Contenu du sommaire : Genre, féminisme et syndicalisme
Revue | Travail, genres et société |
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Numéro | no 30, 2013 |
Titre du numéro | Genre, féminisme et syndicalisme |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Parcours
- Yvonne Knibiehler, "maternité et féminisme" - Marlaine Cacouault-Bitaud, Marion Paoletti p. 5-27
Dossier : Genre, féminisme et syndicalisme
- Genre, féminisme et syndicalisme - Cécile Guillaume, Sophie Pochic, Rachel Silvera p. 29-32
- Les souffrances de la femme-quota : Le cas du syndicat suisse Unia - Vanessa Monney, Olivier Fillieule, Martina Avanza p. 33-51 Cet article part d'un constat plutôt rare : en quelques années, le plus important des syndicats suisse – Unia – est parvenu à atteindre un degré élevé de féminisation de ses instances et de son personnel politique, alors même que 80 % de ses adhérent-e-s sont des hommes. Nous montrons d'abord, à partir de données objectives, comment une politique volontariste de quotas, adossée à la nécessité de développer le secteur féminisé du tertiaire, se combine avec la professionnalisation du métier de syndicaliste pour rendre compte de ce succès. En changeant d'échelle, nous montrons ensuite, en nous appuyant sur des entretiens biographiques réalisés auprès de secrétaires syndicaux-ales, que la féminisation à marche forcée du syndicat génère également des effets pervers : fort turn-over du personnel féminin, burn out, stigmatisation de la « femme-quota », sexisme, difficile conciliation entre vie privée et vie professionnelle marquent en effet les carrières féminines à Unia. Nous soulignons alors les limites d'une politique volontariste de féminisation quand celle-ci ne s'accompagne pas d'un changement profond dans la culture organisationnelle du syndicat qui reste, aujourd'hui, profondément androcentrée.This article stems from a rather rare fact : within a few years, the most important Swiss trade union, unia, managed to reach a high feminization rate of its management and political personnel, whereas 80% of its members are men. We will first show, based on objective data, that the voluntary quota policy, fostered by the necessity to develop the feminized part of the service sector, as well as the professionalization of the trade unionist profession, explain this success. On the basis of biographical interviews among male and female trade union secretaries, we then show that the forced feminization of the trade union also generated counter-productive effects : high turnover of female staff, burn-outs, stigmatization of the « quota woman », sexism, difficulties to conciliate private life and professional life mark female careers at unia. We therefore underline the limits of a willful feminization policy if it is not accompanied by profound changes in the organizational structure of the trade union, which remains profoundly male-dominated to this day.
- Militer dans un syndicat féminisé : la sororité comme ressource - Yannick Le Quentrec p. 53-72 Les militantes de la fédération CGT de la Santé et de l'action sociale, bien qu'issues d'un secteur professionnel et d'effectifs syndiqués majoritairement féminins, ont des conditions de travail syndical plus défavorables que les hommes. Elles ont moins de moyens pour agir et plus de contraintes syndicales, professionnelles et familiales. Elles se heurtent aussi à un unanimisme syndical qui légitime la domination masculine. Mais contradictoirement, l'organisation syndicale fait progresser l'égalité en interne et en externe quand des dirigeant-e-s volontaristes féminisent les directions syndicales et favorisent la disponibilité au militantisme des femmes, quand elle intègre les attentes de souplesse des militantes et favorise des liens de solidarité féministe entre elles. Ces résultats au plus près des pratiques de terrain découlent de l'observation participante. Ils incitent à interroger les interactions entre les chercheur-e-s et les syndicalistes.Militants of the CDT federation of health and social action, although stemming from a mainly female professional field and unionized staff, experience trade union working conditions that are less favorable than that of men. They have less means to take action and more trade union, professional and family constraints. They are also confronted with broad legitimization of male domination within the trade union. Nevertheless, unionization fosters equality both inside and outside the union when volunteering leaders feminize the management of the union and favor women's availability to militant actions by taking into account female militants' need for flexibility and feminist solidarity links. These results, at par with practice in the field, are a consequence of participant observation. They question interactions between researchers, male and female, and male and female trade unionists.
- Stratégies en faveur de la démocratie de genre dans les syndicats : Points de vue de responsables syndicales au Royaume-Uni et aux États-Unis - Gill Kirton, Geraldine Healy p. 73-92 Cet article se propose d'exposer ce qui rapproche et sépare les responsables syndicales au Royaume-Uni et aux États-Unis face aux stratégies d'égalité des sexes mises en œuvre dans leurs syndicats pour faire avancer la démocratie de genre. Il s'appuie sur une enquête qualitative de deux ans, menée auprès de 134 représentantes syndicales des deux pays, sur de l'observation participative et sur l'analyse secondaire de données quantitatives. Entreprise à la fois dans une perspective de genre et comparatiste, cette étude souligne tant les convergences que les divergences des responsables syndicales britanniques et américaines vis-à-vis des mesures prises par leurs syndicats en faveur de l'égalité des sexes et examine l'efficacité de ces stratégies pour améliorer la représentation féminine dans les instances dirigeantes et décisionnelles. L'article évoque aussi la position de faiblesse des femmes dans les organisations syndicales et les entraves sociales et structurelles qu'elles rencontrent souvent lorsqu'elles veulent promouvoir et défendre des stratégies égalitaires réformatrices.The objective of the paper is to reveal the cross-national similarities and differences of UK and us women union leaders with respect to union gender equality strategies that contribute to advancing gender democracy. It draws on a two year qualitative study of women union leaders involving 134 union leaders, participant observation and secondary data sources. This research contributes to gender and comparative research by highlighting both similarities and differences in the way uk and us women union leaders engage with union gender equality strategies and provides insights on the efficacy of these strategies for improving women's representation in leadership and decision-making structures. Further insights relate to the weakness in women's position in their unions, and how social and structural factors often constrained their willingness to promote and defend transformational equality strategies.
- La mobilisation des syndicats anglais en faveur de l'égalité salariale (1968-2012) : « Women at the table, women on the table » ? - Cécile Guillaume p. 93-110 Depuis les années 1970, les syndicats anglais se sont impliqués dans différentes formes de mobilisation juridique visant l'obtention de l'égalité salariale, via notamment l'accompagnement de plaignantes saisissant les tribunaux. Cet engagement dans la lutte contre les discriminations faites aux femmes serait-il la conséquence directe de la féminisation des adhérent-e-s et des politiques de mixité des syndicats ? Fondé sur une enquête croisant des entretiens avec les principaux acteurs de cette mobilisation et des documents d'archives, cet article insiste tout d'abord sur l'influence de grèves de femmes et des groupes féministes dans l'obtention d'une législation en 1970 et sur l'importance de la stratégie judiciaire menée par une agence non-gouvernementale, l'Equal Opportunity Commission, dans l'évolution et l'application du droit anglais dans les années 1980. Cette enquête met ensuite l'accent sur le rôle de certains hommes, syndicalistes ou avocats engagés, qui dans les années 1990 se saisissent du droit anti-discriminatoire afin de lutter contre les politiques de restructurations menées par les gouvernements conservateurs et de syndiquer dans les services – publics et privés. Cette mobilisation juridique n'a cependant que faiblement modifié les pratiques conventionnelles discriminantes, cautionnées par des négociateurs syndicaux (hommes). De plus en plus nombreuses au sommet et à la base des syndicats, les femmes peinent en effet à peser dans les instances de négociation collective décentralisées, face à des employeurs récalcitrants, dans un contexte de dérégulation du marché du travail anglais.Since the 1970s, English trade unions got involved in various types of legal action aiming at equal pay, particularly by accompanying female complainants to court. Is this involvement in the fight against gender discrimination a direct consequence of member feminization and the research of a better balance between the sexes in trade unions ? Based on a mix of interviews with the main actors of this mobilization and archive documents, this article first stresses the influence of women's strikes and feminist groups on the obtention of a legislation in 1970 and on the importance of the legal strategy of a non-governmental agency, the Equal Opportunity Commission, in the evolution and application of English law in the 1980s. This survey then focuses on the role of certain men, trade unionists of committed lawyers, who seized the anti-discriminatory law in the 1990s in order to fight the policies of reorganization led by conservative governments, and to unionize in public and private services. This legal mobilization, however, has not modified discriminatory conventional practices much, which were secured by trade union (male) negotiators. Indeed, more and more numerous at the top and at the base of trade unions, women find it difficult to make a difference in decentralized collective negotiation proceedings, faced with unwilling employers, in the context of deregulation of the English labor market.
- Une campagne de syndicalisation au féminin : Une expérience militante dans le secteur de l'aide à domicile - Sophie Béroud p. 111-128 Cet article retrace une expérience de syndicalisation, menée à l'échelle d'un département et avec des moyens très limités dans l'aide à domicile. L'initiative est prise par des militantes de la CGT qui se rendent disponibles pour contourner les difficultés structurelles que présente ce secteur hautement féminisé : éclatement des horaires, quasi-inexistence des collectifs de travail, faible valorisation des qualifications, relations ambiguës à un employeur associatif. En organisant des réunions hors des lieux de travail, ces militantes renouent avec des pratiques du début du mouvement syndical et suivent les implantations, pas à pas. Les modalités d'action qu'elles privilégient, très peu hiérarchisées, centrées sur la création d'espaces de discussion sur le travail en lui-même, favorisent la participation de ces salariées situées au bas de l'échelle sociale. Mais l'expérience ainsi menée n'est possible que parce qu'elle se situe, d'une certaine manière, aux marges des structures syndicales, reflétant ainsi une division sexuée du travail militant.This article outlines a unionization experience at the scale of a district and with very limited means in the sector of home help service. CDT militants take this initiative and make themselves available to circumvent the structural difficulties inherent to this highly feminized field : schedule partitioning, virtually no groupwork, weak valorization of qualifications, ambiguous relations to an associative employer. By organizing meetings outside work hours, these militants revive practices from the early times of trade unionism and track implementations, step by step. With almost no hierarchy, their action plans favor participation of female workers at the bottom of the social ladder, centering on forums where work in itself can be discussed. But this experience is possible only because it is, in a way, on the outskirts of trade union structures, thus reflecting a gendered militant work division.
Mutations
- Un plafond de verre plus bas dans la fonction publique ? : Une comparaison public/privé de l'accès des femmes aux fonctions d'encadrement - Alex Alber p. 131-154 En utilisant l'enquête coi 2006, qui fournit des données quantitatives comparatives entre secteurs public et privé, l'article étudie la place des femmes dans les fonctions d'encadrement au sein des deux secteurs, en distinguant d'une part l'encadrement comme statut : être cadre (ou cadre A dans le secteur public) et d'autre part comme responsabilité : avoir des subordonnés. L'article montre que le secteur public a un encadrement notablement plus féminisé que le secteur privé et que les femmes cadres y jouent plus fréquemment un rôle d'encadrement, avec des équipes en moyenne plus nombreuses. Pourtant, à l'issue de traitements toutes choses égales par ailleurs, ces résultats sont fortement nuancés : il apparaît que si l'accès au statut cadre est aussi difficile pour les femmes des deux secteurs, les femmes du secteur public sont particulièrement désavantagées lorsqu'il s'agit d'accéder à l'exercice de responsabilités hiérarchiques, étant plus orientées vers des fonctions de cadre expert que de manager. Or, dans un contexte de valorisation croissante des fonctions managériales au sein de la fonction publique, cette difficulté accrue à encadrer pour les femmes est sans doute l'un des éléments explicatifs de la permanence du « plafond de verre » auquel se heurtent les femmes cadres du secteur public.Using the 2006 coi survey, which provides quantitative data comparing the private and public sectors, this article studies women in management positions in both sectors. It distinguishes management status, i.e. being a manager (or an A-level manager in the French public sector) and having managerial responsibilities, i.e. having authority over a team. The article shows that management in the public sector is much more feminized than that in the private sector. It also shows that female managers of the public sector have managerial responsibilities more often than in the private sector, their teams being larger on average. However, after processing the data, these results need to be slightly adjusted : it appears that even if access to management status is just as difficult for women in both sectors, women of the public sector are particularly at a disadvantage when it comes to accessing hierarchical responsibilities, being more experts than managers. Managerial functions being more and more valued in the public sector, the increasing difficulty women meet in managing teams is probably one of the explanations for the persisting glass ceiling that female managers encounter in the public sector.
- Division conjugale du travail et légitimité professionnelle : Le cas des activités de diversification agricole en France - Christophe Giraud, Jacques Rémy p. 155-172 L'article porte sur l'émergence de nouvelles activités marchandes en agriculture au croisement des identités professionnelles et de la division sexuelle du travail au sein des couples. Nous mettons en évidence l'existence de deux types de diversification : la première « en discontinuité » avec les activités centrales de l'agriculture (vente directe, transformation, accueil touristique) concerne principalement les agricultrices ; la seconde « en continuité » avec le cœur du métier agricole (travaux agricoles à façon, activités agri-environnementales) concerne surtout le chef d'exploitation. La conception du métier d'agriculteur, demeure centrée sur les tâches techniques culturales ou d'élevage et la division sexuelle du travail affecte les hommes au monde professionnel et en détourne les femmes. Les chefs d'exploitation laissent ainsi à leurs conjointes la possibilité de construire et de maîtriser de façon autonome ces espaces professionnels nouveaux, considérés comme accessoires par rapport aux activités plus étroitement agricoles.This article deals with emerging new business activities in agriculture between professional identities and work division within couples. We highlight two diversification types : the first one, discontinuous with agricultural central activities (direct trade, transformation, tourist information), mostly relates to women farmers ; the second one, continuous with the agricultural core business (agricultural contract work, agro-environmental activities), mostly relates to the farm manager. The concept of agricultural occupation remains centered on crop or stock farming technical tasks. Gendered work division assigns men to the professional world and diverts women from it. Farm managers thus grant their spouses the possibility to build and to master autonomously new professional fields that are considered to be accessory in comparison to more strictly agricultural activities.
- Un plafond de verre plus bas dans la fonction publique ? : Une comparaison public/privé de l'accès des femmes aux fonctions d'encadrement - Alex Alber p. 131-154
Controverse : Le modèle allemand à l'épreuve du genre
- Le modèle allemand à l'épreuve du genre - Monique Meron, Rachel Silvera p. 173-175
- Un tsunami libéral ? - Michel Lallement p. 177-182
- Le modèle allemand est-il désirable pour les femmes ? - Catherine Marry p. 183-188
- Les femmes au cœur de l'éclatement de la norme d'emploi en Allemagne - Olivier Giraud, Arnaud Lechevalier p. 189-194
- La politique familiale en Allemagne : un bilan mitigé - Jeanne Fagnani p. 195-201
- Lettre à mes amis français - Beate Krais p. 203-213
Critiques
- Céline Bessière, "De génération en génération. Arrangements de famille dans les entreprises viticoles de Cognac", Raisons d'agir, Paris, 2010, 221 pages - Alice Barthez p. 215-218
- Regard sur… Mary Leontsini et Marie Buscatto (dir.), "Les pratiques des stéréotypes de genre et La reconnaissance artistique à l'épreuve des stéréotypes de genre, Sociologie de l'art", n°17-18, 2011, 306 pages - Séverine Sofio p. 219-224
- Gaëlle Henri-Panabière, "Des « héritiers » en échec scolaire", La Dispute, Paris, 2010, 190 pages - Marlaine Cacouault-Bitaud p. 225-229
- Nathalie Benelli, "Nettoyeuse. Comment tenir le coup dans un sale boulot ?", Éditions Seismo, coll. « Questions de genre », Zurich, 2011, 218 pages - Nicole Mosconi p. 230-232
- Delphine Gardey (dir.), "Le féminisme change-t-il nos vies ?", Textuel, Paris, 2011, 142 p. - Marion Paoletti p. 233-235
- Christelle Avril, Marie Cartier et Delphine Serre, "Enquêter sur le travail. Concepts, méthodes, récits", La Découverte, coll. « Grands repères. Guides », Paris, 2010, 288 pages - Blandine Barlet p. 236-238