Contenu du sommaire

Fondé sur trente entretiens qualitatifs approfondis conduits avec un échantillon diversifié de militantes féministes actives en ligne, le présent article étudie leur perception de l'activisme et de l'influence. Une dimension qui ressort ici repose sur la distinction établie entre les deux. Alors que l'influence est perçue comme une pratique uniquement animée par des intérêts marchands et fondée sur des activités en ligne monétisées, l'activisme est entendu comme une pratique fondée sur le changement social et dénuée de motivations lucratives. Premièrement, cet article avance que le discours des enquêtées sur la dichotomie influenceur·euse/activiste, ainsi que le fait qu'elles attribuent les pratiques de monétisation uniquement aux influenceur·euse·s, font peu cas de l'emprise des logiques marchandes sur les formes contemporaines du militantisme à l'ère de l'économie numérique. Deuxièmement, il étudie l'idéal d'un activisme pur, détaché de toute logique de profit. Il replace cet idéal dans le contexte plus large d'une culture qui, exclusive, valorise une perfection souvent associée au féminin. Enfin, il remet en question la perception de l'influence souvent perçue comme une activité féminine et superficielle et, ce faisant, met en garde contre les discours qui, dénués d'esprit critique, la considèrent comme une activité non légitime.

Les recherches en sciences sociales sur l'épreuve de la brûlure grave ont mis en évidence les enjeux de la visibilité des blessés cutanés dans l'espace public. Soumises aux questions que soulève l'exposition de soi, les personnes touchées tentent de contrôler leur apparence publique ou d'intervenir sur les modes de perception publique de la brûlure. En s'appuyant sur des entretiens semi-directifs ainsi que sur l'étude d'un corpus médiatique (contenus audiovisuels, réseaux sociaux), différentes modalités d'exposition publique de l'épreuve de la brûlure grave sont mises en évidence. Accentuée par le net, la pluralité des modes d'exposition amène à dégager une typologie des postures engagées (épistémique, reconnaissance, valorisation) ainsi que des tensions pragmatiques et normatives émergeant entre ces dernières. Le poids accru du numérique fait prévaloir la posture de valorisation par rapport aux deux autres postures, au détriment de l'apprentissage public qui est au principe de la quête de visibilité des grand·e·s brulé·e·s.

À partir de l'étude d'un hashtag anti-grossophobie sur X (anciennement Twitter) et à l'aide d'une approche hybride, combinant ethnographie en ligne, analyse quantitative et analyse de réseau, cet article interroge les différentes facettes de construction et de déploiement du militantisme en ligne. La notion de travail est mobilisée pour décrire la manière dont ce type de mobilisation se forme et évolue dans l'espace socio technique qu'est la plateforme X. L'article rend compte d'un triple travail nécessaire l'existence de ce type de mobilisation de groupe sociaux minorés en ligne : un travail militant visant à légitimer le mouvement, un travail numérique indispensable à la mise en visibilité des contenus et un travail émotionnel de protection des militant-es.

Le présent article explore le rôle des influenceuses sur les réseaux socionumériques dans la reproduction et la subversion des normes et des stéréotypes de genre. En s'appuyant sur une méthodologie qualitative comprenant des entretiens semi-directifs et une analyse de contenu, nous avons examiné un échantillon diversifié d'influenceuses actives sur Instagram, YouTube et TikTok. Les résultats révèlent une dynamique duale : d'une part, les influenceuses participent souvent à la standardisation des normes de genre dans leur quête de visibilité et de reconnaissance, d'autre part, certaines utilisent leur influence pour contester et déconstruire ces mêmes normes, notamment à travers des mouvements comme le body positivisme. Ces pratiques sont influencées par des contraintes sociotechniques, économiques et culturelles et montrent que les réseaux socionumériques permettent à la fois la reproduction et la contestation des normes hégémoniques.

La présente étude se penche sur les dynamiques d'expression queer dans un contexte néolibéral avec Guma Joana et Amem Yhra, deux artistes travesties de São Paulo. Elle explore en quoi leur profil Instagram et leur participation à l'événement Casa de Criadores agissent comme des plateformes intermédiaires entre leur créativité informelle et les structures formelles de la créativité qu'elles aspirent à intégrer. Bien que ces plateformes permettent une visibilité et promettent une reconnaissance sociale, elles posent également la question de la valorisation et de l'exploitation des ressources issues de leur vécu, pouvant perpétuer des formes de domination sociale. L'étude s'inscrit dans une réflexion sur les paradoxes de l'individuation capitaliste en recourant à la sémiotique visuelle en dialogue avec la philosophie et l'esthétique.

À travers une recherche-action centrée sur la co-construction des savoirs dans un territoire, nous cherchons à comprendre comment le croisement des savoirs des acteurs d'un territoire pourrait aboutir ou non à des échanges aussi francs que nourris sur les projets en cours. Nous nous interrogeons d'abord sur le sens donné aux notions de territoire, de co-construction et de croisements de savoirs. Nous analysons ensuite l'expérience d'une recherche-action menée à Clermont-Ferrand, en France, associant des acteurs divers de ce territoire pour voir si, à partir de postures différentes, il est possible ou non de s'entendre sur les objectifs de la collaboration au sein de ce territoire ainsi pour voir comment les acteurs partagent leurs savoirs. Nous verrons comment ces acteurs ont confronté leurs regards sur les projets collaboratifs menés sur leur territoire et nous présentons les résultats d'enquêtes exploratoires qui démontrent une envie partagée de continuer les échanges pour se sentir partie prenante de la démarche de co-construction. Cela nous amènera enfin à envisager de nouvelles perspectives d'évolution de cette expérience.

Le présent article se penche sur les défis méthodologiques que rencontre une étude internationale visant à mesurer la place des femmes dans l'information médiatique. Il s'appuie sur l'enquête de référence en la matière, le Global Media Monitoring Project (GMMP). Dépassant les résultats de l'enquête, accessibles par ailleurs, il s'agit d'abord de s'interroger sur les conditions de production des chiffres ici fournis, de proposer une analyse critique des résultats obtenus, d'élargir le questionnement dans une perspective intersectionnelle, en prenant en compte des corpus originaux jusqu'ici inexploités et, enfin, de s'interroger sur l'apport des intelligences artificielles en confrontant les processus de comptage manuels et automatisés.

Cet article analyse les pratiques d'information politique durant la campagne présidentielle française de 2022. À partir d'une enquête par questionnaire (n = 1 358), l'objectif est d'identifier dans quelle mesure la relation aux informations politiques et les supports médiatiques utilisés varient selon les caractéristiques sociales des personnes et suivant leur positionnement sur l'échiquier politique. En sus d'une segmentation sociale attendue, nos résultats tendent à montrer une segmentation « politique » des publics selon les types de médias. D'un côté, les sympathisants des candidats centristes, de droite et d'extrême droite ont des pratiques d'information politique où la consommation du média audiovisuel traditionnel à travers son produit phare, le journal télévisé, est restée primordiale. D'un autre côté, les sympathisants des gauches privilégient davantage les lignes éditoriales alternatives, voire contre-hégémoniques, de certains pure players, tout en partageant avec les centristes la référence à la presse quotidienne nationale.

Le mouvement de modernisation que nous avons connu ces dix dernières années a institué un développement important d'Innovations Numériques Gestionnaires (ING) au sein des organisations. Pour leurs promoteurs, ces ING composent un ensemble d'outils de gestion qui sont censés faciliter l'exploration et l'exploitation des données de façon à libérer la créativité des acteurs économiques. Afin de mieux identifier et comprendre les relations qui existent entre ces innovations et l'organisation du travail, nous proposons de traiter la question suivante : quelles sont les logiques d'action qui animent les agencements organisationnels à l'intérieur desquels se développent les ING ? À partir de l'étude de trois terrains d'enquête, nous faisons l'hypothèse que les ING se trouvent à la croisée de logiques d'enquête, de coopétition et autoritaire qui orientent leur déploiement vers des horizons de travail qui n'apparaissent pas toujours vertueux.