Contenu du sommaire : Pollutions industrielles : qu'est-ce qu'une industrie propre ?
Revue | Responsabilité et environnement |
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Numéro | no 114, avril 2024 |
Titre du numéro | Pollutions industrielles : qu'est-ce qu'une industrie propre ? |
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- Préface - Jacques Vernier p. 4-5
- Introduction - Philippe Merle p. 6-7
Les milieux, les impacts
- Évolution des émissions de certains polluants atmosphériques en France métropolitaine - Nadine Allemand, Jean-Pierre Chang p. 8-19 L'évolution des émissions de certains polluants atmosphériques entre 1990 et 2022 et la contribution des grands secteurs émetteurs sont le sujet de cet article avec un éclairage spécifique sur le secteur industriel et la production d'énergie. Les polluants considérés sont le SO2, les NOx, les COVNM et les PM2,5. Ces quatre polluants font l'objet d'engagements de réduction des émissions, mis en place par le Protocole de Göteborg amendé de 2012 de la Convention de la Commission pour l'Europe des Nations unies (CEENU) et par la directive européenne 2284/2016 relative à la Réduction des émissions de certains polluants atmosphériques, repris dans le Plan national de Réduction des Émissions de Polluants Atmosphériques ou PREPA. La France a réussi à tenir ses engagements de réduction des émissions totales de SO2, NOx, COVNM et PM2,5 à partir de 2020. La diminution des émissions de ces quatre polluants est significative dans l'ensemble des secteurs émetteurs. Les émissions des secteurs de la production d'énergie et de l'industrie manufacturière étaient très importantes dans les années 1990. Aujourd'hui, leurs contributions dans les émissions totales sont bien moindres face au transport routier et à l'agriculture pour les NOx, au chauffage domestique au bois pour les PM2,5 et au chauffage domestique au bois et à l'agriculture pour les COVNM. Les émissions de l'industrie de l'énergie ont diminué de 80 % en NOx et de 96 % en PM2,5 entre 1990 et 2021. Pour l'industrie manufacturière des réductions de 58 % en NOx et 61 % en PM2,5 ont été obtenues sur la même période. Ces réductions peuvent s'expliquer en partie par des baisses des niveaux de consommation de combustible dans la production d'électricité ou de baisse de l'activité dans certains secteurs industriels, mais rapportées à l'unité de consommation de combustible ou unité de production, les émissions ont diminué sous l'impulsion des réglementations mises en œuvre et notamment la directive Émissions industrielles qui a imposé le recours aux meilleures techniques disponibles ou équivalent. Pour 2030, les actions de réduction devront se poursuivre pour assurer le respect des prochains engagements, notamment pour les NOx et les PM2,5.This article looks at trends in emissions of certain atmospheric pollutants between 1990 and 2022 and the contribution of the major emitting sectors, with a specific focus on the industrial sector and energy production. The pollutants considered are SO2, NOx, NMVOCs and PM2,5. These four pollutants are subject to emission reduction commitments, established by the amended 2012 Gothenburg Protocol of the United Nations Commission for Europe (UNECE) and by European Directive 2284/2016 on the Reduction of Emissions of Certain Atmospheric Pollutants, which are set out in the National Plan for the Reduction of Emissions of Atmospheric Pollutants or PREPA. France has succeeded in meeting its commitments to reduce total emissions of SO2, NOx, NMVOCs and PM2,5 by 2020. Emissions of these four pollutants have fallen significantly in all sectors. While emissions from the energy production and manufacturing sectors were very high in the 1990s, their contribution to total emissions today is much lower than that of road transport and agriculture for NOx, domestic wood heating for PM2,5 and for this same sector, but also agriculture, for NMVOCs. Emissions from the energy industry fell by 80% for NOx and 96% for PM2,5 between 1990 and 2021. For the manufacturing industry, reductions of 58% in NOx and 61% in PM2,5 have been achieved over the same period. These reductions can be explained in part by lower levels of fuel consumption in electricity generation or lower levels of activity in certain industrial sectors, but in relation to the unit of fuel consumption or unit of production, emissions have fallen under the impetus of the regulations implemented and in particular the Industrial Emissions Directive, which requires the use of best available techniques or equivalent. For 2030, reduction measures will have to be continued to ensure compliance with future commitments, particularly for NOx and PM2,5.
- Eau et industrie : quelles pistes pour améliorer la gestion de l'eau par l'industrie en France ? - Domitille Legrand p. 20-26 Comment dépasser le clivage entre la préservation de la qualité et de la disponibilité de la ressource en eau, et la (ré)industrialisation ? Des pistes peuvent être envisagées au niveau d'un territoire industriel. En construisant une collaboration étroite publique privée à cette échelle, les acteurs du développement économique peuvent construire une vision écosystémique de la gestion de l'eau industrielle et renforcer leur solidarité dans la gestion de cette ressource essentielle aux activités industrielles.How can the gap between preserving the quality and availability of water resources and (re)industrialization be bridged? Paths can be considered at the level of an industrial territory. By building close public-private collaboration on this scale, economic development stakeholders can build an ecosystem vision of industrial water management and strengthen their solidarity in the management of this essential resource for industrial activities.
- Principes fondamentaux et axes stratégiques de la politique de protection des sols et des sous-sols en France - Guillaume Bailly p. 27-30 L'action de l'État en matière de protection des sols et des sous-sols s'est articulée autour de trois principes généraux indissociables : la prévention et remédiation des pollutions, l'étude au cas par cas de la situation de chaque site prenant en compte les vecteurs et les cibles d'exposition, et l'évaluation du risque fondée sur les usages du site.Dernièrement, la loi climat et résilience a consacré ces principes en introduisant dans le code de l'environnement un nouveau chapitre unique dédié aux « Principes généraux de la protection des sols et des sous-sols ».State action to protect soil and subsoil is based on three inseparable general principles: pollution prevention and remediation, a case-by-case study of the situation at each site, taking into account the vectors and targets of exposure, and risk assessment based on the uses to which the site is put. The recent Climate and Resilience Act enshrined these principles by introducing a single new chapter in the Environment Code dedicated to the “General principles of soil and subsoil protection”.
- Quels indicateurs pour surveiller la santé de la population générale autour des grands bassins industriels français ? - Candice Roudier, Cécile Kairo p. 31-35 Résider autour d'un bassin industriel est une préoccupation pour les riverains en termes d'impact potentiel sur leur santé. Il est proposé, ici, un focus sur les indicateurs sanitaires à étudier autour des grands bassins industriels français, en combinant deux approches : une revue de la littérature et une exploitation des données issues des études de zone.Les pathologies respiratoires et les cancers (hémopathies malignes, tumeurs solides du poumon, du foie et des voies respiratoires) apparaissent ainsi comme les effets sanitaires les plus fréquemment étudiés, suivis par les pathologies cardiovasculaires, hépatiques et rénales, ainsi que des indicateurs de périnatalité et plus particulièrement les malformations congénitales.Néanmoins, les bases de données sanitaires françaises présentent des limites pour disposer d'une estimation fiable et exhaustive de certains des indicateurs identifiés. Ces premiers éléments seront à considérer dans une perspective de mise en place d'une surveillance épidémiologique autour des grands bassins industriels français.Living around an industrial area is a concern for local residents considering the potential impact on their health. We propose to present here the health indicators that could be studied around the major French industrial areas. Two approaches have been considered: a review of the literature and data from certain environnmental studies (around industrial area).Respiratory pathologies and cancers (hematological malignancies, solid tumors of the lung, liver and respiratory tract) appear to be the most frequently studied health effects, followed by cardiovascular, hepatic and renal pathologies, as well as perinatal indicators and more particularly congenital malformations.Nevertheless, French health databases are limited in their ability to provide reliable, exhaustive estimates of some of the indicators identified. These initial elements should be taken into consideration when setting up epidemiological surveillance systems around France's major industrial areas.
- Évolution des émissions de certains polluants atmosphériques en France métropolitaine - Nadine Allemand, Jean-Pierre Chang p. 8-19
Quelles normes pour demain ?
- Révision de la directive IED - Jean-Luc Perrin, Loïc Malgorn p. 36-38 Depuis 1996, la réglementation européenne encadre la conception et le fonctionnement des installations industrielles les plus émettrices de polluants, dans le but de promouvoir la mise en œuvre des meilleures techniques disponibles afin de réduire, à la source et de façon intégrée par rapport à tous les milieux, les émissions.L'application des meilleures techniques disponibles s'appuie sur le processus dit « de Séville » d'élaboration des documents « BREF ». Ce processus consiste à recueillir les données existantes d'émission des industries concernées et fonder les obligations techniques sur des données réelles quant à la disponibilité et l'efficacité des techniques.La révision en cours de la directive renforce les obligations de rapportage des États membres, les informations à publier pour le public, permet des dérogations supplémentaires pour les technologies innovantes et durcit les conditions de délivrance des permis. Les possibilités d'indemnisations des particuliers sont étendues.Since 1996, European regulations have governed the design and operation of the industrial facilities that emit the most pollutants, with the aim of promoting the implementation of the best available techniques in order to reduce emissions at source and in an integrated manner with respect to all environments.The application of best available techniques is based on the so-called “Seville process” for drawing up “BREF” documents. This process involves collecting existing emissions data from the industries concerned and basing the technical obligations on real data on the availability and effectiveness of the techniques.The current revision of the directive strengthens the reporting obligations of Member States, the information to be published for the public, allows additional derogations for innovative technologies and tightens the conditions for issuing permits. The possibility of compensation for individuals has been extended.
- Vision du Bureau européen de l'Environnement pour la révision de la directive IED - Christian Schaible p. 39-50 La directive sur les émissions industrielles – refonte de celle de 2008 relative à la prévention et réduction intégrées de la pollution – (ci-après « IED ») 2010/75/UE couvre environ 50 000 activités industrielles qui sont responsables d'environ 40 % des émissions de gaz à effet de serre de l'UE, 50 % des émissions de polluants de l'air, et 20 % en flux pour les émissions dans l'eau avec un coût externe évalué entre 277 et 433 milliards d'euros par an1.Les principales dispositions découlent des obligations fixées dans les prescriptions contenues dans les permis, déterminées par les autorités compétentes des États membres. Les conditions d'autorisation doivent respecter des principes et obligations généraux, notamment la cohérence des conditions d'autorisation avec les conclusions sur les Meilleures Techniques Disponibles (MTDs) des documents de référence de meilleures techniques disponibles (dits les « BREFs »), qui sont périodiquement révisés sur une base d'échange d'informations entre l'industrie concernée, les États membres, les ONG de protection de l'environnement (tels que le Bureau Européen de l'Environnement – EEB) et la Commission européenne.L'auteur aborde les points clefs et grands enjeux de la révision de l'IED (ci-après « IPPC 3.0 ») et du Règlement sur le Portail sur les Émissions Industrielles (ci-après « IEP-R »), de sa perspective (personnelle) et/ou pour le compte de son organisation (EEB), notamment en ce qui concerne la question sur la plus-value éventuelle de ce nouveau cadre pour définir ou promouvoir une « industrie propre », avec des points de frictions entre le positionnement des ONG, certaines industries (notamment de l'élevage intensif) et/ou certains gouvernements sur ces points.Remarque : L'évaluation ci-dessous suppose que la version de l'accord commun (15 décembre 2023) constitue la version finale2.En résumé, le cadre révisé pourra apporter quelques avancées utiles sur la transition vers une industrie propre sur les aspects suivants :Un recadrage de ce qui est une meilleure technique disponible (MTD), qui exclura toute option de l'âge fossile et qui se focalisera davantage sur la protection de la santé et la substitution de substances dangereuses. La plus-value concrète de la nouvelle définition de « transformation en profondeur » avec un triple objectif de protection à atteindre avant 2050 dépendra largement de l'honnêteté et de l'engagement réel des parties prenantes dans la détermination de ces nouvelles MTDs, y compris pendant la phase d'élaboration des plans de transitions par les opérateurs. Le devoir pour l'opérateur d'élaborer des « plans de transformations » par installation, même si on s'attend à du concret, risque de devenir un exercice de greenwashing. Le fait que ces plans doivent être faits au plus tard en 2030 est déjà trop tardif pour certains secteurs dont les investissements portent sur 15 à 20 ans.Alors que l'aspect d'efficience de l'utilisation des ressources est renforcé notamment en ce qui concerne l'eau, une incohérence juridique et sur le fond persiste quant à l'aspect de l'efficacité énergétique, qui reste au bon vouloir des opérateurs et des autorités compétentes. Les exigences concrètes de performances à atteindre restent encore à définir pour la majorité des secteurs.L'approche d'alignement quasi systématique par les autorités des valeurs limites d'émissions vers la fourchette haute des niveaux d'émissions associés aux MTDs (NEA-MTD) a été inversée sur le principe, mais avec une naïveté des décideurs politique effrayante vu que ce seront : 1) les opérateurs concernés eux-mêmes qui devront élaborer une analyse de non-faisabilité de se conformer à la fourchette NEA-MTD la plus stricte ; 2) qu'aucun délais précis n'a été fixé pour ces opérateurs de revoir leurs permis ; et 3) aucun devoir explicite de contradictoire avec le public concerné sur ce que l'opérateur compte faire en ce qui concerne ses installations. La révision des permis en question pourra être repoussée au plus tard de 12 ans par les autorités compétentes, ce qui permettra aux autorités compétentes proches de leur industrie de maintenir un statu quo pour la décennie à venir. A contrario une nouvelle dynamique est créée pour les États membres qui transposent les conclusions MTD par des prescriptions générales, tels que la France. Dorénavant ils devront fixer les règles en conformité de l'esprit IED, c'est-à-dire la prévention/réduction des émissions en s'orientant vers les fourchette strictes.À l'inverse on va faire une régression réglementaire généralisée sur les élevages intensifs par rapport à 1996/2010 concernant les porcs et volailles ainsi qu'une inaction sur l'élevage des bovins.Les dispositions sur le renforcement du droit à indemnisation des victimes de pollution et des sanctions ont été affaiblies de telle manière qu'on constate une inversion du principe pollueur payeur.L'extension du champ d'application (activité minière, Giga fabriques de batteries) est dérisoire, de mineures avancées ont été prévus pour la (co)-incinération des déchets.Des avancées sur la transparence et mise en contexte utile des données de performances environnementales ont été apportées notamment par le règlement connexe établissant le Portail sur les émissions industrielles et l'obligation de système de e-permis / procédures par voie électroniques.The Industrial Emissions Directive 2010/75/EU – integrated pollution prevention and reduction recast - (hereafter “IED”) covers around 50,000 industrial activities which are responsible for the emissions of around 40% of greenhouse gases, 50% of other air pollutants, and 20% in load for emissions into water with an external cost estimated between 277-433 billion euros per year.The main provisions arise from the obligations set out in the requirements contained in the permits (permit conditions), determined by the competent authorities of the Member States. The permit conditions must respect general principles and obligations, in particular consistency with the conclusions on the Best Available Techniques (BATs) of the best available techniques reference documents (known as the “BREFs”), which are periodically revised on the basis of an information exchange between the industry concerned, Member States, environmental NGOs (such as the European Environmental Bureau – EEB) and the European Commission.The author addresses only the key points and major issues of the revision of the IED (hereinafter “IPPC 3.0”) and the Regulation on the Industrial Emissions Portal (hereinafter “IEP-R”) from his (personal) perspective and/or on behalf of his organization (EEB), particularly with focus on the question on the possible added value of this new framework to define or promote a “clean industry”. Diverting views between the positioning of NGOs, certain industries (notably intensive livestock farming) and/or certain national governments on these points are highlighted.Note: The assessment below assumes that the Joint Agreement version (December 15, 2023) will be the final version of both legal frameworks.In summary, the revised framework(s) could provide some useful progress on the transition to a “clean” industry on the following aspects/issues:A re-framing of what is a best available technique (BAT), which will exclude any fossil age option and which will focus more on the protection of health and the substitution of dangerous substances with a duty of continuous progress. The concrete added value of the new definition of “in-depth transformation” with a triple protection objective to be achieved before 2050 will largely depend on the honesty and real commitment of the stakeholders involved in the determination of these new BATs and the concrete meaning to be given to what can be considered as “deep transformation”, including during the elaboration phase of the Transformation Plans by operators. The duty for the operator to develop “Transformation Plans” at installation level means that concrete and measurable commitments are expected, however this risks becoming a greenwashing exercise. The fact that these Transformation Plans will have to be provided only by 2030 at earliest is already too late for certain sectors which have investment projections of at least 15-20 years.While the aspect of resource efficiency is reinforced, particularly with regard to water, a legal inconsistency and contradiction on substance persists regarding the aspect of energy efficiency, which remains optional for both operators and competent authorities. The concrete performance requirements to be achieved remain to be defined in future BREFs for the majority of sectors.The biased approach of almost systematic alignment by the authorities of emission limit values towards the upper range of emission levels associated with BATs (BAT-AELs) is reversed in principle, but with a (frightening) naivety of the decision-makers given that it will be 1) the operators concerned themselves who will have to develop an analysis of the non-feasibility of complying with the stricter BAT-AELs 2) no precise deadline has been set for these operators to do that job in self-assessing their permit conditions and 3) no explicit quality control by third parties (i.e. the public concerned) is explicitly foreseen. The review of the permits in question may be postponed for up to 12 years by the competent authorities, which will allow the competent authorities close to their industry to maintain a status of regulatory standstill for a decade to come.On the other hand, a new dynamic is created for Member States which transpose the BAT conclusions through the general binding rules, such as France.From now on public authorities must align the rules in accordance with the IED spirit, i.e. ensure the strictest achievable emissions limit values so to achieve prevention/reduction of emissions and therefore move towards the strict ranges of BAT.There is a livestock rearing exception to all above principles however: the revised framework will lead to a generalized regulatory backtracking on intensive rearing activities compared to the 1996/2010 situation concerning pigs and poultry. There is a further inaction on large scale cattle rearing.The provisions aimed on strengthening the right to compensation for victims of illegal pollution and sanctions have been weakened in such a way that we see an inversion of the polluter pays principle.A minor scope extension has been made that is however close to meaningless as to real impacts (metals mining, Giga battery factories), some minor improvements have been brought to requirements on the (co)-incineration of waste.Progress on the transparency and more useful contextualization of environmental performance data has been made in particular though the linked Regulation establishing the Industrial Emissions Portal and the obligation of an e-permit system/electronic procedures.
- Fondées sur la technologie ou sur le risque : deux approches complémentaires pour déterminer des limites de rejets - Matthieu Schuler p. 51-53 La révision de la directive IED compte parmi les actions déclinant la stratégie du Pacte vert européen. Largement fondée sur un mécanisme d'optimisation des rejets autorisés au regard des meilleures technologies disponibles, sa démarche est distincte d'une évaluation quantitative des risques associées à ces mêmes rejets. La comparaison de ces approches renseigne sur leurs différences, leurs limites, leurs complémentarités. Ces complémentarités peuvent d'ailleurs s'avérer tout à fait nécessaires lorsqu'il faut faire face à une situation d'alerte ou de vigilance appelant des changements des limites autorisées. Enfin, la notion d'enregistrement des données de rejets, appelée par la directive au titre d'une large information du public, gagne également à être intégrée dans un mécanisme de bancarisation organisé, à des fins ultérieures d'exploitation et de recoupement avec des données de santé.The upgrading process of the IED directive is one of the actions taken following the European “Grean Deal”. Mainly based on a mechanism of optimization, with respect to the best available technologies, the IED way of setting limits for releases to the environment is a clearly different mechanism compared to the one that would be based on a quantitative risk assessment of the corresponding releases. A qualitative comparison of the two approaches is interesting in order to identify their respective limits, differences and complementarities. The latter might be usefull, when facing an alert or vigilance situation, that could request changes of the existing limits. Lastly, the registration requirement of the releases for a certain number of substances, in order to contribute to a large public information, shall also be taken into account in an organised data banking mechanism, keeping in mind potential uses and opportunities for a cross analysis of environmental data and health data.
- Les vertus du principe ALARA en radioprotection –opportunités et limites d'une transposition au domaine des impacts industriels - Pierre Bois p. 54-59 Le principe ALARA ( as low as reasonably achievable) en radioprotection prévoit que « toutes les expositions doivent être aussi basses qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre, compte tenu des facteurs économiques et sociaux ». Cet énoncé simple a montré sa force par les résultats obtenus dans les domaines professionnels et médicaux, où les doses reçues par les travailleurs et par les patients ont été considérablement réduites au cours du temps, bien au-delà du respect des valeurs limites réglementaires. Donnant des clés pour agir dans l'incertitude, s'inscrivant dans le champ collectif de l'analyse multicritères, et mettant en responsabilité tous les acteurs, ce principe est en effet le germe d'une culture du risque opérante et efficace. Il pourrait utilement inspirer les futurs développements du système de contrôle des émissions industrielles, et contribuer ainsi à ouvrir une nouvelle séquence dans l'amélioration continue de la maîtrise des impacts environnementaux des activités humaines.The ALARA (as low as reasonably achievable) principle aims “to keep radiation exposure as low as reasonably achievable, taking into account economic and social factors”. This simple statement has shown an impressive effectiveness through the results obtained in the professional and medical fields, where the doses received by workers and patients have been considerably reduced over time, well beyond compliance with regulatory limit values. Providing keys to acting in uncertainty, opening decision-making processes to multi-criteria analysis, and placing all actors in responsibility, the ALARA principle gives in fact birth to a functioning and effective risk culture. It could usefully inspire future developments in the field of industrial emissions control, and thus contribute to opening a new sequence in the continuous improvement of the management of the environmental impacts of human activities.
- Comment avoir une politique efficiente de réduction des impacts de l'industrie ? - Sylvie Sutter, Thomas Léopold p. 60-63 La réduction des impacts de l'industrie est encadrée par des dispositions législatives et réglementaires, ainsi que des outils et bonnes pratiques existantes. La mise en œuvre de ces outils permet d'imposer des standards de haut niveau à l'industrie.En particulier, les principes fondamentaux à mettre en œuvre sont :la démarche « Éviter, Réduire, Compenser » qui vise à prévenir autant que possible les risques d'incidences négatives d'un projet sur l'environnement ;la maîtrise des impacts, afin que les gains apportés par l'activité soient supérieurs aux éventuelles atteintes environnementales résultant de cette activité, tant en phase de projet qu'en phase d'opération des installations industrielles.L'étude d'impact permet d'identifier les enjeux environnementaux et d'orienter les choix techniques et économiques vers un projet de « moindre impact », notamment au travers d'une évaluation quantitative des risques sanitaires.Reducing the impact of industry is governed by legislative and regulatory provisions, as well as existing tools and best practices. The implementation of these tools makes it possible to impose high standards on industry.In particular, the fundamental principles to be implemented are :the “Avoid, Reduce, Compensate” approach, which aims to prevent as far as possible the risks of a project having a negative impact on the environment;controlling impacts, so that the benefits of the activity outweigh any environmental damage resulting from it, both during the project phase and when the industrial facilities are in operation.The impact study identifies the environmental issues and guides the technical and economic choices made towards a project with the “least impact”, in particular through a quantitative assessment of the health risks.
- Révision de la directive IED - Jean-Luc Perrin, Loïc Malgorn p. 36-38
D'autres regards
- Les pollutions dues aux accidents : un angle mort ? - Jacky Bonnemains p. 64-66 Les pollutions après les accidents sur les Installations Classées pour la Protection de l'Environnement sont de mieux en mieux prises en compte. Mais après de nombreux accidents et notamment des incendies, la banalisation reste une priorité. Les clichés habituels, « plus de peur que de mal », « les déchets sont partis en fumées », « le vent les a dispersées », les propos rassurants des pompiers repris par les préfets poussent au plus vite au retour à la normale quand bien même s'est produit un évènement anormal et pénalisant l'environnement et la santé publique. Un angle mort majeur concerne les installations non classées. La cathédrale Notre-Dame de Paris en est l'exemple le plus frappant. Les catastrophes de demain avec les nouveaux modes de propulsion décarbonés ne sont pas anticipées. Les pollutions de l'extraction du lithium, du cobalt et des autres métaux rares à l'étranger et en France sont elles aussi masquées. Il est urgent que le public soit informé de ces risques nouveaux et que les moyens de lutte proportionnés soient appréciés, financés et mis en place.Pollution caused by accidents at classified facilities for environmental protection is increasingly being taken into account. But after numerous accidents, particularly fires, trivialisation remains a priority. The usual clichés - “more fear than harm”, “the waste has gone up in smoke”, “the wind has scattered it” – and the reassuring words of the fire brigade, echoed by the prefects, urge a return to normality as quickly as possible, even though an abnormal event has occurred that is damaging to the environment and public health. A major blind spot concerns non-classified facilities. Notre-Dame Cathedral in Paris is the most striking example. Tomorrow's disasters, with the new low-carbon modes of propulsion, have not been anticipated. The pollution caused by the extraction of lithium, cobalt and other rare metals, both in France and abroad, is also being concealed. There is an urgent need for the public to be informed of these new risks, and for proportionate means of combating them to be assessed, financed and put in place.
- La prévention des pollutions aux États-Unis - Alexandre Damiens p. 67-70 Aux États-Unis, existent des lois fédérales qui obligent les installations industrielles à prendre des mesures pour protéger l'air, l'eau, le sol… Le cadre législatif est complexe. Il est simplifié, en partie seulement, par les actions de l'Environmental Protection Agency (EPA), entité fédérale. En effet, les compétences en matière de politique environnementale entre l'État fédéral et les États fédérés sont à géométrie variable. La gestion de la délivrance des permis environnementaux prend la forme d'une mosaïque : il n'existe pas de permis unique, ni de permis uniformes. L'articulation foisonnante des textes normatifs rend ardue la navigation au sein des référentiels. Les exigences techniques ou technologiques, entre obligations de résultats ou de moyens, s'inscrivent dans une architecture peu lisible du grand public. Aujourd'hui, les réformes des permis environnementaux attendent une issue au Congrès.In the United States, federal laws require industrial facilities to take measures in order to protect air, water and soil… The U.S. legislative framework is complex. It began to take shape in the 1970s and then evolved until the mid-1990s. This framework is partly simplified by the actions of the Environmental Protection Agency (EPA), a federal entity of the executive branch.The institutional organization gives Congress primacy at federal level, jurisdiction over environmental matters to the States, and critical importance to the courts. The U.S. environmental legislative and regulatory framework is far from integrated. Political alternation seems to have a strong influence on environmental programs, an area in which no significant legislation has been passed since 1997.Jurisdiction over environmental policy between the federal government and the States varies according a great number of parameters and circumstances. The management of environmental permitting is a mosaic: there is no single permit neither uniform permit throughout the entire country.The plethora of normative texts makes it difficult to navigate within the laws, rules and standards. Technical and technological requirements, ranging from obligation of means to performance obligation, are part of an architecture that is difficult for the general public to understand.Moreover, the alternation in the political leadership of the U.S. federal executive (Clinton-Bush, Bush-Obama, Obama-Trump, Trump-Biden) has an impact on environmental programs. Thus, environmental issues in the United States are subject to frequent reversals. The Supreme Court arbitrates the resulting conflicts. In Congress, incentive-based approaches are favored, as prescriptive approaches seem doomed to failure. The Inflation Reduction Act (IRA, 2022), which distributes substantial tax incentives to deploy low-carbon technologies, is the product of such findings.Today, there is a strong desire in the U.S. to regain industrial leadership and sovereignty. Current debates highlight the balance that needs to be reached between industrial and environmental policies. And today, environmental permit reforms are awaiting the outcome of the federal Congress.
- Quel contrôle de la pollution industrielle en Chine ? - Julien Boudet p. 71-74 L'exceptionnel développement économique et industriel de la Chine s'est fait au détriment de son environnement. Néanmoins, une prise de conscience amorcée dans les années 2010 a mené à un renforcement rapide des politiques publiques environnementales. Au cœur de l'économie chinoise avec près de 28 % de son PIB, le secteur manufacturier est naturellement concerné au premier plan par ces nouvelles mesures. C'est particulièrement le cas pour le secteur des industries lourdes, source majeure de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre. En Chine, le contrôle de la pollution se fonde sur l'étude d'impact environnemental et le permis de rejets de polluants. Ce dernier est le principal outil de surveillance des pollutions industrielles. La réglementation met en place des mesures différenciées suivant les industries et les zones d'émissions. Le succès de cet outil encore en construction dépendra des moyens humains, techniques et politiques mis en place.China's exceptional economic and industrial development has been at the expense of its environment. Nonetheless, a growing awareness of environmental issues that began in the 2010s has led to a rapid strengthening of public environmental policies. At the heart of the Chinese economy, accounting for almost 28% of its GDP, the manufacturing sector is naturally one of the first to be affected by these new measures. This is particularly true of the heavy industry sector, which is a major source of atmospheric pollutants and greenhouse gases. In China, pollution control is based on environmental impact assessments and pollutant discharge permits. The latter is the main tool for monitoring industrial pollution. The regulations introduce differentiated measures for different industries and emission zones. The success of this tool, still under construction, will depend on the human, technical and political resources put in place.
- Polluer moins ici, polluer plus ailleurs ? La compétitivité de l'Europe - Éric Bourdon, Emmanuel Normant, Philippe Prudhon p. 75-78 Polluer ici ou ailleurs, c'est d'abord apporter des solutions ici et ailleurs ! Les entreprises se développent en premier lieu là où les marchés sont vigoureux, et beaucoup des entreprises françaises sont au cœur de la transformation environnementale de leur chaîne de valeur par les solutions et les services qu'elles développent. Et elles agissent de même au quotidien pour diminuer leur empreinte environnementale.Mais elles font face à une concurrence forte, à la fois pour choisir où se développer, mais aussi face à des concurrents qui pourraient venir de zones avec des contraintes plus faibles.La décarbonation de notre économie, la souveraineté de notre pays sont autant d'opportunités pour investir sur notre territoire. Pour réussir et accélérer ces transitions, il est nécessaire d'intégrer un certain nombre de paramètres clés (coût de l'énergie, équité de la réglementation, équité technologique, délai d'instruction pour ouvrir une usine…) afin d'assurer la souveraineté de la France et de l'Europe et de minimiser les impacts environnementaux.Polluting here or elsewhere means first of all providing solutions here and elsewhere! Companies develop first where markets are strong, and many of French companies are at the heart of the environmental transformation of their value chain through the solutions and services they develop. And they act in the same way on a daily basis to reduce their environmental footprint.But they are faced with strong competition, both in choosing where to develop, but also with competitors who could come from areas with weaker constraints.The decarbonization of our economy, the sovereignty of our country, all are opportunities to invest in our territory. To succeed and accelerate these transitions, it is necessary to integrate a number of key parameters (energy cost, regulatory fairness, technological fairness, instruction time to open a factory, etc.) in order to ensure the sovereignty of France and Europe and to minimize environmental impacts.
- Green mining and refining: yes this is possible - Victoire de Margerie p. 79-80 While the global production of minerals has doubled over the last 40 years pushed by the energy transition, the share of Europe has steadily declined during the same period from 25.1 to 6.8%. To maintain sufficient strategic autonomy, Europe must develop green mining and refining operations, green thanks to low CO2 emissions, low energy consumption, low water usage and low production of solid waste. Ten technologies already tested would allow to produce minerals in Europe. If we do not loose it all with multiple standards and slow permitting processes.
- Les pollutions dues aux accidents : un angle mort ? - Jacky Bonnemains p. 64-66
Hors-dossier
- Les défis des technologies quantiques - Ilarion Pavel p. 81-90 Le développement des technologies quantiques est aujourd'hui l'objet d'importants efforts de recherche, mais les résultats seront-ils à la hauteur des attentes ? L'ordinateur quantique peut résoudre certains problèmes difficiles, qui demandent à l'ordinateur classique un temps de calcul trop important, et peut également attaquer les schémas actuels de cryptage. Cependant, la réalisation d'un ordinateur quantique suffisamment puissant pour résoudre des problèmes pratiques demeure un véritable défi technologique. Il existe plusieurs technologies d'implémentation hardware, chacune avec ses avantages et ses inconvénients. Comme ils sont plus faciles à réaliser, la recherche se dirige également vers la mise au point d'ordinateurs quantiques analogiques et de simulateurs quantiques. Parallèlement, ces travaux ont pour conséquence la conception de capteurs extrêmement sensibles, qui ont de nombreuses applications dans l'industrie de la prospection géologique, dans l'imagerie médicale, dans les technologies militaires et la mise au point de nouvelles méthodes de cryptage immunes contre l'attaque par un algorithme quantique.Significant efforts are being made today to develop quantum technologies, but will the results meet expectations? The quantum computer is able to solve some difficult problems that would take too much computing time for the classical computer; it can also attack current encryption schemes. However, building a quantum computer powerful enough to solve practical problems remains a real technological challenge. There are several hardware implementation technologies, each with its advantages and disadvantages. Research is also moving towards the development of analog quantum computers and quantum simulators, which are easier to build. At the same time, a consequence of these developments is the design of extremely sensitive sensors with many applications in the geological prospecting industry, medical imaging and military technologies as well as the development of new encryption methods immune to attack by quantum algorithms.
- Les défis des technologies quantiques - Ilarion Pavel p. 81-90