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Revue | Revue critique de droit international privé |
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Numéro | no 3, juillet-septembre 2021 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Éclectisme et gai savoir - Horatia Muir Watt, Dominique Bureau, Sabine Corneloup p. 529-531
Doctrine
- Le contrôle par le juge de l'exequatur des condamnations pécuniaires prononcées par un juge étranger - David Sindres p. 533-562 Mis en lumière par le célèbre arrêt Fountaine Pajot, le contrôle pratiqué par le juge de l'exequatur sur le montant des condamnations pécuniaires prononcées par les juridictions étrangères revêt aujourd'hui différents visages : à lire les arrêts rendus par la Cour de cassation en ce domaine, il peut en effet concerner tout aussi bien le montant des dommages-intérêts accordés par le juge d'origine, comme dans l'affaire Fountaine Pajot, que celui des intérêts d'un prêt ou celui d'une indemnité octroyée au titre des frais de procédure exposés par l'une des parties à l'étranger. Si la justification d'un tel contrôle, qui vise à s'assurer de la conformité de la décision étrangère à l'ordre public international de fond, ne soulève guère de difficultés, il en va autrement de son périmètre exact et des critères à l'aune desquels il doit être exercé, lesquels demeurent en l'état très incertains. Cet article tente donc d'instiller de la clarté en la matière, en insistant tout particulièrement sur une double nécessité : d'une part, celle d'éviter qu'un tel contrôle ne dégénère en une révision au fond de la décision étrangère, et, d'autre part, celle de forger des critères propres à chaque hypothèse et reflétant les principes essentiels du droit du for sur la question posée.The control exercised by the enforcement judge over the amount of pecuniary condemnations pronounced by foreign courts, which was highlighted in France by the famous Fountaine Pajot decision, has different faces: as witnessed by recent decisions handed out by the French Cour de cassation on this matter, this control may concern the amount of damages, as in the Fountaine Pajot case, as well as the interests of a loan or the amount of a procedural indemnity granted by a foreign court. Although the reason for this control, which aims at ensuring the conformity of the foreign décision with the forum's international substantive public policy, is clear, this clarity does not however extend, in recent case law, either to the exact perimeter of the control or to the criteria upon which it shall be based. This article therefore seeks to instill clarity in this realm, by insisting especially on a double necessity: on the one hand, avoiding that this control degenerates in a review as to the substance of the foreign decision, and on the other hand, resorting to criteria specific to each hypothesis and reflecting essential principles of the lex fori on the issue at stake.
- Séparation parentale et déménagement international de l'enfant : (Perspectives comparatives) - Georgette Salamé, Guillaume Kessler p. 563-593 La mobilité plus grande des personnes conjuguée avec la fréquence des séparations des couples fait du déménagement de l'enfant de parents séparés une question d'actualité qui recèle un potentiel contentieux important. Pour l'heure, le droit français ne prévoit pas un dispositif spécial appelé à régir cette question mais laisse le juge trancher à l'aune des critères qui régissent l'organisation de l'autorité parentale. On examinera le droit positif français à l'aune des modèles qui, en droit comparé, règlent les litiges du déménagement d'enfants de parents séparés. Certains reposent sur une présomption (en faveur ou à l'encontre du déménagement) et d'autres sur la recherche au cas par cas de l'intérêt de l'enfant. Si le droit français s'inscrit au sein de la seconde catégorie, laquelle semble emporter la faveur de nombreux États occidentaux, le débat n'est pas clos pour autant. Le droit comparé déroule en effet des exemples de solutions plus étayées, lesquelles pourraient inspirer un affinement des règles du droit positif français. Les solutions du droit comparé invitent en outre à se pencher sur le lien parental, pilier de la famille contemporaine et principal enjeu du déménagement, pour penser des modulations de notre droit capables d'en assurer une meilleure protection. Au-delà des solutions qu'il retient, le droit comparé incite ensuite à examiner les moyens mobilisés pour assurer l'effectivité des solutions, considération essentielle lorsque le déménagement est international. On examinera les mécanismes assis sur des politiques préventives et dissuasives et ceux qui reposent sur l'adhésion des acteurs familiaux. Si ces moyens ne sont pas inconnus du droit français, l'étude du droit comparé laisse entrevoir l'intérêt que recèlerait leur développement et leur affinement.The increased mobility of individuals combined with the frequency of divorce/separation cases has made the relocation of children a recurrent issue both in France and abroad and one that often triggers litigation. French law does not provide for specific rules that are tailored to address this matter. Therefore, the courts have settled relocation disputes using the general rules that govern child custody. This paper considers French law in the light of comparative law models. Whilst all legal systems claim to achieve the child's best interest, some have addressed relocation by setting a general presumption (in favor of or against the move) whereas others have opted for a case-by-case approach. French law comes within the second category, which appears to have been the preferred choice of many Western States. Beyond underlining this general trend to favor a settlement sought in concreto, a comparative law analysis highlights the positive outcomes that certain more sophisticated mechanisms elected by foreign laws can achieve and suggests adjustments to the French relocation settlement mechanisms. It also emphasizes the increasing importance of the parent-child relationship in (re)defining the family and sheds light on mechanisms that can fine tune and improve its protection in the context of the child's relocation. On another note, the comparative law analysis calls for a reassessment of the legal means that purport to secure effective outcomes for relocation in the globalization era. The paper thus examines both preventive and deterrence policies as well as policies that rely on mediation to redefine the aftermath of separation. While French law is familiar with such approaches, comparative law suggests reshaping certain strategies by developing or eventually reconsidering their relevance in the context of the child's international relocation.
- Le contrôle par le juge de l'exequatur des condamnations pécuniaires prononcées par un juge étranger - David Sindres p. 533-562
Jurisprudence
- Effets dans un autre État membre de la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale du point de vue des pouvoirs du syndic et conformité à l'ordre public international français : (Com., 16 juillet 2020, n° 17-16.200, FS-P+B+R, Bull. civ. n° 473 ; D. 2020. 1814, note F. Jault-Seseke et D. Robine ; ibid. 1799, point de vue R. Dammann et A. Sallou ; Rev. sociétés 2020. 514, obs. L. C. Henry) - Étienne Farnoux p. 595-609 La décision d'ouverture de la procédure collective produit, sans aucune autre formalité dans tout État membre, les effets que lui attribue la loi de l'État d'ouverture et en particulier le transfert au syndic de la propriété des biens du débiteur, incluant sa quote-part indivise de l'immeuble situé en France, lui permettant d'exercer sur le territoire de cet État tous les pouvoirs qui lui sont conférés par ce transfert de propriété et en conséquence celui d'agir en partage de l'indivision. Le syndic, devenu propriétaire des biens du débiteur, est coïndivisaire de l'immeuble et il agit en conséquence sur le fondement de l'article 815 du code civil et non sur celui de l'article 815-17 du même code. La cour d'appel, reconnaissant les effets de la procédure d'insolvabilité attribués par la loi anglaise sur la propriété des biens du débiteur, a fait application de la loi de situation de l'immeuble pour déterminer le fondement et le régime de l'action engagée devant les juridictions françaises. La règle du transfert au syndic de la propriété des biens du débiteur, personne physique, mis en liquidation judiciaire, résultant de la loi anglaise, ne produit pas des effets manifestement contraires à la conception française de l'ordre public international.
- Internationalité et fonction internationale du contrat : (Civ. 1re, 30 septembre 2020, n° 19-15.626) - Sylvain Bollée p. 610-615 Selon l'article 25.1 du Règlement Bruxelles I bis, la validité de la clause attributive de compétence désignant la juridiction d'un État membre est subordonnée à la reconnaissance du caractère international de la situation qui s'apprécie, pour des motifs de sécurité juridique, au moment de la conclusion de la clause. N'est pas propre à caractériser une situation internationale, dans le cas d'une clause stipulée dans un contrat portant sur l'utilisation des services d'une plateforme numérique de bourse de fret, le fait que le différend trouve son origine dans un transport international de marchandises.
- Le juge est-il tenu de relever d'office sa compétence subsidiaire en vertu du règlement européen Successions ? : (Civ. 1re, 18 novembre 2020, n° 19-15.438, publié au Bulletin, D. actu., 04 sept. 2020, obs. F. Mélin ; Rev. Fam, fév. 2020, com. 32, M. Farge) - Christelle Chalas p. 616-630 Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, la juridiction d'un État membre dans lequel la résidence habituelle du défunt n'était pas fixée mais qui constate que celui-ci avait la nationalité de cet État et y possédait des biens doit-elle, d'office, relever sa compétence subsidiaire prévue par l'article 10, § 1, a) du règlement (UE) n° 650/2012 sur les successions ?
- Des difficultés soulevées par les mesures provisoires ou conservatoires dans l'espace judiciaire européen : (Civ. 1re, 27 janvier 2021, n° 19-16917, JCP 2021, 315, note G. Cuniberti) - Hélène Gaudemet-Tallon p. 630-638 Pour refuser des mesures d'instruction, il ne peut suffire de retenir que celles-ci ont pour seul but de préparer un éventuel procès au fond, ce qui démontre leur caractère probatoire, mais ni provisoire ni conservatoire, en l'absence de volonté de maintenir une situation de fait ou de droit, sans rechercher si ces mesures, qui visaient à obtenir la communication de documents en possession des parties adverses, n'avaient pas pour objet de prémunir le demandeur contre un risque de dépérissement d'éléments de preuve dont la conservation pouvait commander la solution du litige.
- À propos de l'exception d'incompétence en matière internationale : obligation pour l'auteur de l'exception de désigner le juge étranger compétent : (Civ. 1re, 27 janvier 2021, n° 19-23.461, Gaz. Pal. 30 mars 2021, p. 23, note M. Barba ; Procédures, avril 2021, n° 93, p. 11, obs. Y. Strickler ; D. actu, 9 février 2021, note F. Mélin ; JCP 2021, p. 591, obs. E. Jeuland ; JCP 2021, n° 461, p. 807, note F. Mailhé) - Dominique Foussard p. 639-652 Applicable en matière internationale, l'article 75 du code de procédure civile oblige l'auteur de l'exception d'incompétence à désigner le juge étranger compétent. En cas d'option de compétence entre deux juridictions relevant d'un même État, il satisfait à son obligation dès lors qu'il désigne les juridictions de cet État. Il n'a pas davantage à rappeler les règles du droit étranger déterminant le juge compétent au sein de cet État.
- Pouvoir de révision du juge du contrôle et compétence indirecte du juge étranger : (Civ. 1re, 3 mars 2021, n° 19-19.471, D. 2021. 923, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; D. actu., 22 mars 2021, obs. A. Panet ; JCP G 2021.607, note F. Mailhé) - Lilian Larribère p. 652-661
- Les répudiations musulmanes à nouveau sur la sellette ? : (Civ. 1re, 17 mars 2021, n° 20-14.506, JCP G 2021, p. 486, note M. Farge ; D. actu. 8 avril 2021, obs. F. Melin ; AJ fam. 2021. 303, obs. A. Boiché ; RIDC 2021, note F. Monéger, à paraître) - Marie-Laure Niboyet p. 662-672 Lorsqu'une décision de divorce a été prononcée à l'étranger en application d'une loi qui n'accorde pas à l'un des époux, en raison de son appartenance à l'un ou l'autre sexe, une égalité d'accès au divorce, sa reconnaissance ne heurte pas l'ordre public international, dès lors qu'elle est invoquée par celui des époux à l'égard duquel sont prévues les règles les moins favorables, que la procédure suivie n'a pas été entachée de fraude et que l'autre époux a pu faire valoir ses droits.
- Centralisation du contentieux indemnitaire contre les sociétés cotées en Europe (le reflux du forum actoris) : (CJUE, 12 mai 2021, aff. C-709/19) - Louis d'Avout p. 672-692 Dans le cas d'une société cotée en bourse, seule la compétence des juridictions des États membres dans lesquels cette société a satisfait, aux fins de sa cotation en bourse, aux obligations légales de publicité peut être établie au titre de la matérialisation du dommage. C'est en effet uniquement dans ces États membres qu'une telle société peut raisonnablement prévoir l'existence d'un marché d'investissement et l'engagement de sa responsabilité.
- Mise en œuvre en France d'un mandat d'inaptitude suisse : (Civ. 1re, 27 janvier 2021 n° 19-15.059, FS-PI (cassation partielle) ; D. actu., 17 février 2021, obs. F. Mélin ; Solutions notaire hebdo/ 18 février 2021/ n° 6, actualités 9, obs. D. Lambert ; JCP 2021, 350 note G. Raoul-Cormeil et A. Gosselin- Gorand ; Dr famille n° 4, avril 2021, comm., M. Farge ; Defrénois n° 16, 15 avril 2021, doctrine p. 19,171 f3 note M. Minois) - Mariel Revillard p. 693-702 Il résulte des dispositions de l'article 15 de la Convention de La Haye du 3 janvier 2000 que, si la mise en œuvre en France d'un mandat qui désigne une loi étrangère, ou qui a été fait dans un État étranger où le mandant avait précédemment sa résidence habituelle, peut être soumise, au titre des modalités d'exercice des pouvoirs de représentation mentionnées au paragraphe 3, à une procédure de visa destiné à vérifier que l'altération des facultés du mandant a été médicalement constatée, et à fixer la date de prise d'effet du mandat, elle ne saurait être subordonnée à des conditions propres au droit français, telles que l'exigence d'une prévision expresse, dans le mandat, de modalités de contrôle du mandataire que n'impose pas la loi applicable à cet acte.
- Effets dans un autre État membre de la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale du point de vue des pouvoirs du syndic et conformité à l'ordre public international français : (Com., 16 juillet 2020, n° 17-16.200, FS-P+B+R, Bull. civ. n° 473 ; D. 2020. 1814, note F. Jault-Seseke et D. Robine ; ibid. 1799, point de vue R. Dammann et A. Sallou ; Rev. sociétés 2020. 514, obs. L. C. Henry) - Étienne Farnoux p. 595-609
Éclairages
- Suivi du Brexit - Antoine d'Ornano p. 703-704
- L'action judiciaire de la Commission européenne à l'encontre d'AstraZeneca - Antoine d'Ornano p. 705-710
- Extradition et mandat d'arrêt européen - Antoine d'Ornano p. 710-716
Bibliographie
- Universal Civil Jurisdiction. Which Way Forward ?, par Serena Forlati et Pietro Franzina (dir.), Brill/Nijhoff, 2020, 208 pages - Fabien Marchadier p. 717-720
- Modern Law and Otherness : The Dynamics of Inclusion and Exclusion in Comparative Legal Thought, par Veronica Corcodel, Edward Elgar Publishing, Cheltenham (Royaume-Uni) / Northampton (États-Unis), 2019, 226 pages - Vincent Forray p. 720-728
- Citizenship, par Dimitry Kochenov, MIT press, 2019, 344 pages - Étienne Pataut p. 728-731
- Clawback Law in the Context of Successions, par Jayne Holliday, Hart Publishing, coll. Studies in Private International Law, 2020, 163 pages - Louis Perreau-Saussine p. 731-733
- Research Handbook on The Brussels Ibis Regulation, par Peter Mankowski (dir.), Edward Elgar, 2020, 378 pages - Laurence Usunier p. 733-735
- La notion de coopération judiciaire, par Kamalia Mehtiyeva, préf. Loïc Cadiet, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 597, 2020, 572 pages - Laurence Usunier p. 735-739