Contenu du sommaire : Miroirs aux princes
Revue | Revue française d'histoire des idées politiques |
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Numéro | no 53, 1er semestre 2021 |
Titre du numéro | Miroirs aux princes |
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Études
- Introduction - Valérie Ménès-Redorat p. 9-21
- Un miroir aux princes révélé : Brigitte de Suède, mystique et conseillère des rois - Camille Bataille p. 23-38 Les révélations mystiques de Brigitte de Suède (1303-1373) l'ont amenée à conseiller plusieurs souverains européens, en particulier le roi de Suède Magnus Eriksson. Les visions politiques de la sainte sont compilées après sa mort dans un miroir aux princes intitulé le Livre de l'empereur céleste aux rois. D'autres révélations du corpus brigittin peuvent également être lues dans cette perspective. Cette contribution vise à examiner le contenu de ce miroir d'origine divine à la fin du Moyen Âge.St Birgitta of Sweden (1303-1373) received many revelations during her lifetime, which allowed her to advise several European rulers, especially king Magnus Eriksson of Sweden. The political visions of Birgitta were posthumously compiled into a Mirror for Princes entitled the Heavenly Emperor's Book to Kings. Some other revelations of the corpus of St Birgitta of Sweden may be read into that perspective as well. This article wishes to present the content of this revealed Mirror of the Late Middle Ages.
- Christine de Pizan et "Le Livre du Corps de policie" - Valérie Toureille p. 39-55 Le Livre du Corps de policie de Christine de Pizan (1406-1407) s'inscrit dans une trilogie, entre le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V (1404), qui est un miroir du bon gouvernement et le Livre de la Paix (1412-1413), dédié au prince Louis de Guyenne, qui énumère les sept vertus du prince. Après un rappel contextuel (politique et littéraire) nécessaire à l'analyse de l'œuvre, qui s'inscrit dans la tradition de l'exposé des vertus du prince, il ressort que la particularité et la modernité de Pizan se situent dans son usage de la théorie organiciste, soit la représentation (classique) de l'État en un corps humain politique qui forme ce « corps de policie », comme entité abstraite. Il appartient au roi de maintenir l'ordre social établi et l'unité dans ce corps politique, non sans s'appuyer particulièrement sur les fidèles officiers, le tiers ordre (les villes et les bourgeois précisément) et les assemblées représentatives nouvelles. Le roi « n'est que le dépositaire d'un office », dans une vision moderne de la souveraineté. Pizan est non seulement la première femme – engagée – à écrire un miroir au prince mais aussi celle qui réussit à faire de son miroir un traité de science politique de son temps expliqué à un enfant.The Livre du Corps de policie by Christine de Pizan (1406-1407) is part of a trilology, between, the Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V (1404), which is a mirror for princes of the good government and the Livre de la Paix (1412-1413), dedicated to Prince Louis de Guyenne, which enumerates the seven virtues of the prince. After a political and literary reminder of the context, necessary for the analysis of the work, which is part of the tradition displaying the virtues of the prince, it appears that Pizan's peculiarity and modernity can be found in her use of the organicist theory, that is to say the classical representation of the State as a human political body which forms the “body of policie” as an abstract identity. It is the role of the King to keep the established social order and the unity in that political body with the help of faithful officers, the third estate (more precisely towns and burghers) and the new representative assemblies. The King is “only the trustee of an office”, in a modern vision of the Sovereignty. Not only is Pizan the first woman – involved – in writing a Mirror for Princes, but she is also the one who succeeded in making her Mirror a political treaty of her time, explained to a child.
- Les miroirs aux princes au reflet des idées politiques de leur temps (XVIe et XVIIe siècles) - Xavier Gendre p. 57-71 L'expression « miroirs des princes » est communément utilisée pour décrire les traités politiques adressés au pouvoir royal dans le but d'exhorter le prince aux vertus, de le former et de le préparer à l'exercice du pouvoir, en y décrivant l'idéal de sa figure. Au-delà de l'emploi générique de l'expression métaphorique du miroir, la littérature politique des « miroirs des princes » a cependant été sujette à des ruptures qui ont non seulement consommé le genre de manière définitive mais surtout transformé l'exercice politique du pouvoir royal.The expression “Mirror for Princes” is commonly used to describe the political treaties addressed to royal power in order to exhort the prince to virtue, to form and prepare him to the exercise of power, and describing the ideal of such a figure. Beyond the generic use of the metaphoric expression of the Mirror, the political literary genre of the “Mirror for Princes” has been subjected to a number of breaches which have not only exhausted the genre in a definitive way but above all has also transformed the political exercise of royal power.
- L'éducation du prince entre identité et altérité : le De rege (1599) du jésuite Juan de Mariana. Pensée historique et constitution des corps politiques dans l'Espagne moderne - Renaud Malavialle p. 73-96 Le jésuite Juan de Mariana a composé un traité d'éducation du prince célèbre pour la radicalité de la théorie du tyrannicide qu'il y développe. Mais cet aspect du De rege fait surtout pendant aux conceptions anthropologiques, politiques et éducatives profondément historicisées et donc pragmatiques de cet auteur. Le parcours du jeune érudit au cœur de la chrétienté déchirée par les guerres de Religion et troublée par l'essor des sentiments nationaux qu'elles cristallisent, le ramène, après son séjour parisien (1570-1574), en Castille où il travaillera désormais à son œuvre. Son intérêt pour l'histoire semble fonder une idée de ce que doit être le monarque hispanique, souverain d'une España dont Mariana contribue à remotiver le sens. L'édification du roi et la définition historique d'une aire prépondérante au sein de la monarchie vont de pair pour affronter les nouveaux défis de l'époque.The Jesuit Juan de Mariana composed a treatise of education of the prince famous for the radicality of his tyrannicide theory. But this aspect of the De rege is above all the counterpart of the clearly pragmatic, anthropological, political and educational conceptions, and therefore profoundly historicized, of this author. The journey of the young scholar in the heart of Christendom torn by the wars of religion and troubled by the rise of the national feelings they crystallize, brings him back, after his stay in Paris (1570-1574), to Castilla where he will now work and write. His interest in history seems to form an idea of what the Hispanic monarch and the sovereign of an España should be, another idea whose meaning he helps to re-invent. The formation of the king as well as the historical definition of a preponderant moment within the monarchy go hand in hand to face the new challenges ahead.
- Jean Doujat et son ouvrage "Éloges des personnes illustres de l'Ancien Testament pour donner quelque teinture de l'Histoire sacrée, à l'usage de Monseigneur le duc de Bourgogne" (1688) - Marie-Bénédicte Rahon-Dos Santos p. 97-112 Jean Doujat est avocat au parlement de Toulouse en 1637, puis au Parlement de Paris en 1639. Il entre à l'Académie en 1650 et est nommé lecteur royal en droit canon au Collège de France l'année suivante. Après divers rebondissements, il devient docteur régent de la faculté de droit de Paris en 1655. Il se fait très vite remarquer par le pouvoir royal. Au sein de sa chaire de droit canon au Collège de France, il démontre toutes ses aptitudes pédagogiques et prouve son intérêt pour l'enseignement mais surtout pour l'étudiant lui-même. En effet, il tourne entièrement son enseignement vers les besoins de l'élève. Ainsi Jean Doujat, en plus d'être un savant accompli, est également un excellent professeur. Ses qualités ont sans doute joué pour faire de lui le précepteur en histoire et mythologie du Grand Dauphin, fils de Louis XIV. S'il n'existe que peu d'information sur cette partie de sa vie, son ouvrage, Éloge des personnes illustres de l'Ancien Testament (1688) qu'il rédige, peu de temps avant sa mort, pour le duc de Bourgogne, fils de son royal élève, permet de prendre connaissance des intentions de Jean Doujat auprès de ses élèves en dévoilant sa pédagogie. Même si ses élèves royaux ne sont jamais montés sur le trône de France, il est intéressant de voir quelle éducation Louis XIV souhaitait pour ses enfants et successeurs.Jean Doujat was a lawyer at the Parliament of Toulouse in 1637 and at the Parliament of Paris in 1639. He became a member of the Academy in 1650 and was appointed royal reader in canon law at the Collège de France the following year. After various twists, he became doctor-regent of the Law Faculty of Paris in 1655, where he was quickly noticed by the royal authority. During his time in the Canon Law chair of the Collège de France, he demonstrated the range of his teaching skills and proved he had a real passion for education but first and foremost for his students' success. His teaching methods were always focused on fitting the needs of his students. Jean Doujat was not only an accomplished scientist but an excellent teacher. His qualities played a great role into turning him into the History and Mythology tutor of the Grand Dauphin, son of Louis XIV. We have only little information about this part of his life, nevertheless the book Éloge des personnes illustres de l'Ancien Testament (1688), which he wrote for the duke of Burgundy, son of his royal pupil, shortly before passing away gives a glimpse into both his teaching goals and his pedagogy. Even if his royal pupils never ascended the throne of France, it is interesting to see what kind of education Louis XIV wanted for his children and successors.
- L'éducation du prince selon Fénelon : de l'amour-propre à la justice - Ryan Patrick Hanley p. 113-124 Auteur de Télémaque, Fénelon est peut-être le contributeur le plus important au genre « miroirs aux princes » en France dans la période moderne. Mais son livre célébré par tout le monde comme un exemple classique de ce genre n'est pas la contribution la plus importante de Fénelon à ce genre. Cet honneur est réservé à un autre texte : l'Examen de conscience sur les devoirs de la royauté. Cet article présente quelques réflexions sur ce texte oublié dans un effort de redécouvrir ses leçons, et plus particulièrement, de redécouvrir sa contribution importante au projet de l'éducation politique du prince. Plus spécifiquement, il compare le Télémaque et l'Examen pour démontrer qu'il y a un rapport fort et considérable entre les deux textes, mais en même temps, une différence fondamentale : où le Télémaque cherchait à augmenter l'humanité du prince au moyen d'un appel à l'amour, le but de l'Examen n'était pas d'encourager l'amour, mais d'encourager une révérence pour la justice.As the author of Telemachus, Fénelon may well be the most important contributor to the “mirror for princes” genre in early modern France. But his famous book, which so many have celebrated as a classic exemplar of this genre, is not Fénelon's most important contribution to it. This distinction is held by another text: The Examination of Conscience on the Duties of Kingship. This article examines this forgotten text in an effort to rediscover its lessons, and in particular to rediscover its important contribution to the project of the political education of the prince. More specifically, in comparing Telemachus to the Examination it shows that while there exists a close connection between the two works, there is also a fundamental difference: for where Telemachus was intended to increase the humanity of the prince by appealing to love, the goal of the Examination was not to encourage love, but to encourage a reverence for justice.
- Comment transposer les institutions du prince à l'usage de Charles Quint et de Gustave de Suède (1756-1757) dans l'"Encyclopédie`" de Diderot et d'Alembert ? - Pascale Mormiche p. 125-153 L'article « Gouverneur de la personne d'un prince » dans l'Encyclopédie paraît être écrit à la fin de l'année 1756 ou au début de 1757. Alors que germe l'idée de refonder un concept monarchique au milieu du XVIIIe siècle, la rédaction de l'article est confiée non aux grands théoriciens politiques de l'époque (Rousseau, Diderot, d'Alembert, Jaucourt…) mais à un illustre inconnu : André Lefebvre. Il critique l'éducation princière sans développer d'arguments sérieux. Il ne s'appuie pas sur les institutions du prince qui ont renouvelé le genre au XVIIIe siècle. Il préconise de suivre les principes du gouverneur de Charles Quint dans un contexte temporel et politique bien différent. Il fait la promotion de Scheffer, gouverneur de Gustave de Suède, au moment même où celui-ci modifie ses principes politiques et instruit le prince avec l'idée d'un renforcement de l'absolutisme. Devant ces contradictions, l'article « Gouverneur de la personne d'un prince » dans l'Encyclopédie paraît bien paradoxal mais permet d'imaginer qu'il est à l'origine des idées sur le rôle du gouverneur et de l'éducation d'un prince à l'été 1791.The entry « Gouverneur de la personne d'un prince » in the Encyclopédie seems to have been written at the end of the year 1756 or at the beginning of 1757. At the time when the idea of founding a new monarchical concept was taking place in the middle of the 18th century, the writing of this entry/article was not entrusted to the great political theoreticians of the time (Rousseau, Diderot, d'Alembert, Jaucourt…) but to an illustrious unknown: André Lefebvre. He criticizes the education given to princes without developing any serious arguments. He does not use the institutions of the Prince which renewed the literary genre in the 18th century. He advocates to follow the principles of Charles V's governor when they took place in different temporal and political context. He advocates Scheffer, Gustav of Sweden's governor, at the very moment when he decides to modify his political principles and instructs the prince in the sense of reinforcing absolutism. Facing such contradictions, the entry « Gouverneur de la personne d'un prince » in the Encyclopédie appears quite paradoxical but allows to imagine that it is at the origin of the ideas on the role of the governor and of the education of a prince in the summer of 1791.
- Le « Législateur » selon Rousseau : le prince à l'envers ? - Blaise Bachofen p. 155-173 Rousseau a toujours récusé l'idée, dominante en son siècle, du despotisme éclairé. Si quelque chose, dans sa pensée politique, fait écho à la tradition de l'éducation du souverain, c'est l'intrigant personnage qu'il nomme dans Du Contrat social « le Législateur ». Désigné ainsi par référence aux grands nomothètes de l'Antiquité, il n'est cependant pas « législateur » au sens propre puisqu'il n'a pas le droit de légiférer. Il n'est pas non plus ce que Rousseau nomme « le prince », à savoir le pouvoir exécutif, exercé dans la République idéale par un monarque ou un collège de magistrats choisis par élection. Sa seule fonction est d'« instituer », au sens de « guider », d'« éclairer » le peuple souverain. Mais peut-on éduquer un peuple comme on éduque un homme ? Le peuple formé à la souveraineté est-il à même de réduire la fonction du prince à celle de simple exécutant et de se passer de maître ?Rousseau always challenged the idea, ruling in his century, of enlightened despotism. If anything, in his philosophical thinking, echoes the tradition of the education of the sovereign, it is the scheming character whom he names in The Social Contract “the Lawgiver”. Although named after Antiquity's major nomothetes, he is not, however, literally a “lawgiver” since he has no right to legislate. Nor is the Lawgiver “the prince,” or the executive power, exercised in the ideal Republic by a monarch or a college of magistrates chosen by election. His sole function is to “institute,” in the sense of guiding, educating or enlightening the sovereign people. But can one educate a people like one would educate a man? Is “the people” formed to sovereignty capable of reducing the prince's function to that of a simple executor, and dispense with a master?
- Charles Rollin (1661-1741) : de l'éducation des princes aux élites du XIXe siècle - Kondylenia Belitsou p. 175-185 Charles Rollin (1661-1741), professeur français de rhétorique, mais aussi homme d'Église, rattaché au mouvement des jansénistes, esquisse un projet éducatif qui vise à transmettre aux princes et aux sujets des idées nouvelles et à insuffler en même temps des principes moraux et religieux de son époque. Le pédagogue qui meurt avant la Révolution tient une correspondance avec le roi de Prusse Frédéric II. Son Histoire ancienne (1730-1738) s'inscrit dans le modèle humaniste qui, au xviie siècle, fait triompher, dans l'histoire de l'Antiquité, des exempla qui « subordonnent les registres politique et militaire aux catégories morales ». Au fil de son Histoire, nombreux sont les portraits de rois (Philippe de Macédoine), de princes (Alexandre le Grand), ou d'hommes politiques (Solon). À travers leurs actes il fait réagir les lecteurs afin qu'ils formulent un jugement à l'égard des grands hommes et de leur personnalité. Le point fort de cette Histoire élaborée sur le mode narratif, mêlant volontiers les références religieuses, disposant d'un appareil de citations empruntées aux auteurs anciens est qu'elle finit par convaincre les publics lettrés et trouver un écho dans la nouvelle génération de ce début du xixe siècle. Malgré alors le changement socioculturel et politique à travers les siècles, on voit une volonté de continuité avec les valeurs morales du passé où les élites d'une nouvelle génération trouvent un enjeu du progrès de la civilisation.Charles Rollin (1661-1741), a French professor of rhetoric, but also a man of a church linked to the Jansenist movement, promotes an educational project which aims at transmitting to Princes and subjects new ideas without forgetting the moral principles of his time. The pedagogue who died before the Revolution held a correspondence with Frederic II, King of Prussia. His Ancient History (1730-1738) is part of the humanist model and it is full of exempla that “subordinate the political and military registers to moral categories”. Throughout his book, there are many portraits of kings (Philip II of Macedon), princes (Alexander the Great), or politicians (Solon). Through their actions, he makes readers react so that they can formulate a judgment with regard to the great men and their personality. The strong point of his History written on a narrative mode, freely mixing religious references, borrowing quotations from ancient authors, is that it ends up convincing the literate public and finding an echo in the new generation of the 19th century. In spite of the sociocultural and political changes through the centuries, one can observe a desire for continuity with the moral values of the past, when the elites of a new generation used to find a strategic stake in the progress of civilization.
- L'"Enquête sur la monarchie", miroir sans tain. Du reflet idéal à la réalité positive - Guillaume Bacot p. 187-198 En publiant l'Enquête sur la monarchie (1900), Charles Maurras a voulu prouver la nécessité de rétablir en France les institutions historiques de la monarchie tempérée, car celles-ci – et tout spécialement l'hérédité du pouvoir – suffiraient à garantir toujours le meilleur gouvernement qui soit. Dès lors, l'idée même d'un « miroir aux princes » devenait d'autant plus incongrue qu'elle aurait fragilisé cette démonstration.In publishing his work Enquête sur la monarchie (1900), Charles Maurras wanted to prove that France needed to reestablish the historical institutions of the moderate monarchy because, along with hereditary power, they would be enough to guarantee the best of governments. Therefore, the very idea of a “Mirrors of Princes” became even more incongruous as it would have weakened his demonstration.
- The English Constitution (1867) de Walter Bagehot (1826-1877) : un « miroir aux princes » ou un prince dans le miroir ? - Catherine Marshall p. 199-224 The English Constitution (1867), ouvrage phare de Walter Bagehot (1826-1877), peut-il être considéré comme un miroir aux princes ? À première vue, il n'entre pas dans la catégorie des manuels d'éducation destinés aux princes du Moyen Âge puisqu'il fut rédigé par son auteur pour éclairer les Victoriens du milieu du siècle sur l'organisation de leur Constitution non codifiée. The English Constitution n'était pas non plus un recueil de préceptes moraux permettant au souverain de gouverner avec vertu. Cependant, à bien y regarder, en particulier sur un temps long, cet ouvrage prend un sens nouveau pour l'éducation des monarques britanniques puisqu'il devint l'ouvrage essentiel utilisé pour les éduquer à leur rôle de monarque constitutionnel dès la fin du xixe siècle. À terme, il s'agit bien de montrer que The English Constitution est devenu un miroir aux princes avec le temps, comme la réalisation improbable d'une projection de la pensée de son auteur.Can The English Constitution (1867), the seminal work by Walter Bagehot (1826-1877), be considered as a Mirror for princes? At first glance, it does not fall into the category of educational manuals for medieval princes since it was written by its author to enlighten the Victorians of the mid-century on the organization of their uncodified Constitution. Nor was The English Constitution a collection of moral precepts for the sovereign to govern according to virtue. However, on closer inspection, especially over a long period of time, it has taken on a new meaning for the education of British monarchs as it has become the essential work used to educate them in their constitutional role since the end of the nineteenth century. The object of this article is to show that The English Constitution has become a Mirror for princes over time, as the unlikely realization of a projection of its author's thought.
- Éduquer le prince algorithme - Eduardo Nolla p. 225-240 Hobbes rejette ouvertement les principes classiques sur lesquels Machiavel fonde son idée du miroir. Il comprend les fondements de la représentation politique moderne en définissant le représentant comme un acteur qui reflète, tel un miroir, les actions des individus composant son corps. Tocqueville comprend que la relation dangereuse entre l'égalité, la majorité et l'uniformité peut produire un despotisme démocratique. Les algorithmes contemporains partagent de nombreux points communs avec ce que Tocqueville définit comme des régimes démocratiques formellement égalitaires, aux libertés réduites.Machiavelli's mirror was based on traditional principles that were openly rejected by Hobbes. It is Hobbes who understands the basis for modern political representation where the representative is an actor who, as a mirror, reflects the actions of the individuals making his body. Tocqueville understood that it is the dangerous relation between equality, majority and uniformity that may produce democratic despotism. Modern day algorithms share many of the traits Tocqueville attached to nominally egalitarian democratic regimes which lacked liberty.
Variétés
- Le conservatisme nié et déguisé d'Eric Voegelin - François Lecoutre p. 241-282 Après son exil outre-Atlantique, Eric Voegelin (1901-1985) a toujours nié systématiquement son appartenance à la tradition conservatrice (1), mais il a tout de même été très largement reçu par les conservateurs américains, surtout les théoconservateurs, qui ont trouvé en lui un allié pour mener à bien leur critique de la modernité sécularisée (2). Selon nous, cette réception voegelinienne par les conservateurs américains ne dénature pas l'œuvre de Voegelin comme celui-ci le prétendait. Elle présente même, au contraire, l'intérêt de jeter la lumière sur son appartenance à la tradition conservatrice d'avant-guerre qu'il avait pourtant pris le soin aux États-Unis de dissimuler à travers une reformulation de sa philosophie politique autoritaire en une « théologie politique » (3).After his exile to the United States, Eric Voegelin (1901-1985) always systematically denied his belonging to the conservative tradition (1), but he was nevertheless widely received by American conservatives, especially the theoconservatives, who found in him an ally to carry out their critique of secularized modernity (2). In our opinion, this reception of Voegelin by American conservatives does not distort Voegelin's work as he claimed. On the contrary, it even has the advantage of shedding light on its belonging to the conservative pre-war tradition that it has nevertheless taken care in the United States to conceal through a reformulation of its authoritarian political philosophy into a « political theology » (3).
- L'universalité de l'obligation militaire, un reflet de l'égalité utopienne - Paul Chauvin-Madeira p. 283-325 L'objet de cet article est de comprendre pourquoi Thomas More a proposé un service militaire universel qui, au début du xvie siècle, était aussi scandaleux qu'irréalisable. Notre hypothèse est qu'il n'avait pas le choix, en ce sens qu'il devait tirer les conséquences des principes sur lequel toute son utopie est construite : l'égalité. L'universalité de l'obligation militaire est en effet la mise en œuvre institutionnelle de l'égalité économique, morale et politique qui structure la République utopienne. Elle contraste radicalement avec les conditions réelles du recrutement dans les sociétés européennes du xvie siècle qui trahissent en fait leurs propres idéaux. L'étude de ce qui semble un détail permet ainsi de remonter au cœur des volets critiques et normatifs du projet moréen.The purpose of this article is to understand why Thomas More proposed universal military service which, at the beginning of the 16th century, was as outrageous as it was impractical. Our theory is that he had no choice, in the sense that he had to draw conclusions from the principles on which his whole utopia is built: equality. The universality of military duty is indeed the institutional implementation of the economic, moral and political equality that structures the Utopian republic. It contrasts radically with the real conditions of recruitment in sixteenth century European societies which in fact betray their own ideals. The study of what seems a detail thus allows us to go back to the heart of the critical and normative aspects of the Morean project.
- Le conservatisme nié et déguisé d'Eric Voegelin - François Lecoutre p. 241-282