit, cependant, l'émancipation progressive des jeunes qui secouent les tutelles familiales pour obtenir la liberté de sortir et de se distraire avec leurs pairs. Le chaperonnage des débuts de la Troisième République s'érode ainsi parallèlement à l'essor de la mixité : mixité au travail, sur le finage et sur le cours ; mixité scolaire qui s'amorce dans l'entre-deux-guerres et se banalise dans les années 1960. La mixité des loisirs, surtout dont l'offre commerciale explose à partir de la Belle Époque, rend les contrôles d'autant plus illusoires que le mariage d'inclination renvoie aux jeunes la responsabilité de la rencontre et du choix amoureux. Dans ces conditions, les parents, au surcroît de plus en plus attentifs au bonheur de leurs enfants, passent des interdits et du chaperonnage au contrôle a posteriori, puis à une confiance fondée sur la responsabilité réciproque. Ce sont les jeunes filles qui ont au premier chef bénéficié du relâchement des surveillances et conquis, fût-ce avec retard, fût-ce au prix de combats opiniâtres, les mêmes droits que les garçons.Relations between young people of the two sexes have always worried adults, who fear the consequences of love games. They take place under the watchful eye of parents and the kin group. However, during the century 1870 to 1970, youngsters have progressively achieved emancipation by rejecting the family's tutelage and obtaining the freedom to go out and enjoy themselves in the company of their peers. The practice of chaperoning in the early years of the Third Republic thus fades out while the mixing of the sexes rises : at work, on tennis courts, in schools, where coeducation appears between the two World Wars and becomes commonplace in the 1960s. The mixing of sexes in leisure activities, which takes off at the turn of the century, defeats control all the more as youngsters increasingly marry for love, thus taking responsibility for meeting and choosing a partner. Under such conditions, parents, increasingly concerned with the happiness of their children, moved from banning and chaperoning first to retrospective control, then to confidence based on reciprocal responsibility. Young women were the primary beneficiaries of the slackening of surveillance and conquered, with some delay, and after a tenacious struggle, the same rights as young men.
- Le jeu de l'amour et de l'amitié au lycée : mélange des genres - Florence Maillochon p. 111-135 Au lieu d'étudier l'influence unilatérale du “groupe de pairs” sur les comportements sexuels des jeunes, cet article propose d'étudier les transformations de l'environnement amical des lycéens corrélatives à leurs premières relations sexuelles, à partir d'une double approche quantitative et qualitative effectuée auprès de lycéens de 15 à 18 ans. L'initiation sexuelle des jeunes s'inscrit dans un contexte de développement de l'ensemble des relations hétérosexuées, mais cette dynamique ne prend pas les mêmes formes pour les garçons et pour les filles. Les filles affichent des environnements relationnels plus mixtes que ceux des garçons, de sorte que la composante masculine des réseaux de sociabilité adolescents apparaît toujours la plus importante. Les réseaux amicaux des filles sont en outre toujours plus affectés par une relation amoureuse ou sexuelle que ne le sont ceux des garçons. Elles adoptent plus fréquemment que les garçons les relations amicales de leur partenaire, parfois au détriment des leurs. Au gré des rencontres amoureuses, les filles semblent donc sujettes à une sorte de “nomadisme relationnel”, reflétant une forme de domination des réseaux masculins dans la sociabilité adolescente qui s'instaure avec les premières relations sexuelles.Rather than studying the unilateral influence of one's age group on the sexual behavior of youngsters, this article studies the transformations in the friendship groups of secondary school students experiencing their first sexual relations, on the basis of quantitative and qualitative data gathered among students aged 15 to 18. Sexual initiation of youngsters is part of the process of development of heterosexual relations, a process that is different for boys and for girls. Girls develop relational environments that are more open to both sexes than do boys, so that the male component of teenage sociability networks alwaysseems more important. Furthermore, girls' networks of friends are always more influenced by love or by sexual relations than those of boys. They adopt the friends of their partners more frequently than do boys, sometimes to the detriment of their own friends. Girls seem to experience a “relational nomadism” that fluctuates according to their love affairs, reflecting a type of domination of male networks in teenage sociability that appears at the same time as the first sexual relations.
- Galimessé 1966-1997 : L'invention de nouvelles formes de flirt chez les Pomaques musulmans de Grèce : structures, histoire et stratégies - Bernard Vernier p. 137-170 L'article décrit l'invention de nouvelles formes de rencontres entre jeunes chez les Pomaques, musulmans de Grèce. Ces rencontres observées en 1997, dans six villages différents, offrent des occasions journalières et quasi institutionnalisées de flirt. Leur forme structurale varie d'un village à l'autre selon l'âge des participants, le moment de la rencontre (de jour ou de nuit), la présence ou non de musique, le type d'habit féminin et la façon de le porter, le degré d'individualisation et de mixité des rencontres, la distance physique entre filles et garçons, la mobilité des différents acteurs, etc. Chaque village se différencie par une combinaison particulière de traits. La sélection de l'une de ces formes structurales est le produit de plusieurs contraintes comme le système de valeurs lié à l'ancienneté de l'émigration et l'organisation physique et sociale de l'espace. Le mouvement de libération engagé par les jeunes (singulièrement par les filles) est le produit d'un ensemble de stratégies collectives et individuelles qui rusent avec l'état, dans un village donné, du rapport de forces entre les sexes et entre les générations, de telle sorte qu'une avancée trop spectaculaire dans un domaine (ex : rencontre de nuit) se paie parfois du maintien de l'habit traditionnel (ex : voile).The article describes the invention of new types of encounters among young Pomacs (Muslims living in Greece). These encounters, observed in 1997 in six different villages, offer daily, quasi-institutionalized opportunities for flirting. Their structural form varies from village to village according to the age of the participants, the timing of the encounter (night or day), the presence or absence of music, the type of outfit worm by the girls and the way of wearing it, the degree of individualization and of mixing of sexes in the encounters, the physical distance between girls and boys, the mobility of the various actors, etc. Each village has its own particular combination of features. The selection of one of these structural forms is the product of several constraints such as the value system linked to the antiquity of emigration, and the physical and social organization of space. The movement of liberation started by the youngsters (especially the girls) is the product of a number of collective and individual strategies that find their way around the state of power relations between the sexes as well as the generations in a given village, in such a way that too spectacular an advance in one field (ex : night time encounters) is compensated for by maintaining traditional dress (ex : veil).
Mutations
- Professionnalisation féminine et féminisation d'une profession : les artistes interprètes de musique - Hyacinthe Ravet p. 173-195 A l'égal d'autres professions qualifiées, l'accès des femmes à la pratique musicale comme professionnelle est récent et inachevé. En tant qu'artistes interprètes, en particulier comme instrumentistes, les musiciennes ont trouvé place dans les orchestres symphoniques permanents au cours de la seconde moitié du xxe siècle, sans toutefois investir tous les postes et tous les rôles : la division du travail reste forte et limite l'accès des femmes aux postes à responsabilité tels que solistes et chefs d'orchestre. L'article étudie ainsi la féminisation des professions d'orchestre en la confrontant aux résultats obtenus sur la place des femmes dans d'autres professions et à l'égard de l'emploi de manière générale. En examinant les étapes successives d'une féminisation d'ordre quantitatif puis les modalités de professionnalisation différenciées entre hommes et femmes, l'article interroge les rapports entre la féminisation et les craintes qu'elle suscite, et pose ainsi la question de la valorisation/dévalorisation de cette activité professionnelle. L'observation des interrelations entre la transformation des professions d'orchestre et leur féminisation, qui ne permet pas de conclure à une dégradation générale de l'activité, montre combien la perception de la situation varie en fonction de la position des acteurs engagés dans la pratique.As in other qualified professions, the access of women to musical practice as professionals is recent and only partially achieved. As performers, and particularly as instrumentalists, female musicians have joined established symphony orchestras in the second half of the 20th century, but not in all positions and roles : the division of labor remains strong and limits women's access to positions of responsibility such as soloists or conductors. The article studies the feminization of professions in the orchestra by comparing it women's progress in other professions and on the job market with in general. By examining the successive steps of feminization as well as the differences in the process of professionalization from a quantitative standpoint, for men and for women, this article questions the links between feminization and the fears it arouses, and so raises the question of the valoriza-tion/devalorization of this professional activity. The relations between the transformation of professions in the orchestra and their feminization do not reveal a general deterioration of conditions. Observing such relations shows the extent to which the perception of the situation varies according to the positioning of the actors.
- L'ivg : un droit concédé encore à conquérir - Sophie Divay p. 197-222 Cet article s'appuie sur les témoignages de femmes recueillis par observation participante dans le cadre d'entretiens obligatoires préalables à l'ivg. Ils relatent les obstacles qu'elles ont dû surmonter pour faire valoir un droit. Une part de leurs difficultés, voire souffrances, résulte des jugements de valeurs proférés par des professionnels du milieu médico-social ou par des membres de leur entourage, et également contenus dans les textes de loi. Force est donc de constater que l'avortement constitue, trente ans après sa légalisation, un stigmate moral dont il est en partie possible de se protéger à condition de vivre l'ivg dans la plus grande discrétion. L'association x, où le travail de terrain s'est déroulé, agit pour que les droits des femmes soient respectés et pour ce faire, revendique la suppression de l'entretien obligatoire. Les conseillères ont notamment aménagé les conditions de cet entretien afin de se démarquer de la fonction de contrôle social que la loi leur attribue. Ainsi rassurées, les femmes livrent les raisons de leur décision, ainsi que leur propre positionnement moral par rapport à l'ivg toujours aussi mal accepté socialement.This article is based on the testimonies of women gathered through participant observation of mandatory interviews prior to abortion. These women explain which obstacles they had to overcome to abort. Part of their difficulty, or even suffering, result from the judgements of professionals in the medical and social fields, or from their families, or from elements inherent in the law itself. It can only be observed that abortion still is a moral stigma thirty years after its legalization. The only way to avoid being stigmatized is to have the abortion in secret. The N.G.O. X, where the fieldwork took place, defends women's rights and aims therefore to suppress the mandatory interview. Its consultants have set up special conditions for this interview so as to avoid the social control of the interviewees, which the law demands. Thus reassured, women reveal the real reasons for their decision, and their own moral position on the still ill-accepted subject of abortion.
- Professionnalisation féminine et féminisation d'une profession : les artistes interprètes de musique - Hyacinthe Ravet p. 173-195
Controverse : Retraites : inégalités en tous genres
- Retraites : inégalités en tous genres - Monique Meron, Rachel Silvera p. 223-225
- Les retraites des femmes : situation actuelle et perspectives - Carole Bonnet, Christel Colin p. 226-233
- Femmes et retraites - Marie-Thérèse Lanquetin p. 234-239
- Les retraites : quel avenir pour les femmes ? - Pierre Concialdi p. 240-245
- Anne-Marie Brocas répond - Anne-Marie Brocas p. 246-253
Critiques
- Critiques - p. 255-270