Contenu du sommaire : Cultures publicitaires
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 54, 2022 |
Titre du numéro | Cultures publicitaires |
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Cultures publicitaires
- Introduction. Tout le monde déteste la publicité ? - Anne-Sophie Aguilar, Éléonore Challine p. 9-30 La publicité ne laisse personne indifférent. En partant d'une diatribe de l'historien de l'art Louis Réau contre la publicité (1959), puis des réflexions critiques beaucoup plus tardives de Naomi Klein dans No Logo (2000), l'introduction de ce dossier envisage les cultures publicitaires sous l'angle d'une histoire des réflexions, réactions et émotions que celles-ci ne manquent jamais de susciter. Depuis les opposants à la publicité, en passant par ceux qui ont cherché à distinguer la noblesse de l'art de la vulgarité et de la bassesse publicitaires, jusqu'à ceux qui ont cru, dans l'entre-deux-guerres notamment, que la publicité serait l'art du xxe siècle, c'est tout cet éventail qui forme notre point de départ. Souvent critiquée et méprisée, la publicité reste un champ à explorer pour l'histoire culturelle et sociale, tant dans ses objets mêmes que dans une relation élargie avec des sociétés, des époques et des lieux divers. Ainsi les cultures publicitaires apparaissent comme un sujet-carrefour, au croisement de plusieurs domaines et champs disciplinaires – terrain d'enquête prometteur sur lequel ce numéro offre une ouverture.Advertising leaves no one indifferent. Starting with a diatribe by the art historian Louis Réau against advertising (1959), then the much later critical reflections of Naomi Klein in No Logo (2000), the introduction to this dossier considers advertising cultures from the angle of a history of the reflections, reactions and emotions that they never fail to arouse. From the opponents of advertising, through those who sought to distinguish the nobility of art from the vulgarity and baseness of advertising, to those who believed, especially in the Interwar period, that advertising would be the art of the twentieth century, it is this whole range that forms our starting point. Often criticized and despised, advertising remains a field to be explored for cultural and social history, as much in its own objects as in a wider relationship with diverse societies, times and places. Thus, advertising cultures appear as a crossroads subject, at the intersection of several domains and disciplinary fields - a promising field of investigation on which this issue offers an opening.
- La nouveauté typographique et les métamorphoses de l'imprimé sous la monarchie de Juillet - Sébastien Morlighem p. 31-51 En typographie, la nouveauté a longtemps été promue grâce à une catégorie d'imprimés qu'on appelle « spécimen ». Pour autant, cet objet protéiforme n'en est pas toujours le support exclusif. En France, pendant une période allant pratiquement de la fin du règne de Louis XVIII aux premières années de la monarchie de Juillet, une vague de caractères novateurs venus d'outre-Manche transforme la quasi-totalité des imprimés fixes et mobiles, au grand dam des uns et à la grande joie des autres. Les affiches accueillent la créativité débordante des fonderies ; les journaux ouvrent leurs pages à l'effervescence publicitaire en harmonie avec une société de consommation émergente. La composition des annonces se diversifie avec audace, à un tel point qu'elle imprègne le champ de l'édition littéraire. La charge visuelle de la typographie atteint une intensité jusqu'alors inégalée.Un genre va peu à peu se démarquer parmi cette offre démultipliée : l'antique, ou lettre sans empattements. Héritière d'une tradition archaïque régénérée, elle devient à son tour, au seuil de la modernité, une figure du renouvellement. Le récit de son apparition et de son déploiement est bien différent si on s'en tient au spécimen comme seul fil conducteur. En prenant le parti d'en rechercher les premières traces dans la presse et la publicité, la texture d'un tel récit gagne ainsi en justesse et en richesse, laissant augurer in fine les prémisses d'une histoire visuelle de la typographie.In the trade of typography, novelty has long been promoted through a category of manifold publications known as “specimen”. However, this object is not always the exclusive medium of novelty. In France, during a period stretching from the end of the reign of Louis XVIII to the first years of the July Monarchy, a wave of innovative typefaces crossed the Channel and transformed the look of printed matter, to the great displeasure of some and the great joy of others. Posters welcomed the overflowing creativity of foundries; newspapers opened their pages to the advertising effervescence in harmony with an emerging consumer society. The typesetting of small ads diversified boldly, so much that it permeated the fields of publishing and literature. The visual impact of typography reached a previously unprecedented intensity.One genre gradually stood out among this multiplicity: the “antique”, or sans-serif letter. Heir to a regenerated archaic tradition, it becomes in turn, at the threshold of modernity, a figure of the “renewal of the new”. The story of its appearance and deployment is quite different if one considers type specimens as the only thread. By looking for its first traces in the press and in advertising, the texture of such a narrative gains in accuracy and richness, and ultimately foreshadows a visual history of typography.
- Penser les techniques publicitaires de demain : une exploration des brevets d'invention délivrés en France (1850-1940) - Roland Canu p. 53-74 Nous proposons dans cet article de revisiter un siècle de l'histoire technique publicitaire à partir d'un corpus textuel et iconographique encore inexploité : les brevets d'invention délivrés en France de 1850 à 1940 (source : archives INPI). Ces brevets composent une « collection » capable d'établir un témoignage prenant ses distances avec les médias et les techniques qui ont jusqu'ici retenu l'attention. Comme « mémoire de la création technique », ils dévoilent en effet une variété d'inventions publicitaires méconnues. Derrière les journaux et les affiches prolifèrent des idées techniques qui dessinent un mouvement de modernisation publicitaire précédant puis accompagnant la professionnalisation du secteur au début du xxe siècle. A ainsi été composé un échantillon de 1 042 brevets qui couvrent près d'un siècle d'inventions. Tous ces brevets ont été lus, codés, puis soumis à des traitements lexicométriques présentés dans cet article. Un tel traitement favorise l'identification et la périodisation de plusieurs périmètres techniques, parmi lesquels ceux de la publicité animée et de la publicité lumineuse qui s'imposent au début du xxe siècle. Ce faisant, ce récit statistique esquisse un ordre des techniques publicitaires, i.e. une normativité qui se déplace et qui semble tout à la fois stimuler la pensée inventive et en limiter l'amplitude.This article examines a century of advertising history using a textual and iconographic corpus that has not yet been used: the patents registered in France from 1850 to 1940 (source: INPI archives). This collection of patents establishes a new testimony that does not concern the usual media and techniques. As a "memory of technical creation", they reveal a variety of advertising techniques that is still unknown. This variety outlines a modernization movement that first preceded and then went along with the professionalization of the advertising sector. We have selected 1,042 patents that cover nearly a century of inventions. All these patents were read, coded, and then subjected to lexicometric analyses presented in this article. These analyses lead to the identification and description of several technical universes, among which two are specific to an advertising turn at the beginning of the 20th century: animated advertising and illuminated advertising. In doing so, this statistical account highlights advertising techniques that follow a certain order, in other words, a normativity that moves over time and seems to both stimulate inventive capacity and restrain its amplitude.
- Les étrangers et la culture publicitaire : Effets des mobilités et migrations dans les pratiques publicitaires parisiennes (fin du XIXe siècle – années 1920) - Roxane Bonnardel-Mira p. 75-98 Rarement croisées, l'histoire de la publicité et celle des migrations et mobilités permettent d'interroger l'acceptabilité des signes étrangers dans la culture urbaine. Nous proposons de discuter les effets de la présence des étrangers à Paris sur la culture publicitaire depuis son élaboration à la fin du xixe siècle à son renouveau dans les années 1920, soit dans une période de diversification des origines des étrangers parisiens et de mutation des discours xénophobes. L'usage de composantes étrangères dans les pratiques et représentations publicitaires est facilité par la diffusion d'un goût pour l'exotisme. Cependant, en dehors des mises en scène d'une altérité consommable, les signes publicitaires produits par les étrangers restent au seuil de la culture urbaine parisienne dont les contours s'avèrent mouvants selon les quartiers.The history of advertising rarely intersects with that of migration and mobility though it questions the acceptability of foreign signs in urban culture. We propose to discuss the effects of the presence of foreigners in Paris on the advertising culture from its elaboration at the end of the 19th century to its renewal in the 1920s, which corresponds to a period of diversification of the origins of Parisian foreigners and of transformation of xenophobic discourses. The use of foreign components in advertising practices and representations is facilitated by the dissemination of a taste for exoticism. However, apart from the staging of a consumable otherness, the advertising signs produced by foreigners remain at the threshold of Parisian urban culture, the contours of which prove to be shifting according to the neighborhoods.
- Propagande commerciale ou publicité politique ? : L'émergence d'une « culture publicitaire » en Italie de la Grande Guerre au Fascisme - Irene Di Jorio p. 99-122 Le fascisme est souvent décrit comme une « période noire » pour la « culture publicitaire » italienne. Pourtant, les activités publicitaires ont connu des développements importants sous le fascisme. Pour en saisir la portée, il faut toutefois dépasser le seul cadre commercial, car celui-ci ne représente qu'une partie limitée du terrain d'exercice du travail publicitaire. Cet article analyse l'émergence d'une « culture publicitaire » en Italie de la Grande Guerre au fascisme. Il interroge la manière dont cette culture se manifeste dans les écrits produits par les publicitaires et/ou destinés aux publicitaires (revues, annuaires, manuels). La perspective diachronique large et l'approche transversale, attentive aux transferts, permettent de cerner les contours d'une « culture publicitaire » internationale et polyvalente, dont les savoirs ont été mis au service de la dictature. Les publicitaires italiens se sont intéressés à la propagande dans le sens politique de l'expression. Ils ont essayé de légitimer leur profession en soulignant l'intérêt stratégique de leurs compétences. Ils ont collaboré à la promotion des « produits nationaux », de l'autarcie économique et de l'idéologie fasciste. Pour ce faire, ils ont mobilisé des connaissances théoriques et techniques aux frontières poreuses, entre propagande commerciale et publicité politique.Fascism is often described as a “dark period” for Italian “advertising culture”. However, advertising activities experienced important developments under Fascism. In order to understand their significance, it is necessary to look beyond the commercial sphere, as this represents only a limited part of the field of practice of advertising. This article analyses the rise of an “advertising culture” in Italy from the Great War to Fascism. It examines the way in which this culture manifests itself in the writings produced by admen and/or aimed at admen (journals, yearbooks, handbooks). The broad diachronic perspective and the cross-sector approach make it possible to define the contours of an international and versatile “advertising culture”, whose expertise was put at the service of the dictatorship. Italian admen were involved in propaganda activities, in the political sense of the term. They tried to legitimize their profession by emphasizing the strategic interest of their skills. They contributed to the promotion of “national products”, economic autarky and fascist ideology. To do this, they mobilized theoretical and technical knowledge with porous borders, between commercial propaganda and political advertising.
- Les Établissements Siégel et la devanture publicitaire en France pendant l'entre-deux-guerres - Camille Napolitano p. 123-145 Au tournant du xxe siècle en France, l'art de la devanture de magasin, qui investit tant l'agencement général de sa façade que son enseigne, sa vitrine et son étalage, fait l'objet de premières expérimentations esthétiques de la part, notamment, d'architectes-décorateurs issus de la mouvance Art nouveau. Mais c'est à la suite du premier conflit mondial, lorsque les créateurs Art déco cherchent à repenser le visage de la ville moderne, que l'étalagisme emprunte un virage artistico-commercial véritablement inédit, en associant désormais à ces réflexions des professionnels du commerce et de la publicité. C'est dans ce contexte que la société des Anciens établissements Siégel & Stockman réunis, spécialisée dans l'aménagement de devantures et dirigée par Victor-Napoléon Siégel, est fondée en 1923. À travers l'étude de ses productions, ses collaborations, ses inventions brevetées et ses publications telles que la revue Parade, le texte fait état du rôle qu'a joué l'entreprise pendant l'entre-deux-guerres français dans la légitimation, la définition et la diffusion d'un art publicitaire de la devanture de boutique, entendu comme un ensemble de pratiques et de stratégies constituant un appareil visuel commercial qui, en investissant subrepticement l'espace public directement dans la rue et indirectement par la photographie, vise à arrêter le passant et à lui plaire pour, finalement, l'inciter encore davantage à l'achat.At the turn of the 20th century in France, the art of shopfront design—which relates to the general layout of the shop's facade, its sign, its window display and its stands—became a novel aesthetic testing ground, especially for architects-cum-interior designers associated with the Art Nouveau movement. However, it was truly after the First World War, as Art Deco designers were engaged in refashioning the modern city, that shopfront design morphed into a new practice bridging art and commerce and benefiting from the input of business and advertising professionals. It was during that period, in 1923, that the Anciens établissements Siégel & Stockman réunis, a company specializing in shopfront arrangement and headed by Victor-Napoléon Siégel, was founded. Through a study of the company's production, collaborations, patents and print publications, such as the magazine Parade, this article offers an assessment of its instrumental role during the interwar period in defining, legitimizing and spreading the tenets of a new practice of shopfront design as advertising. This practice and its related strategies would constitute a commercial visual apparatus which, by surreptitiously infiltrating public space, aimed at halting passersby, seducing them, and ultimately inducing them to buy.
- De la synesthésie à la suggestion : Les réalisations publicitaires de Charles Blanc-Gatti dans les années 1930 - Marion Sergent p. 147-167 S'installant à Paris en 1924, l'artiste suisse Charles Blanc-Gatti trouve dans le milieu publicitaire les ressources lui permettant de mener à bien ses recherches sur l'application artistique de la synesthésie et la création d'une œuvre synchronisant sons et projections lumineuses. Son retour au pays natal marque son intérêt pour le cinéma : il prend la direction de la Montreux-Color-Film en 1938 et accompagne la promotion de ce nouveau studio par des discours teintés de nationalisme. Blanc-Gatti cherche à s'inscrire dans le nouveau marché du film publicitaire dont il souligne le pouvoir de suggestion sur les foules. Pour autant il ne s'agit pas de créer un art publicitaire mais plutôt de faire primer la dimension esthétique sur le produit. L'analyse des réalisations publicitaires et des textes de cet artiste, qui reprennent des arguments de l'esthétique scienjpegique et de la psychophysiologie, illustre la porosité entre sphères artistiques et industrielles, tout en permettant de revenir sur des enjeux économiques et politiques de l'entre-deux-guerres.Moving to Paris in 1924, the Swiss artist Charles Blanc-Gatti found in the advertising world the resources allowing him to explore the artistic applications of synesthesia and of synchronized sound and light projections. His return to his native country marked his interest in cinema, in 1938 he became the director of the new Montreux-Color-Film studio, which he often promoted by speeches tinged with nationalism. Fascinated by the power of suggestion that advertisement exercised over the mass public, Blanc-Gatti sought to enter the world of the newly emerging advertising film market. However, he did not want to create advertisement art, but rather to give precedence to the aesthetic dimension over the product. The study of the artist's advertising creations and texts, which draw upon arguments from scienjpegic aesthetics and psychophysiology, illustrates the porosity between art and industry and sheds light on the complex economic and political issues of the interwar period.
- Francis Ponge et l'histoire littéraire de la publicité - Myriam Boucharenc p. 169-180 Francis Ponge n'a pas partagé l'enthousiasme moderniste de Cendrars, Cocteau ou Mac Orlan pour la publicité. Il la considérait comme une émanation de la société capitaliste qui réduit tout à sa valeur marchande. L'auteur du Parti-pris des choses sera pourtant conduit, par nécessité financière, non seulement à répondre aux sollicitations de la publicité mais à la solliciter à son tour. D'une part il signe des commandes de prestige pour de grandes entreprises, de l'autre il travaille en 1953-1954 dans une agence de publicité, l'OGEP, pour laquelle il rédige de manière anonyme divers projets inédits dont l'édition est actuellement en préparation (éd. Benoît Auclerc, Myriam Boucharenc et Gérard Farasse†). Il s'agit de présenter cet exceptionnel dossier d'archives dans une perspective principalement historique en le situant dans « l'histoire littéraire de la publicité », histoire qui quoique demeurée longtemps occultée s'avère aussi essentielle à la compréhension de l'histoire de la littérature qu'à celle de la publicité.Francis Ponge did not share the modernist enthusiasm of Cendrars, Cocteau or Mac Orlan for advertising. He considered it as resulting of capitalist society that reduces everything to market value. The author or Le parti-pris des choses will however be led, by financial necessity, not only to respond to the solicitations of advertising but to solicit it in turn. On the one hand he signed advertising texts for prestigious compagnies, on the other he worked in 1953-1954 for an agency, OGEP, for which he wrote anonymously various unpublished projects whose edition is currently in preparation (eds. Benoît Auclerc, Myriam Boucharenc et Gérard Farasse†). The aim is to present these exceptional archives from a mainly historical perspective by situating them in the « literary history of advertising », a history which, althoug long hidden, is also essentiel to understanding the history of literature than that of advertising.
- Les graphistes : un groupe professionnel émergent dans la France des années 1960 - Laura Truxa p. 181-199 À partir de l'examen du Trait d'union graphique, bulletin du Syndicat National des Graphistes Publicitaires, l'article propose un regard sociohistorique sur l'émergence du groupe professionnel des graphistes au cours des années 1960. Dans le contexte d'une segmentation croissante de la production publicitaire, le syndicat met en œuvre diverses stratégies de professionnalisation. Il s'efforce avant tout de regrouper en une communauté identifiable un certain nombre de producteurs d'images publicitaires, jusqu'alors désignés indifféremment comme dessinateurs ou créateurs publicitaires, et milite pour une reconnaissance institutionnelle de leur pratique. Au fil de la décennie, précarisés par l'essor des agences de publicité et menacés par le développement de la photographie publicitaire, les graphistes tentent de se différencier de leurs concurrents ainsi que des publicitaires. Ils vont alors défendre leur marché de travail en cherchant à produire une définition esthétique et idéologique de leur activité, tantôt comme art, tantôt comme expertise. La constitution du champ du graphisme apparaît ainsi fondée sur une émancipation rhétorique vis-à-vis de la publicité, et une lutte symbolique pour le monopole de sa légitimité culturelle.Based on an examination of Trait d'union graphique, journal of the Syndicat National des Graphistes Publicitaires, the article offers a sociohistorical look at the emerging occupational group of graphistes or graphic designers during the 1960s. In the context of an increasing segmentation of advertising production, the trade union implemented various professionalizing strategies. First and foremost, it aimed to bring together as an identifiable community a number of advertising image producers, until then referred to indifferently as dessinateurs or advertising creators, and campaigned for an institutional recognition of their practice. Over the course of the decade, threatened by the rise of advertising agencies and the development of advertising photography, graphistes attempted to differentiate themselves from their competitors as well as from advertising men. They then took on defending their work market by seeking to produce an aesthetic and ideological definition of their occupation, at times as art, at times as expertise. The constitution of the field of graphisme or graphic design in France thus appears to be based on a rhetorical emancipation from advertising and on a symbolic struggle for the monopoly of its cultural legitimacy.
- Migrations et disséminations du film-annonce - Sylvie Périneau-Lorenzo p. 201-220 Annoncer les films est une pratique de promotion amorcée dès les débuts du cinéma afin de gagner différents publics à une nouvelle attraction. Sitôt fixé, le film-annonce pluralise ses modes de construction (extrait, montage d'extraits, échantillon, symbolisation, etc.) avant de les réduire préférentiellement à deux : l'extrait et le montage d'extraits. À grand renfort de procédés rhétoriques, il affiche sa double vocation promotionnelle et paratextuelle tandis que l'invention conceptuelle et formelle lui permet de se réaliser comme méta-texte et forme programmatique. Depuis les années 2000, d'autres domaines socio-professionnels (culture, politique ou même événement) importent le film-annonce en tant que gabarit promotionnel. Or, dans cette migration, il est hâtif, sinon erroné, de considérer avoir affaire à un contenant vide ou à un prêt-à-penser indépendamment des contextes. Le film-annonce s'appréhende différemment selon les genres de discours avec lesquels il entre en résonance, les valeurs et les objets symboliques en circulation (histoire, idées, adhésion politique, mobilisation pour des événements, etc.), les finalités ou les esthésies visées. D'ailleurs, des points de friction apparaissent. Ils s'observent lorsque le film-annonce s'avère être la porte d'entrée d'une entreprise plus large ou que la fonction paratextuelle devient caduque. En parallèle, les disséminations du film-annonce croisent l'essor d'un mouvement qu'il convient d'appeler une culture de l'annonce.Announcing films is a promotional practice that began in Early Cinema to rally different audiences to a new attraction. As soon as it is set, the film announcement pluralizes its modes of construction (excerpt, montage of excerpts, sample, symbolization, etc.) before reducing them preferentially to two: the excerpt and the montage of excerpts. Using a number of rhetorical devices, it displays its double promotional and paratextual vocation. At the same time, the conceptual and formal invention allows it to find a point of completion as meta-text and both programmatic form. Since the 2000s, other socio-professional domains (culture, politics, or even events) have imported the film announcement as a promotional template. However, in this migration, it is hasty, if not erroneous, to consider that we are dealing with a form devoid of substance or a sort of ready-to-think, independently of the contexts. The film-announcement is apprehended differently according to the genres of discourse it echoes, the values and symbolic objects in circulation (history, ideas, political adhesion, mobilization for events, etc.), the finalities or the aesthetics aimed at. Moreover, points of friction appear. They occur when the film announcement turns out to be the gateway to a larger enterprise or when the paratextual function becomes obsolete. In parallel, the dissemination of the film announcement cross the rise of a movement that we should call an announcement culture.
- Introduction. Tout le monde déteste la publicité ? - Anne-Sophie Aguilar, Éléonore Challine p. 9-30
Lieux et ressources
Regards croisés
Trames
Retours sur…
- Reviens, Laïla ! : rencontre avec la Laponie du XIXe siècle - Clémence Durieux p. 275-293
Actualités
- Formes et présences de l'image publicitaire dans l'art d'André Devambez - Catherine Méneux p. 297-306
Grand entretien
- « Publicité et graffiti… même combat. Faire parler de soi. » : Entretien de Sabrina Dubbeld et Anne-Sophie Aguilar avec Nasty - Sabrina Dubbeld, Anne-Sophie Aguilar p. 309-333
Hors cadre
- « Deux millions de Parisiens tenant deux millions de verres noircis » : L'éclipse totale de soleil du 17 avril 1912, un événement médiatique - Charly Pellarin p. 337-359 À la fin du xixe siècle, et plus particulièrement après 1900, les éclipses deviennent de plus en plus massives, tant par le public qu'elles réunissent que par le bruit qu'elles génèrent dans la presse. En cela, elles nous permettent d'éclairer l'émergence d'une culture de l'événement. L'éclipse de 1912, visible à Paris, provoque une véritable hypertrophie médiatique et fait la une des plus grands titres, le plus souvent au détriment du naufrage du Titanic. Aussi, différents pouvoirs – la République, la presse et la science – investissent de concours cet événement pour faire valoir différents intérêts qui leur sont propres. L'éclipse est notamment l'occasion de célébrer les œuvres républicaines – l'instruction des masses, la démocratisation des loisirs – mais aussi de (ré)affirmer le rôle de la science au sein de la société. La presse à grand tirage y trouve aussi un intérêt commercial, ce qui explique la façon dont celle-ci s'attache à « fabriquer » l'événement. Car c'est bien la diffusion d'un discours médiatique récurrent qui permet de rassembler et de fédérer, en somme de créer cet événement autour de valeurs et de symboles communs. Tout cela montre combien la presse a une emprise sur le quotidien des Français et sur la circulation de l'information, mais aussi qu'elle assure un rôle de tribune pour des discours de légitimation des pouvoirs. C'est en manipulant divers éléments de l'imaginaire social des éclipses, dans une poétique journalistique moderne, que celle-ci parvient à forger un consensus médiatique, une doxa – symptomatique de ce que Géraldine Muhlmann appelle le « journalisme de rassemblement ». Cependant, en contextualisant les poétiques médiatiques et les ensembles discursifs, en croisant les différents types de sources, tout en bénéficiant de la plurivocité du paysage médiatique, on constate que cette doxa est bien souvent déconnectée de la réalité des pratiques, en somme des expériences vécues. La mise en lumière de ces décalages permet de dégager les enjeux qui sous-tendent la promotion et les multiples récupérations de tels événements. En somme, cet article s'attache à décrypter les enjeux des mystifications dont l'éclipse fait l'objet, à une période où elles réunissent un public sans précédent.At the end of the 19th century, and more particularly after 1900, eclipses became increasingly massive, both in terms of the public they gathered and the attention they drew in the press. In this way, they allow us to shed light on the emergence of a culture of the event. The eclipse of 1912, visible in Paris, provoked an absolute media frenzy and made the headlines, most often to the detriment of the sinking of the Titanic. Different powers—the Republic, the press and science—used this event to promote their own interests. In particular, the eclipse was an opportunity to celebrate republican works—the education of the masses, the democratisation of leisure—but also to (re)affirm the role of science within society. The large-circulation press also found it commercially interesting, which explains the way in which it set out to “manufacture” the event. For it is indeed the dissemination of a recurrent media discourse that makes it possible to gather and federate, in short to create this event around common values and symbols. All this shows how much the press has a hold on the daily life of the French and on the circulation of information, but also that it acts as a platform for the legitimisation of power. It is by manipulating various elements of the social imaginary of eclipses, in a modern journalistic poetics, that it manages to forge a media consensus, a doxa—symptomatic of what Géraldine Muhlmann calls the “journalism of gathering”. However, by contextualising media poetics and discursive ensembles, by crossing different types of sources, while benefiting from the plurivocity of the media landscape, we note that this doxa is often disconnected from the reality of practices, in other words, from lived experiences. The highlighting of these discrepancies allows us to identify the issues underlying the promotion and the multiple recuperations of such events. In short, this article attempts to decipher the issues at stake in the mystifications of which the eclipse is the object, at a time when they are attracting an unprecedented audience.
- « Deux millions de Parisiens tenant deux millions de verres noircis » : L'éclipse totale de soleil du 17 avril 1912, un événement médiatique - Charly Pellarin p. 337-359