Contenu du sommaire : La communication politique négative en campagne présidentielle
Revue | Questions de communication |
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Numéro | no 38, 2020 |
Titre du numéro | La communication politique négative en campagne présidentielle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier. La communication politique négative en campagne présidentielle
- De la castagne en campagne : la communication électorale négative, fait politique et objet d'étude - Pierre Lefébure p. 9-32 Consacrer une part de sa communication de campagne électorale à attaquer un adversaire est une pratique avérée des candidats. Mais le constituer comme objet d'analyse dans les recherches sur la communication politique ne s'est pas développé partout de manière équivalente. Travaux et concepts sont précoces et abondants aux États-Unis, plus tardifs et avec des questionnements renouvelés en Europe, et quasiment inexistant en France même si les attaques contre les adversaires peuvent clairement y être identifiées comme un phénomène récurrent et parfois intense, notamment selon une logique partisane et idéologique. Les éventuelles spécificités de la communication électorale négative en France sont examinées tant du point de vue des travaux qui commencent à s'y consacrer que de l'étude de la campagne présidentielle de 2017 dans le cadre du dossier thématique dont cet article est l'introduction.Devoting a share of one's campaign communication to the attack against an opponent is a proven practice of candidates. Yet research about this practice in the field of political communication studies has not developed everywhere in an equivalent manner. Empirical studies and concept have been heavily worked out in the United States first, then later with renewed hypothesis in Europe, but almost not in France despite the attacks against opponents are clearly identified there as a recurring and sometimes intensive phenomenon, in particular in connection with partisan and ideological motives. The possible specificity of negative campaigning in France is discussed regarding how scholars begin to address this research field as well as how the 2017 presidential election is studied as such in the QdC special issue introduced by this article.
- La négativité dans les campagnes électorales aux États-Unis - Travis N. Ridout, Anne Jadot, Pierre Lefébure, Claire Sécail p. 33-52 Les campagnes politiques aux États-Unis sont considérées comme particulièrement négatives, surtout au niveau présidentiel. Cette recherche analyse la négativité de la campagne présidentielle de 2016 dans ce pays en se concentrant sur les publicités payantes, à la fois à la télévision et en ligne. Les résultats pointent globalement des niveaux de négativité très élevés, mais avec un degré de négativité variant considérablement selon la phase de la campagne (élection générale versus primaires), le calendrier (la proximité du jour du scrutin), le type d'annonceur (candidat lui-même versus groupe qui le soutient) et le média (télévision versus internet). Des recherches ultérieures devraient s'efforcer d'établir davantage de comparaisons internationales.Political campaigns in the United States are thought to be particularly negative, especially at the presidential level. This research examines negativity in the 2016 US presidential campaign, with a focus on paid television and paid online advertising. I find very high levels of negativity, but the amount of negativity varies considerably depending on the phase of campaign (general election v. nomination), the timing (the closeness to Election Day), the type of sponsor (candidate v. group) and medium (television v. online). Further research should strive to make more cross-national comparisons.
- Du discrédit des adversaires à la contestation du système : Comment les stratégies négatives accompagnent l'ouverture, puis la fermeture du jeu politique en Russie post-soviétique - Clémentine Fauconnier p. 53-72 L'article examine les différents usages de la négativité dans le contexte de la Russie post-soviétique marqué par un mouvement d'ouverture puis de fermeture du jeu politique. Il analyse comment la trajectoire du pays et les successives configurations au pouvoir ont permis l'émergence de « technologies noires » pour discréditer les adversaires avant que le rejet de la décennie 1990, des conditions de transition à la démocratie et au capitalisme ainsi que les acteurs qui ont porté ce changement, devienne le discours de légitimation central depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir. Il montre enfin la façon dont, depuis quelques années, la mouvance d'opposition démocrate s'est réappropriée un certain nombre de stratégies négatives pour remettre en cause le régime dans son ensemble.The article deals with the different uses of negativity in the context of post-soviet Russia, characterized by processes of opening and closing of the political game. It analyzes how its specific trajectory and the successive power configurations led to the apparition of “black technologies” to discredit adversaries before the rejection of the nineties, of the abrupt transition to democracy and capitalism and of the leaders of that time became the main legitimation strategy since Vladimir Putin came to power. Finally, it shows how the democratic opposition appropriated for the last years, some of the negative strategy in order to challenge the current political regime.
- Stratégies, (dé)construction et circulation de la négativité dans les meetings de la présidentielle française de 2017 - Claire Sécail p. 73-100 Se déroulant dans un climat de tensions, la présidentielle française de 2017 a marqué les esprits pour sa tonalité négative. Certains candidats ont vu l'opportunité de se montrer particulièrement offensifs en dénigrant un ou plusieurs concurrents ; d'autres, au contraire, ont cherché à déconstruire tout effet de négativité, non sans mobiliser parfois les mêmes codes de l'effervescence négative. À partir d'une observation de terrain dans les meetings des principaux candidats et l'exploitation de sources complémentaires (archives des comptes de campagnes, comptes rendus de presse), cet article étudie la négativité en tant que stratégie située dans le dispositif du meeting. Il s'agit de ne pas dissocier la dimension discursive de la négativité, par le repérage des certains procédés argumentatifs, de sa dimension ethnographique, pour comprendre comment fonctionnent la production et la circulation de ces procédés dans un milieu social donné.Taking place in a climate of tension, the 2017 French presidential election has been marked by its negative tone. Some candidates saw the opportunity to be particularly offensive by denigrating one or more competitors ; others, on the contrary, sought to (re)shape negative effects, as they nonetheless mobilize the same codes of negative effervescence. Based on a field observation of the main candidates' rallies and the analysis of complementary sources (archives of campaign accounts, press reports), this article studies negativity as a strategy within the rallies' mechanism. The aim is to combine the discursive dimension of negativity, through the identification of certain argumentative processes, and its ethnographic dimension, in order to understand how the production and diffusion of these processes works in a given social environment.
- Facebook, vecteur d'amplification des campagnes négatives ? : Le cas d'Ali Juppé lors de la primaire de la droite et du centre en 2016 - Anaïs Theviot p. 101-124 Le candidat Alain Juppé était donné favori de la primaire de la droite et du centre en 2016, voire de l'élection présidentielle de 2017. Mais son aventure électorale s'est arrêtée au deuxième tour de la primaire et s'est soldée par la victoire surprise de François Fillon. Certains de ses partisans ont souligné que son échec était en partie dû à une campagne négative intense sur les réseaux sociaux, visant à le décrédibiliser auprès de l'électorat traditionnel de droite. Le sobriquet « Ali Juppé » – censé incarner les liens étroits d'A. Juppé avec l'islam radical – a en effet circulé massivement en novembre 2016 sur Twitter et Facebook. La structure des réseaux sociaux, et plus particulièrement celle de Facebook, change-t-elle la donne dans la circulation et la propagation de messages négatifs en campagne électorale ? Quelles sont les stratégies de lutte mises en place par les équipes de campagne pour démentir ces rumeurs ? Quels sont les effets de ces campagnes négatives en ligne sur le vote ? Pour répondre à ces questions, nous avons investi trois méthodes de recherche : une ethnographie en ligne sur Facebook, des entretiens avec les militants et membres de l'équipe de campagne d'A. Juppé et une enquête quantitative sur les électeurs de la primaire.The candidate Alain Juppé was given favorite of the primary of the right and the center in 2016, even of the presidential election of 2017. But his electoral adventure stopped in the second round of the primary and ended in the surprise victory of François Fillon. Some of his supporters pointed out that his failure was due in part to an intense negative campaign on social media, aimed at discrediting him with the traditional right-wing electorate. The nickname “Ali Juppé” – supposed to embody A. Juppé's close ties to radical Islam – indeed circulated massively in November 2016 on Twitter and Facebook. Does the structure of social networks, and more particularly Facebook, change the game in the circulation and propagation of negative messages during an election campaign? What are the fight strategies put in place by campaign teams to refute these rumors? What are the effects of these negative online campaigns on voting? To answer these questions, we used three research methods: an online ethnography on Facebook, interviews with activists and members of A. Juppé's campaign team, and a quantitative survey of primary voters.
- Diriger l'hostilité de la communauté frontiste en ligne : L'exemple de la campagne #LeVraiFillon - Gaël Stephan p. 125-144 Le 27 novembre 2016 est annoncée la victoire de François Fillon à la primaire de la droite et du centre. Le député de Paris devient ainsi officiellement investi candidat pour les élections présidentielles de 2017. Parallèlement à cette annonce est déployée en ligne une campagne négative attaquant le politique sur son bilan, son programme, ainsi que sur son caractère, la campagne #LeVraiFillon. Celle-ci est alimentée par la communauté frontiste qui va publier et partager, notamment sur Twitter et Facebook, des contenus dénonçant le candidat, et ce pendant plusieurs mois. L'étude ici conduite révèle la manière dont le FN encourage et dirige l'hostilité au sein de la communauté formée autour de sa candidate sur les réseaux socio-numériques.The 27th of November 2016, François Fillon was designated as candidate for the 2017 presidential election. The very same day, the Front national's online community issued an online negative campaign using the hashtag #LeVraiFillon. Through the publication of various contents on several social media platforms, over a number of months, the aim was to attack F. Fillon's record, programme and character. The analysis of this campaign underlines the way the Front national fosters and controls its community's hostility towards political opponents.
- « C'est totalement ridicule » : stratégie et contenu d'une communication négative dissimulée lors de la campagne présidentielle française de 2017 - Pierre Lefébure p. 145-172 Durant la campagne présidentielle française de 2017, le dispositif « Ridicule TV » se présente comme un projet d'humour sur l'actualité politique sur les réseaux sociaux numériques (Twitter, Facebook, Youtube) et diffuse une soixantaine de courtes vidéos. En réalité, il s'agit d'une action dissimulée de communication politique négative contre Emmanuel Macron élaborée et gérée par des membres de la campagne de l'un de ses adversaires, François Fillon. Nous discutons comment le dispositif, puisqu'il ne se donne pas à connaître pour ce qu'il est, limite sa réussite en matière de gain électoral, tout en s'ajustant à des contraintes contextuelles. Pour élucider l'apparent paradoxe entre la fin et les moyens de cette action de négativité, l'article en étudie théoriquement et empiriquement la pertinence avec une double perspective de sociologie de la communication politique et d'analyse stratégique de la communication. Puis, l'analyse de contenu des vidéos en termes de mise en récit et de procédés discursifs, en opérant notamment la distinction entre moquerie et dénonciation, permet d'évaluer à quel degré les discours sont conformes au projet stratégique. L'analyse révèle un important travail de recherche des contenus et de mise en récit politique, ainsi que la primauté d'un objectif stratégique – dénigrer l'adversaire – sur un autre, la dissimulation.In the 2017 French presidential campaign, the “Ridicule TV” device appears as a humoristic project about politics on social media (Twitter, Facebook, Youtube) and publishes 60 short videos. Yet it is a hidden tool of negative campaigning against the centre free-market candidate Emmanuel Macron designed and managed by members of the rightwing François Fillon campaign. We discuss why such a cover up limits its ability to improve electoral results as well as it adapts to contextual constraints. In order to explain the apparent paradox between the end and the means of this negativity, our article studies theoretically and empirically its use through an approach combining the sociology of political communication and the strategic analysis of communication. Then, we conduct a content analysis of the videos in terms of narrative analysis and discursive processes with special regard to the differences between mockery and criticism in order to assess to what extent the discourse is consistent with the project. We show the staff of Ridicule TV achieved a high degree of political sourcing and politicization of the narrative, and prioritized the strategic goal of criticizing the opponent over the strategic goal of hiding the purpose of the device.
- L'affaire Fillon et sa couverture médiatique négative : une sensibilité contrastée des électeurs, entre scandale et complot - Anne Jadot, Emilie Roche, Alexandre Borrell p. 173-200 L'affaire Fillon a saturé l'espace médiatique consacré à l'élection présidentielle française de 2017, engendrant une négativité diffuse et multiforme. Des focus groups panélisés, complétés de questionnaires et d'entretiens individuels, nous ont permis d'appréhender au sein d'un échantillon diversifié de citoyens, au cours des deux derniers mois de la campagne, les réceptions différenciées de ce scandale, de sa médiatisation et des stratégies de défense de François Fillon. L'analyse de ce matériau qualitatif nous conduit à présenter la variété des réceptions, les processus d'actualisation de l'image du candidat et l'évaluation du rôle des médias, dans le déclenchement du scandale puis ses conséquences. Nous expliquons ces dynamiques par les profils socio-économiques des enquêtés et leurs ancrages politiques.The Fillon case saturated the media coverage of the 2017 French presidential election, generating a widespread and multifaceted negativity. During the last two months of the campaign, panelised focus groups, enriched by individual questionnaires and in-depth interviews, enabled us to tackle, among a diversified sample of citizens, the contrasted reactions to this scandal, its media coverage and François Fillon's defense strategies. Building upon this qualitative material, we present the variety of receptions and the information processes leading to updating the candidate's image, as well as the participants' assessment of the media role, first in unveiling the scandal then for its consequences. We explain these dynamics by the respondents' socioeconomic profiles and their political anchors.
- Le banquier et l'héritière : Comment les candidats du second tour de l'élection présidentielle française de 2017 ont consolidé leur positionnement dans la négativité - Élodie Berthet p. 201-218 L'article montre comment les deux candidats du second tour de l'élection présidentielle française de 2017, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, ont eu recours à la négativité dans leurs tweets pour consolider leur positionnement grâce à la décrédibilisation de leur adversaire direct. Il porte sur les formes d'adressage, sur la nature, personnelle ou politique, des attaques ainsi que sur la manière dont les candidats ont défini le programme et la personnalité de leur opposant. Les résultats démontrent que chaque candidat a dépeint son adversaire comme un danger pour la France, par sa personnalité ou son programme, dont il aurait lui-même représenté l'unique solution. Si l'économie et l'Europe ont été les thèmes d'attaque privilégiés, nous remarquons également une bataille entre les candidats autour du qualificatif héritier.The aim of this article is to show how Emmanuel Macron and Marine Le Pen – the two second round candidates of the French presidential elections of 2017 – used negativity in their tweets to consolidate their position while discrediting their direct opponent. The study focuses on the form of address, the personal or political nature of the attacks, as well as the way the candidates defined the program and the personality of their opponent. The results show that each candidate portrayed his or her opponent as a danger to France, either because of his or her personality or program, to which he or she represented the only solution. If the economy and Europe were the favourite themes of attack, we also notice a battle over the qualifier “heir” between the candidates.
- La communication négative intra-partisane : trahir son candidat ? - Christian Le Bart p. 219-238 La communication politique est habituellement régulée par la loyauté partisane : les professionnels de la politique critiquent leurs adversaires des autres partis politiques, et défendent les candidats de leur parti. La critique intra-partisane est renvoyée en amont de l'élection (primaires) ou en aval (droit d'inventaire une fois l'élection passée). Depuis quelque temps, cependant, on assiste à un changement important : la critique intra-partisane est plus fréquente. On observe un déclin de la loyauté partisane au profit d'un droit à l'authenticité et à la sincérité revendiqué par certains politiques. Le stigmate associé à la figure du traître (Éric Besson trahissant Ségolène Royal en 2007, Manuel Valls trahissant Benoît Hamon en 2017) peut alors être retourné : il s'agit d'abord d'être fidèle à ses convictions.Political communication is usually regulated by partisan loyalty: political professionals criticize their opponents of other political parties, and defend their party candidates. The intra-party criticism is returned upstream of the election (primary) or downstream (right of inventory once the election has passed). For some time, however, there has been a significant change: intra-party criticism is more frequent. There is a decline in partisan loyalty in favour of a right to authenticity and sincerity claimed by some politicians. The stigma associated with the figure of the traitor (Éric Besson betraying Ségolène Royal in 2007, Manuel Valls betraying Benoît Hamon in 2017) can then be returned: it is first of all to be faithful to one's convictions.
- De la castagne en campagne : la communication électorale négative, fait politique et objet d'étude - Pierre Lefébure p. 9-32
Échanges
- Savoirs et objets : découper, nommer, historiciser - Béatrice Fleury, Jacques Walter p. 239-256 Wolf Feuerhahn (CNRS, EHESS) a présenté dans la 37e livraison de Questions de communication une réflexion sur « Le chercheur et le discours de ses objets ». Il y a développé un propos sur la nomination des savoirs par les acteurs, sur l'historiographie que ceux-ci sont susceptibles d'élaborer, sur l'acte d'historicisation en tant que tel. Quatre chercheur·ses reviennent sur ses propositions. Fernando J. Devoto (Université de Buenos Aires) le fait notamment à l'aune de l'influence de Benedetto Croce sur la sphère culturelle argentine et sur sa propre pratique. Jérôme Lamy (CNRS, Université de Toulouse) insiste sur l'expérience, sur l'impact des gestes et corps. Stéphane Zékian (CNRS, Université Lumière Lyon 2) montre comment, à la différence d'autres secteurs, le discours des objets est une source de premier plan pour l'histoire de la littérature. Quant à Catherine König-Pralong (EHESS, CNRS), elle requalifie l'historicisme défendu par W. Feuerhahn en un « historicisme radical », ce qui conduit à des interrogations sur les positionnements temporels. L'ensemble constitue un capital d'expériences critiques applicable à des enquêtes sur les différentes disciplines des sciences humaines et sociales, dont les sciences de l'information et de la communication.In the 37th issue of Questions de communication, Wolf Feuerhahn (CNRS, EHESS) presented a reflection on “The Researcher and the Discourse of its Objects”. He developed a statement about the knowledge designation by the actors, about the historiography they can elaborate, about the act of historicisation as such. Four researchers discuss his propositions. Fernando J. Devoto (University of Buenos Aires) does it notably on the basis of the influence of Bendetto Croce on the Argentinean cultural sphere and on his own practice. Jérôme Lamy (CNRS, University of Toulouse) insists on experience, on the impact of the gestures and bodies. Stéphane Zékian (CNRS, Université Lyon 2) shows how, unlike other sectors, the discourse of objects is a major source for the history of literature. As for Catherin König-Pralong (EHESS, CNRS), she requalifies the historicism defended by W. Feuerhahn into a “radical historicism”, which leads to questions about temporal positioning. The whole constitutes a capital of critical experience applicable to investigations in the various disciplines of the human and social sciences, including information and communication sciences.
- Autour de l'historicisme : points de vue, étiquettes et temporalités - Fernando J. Devoto p. 257-278 L'article propose un dialogue avec les réflexions de Wolf Feurhahn sur le chercheur et le discours de ses objets, autour des temporalités, des points de vue, des étiquettes et des instruments conceptuels. Mais c'est la question de l'historicisme qui est au cœur de ce texte et de l'une des nombreuses manières possibles de l'appréhender : celle des effets de la temporalité sur la façon dont les historiens pensent leurs objets. Une double historicisation du chercheur et des objets émerge donc qui, au-delà du débat sur le problème du « relativisme », pose la question de l'accumulation des significations qui s'interposent entre l'observateur et ses objets d'étude. Ces regards successifs, à l'extrémité desquels se trouve le chercheur et à l'autre l'acteur, peuvent-ils être utilement étudiés dans leurs oscillations sur la base des étiquettes qui recouvrent et rendent intelligibles les objets ? D'autres questions s'ouvrent ici sur la base des possibilités presque illimités du langage : celles de ses usages et de sa traductibilité.The article proposes a dialogue with Wolf Feurhahn's reflections on the researcher and the discourse of its objects. Dialogue around temporalities, points of view, labels and conceptual instruments. However, it is the question of historicism that is at the heart of this text and of one of the many possible ways of understanding it: that of the effects of temporality on the way historians think about their objects. A double historicization thus emerges, of the researcher and the objects, which, beyond the debate on the problem of “relativism”, raises the question of the accumulation of meanings that intermediate between the observer and his or her objects of study. Can these successive views, at one end of which is the researcher and at the other the actor, be usefully studied in their oscillations on the basis of the labels that cover and make the objects intelligible? Other questions open up here on the basis of the almost unlimited possibilities of language: that of its uses and its translatability.
- Les abîmes de la réflexivité en sciences humaines et sociales - Catherine König-Pralong p. 279-292 L'article réagit à celui de Wolf Feuerhahn (2020) intitulé « Le chercheur et le discours de ses objets » et publié dans cette même revue. Il reprend la proposition faite par l'auteur, qui prône une démarche historiciste en sciences humaines et sociale, en la requalifiant comme historicisme « radical ». Il discute ensuite deux points. D'abord, il tente de distinguer le présentisme de l'anachronisme, qui pourrait être maîtrisé et productif. Ensuite, il questionne les limites d'un nominalisme méthodologique strict, que l'auteur décrit plutôt comme « littéralité ».This paper is a reaction to an article by Wolf Feuerhahn, which has been published in the same journal with the title “The researcher and the discourse of his objects”. It takes up Feuerhahn's proposal, who advocates for a historicist approach in the social sciences and humanities, and requalifies it as “radical historicism”. It then discusses two points. First, it distinguishes presentism from anachronism, suggesting that the latter could be controlled and productive. Second, it investigates the limits of strict nominalism conceived of as a method—a textual approach that the author describes rather as “literal reading”.
- Ne pas craindre l'histoire : Historicité des concepts et de la matérialité savante - Jérôme Lamy p. 293-310 L'historicisation des catégories du monde savant que revendique Wolf Feuerhahn (2020) peut être étendue au-delà des seules discursivités. La réflexion sur les méta-concepts – ces concepts organisateurs des pratiques scientifiques – permet d'interroger l'évolution des configurations épistémiques dans le temps. La raison et l'objectivité sont deux exemples de ces points d'appuis rarement explicitement requis dans la démarche savante ; pour autant, les généalogies de leur formation renseignent sur les écarts de sens progressivement construits. De même, la matérialité somatique informe l'histoire des distances prises entre des catégories d'analyse absentes d'une époque (par exemple la domination masculine) et ses manifestations pourtant évidentes (c'est-à-dire l'invisibilisation des femmes par la valorisation du corps héroïque). La reconstitution des expériences donne à voir au XIXe siècle, les transformations du geste artisanal vers la standardisation industrielle. L'article plaide pour une pragmatique des écarts, un incessant aller-retour entre le présent et le passé, qui donne à l'historicité la pleine mesure de ses potentialités analytiques.Wolf Feuerhahn's historicisation of the categories of the scholarly world can be extended beyond discursivity alone. Reflection on meta-concepts – the organizing concepts of scientific practice – allows us to question the evolution of epistemic configurations over time. Reason and objectivity are two examples of these points of support that are rarely explicitly required in the scientific process; for all that, the genealogies of their formation provide information on the progressively constructed gaps in meaning. Similarly, somatic materiality informs history of the distances taken between categories of analysis absent from an era (e.g. male domination) and its yet obvious manifestations (i.e. the invisibilisation of women through the valorisation of the heroic body). The reconstruction of experiences shows the transformations in the 19th century from the gesture of craftsmanship to industrial standardisation. The article argues for a pragmatism of gaps, an incessant back and forth between the present and the past, which gives historicity the full measure of its analytical potential.
- Les mots en partage : Notes sur les langues de l'histoire littéraire - Stéphane Zékian p. 311-332 Prenant appui sur le texte de Wolf Feuerhahn (2020), l'article en déplace les enjeux sur le terrain propre de l'histoire littéraire. Contrairement à ce qu'on observe dans d'autres champs, le discours des objets, loin d'être toujours considéré comme un obstacle épistémologique, y apparaît souvent comme une source privilégiée de l'historien. Cette difficulté à fonder un point de vue extérieur révèle une dépendance sans doute excessive à l'égard d'un petit nombre de sources très prestigieuses. La promotion de certains objets en sources privilégiées de leur propre histoire produit des effets de ventriloquie préjudiciables à une histoire historique du littéraire. Prendre au sérieux le discours des acteurs, c'est-à-dire de tous les acteurs, permettrait au contraire de restituer, avec la pluralité discordante des voix passées, la logique des rapports de force ayant tranché l'issue de leurs controverses. Tout en restant consciente de sa propre historicité, cette mise en perspective apporterait un éclairage utile sur la constitution même de l'objet « littérature », mais aussi de la discipline portant ce nom.Inspired by W. Feuerhahn's text, this article seeks to place the questions on the terrain proper to literary history. Unlike in other fields, literary history treats the discourse of objects as a privileged source, rather than an epistemological obstacle. This difficulty in establishing an external point of view reveals an excessive dependence on a small number of high-prestige sources. Privileging certain objects as sources for their own history produces ventriloquistic effects that inhibit developing a historical account of the literary. On the contrary, taking the discourse of the agents – of all the agents – seriously would make it possible to restore, through the discordant plurality of past voices, the logic of the relations of power that decided the outcome of their controversies. This perspective would shed useful light on the very concept of “literature”, and also on the academic discipline by that name, while remaining conscious of its own historicity.
- Violences publiques : L'image virale donne l'alerte - André Gunthert p. 333-350 Cet article prolonge le débat ouvert dans la 34e livraison de Questions de communication (2018) concernant la visibilité des anonymes et les images conversationnelles qui colonisent l'espace public. Avec la crise des Gilets jaunes, la question des violences policières s'est imposée comme un exemple majeur de contre-récit, appuyé pour l'essentiel sur la diffusion en ligne d'images virales. Cet article analyse les conditions d'émergence dans le débat public d'un récit minoritaire grâce aux médias numériques. À l'écart de la communication militante, confronté à de puissants mécanismes de déni, un processus d'alerte autonome s'est constitué à partir de la crédibilité du format documentaire, de la dynamique argumentative de la conversation en ligne et de la mobilisation d'une esthétique de la pitié.With the Gilet jaunes crisis, the issue of police violence has been established as a major example of a counter-narrative, mainly relying on the online circulation of viral images. This article analyzes the conditions for the emergence in public debate of a minority narrative thanks to digital media. Apart from activist communication, faced with powerful denial mechanisms, an autonomous alert process has been established based on the credibility of the documentary format, the argumentative dynamic of the online conversation, and the mobilization of an aesthetic of mercy.
- Savoirs et objets : découper, nommer, historiciser - Béatrice Fleury, Jacques Walter p. 239-256
Notes de recherche
- L'agence de communication, une rédaction comme une autre ? : Interroger la frontière entre information et communication au prisme des routines de travail - Keyvan Ghorbanzadeh p. 351-370 L'article propose de revenir sur la question du flou de la frontière entre communication et information en prenant le point de vue moins documenté des agences de publicité et de communication. On reviendra dans un premier temps sur les routines de travail de cet espace et sur comment la modification de ces routines amènent les communicants à investir les « codes légitimes de l'information ». La seconde partie de l'article reviendra sur l'organisation du travail informationnel au sein de ces agences se présentant dans certains cas en tant que rédactions. On proposera le concept de « façade médiatique » pour caractériser ces cas limites d'effacement de la frontière entre information et communication.This paper proposes to reconsider the question of the blurring of the boundary between communication and information by taking the less documented point of view of advertising and communication agencies. We will first come back to the work routines of this space and how the modification of these routines leads communicants to invest the “legitimate codes of information”. The second part of the article will come back to the organization of this informational work within these agencies, in some cases presenting themselves as redaction. The concept of “mediatic facade” will be proposed to characterize these borderline cases of obliteration of the boundary between information and communication.
- Les "fake news" comme concept de sciences sociales : Essai de cadrage à partir de notions connexes : rumeurs, théories du complot, propagande et désinformation - Julien Giry p. 371-394 Désignée « mot de l'année 2017 » par le dictionnaire Collins, la formule fake news, notamment en raison des usages qui en sont faits par le président Trump, n'en finit pas d'alimenter les débats au sein des sciences sociales. S'agit-il d'un fait nouveau ou d'un simple mot-valise à la mode recouvrant d'autres phénomènes mieux connus et étudiés tels que les rumeurs, les théories du complot, la propagande ou la désinformation ? En d'autres termes, l'expression fake news est-elle un concept opératoire pour les sciences sociales ? Partant de cette interrogation, cet article entend procéder à un effort de cadrage autour de cette formule afin d'en faire une catégorie et un outil analytiques d'un fait social relativement autonome dans la mesure où, outre sa dimension profondément info-communicationnelle, elle se situe au carrefour des différentes notions citées précédemment, sans toutefois les recouper pleinement.Named “Word of the year 2017” by the Collins dictionary, fake news, mostly for Donald Trump's uses, becomes a huge topic for social sciences and leads to many debates amongst scholars and academics. Is it something new or just a mere portmanteau, or a “buzz word” for well-known and widely studied phenomena such as rumors, conspiracy theories, propaganda or disinformation? Put another way, is fake news a social science concept? Hence, this paper aims to overhaul fake news as an analytical tool and category for a relatively autonomous social fact because, in addition to its info communication aspects, it is located in-between the pre-cited notions.
- Pratiques de citation en sciences de la communication. : Analyse bibliométrique de neuf revues françaises - Madjid Ihadjadene, Anna Lezon Rivière, Cécile-Marie Martin p. 395-408 L'objectif de cette étude est de donner un aperçu des pratiques de citation des chercheurs publiant dans neuf revues françaises en sciences de la communication. Notre analyse comprend un total de 77 566 citations tirées à partir de 3 195 articles publiés de 1992 à 2016. Nous discutons dans cet article des supports utilisés et nous montrons que les monographies et les articles de périodiques constituent le principal mode de diffusion des connaissances en sciences de la communication. Nos résultats mettent en évidence que la liste des revues françaises et étrangères les plus citées est sensiblement différente de celle utilisée par les instances françaises des sciences de l'information et de la communication. Nous avons également constaté que les pratiques de citation ne varient pas considérablement entre les neuf revues.The aim of this study is to review the characteristics of French research published in communication journals. To this end, we examine citations found in articles published from 1992 to 2016 in the top nine French disciplinary journals. We analyze a total of 77 566 citations drawn from 3 195 articles. Results demonstrate that monographs and journal articles constitute the main pathway for knowledge dissemination in communication sciences. They likewise reveal that the list of the most cited French and foreign journals is significantly different from the one used by the French authorities of Information and Communication Sciences. We also show that citation practices do not vary significantly among the nine journals.
- Crédible et objectif ou intime et émouvant : une analyse des stratégies discursives des vidéos de Youtube autour de l'environnement - Cecilia Lartigue p. 409-440 Youtube est devenue l'une des plateformes préférées des internautes, notamment des jeunes. Prenant en compte la concurrence exacerbée pour la visibilité sur cette plateforme, les locuteurs mettent en place différentes stratégies pour attirer leur public. Notre étude propose une typologie des stratégies exposées dans 44 vidéos de Youtube (22 françaises et 22 mexicaines) qui abordent la problématique environnementale, alors que la protection de l'environnement est devenue un des sujets prioritaires pour l'humanité. À des fins purement académiques, ou même pour essayer de sensibiliser la société sur certains sujets environnementaux, l'étude de discours environnementaux nous aidera à mieux comprendre la perception sociale dans ce domaine. Par ailleurs, cette typologie pourra contribuer à faciliter l'analyse et l'étude du discours environnemental adressé spécifiquement aux jeunes.Youtube has become one of the favorite internet platforms, particularly for young people. Taking into account the intense competition for visibility among youtubers, they apply different strategies to attract their public. Our study proposes a typology of the discursive strategies found in 44 Youtube videos (22 French ones et 22 Mexican ones) that address environmental problems, given that environmental protection has become one of the most important matters for humanity. This typology could facilitate the analysis and study of environmental discourse addressed to young people, a matter that can be interesting for purely academic purposes or in order to increase awareness of society regarding particular environmental topics.
- L'acommunication institutionnelle publique sur la laïcité à l'Université - Anne-Hélène Le Cornec Ubertini p. 441-466 L'importance du nombre d'étudiantes portant un voile islamique à l'Université relance la demande d'extension de la Loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics à l'ensemble du système éducatif. L'Observatoire de la laïcité s'y oppose et justifie l'autorisation des signes religieux ostentatoires à l'Université par l'âge des étudiants, les franchises universitaires et la polysémie du voile islamique. L'article vise à analyser l'écart entre le droit, les connaissances scientifiques et ces arguments. Il met aussi en lumière la différence entre le discours institutionnel et l'expérience vécue dans un établissement universitaire. En s'éloignant du cadre constitutionnel commun, qui associe démocratie, laïcité et indivisibilité de la République française, la communication institutionnelle de l'Observatoire de la laïcité devient une acommunication et provoque un profond malaise à l'Université. Elle permet la diffusion d'idéaux peu compatibles avec la démocratie auprès d'un public en formation.The multiplication of female students wearing an Islamic veil at the university is relaunching the request for extension of the law of March 15, 2004 “framing, in application of the principle of secularism, the wearing of signs or outfits showing religious affiliation in schools, public colleges and high schools” to the entire education system. The Secularism Observatory opposes it and justifies the authorization of ostentatious religious signs at the university by the age of the students, the university franchises and the polysemy of the Islamic veil. This article aims to analyze the gap between the law, scientific knowledge, and these arguments. It also highlights the difference between institutional discourse and lived experience in a university establishment. By moving away from the common constitutional code, which associates democracy, secularism and indivisibility of the French Republic, the institutional communication of the Secularism Observatory becomes an acommunication and causes a deep uneasiness at the university. It allows the dissemination of ideals that are hardly compatible with democracy to a learning public.
- Les émotions, un point aveugle dans les interactions de conseil en orientation - Isabelle Olry-Louis p. 467-496 L'article vise à décrire comment émerge, dans les interactions ordinaires de conseil en orientation la narration d'épisodes biographiques qu'accompagnent des manifestations émotionnelles et comment les conseillers y font face, avec l'idée que la manière dont ces récits sont accueillis peut être capitale pour ce qui se co-construit durant l'échange et décisive quant à son issue. En prenant appui sur le repérage de marques de l'expression émotionnelle et en recherchant quels sont ses effets interactionnels dans plusieurs extraits d'entretiens, l'analyse met au jour les procédés discursifs mobilisés pour gérer les émotions qui affectent le cours des échanges en entretien de conseil en orientation.The aim of the article is to describe how emotions can erupt when the client describes biographical events during normal counseling interactions, and how counselors deal with the situation, with the idea that the way that they do so can be crucial for the client-counselor relationship and decisive for the outcome. By identifying markers of emotional expression and investigating the interactional effects in several interview extracts, the analysis reveals the discursive procedures used to manage the emotional reactions that affect the course of the conversation during the career-counseling interview.
- La presse française et les interdictions de déplacement de supporters : la prise de conscience d'une polémique - Nicolas Soldano p. 497-526 Depuis 2011, les nombreuses interdictions de déplacement de supporters de football jalonnent l'actualité sportive française. La presse, au départ distante, s'est peu à peu mise à traiter l'actualité autour de ce phénomène, allant même jusqu'à basculer de registre rédactionnel. Pour répondre aux questions du pourquoi et du comment, cette étude a cherché à analyser les articles existants sur les interdictions de déplacement et le registre choisi pour les écrire, premier indicateur du positionnement de la presse vis-à-vis de ces décisions. Le caractère éminemment polémique du sujet entre ses différents acteurs a effectivement rapidement interpellé la presse française, qui est devenu involontairement un acteur à part entière du débat.Travel bans against football fans make the headlines of French sport news since 2011. At first, the cautious and distant news started to report on the phenomenon, newspapers even started to change their editorial terminology. In order to answer the questions about how and why this changes appeared, the aim of this paper is to analyse the press articles written about travel bans and the terminology used to write them, which in fact, is the first indicator of the position the press chose to take on the matter. The way this subject is controversial for its several protagonists, aroused the French Press curiosity, thus leading it to unintentionally become a member of the debate.
- L'agence de communication, une rédaction comme une autre ? : Interroger la frontière entre information et communication au prisme des routines de travail - Keyvan Ghorbanzadeh p. 351-370
En VO
- Présentation - Angeliki Monnier p. 527-528
- A Feature-Based Approach to Assess Hate Speech in User Comments - Liane Reiners, Christian Schemer p. 529-548 Les discours haineux dans les commentaires des utilisateurs en ligne constituent un défi pour les médias, les plateformes, les autorités juridiques et le grand public. Cette forme de communication peut nuire à la qualité des discussions en ligne, mais aussi empoisonner le discours public et la vie civique. Ceci explique la pléthore d'études venant de différentes disciplines traitant ce sujet. Cependant, la diversité des disciplines et des approches complique une compréhension commune du discours haineux. Souvent, les définitions sont trop larges car elles incluent des facteurs tels que l'intention du commentateur ou les conséquences pour les groupes stigmatisés. En outre, les catégorisations binaires (haine/sans haine) appliquées dans certaines disciplines, ne tiennent pas compte du fait que les discours haineux oscillent en intensité, et ignorent les différences qualitatives des dimensions de ce dernier. La présente recherche propose une approche pour analyser les discours de haine dans les commentaires en ligne en se concentrant sur quelques aspects manifestes de celui-ci (labélisation de groupes, jurons, imputation de traits et d'actions, recommandations de traitement). Son utilisation est démontrée dans une étude pilote.Hate speech in user comments is a serious challenge for media actors, platforms, legal authorities, and the general public alike. This form of communication can impair the quality of online discussions, but also poison public discourse and civic life. This explains the plethora of studies from different disciplines addressing this topic. However, the diversity of disciplines and approaches complicate a common understanding of hate speech. Frequently, definitions are too broad, as they include factors such as the intention of the commenter or the consequences for stigmatized groups. Additionally, binary categorizations (hate/no hate) applied in some disciplines fail to consider that hate speech varies gradually and ignore qualitative differences of hate speech dimensions. The present research suggests a feature-based approach to analyze hate speech in user comments focusing on manifest features (group-related labels, swear words, trait and action attributions as well as treatment recommendations), and demonstrates its use in a pilot study.
Focus
- Sur "Apologie de la polémique" de Ruth Amossy - Jean-François Tétu p. 549-568 L'article est une analyse critique du livre de Ruth Amossy, Apologie de la polémique. En un temps où la polémique envahit tout l'espace public (Covid ou élections aux USA), il questionne l'approche optimiste de Ruth Amossy pour qui la polémique a une grande utilité sociale car elle est un mode de gestion du conflit par le discours et non par la force. L'article reprend d'abord à grands traits l'histoire de la rhétorique depuis les sophistes et celle des analyses de la persuasion, avant de suivre le fil de la discussion proposée par R. Amossy : les modalités de la polémique en fonction des situations de communication notamment (information écrite, débat télévisé, forum sur les réseaux sociaux, etc.), mais aussi les interactions entre la raison et la passion. Pour R. Amossy, si le discours polémique refuse l'argumentation rationnelle, il permet de transformer l'ennemi en simple adversaire. Ce faisant, la chercheuse néglige les cas où la polémique transforme l'adversaire en ennemi.This is a critical review of Ruth Amossy' s Apologie de la polémique. At a time when polemics dominate the public sphere (Covid, US elections), it questions her optimism; for her, polemics have considerable social usefulness, for they help manage conflict through discourse rather than violence. This article first sketches the main outlines of the history of rhetoric since the Sophists, then reviews persuasion theory, before turning to R. Amossy's approach; especially how polemics are conducted in different communication contexts – written information, TV debates, social network forums. She also highlights the conflict between reason and passion. R. Amossy considers that polemical discourse has no time for rational argument, but makes it possible to transform the enemy into a mere opponent. In so doing, she does not consider how polemics may transform an opponent into an enemy.
- Sur `ibLe Bonheur conforme. Essai sur la normalisation publicitaire`/ib de François Brune - Marc Bonhomme p. 569-586 Le Bonheur conforme de François Brune constitue un violent réquisitoire contre les dérives de la publicité. Son propos est d'expliquer comment elle dépersonnalise les individus en les réduisant à des valeurs marchandes et comment elle leur impose un modèle illusoire de bonheur en les incitant à la surconsommation. Cet ouvrage est analysé selon trois perspectives complémentaires. D'une part, on fait voir en quoi il est représentatif de la mouvance antipublicitaire de la seconde moitié du xxe siècle, avec ses présupposés idéologiques et ses positions radicales. D'autre part, on montre qu'il invite à une réflexion approfondie sur le statut de la publicité comme système, ainsi que sur la complexité de ses fonctions entre discours d'information et discours d'influence. Par ailleurs, on pose la question de l'actualité des thèses de F. Brune quand on les confronte aux évolutions récentes de la communication publicitaire.Le Bonheur conforme of François Brune constitutes a violent indictment against the excesses of advertising. Its purpose is to explain how it depersonalizes people by reducing them to market values and how it imposes on them an illusory model of happiness by inciting them to overconsumption. This book is analysed from three complementary perspectives. On the one hand, we show that it is representative of the anti-advertising movement of the second half of the twentieth century, with its ideological presuppositions and its radical positions. On the other hand, we examine how it invites us to a deeper reflection on the status of the advertising system, as well as on the complexity of its functions between information discourse and influence discourse. Moreover, we ask the question of the topicality of F. Brune's theses when we confront them with recent developments in advertising communication.
- Sur "Apologie de la polémique" de Ruth Amossy - Jean-François Tétu p. 549-568
Notes de lecture
- Paolo Balboni, Fabio Caon, La Comunicazione interculturale - Claudia Farini p. 591-593
- Zoé Carle, Poétique du slogan révolutionnaire Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2019, 328 pages - Reynald Lahanque p. 593-595
- Zoé Carle, Poétique du slogan révolutionnaire Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2019, 328 pages - Alexandre Lansmans p. 595-598
- Lorraine Duménil, Artaud et le cinéma Paris, Nouvelles éditons Place, coll. Le cinéma des poètes, 2019, 121 pages - Michel Cadé p. 598-599
- Sandra Federici, L'Entrance des auteurs africains dans le champ de la bande dessinée européenne de langue française (1978-2016) Paris, Éd. L'Harmattan, 2019, 353 pages - Christophe Cosker p. 599-601
- Sylvain Lesage, L'Effet livre. Métamorphoses de la bande dessinée Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2019, 431 pages - Christophe Cosker p. 601-603
- Georges Meyer, Censure d'État. Cinéma, mœurs et politique autour de 1968. Préface de Violaine Roussel. Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, coll. Culture et société, 2019, 267 pages - Frédérique Brisset p. 603-605
- Edmondo F. Lupieri (dir.), Mary Magdalene from the New Testament to the New Age and Beyond Leiden-Boston, Brill, 2019, 494 pages - Katherine Rondou p. 605-608
- Guillaume Pinson, Maxime Prévost (dirs), Jules Verne et la culture médiatique. De la presse du xixe siècle au steampunk Québec, Presses de l'université Laval, 2019, 264 pages - Daniel Raichvarg p. 608-612
- Jacques Rancière, Les Temps modernes. Art, temps, politique Paris, Éd. La Fabrique, 2018, 157 pages - Yeny Serrano p. 612-613
- Andreas Reckwitz, The Invention of Creativity, Modern Society and the Culture of the New Trad. par Steve Black, Cambridge (UK)/Malden (USA), Polity Press, 2017, 310 pages - Jean-François Clément p. 613-616
- Yves Winkin, Ré-inventer les musées ? Suivi d'un dialogue avec Milad Doueihi sur le musée numérique Paris, MKF éd., 2020, 192 pages - Alexandre Eyriès p. 616-618
- Laurence Baudoux-Rousseau, Michel-Pierre Chélini, Charles Giry-Deloison (dirs), Le Patrimoine, un enjeu de la Grande Guerre. Art et archéologie dans les territoires occupés (1914-1921) Arras, Artois Presses, 2018, 382 pages - Thomas Richard p. 618-619
- Véronique Blanchard, Vagabondes, voleuses, vicieuses. Adolescentes sous contrôle, de la Libération à la libération sexuelle Paris, F. Bourin, 2019, 328 pages - Luciana Lima Alcântara p. 619-622
- Yves Citton, Jacopo Rasmi, Générations collapsonautes. Naviguer par temps d'effondrements Paris, Éd. Le Seuil, 2020, 288 pages - Cyrille Harpet p. 622-626
- Florence Descamps, Archiver la mémoire. De l'histoire orale au patrimoine immatériel Paris, Éd. de l'EHESS, 2019, 241 pages - Valérie Schafer p. 626-627
- Mélanie Duclos, Anders Fjled (dirs), Liberté de la recherche. Conflits, pratiques, horizons Paris, Kimé, 2019, 296 pages - Clara Galliano p. 627-630
- Margaret Gillespie, Nanta Novello Paglianti, Miochelm Collet (éd.), Métamorphoses, corps, arts visuels, littérature. La traversée des genres Binges, Éd. Orbis Tertius, 2019, 235 pages - Jean-François Clément p. 630-631
- 2021/1 Alexandre Kazerouni, Le Miroir des cheikhs. Musée et politique dans les principautés du golfe Persique Paris, Presses universitaires de France, 2017, 274 pages - Jean-Michel Tobelem p. 631-636
- Fransiska Louwagie, Témoignage et littérature d'après Auschwitz Brill Rodopi, coll. Faux Titre, vol. 440, 2020, 383 pages - Murielle El Hajj p. 636-640
- Jocelyne Porcher, Cause animale, cause du capital Lormont, Éd. Le Bord de l'eau, 2019, 120 pages - Daniel Raichvarg p. 640-641
- Martine Poulain (dir.), Où sont les bibliothèques spoliées par les nazis ? Lyon, Presses de l'ENSSIB, 2019, 234 pages - Aline Hartemann p. 641-644
- Adam Przeworski, À quoi bon voter ? Genève, M. Haller, 2019, 252 pages - Olivier Arifon p. 644-646
- Françoise Salvadori, Laurent-Henri Vignaud, Antivax. La résistance aux vaccins du xviiie siècle à nos jours Paris, éd. Vendémiaire, 2019, 360 pages - Paul-Arthur Tortosa p. 646-649
- Pierre Schill, Réveiller l'archive d'une guerre coloniale. Photographies et écrits de Gaston Chérau correspondant de guerre en Libye (1911-1912) Paris, Éd. Créaphis, 2018, 478 pages - Michael Palmer p. 649-651
- Ruth Amossy, Une formule dans la guerre des mots. « La délégitimation d'Israël » Paris, Garnier, 2018, 269 pages - Thomas Richard p. 651-652
- Sémir Badir, Maria Giulia Dondero, François Provenzano (dirs), Les Discours syncrétiques. Poésie visuelle, bande dessinée, graffitis Liège, Presses universitaires de Liège, 2019, 149 pages - Marys Renné Hertiman p. 652-6525
- Nathalie Brémand (coord.), Bibliothèques en utopie. Les socialistes et la lecture au xixe siècle Villeurbanne, Presses de l'Enssib, coll. Papiers, 264 pages - Monique Jucquois-Delpierre p. 655-657
- Dominique Kalifa (dir.), Les Noms d'époque. De « Restauration » à « années de plomb » Paris, Gallimard, 2020, 352 pages - Jean El Gammal p. 657-658
- Galia Yanoshevsky (dir.), Éthique du discours et responsabilité. En hommage à Roselyne Koren Limoges, Lambert-Lucas, 2018, 240 pages - Damien Deias p. 658-660
- Raphaël Baroni, Claus Gunti (dirs), Introduction à l'étude des cultures numériques. La transition numérique des médias Paris, A. Colin, 2020, 338 pages - Ingrid Mayeur p. 660-663
- Claire Blandin, François Robinet, Valérie Schafer, Penser l'histoire des médias Paris, Éd. du CNRS, 2019, 276 pages - Alexandre Eyriès p. 663-6635
- Jérôme Denis, Le Travail invisible des données. Éléments pour une sociologie des infrastructures scripturales Paris, Presses des Mines, 2018, 206 pages - Valérie Schafer p. 665-666
- Stéphanie Le Gallic, Lumières publicitaires. Paris-Londres-New York Comité des travaux historiques et scientifiques, 2019, 377 pages - Alexandre Lansmans p. 666-669
- 2021/1 Bertrand Legendre, Ce que le numérique fait aux livres Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2019, 138 pages - Ugo Roux p. 669-671
- Luc Massou, Brigitte Juanals, Philippe Bonfils, Philippe Dumas (dirs), Sources ouvertes numériques. Usages éducatifs, enjeux communicationnels Nancy, PUN - Éditions universitaires de Lorraine, 2019, 286 pages - Hélène Papadoudi-Ros p. 671-675
- Michael B. Palmer, International News Agency. A History Cham/Palgrave Macmillan, 2019, 268 pages - Aurélie Aubert p. 675-677
- Bruno Raoul, Le Territoire à l'épreuve de la communication. Mutations, imaginaires, discours Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2020, 388 pages - Sylvain Le Berre p. 677-680
- Sherry Turkle, Alone Together: Why We Expect More from Technology and Less from Each Other New York, Basic Books, 2012, 360 pages - Ahmad Mousa p. 680-682
- Manola Antonioli, Guillaume Drevon, Luc Gwiazdzinski, Vincent Kaufmann, Luca Pattaroni (dirs), Saturations. Individus, collectifs, organisations et territoires à l'épreuve Grenoble, Elya éd., 2019, 248 pages - Marie-Hélène Hermand p. 682-685
- Nathalie Berny, Défendre la cause de l'environnement. Une approche organisationnelle Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, 298 pages - Thierry Libaert p. 685-686
- Claire Blandin (dir.), Manuel d'analyse de la presse magazine Paris, A. Colin, 2018, 318 pages - Romina Surugiu p. 686-688
- Ivan Chupin, Les Écoles du journalisme. Les enjeux de la scolarisation d'une profession (1899-2018) Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, 329 pages - Éric Le Ray p. 688-690
- Jean-Philippe De Oliveira, Organisations et communication. Les enjeux de la com' en contexte néolibéral. Paris,Éd. L'Harmattan, coll. Campus ouvert, 2020, 166 pages - Odile Camus p. 690-692
- Laurent Demanze, Un nouvel âge de l'enquête. Portraits de l'écrivain contemporain en enquêteur Paris, J. Corti, 2019, 292 pages - Reynald Lahanque p. 692-694
- Matthieu Gateau, Hervé Marchal, 2020, La France pavillonnaire. Enjeux et défis Levallois-Perret, Bréal, 96 pages - Elsa Martin p. 694-697
- Gilles Merminod, Histoire d'une nouvelle. Pratiques narratives en salles de rédaction Bruxelles, De Boeck, coll. Culture et communication 2019, 310 pages - Alexandre Eyriès p. 697-699
- Danielle Pailler, Anne-France Kogan (dir.), Entre réception et participation. Droits culturels et innovations sociales Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020, 224 pages - Fabrice Thuriot p. 699-702
- Anne Vézier, Sylvain Dussot, Les Pratiques de récit pour penser les didactiques. Dialogue entre histoire et autres disciplines (français mathématiques, sciences) Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, 200 pages - Claudia Farini p. 702-705
- Max Weber, Les Communautés Texte établi en français, traduit de l'allemand et présenté par Catherine Colliot-Thélène et Élisabeth Kauffmann, Paris, Éd. L'Harmattan, 2016, 123 pages - Jérôme Roudier p. 705-707
Livres reçus
- Livres reçus - p. 709-714