Contenu du sommaire : L'entretien du corps

Revue Sociétés & Représentations Mir@bel
Numéro no 58, 2024/2
Titre du numéro L'entretien du corps
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  • Dossier

  • Les pratiques de l'hygiène et du soin du corps au quotidien

    • Un Japon propre ? : La construction d'une image nationale à travers les pratiques de lavage du corps dans les années 1930-1940 - Naoko Tokumitsu p. 29-52 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie l'articulation entre le fascisme japonais et les pratiques de lavage du corps dans les années 1930 et 1940, lorsque les normes hygiénistes se sont développées et se sont articulées avec les aspects moraux et politiques alors structurants. Nous observons tout particulièrement comment les savons et les shampoings ont joué un rôle de plus en plus important dans la vie quotidienne. Pour ce faire, nous prenons appui sur l'analyse d'archives – particulièrement de publicités de presse, de magazines –, sur l'histoire des bains publics, ainsi que sur celle des pratiques de soin des cheveux. Sans restreindre la portée des savons et shampoings à leur seul aspect matériel, nous nous intéressons aux processus culturels qui ont vu ces objets acquérir une forme de valeur via un processus d'idéologisation (Kopytoff, 1986), marqué par la diffusion de normes hygiénistes ou prophylactiques. Plus spécifiquement, dans les années 1900 et 1910, ces produits de lavage ont commencé à être utilisés au quotidien, et, dans les années 1930 et 1940, ont été diffusés dans un contexte de montée de l'ultranationalisme et du militarisme. Tout en symbolisant l'innovation technique, ces objets ont participé au développement de la notion de beauté du corps sain des femmes, en lien avec la question de la procréation, et se sont inscrits progressivement, durant la Seconde Guerre mondiale, dans le discours raciste qui caractérise les dynamiques totalitaires.
      This article explores the relationship between Japanese fascism and body-washing practices in the 1930s and 1940s, when hygienist norms developed and were associated with the moral and political aspects that were structuring society at the time. In particular, we examine the way in which soaps and shampoos played an increasingly important role in everyday life, by analysing archives—particularly press and magazine advertisements—and by studying the history of public baths and hair care practices. Without restricting soaps and shampoos to their material aspect alone, we are interested in the cultural processes that saw these objects acquire a form of value through a process of ideologisation (Kopytoff, 1986), marked by the spread of hygienist or prophylactic standards. More specifically, in the 1900s and 1910s, these washing products began to be used in everyday life, and in the 1930s and 1940s, their development was linked to rising ultranationalism and militarism. As well as a symbol of technical innovation, these objects contributed to the development of the notion of the beauty of women's healthy bodies, linked to the issue of procreation, and during the Second World War gradually became part of the racist discourse that characterised totalitarian dynamics.
    • Pratiques naturistes et soins du corps dans l'Italie du ventennio : Le cas de la revue L'Idea naturista - Sara Vitacca p. 53-75 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les relations entre soins du corps, culture physique et politiques hygiéniques de l'Italie fasciste ont été essentiellement explorées sous l'angle de la propagande et des grandes manifestations sportives ou militaires organisées par le régime. La question de l'entretien du corps dans l'Italie du Ventennio touche néanmoins à des enjeux multiples. L'histoire peu connue de l'Unione naturista italiana (UNI), fondée à Milan en 1931, est emblématique des nuances et de la stratification des discours et des pratiques liés au corps, à son entretien dans l'Italie des années 1930. Le mouvement naturiste italien récupère en effet certaines idées, pratiques et philosophies issues des naturismes développés à l'étranger au début du xxe siècle, mais les détourne et les adapte au climat politique de l'Italie fasciste et aux ambitions de régénération hygiénique et raciale promues par le régime. Dans cet article, il s'agira ainsi d'éclairer l'histoire de l'Unione naturista italiana à travers l'étude de son principal organe de presse, la revue L'Idea naturista (1931-1942), et de s'intéresser notamment à son riche apparat iconographique. Celui-ci nous renseigne notamment sur la production, la circulation, la diffusion de pratiques, d'attitudes, mais aussi et surtout d'objets et de produits, aussi variés qu'extravagants – douches portatives, brosses massantes, vêtements en fibres naturelles, appareils de gymnastique domestique –, destinés à l'entretien du corps et à son amélioration. Cette approche tournée vers la culture visuelle et matérielle du naturisme italien, permettra ainsi de suivre les évolutions, voir les contradictions et les ambiguïtés des discours liés aux soins du corps dans l'Italie fasciste, tout en interrogeant la dialectique qui existe entre l'action coercitive d'un régime qui impose un nouvel idéal corporel, et le degré d'acceptation et d'adhésion de la part de la population vis-à-vis de celui-ci.
      The relationship between body, physical culture and the hygienic politics of Fascist Italy has been mostly explored by focusing on major propaganda, military and sport events organized by the regime. However, the history of body care practices in Fascist Italy is a much more complex one. The little-known history of the Unione naturista italiana (UNI), founded in Milan in 1931, is emblematic of the stratification of discourses and practices associated with the body and its health in 1930s Italy. While the Italian naturist movement recovered many ideas and theories from naturist movements developed abroad in the early 20th century, it also adapted them to the Fascist regime's strive for hygienic and racial regeneration of the Italian people. This paper aims to enlighten the history of the movement by focusing mostly the main press organ of the Unione naturista italiana : the illustrated magazine L'Idea Naturista (1931-1942) and its rich iconography. L'Idea Naturista provides in fact precious information on the production, circulation and diffusion of naturist practices. Above all, it tells the story of the dissemination of a wide and extravagant range of objects and products, from portable showers to massaging brushes, from natural-fiber clothing, to home gym equipment, designed to maintain and improve the wellness of the body. By focusing on the visual and material culture of Italian naturism, this paper will therefore explore the evolution, the contradiction and the ambiguity of discourses associated with the very idea of health and body care in Fascist Italy. By doing so, it will also question the dialectic that exists between the coercive action of a regime that imposes a new bodily ideal, and the degree of acceptance and adherence of the population towards it.
    • L'impact de la guerre sur le(s) corps écolier(s) en Allemagne nazie (1936-1945) : Circulation et adaptation des directives et des pratiques liées à l'éducation physique en Thuringe - Manon Crélot p. 77-94 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution propose d'interroger l'impact de la guerre sur le corps écolier en Allemagne nazie, ou, plutôt, sur les corps des écoliers et des écolières, plus particulièrement dans le domaine de l'enseignement sportif. La périodisation choisie permet d'envisager la question à la fois sous l'angle de la préparation de la guerre, l'année 1936 constituant à cet égard un jalon important avec le lancement du plan de quatre ans, et sous l'angle de la gestion de la guerre et de ses conséquences à partir de 1939. Par le croisement de sources centrales, régionales et locales, cette contribution entend répondre à la triple question de la préparation, des répercussions et de la gestion des répercussions de la guerre dans l'enseignement sportif sous le national-socialisme, et de ce que cela implique pour les pratiques corporelles liées au sport, qui sont aussi liées à des objets. Le croisement d'échelles a pour objectif de mettre ponctuellement en lumière la tension entre la création de normes et leur application sur le terrain, ainsi que la circulation de pratiques, afin de mieux comprendre l'impact de la guerre sur le(s) corps écolier(s).
      This contribution examines the impact of the war on schoolchildren in Nazi Germany—or, more specifically, on the bodies of schoolchildren, with a specific focus on the role of physical education classes. We chose a timeframe that allows us to consider the issue during two different periods : preparing for the war, with the launch of the four-year plan in 1936 marking an important milestone and, from 1939 onward, managing the consequences of the war itself. By cross-referencing central, regional and local sources, this contribution aims to adopt a threefold perspective on sports education (and on other sports-adjacent bodily practices) under National Socialism, looking at how it was impacted by the preparation for the war, its repercussions, and the way these repercussions were handled. Approaching the matter at different scales allows us to highlight the tensions between the creation of norms and their application, as well as the circulation of practices, in order to better understand the impact of war on the bodies of schoolchildren.
  • Les images publicitaires et le corps

    • Le gardien italien de la santé des Italiens : La publicité des préservatifs entre bataille démographique et autarcie fasciste - Irene Di Jorio p. 97-115 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Parler de la « publicité des préservatifs dans l'Italie fasciste » peut paraître paradoxal. À partir de la seconde moitié des années 1920, et tout au long des années 1930, le mot d'ordre du fascisme est celui de la « bataille démographique », ce qui implique la mise au ban de la contraception et l'interdiction de sa publicité. Pourtant, les préservatifs sont produits à une échelle industrielle sous le fascisme, ce qui ne peut se concevoir qu'en fonction d'une circulation et d'une consommation de masse. Ce paradoxe apparent invite à analyser les modalités d'existence, le régime de visibilité et la publicité dont ces « produits interdits » peuvent concrètement bénéficier sous le fascisme. Afin d'aborder ces enjeux, cet article se structure autour des axes thématiques suivants : le contexte d'émergence de l'industrie du préservatif et les contraintes qui, en Italie, pèsent sur sa publicité ; la matérialité de ses premiers supports publicitaires ; les modalités spécifiques de circulation et commercialisation des préservatifs, ainsi que les acteurs et vecteurs des campagnes publicitaires des années 1930 ; les stratégies à l'œuvre dans les annonces ; le degré d'expertise publicitaire qui les caractérise.
      To talk about “condom advertising in Fascist Italy” may seem paradoxical. From the second half of the 1920s, and throughout the 1930s, Fascism's motto was the “demographic battle”, which meant banning contraception and advertising for it. Yet condoms were produced on an industrial scale under Fascism, which could only be conceived in terms of mass circulation and consumption. This apparent paradox calls for an analysis of the ways in which these “forbidden products” actually existed and were advertised under fascism. In order to address these issues, this article analyses five different aspects : the emergence of the condom industry in Italy and the constraints on its advertising; the materiality of the first supports to condom advertising; the actors and the specific circuits of advertising in the 1930s; the strategies at work in the advertisements; the degree of advertising expertise that characterised them.
    • Les publicités pour le soin du corps dans le Pariser Zeitung, journal allemand de l'Occupation en France (1941-1944) - Marie-Bénédicte Vincent p. 117-134 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le Pariser Zeitung, journal des autorités allemandes d'occupation en France qui paraît de 1941 à 1944, propose un nombre élevé de publicités de produits ou de services ayant trait au soin du corps. L'article analyse cette offre publicitaire en la mettant en relation avec le public visé des soldats de la Wehrmacht et avec les objectifs de propagande de l'Allemagne en France. Une première partie étudie les réclames portant sur des produits d'hygiène courants et des services d'entretien corporel (coiffeurs, barbiers, etc.), tandis que la seconde partie traite le cas des produits de parapharmacie (pilules, crèmes de soin, sirops, etc.) qui vantent les bienfaits de la science et de la chimie allemandes en territoire occupé. Les publicités au croisement de l'idéologie et des logiques marchandes permettent d'approcher les gestes quotidiens des soldats au repos. Elles promeuvent des circulations de produits et de pratiques de l'Allemagne vers la France occupée. Au fur et à mesure de l'avancée de la guerre, une évolution se fait sentir avec une hausse des publicités médicales dans l'équilibre général des rubriques publicitaires.
      From January 1941 to August 1944, the Pariser Zeitung, a newspaper published by the German occupation authorities in France, carried a large number of advertisements for body-care products and services. The article analyzes this advertising offer by relating it to the target audience of Wehrmacht soldiers and to Germany's propaganda objectives in France. The first section examines advertisements for everyday hygiene products and body-care services (hairdressers, barbers, etc.), while the second deals with parapharmaceutical products (pills, creams, syrups, etc.) that extol the benefits of German science and chemistry in occupied territory. At the crossroads of ideology and commercial logic, advertising provides a glimpse into the daily lives of soldiers at rest. They promoted the circulation of products and practices from Germany to occupied France. As the war progressed, medical advertising became more prominent in the overall balance of advertising sections.
  • Les corps et la consommation dans l'univers sportif

    • Entre virilité martiale, hédonisme et consommation : Le corps du footballeur et son entretien sous le fascisme - Paul Dietschy p. 137-158 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le régime fasciste italien a voulu mener une véritable révolution anthropologique en mettant en place une ambitieuse politique sportive. Il s'agissait de construire l'homme nouveau fort et conquérant. Si la carrure de géant du boxeur Primo Carnera a incarné ce projet, les footballeurs de l'équipe nationale italienne l'ont surtout illustré par leur jeu viril et leurs deux titres mondiaux (1934 et 1938). Leur corps a fait aussi l'objet de tous les soins. Il est fragile en des temps où les antibiotiques ne sont pas encore disponibles et où la chirurgie reste parfois sommaire. Le corps des footballeurs est soumis à des entraînements réglés, à une hygiène personnelle stricte et à la surveillance de dirigeants qui veulent l'éloigner des tentations coupables par des mises au vert ou l'encadrement des moments de repos. Le corps est aussi un capital économique dans le football professionnel. Une carrière bien menée doit permettre d'épargner pour accueillir un négoce tout en jouissant de biens comme l'automobile ou de loisirs, notamment les vacances à la plage, encore peu accessibles au commun des Italiens. Le corps du footballeur de l'époque fasciste est donc ambivalent : il est le symbole des conquêtes à venir, mais aussi un moyen d'ascension sociale et d'accès à des formes de consommation que le fascisme promet aussi.
      The Italian Fascist regime sought to bring about a genuine anthropological revolution by implementing an ambitious sports policy. The aim was to build a strong, conquering new man. While the giant stature of boxer Primo Carnera embodied this project, the footballers of the Italian national team illustrated it above all through their virile play and their two world titles (1934 and 1938). Their bodies were also the object of great care. It was fragile in times when antibiotics were not yet available and surgery was sometimes perfunctory. Footballers' bodies were subjected to regulated training, strict personal hygiene and the supervision of managers who wanted to keep them away from sinful temptations by putting them out to pasture or supervising rest periods. The body is also an economic asset in professional soccer. A well-managed career should enable the player to save up for a business while enjoying goods such as a car, or leisure activities such as beach vacations, which are still largely inaccessible to ordinary Italians. The footballer's body in the Fascist era is therefore ambivalent : it is a symbol of the conquests to come, but also a means of social ascent and access to the forms of consumption that Fascism also promised.
    • Faire vivre un esprit communautaire par le sport ? : Le stade de la Koch & te Kock (Oelsnitz i. V., Saxe) et le soin du corps sous le IIIe Reich - Charlotte Soria p. 159-179 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En 1934, l'entreprise Koch & te Kock d'Oelsnitz im Vogtland (Saxe) initia une nouvelle politique sociale d'entreprise, des activités sportives qui s'inscrivirent dans la politisation du corps de sa main-d'œuvre, au Service de la « Communauté du Peuple » nationale-socialiste, du Reich et du Führer. Cette politique fut facilitée par la création de nouvelles formes d'entreprises, les Betriebsgemeinschaften, et leur insertion croissante dans les objectifs idéologiques et eugénistes du IIIe Reich. Cette dynamique fut aussi le fruit d'un milieu social particulier, d'une entreprise où les dirigeants et une large part de la main-d'œuvre étaient, dès 1934, membres actifs du « Mouvement » (DAF, KdF). Le produit donc d'un haut degré d'automobilisation. Dans ce cadre, l'entreprise fut transformée par des dynamiques d'exclusion sur critères idéologiques puis d'inclusion par le sport et le soin nouveau à apporter au corps. En effet, pour les inclus de la « Communauté », la participation aux activités sportives et à des loisirs encadrés à partir de 1937 par le « Mouvement » était devenue un droit particulier. Par la pratique collective du sport d'entreprise, pour les hommes, et pour les femmes volontaires, il s'agissait de créer le « corps du peuple » (Volkskörper). Cette analyse heuristique pose donc en définitive la question de la production et de la diffusion par le bas de l'idéologie nationale-socialiste au sein d'une organisation sociale qui en constitua une ressource : une entreprise.
      In 1934, the Koch & te Kock company in Oelsnitz im Vogtland (Saxony) initiated a new company social policy, with sports activities as part of the politicisation of its workers, in the Service of the National Socialist “People's Community”, the Reich and the Führer. This policy was supported by the creation of new forms of enterprise, the Betriebsgemeinschaften, and their increasing integration into the ideological and eugenic objectives of the Third Reich. But this dynamic was also the result of a specific social milieu, of a company where the managers and a large part of the workforce were active members of the “Movement” (DAF, KdF) from 1934 onwards. It was the product of a high degree of self-mobilisation. In this context, the company was transformed by dynamics of exclusion based on ideological criteria, and then inclusion through sport and the new care for the body. For those included in the “Community”, participation in sports and leisure activities organised by the “Movement” from 1937 onwards had become a special entitlement. And through the collective practice of company sport, for men, and for the women who volunteered, the aim was to create the “People's Body” (Volkskörper). This heuristic analysis then ultimately raises the question of the production and diffusion of National Socialist ideology from below within a social organisation that was a resource for it : a company.
    • Le corps du boxeur à l'ère nazie - Stéphane Hadjeras p. 181-201 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La politique « d'hygiène raciale », édifiée par l'Allemagne nazie, accorde une grande importance à l'idéal d'un corps esthétique et sain. À l'instar du Grec antique, dont il serait le descendant, l'homme national-socialiste est sommé de consacrer à son corps un véritable culte. Par-delà la glorification du beau et la volonté de s'opposer au contretype sémite ou slave, cette injonction vise également à régénérer le mâle germain en perspective d'un horizon guerrier inéluctable. Pour accomplir ce dessein, les nazis recommandent la pratique intensive des sports et particulièrement ceux de combat. Parmi ces derniers, la boxe occupe une place singulière. Loin d'être un simple divertissement brutal, cette discipline est, à leurs yeux, l'une des plus complètes et des plus formatrices qui soient. Ainsi, elle est mise à l'honneur dans la SA, le docteur Goebbels la loue et utilise régulièrement sa puissance évocatrice dans ses discours, et surtout Hitler en vante longuement les vertus dans Mein Kampf. Mais, alors que les Anglais, inventeurs du noble art, évaluent l'éminence pugilistique à la capacité du combattant à percuter sans être touché, autrement dit à sa faculté à esquiver pour mieux remiser, les chemises brunes portent au pinacle les boxeurs résistants qui acceptent le combat sans reculer et encaissent les chocs sans céder. En effet, à l'image de la pratique pugilistique des Achéens, les nazis envisagent la boxe comme une propédeutique à la guerre. Comme le pense Hitler, par son biais, le garçon jeune et sain « doit apprendre à supporter les coups » et ainsi aguerrir son organisme de futur soldat en vue d'un sacrifice inéluctable au dieu Bellum.
      Nazi Germany's policy of “racial hygiene” placed great emphasis on the ideal of a healthy, aesthetic body. Following in the footsteps of the ancient Greeks, from whom they were said to be descended, national-socialist men were called upon to devote a veritable cult to their bodies. Beyond the glorification of beauty and the desire to oppose the Semitic or Slavic countertype, this injunction also aimed to regenerate the Germanic male with a view to an inevitable war horizon. To achieve this goal, the Nazis recommended the intensive practice of sports, particularly combat sports. Among these, boxing occupied a singular place. Far from being just a brutal form of entertainment, in their eyes boxing was one of the most complete and formative disciplines available. It was given pride of place in the SA, Dr Goebbels praised it and regularly used its evocative power in his speeches, and above all Hitler extolled its virtues at length in Mein Kampf. But while the English, the inventors of the noble art, judged pugilistic eminence by the fighter's ability to hit without being hit, in other words, his ability to dodge in order to get away, the Brown Shirts put the pinnacle on the shoulders of resistant boxers who accepted the fight without backing down and took the blows without giving in. Indeed, like the pugilistic practice of the Achaeans, the Nazis see boxing as a preparation for war. In Hitler's view, boxing was a way for young, healthy boys to “learn to take a beating” and thus harden their bodies as future soldiers with a view to their inevitable sacrifice to the god Bellum.
  • Regards croisés

    • De l'atelier au musée, du détritus à la collection : Regards sur les archives des graphistes - Caroll Maréchal p. 205-216 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article revient sur la prise en compte récente par les musées français d'éléments faisant état du processus de création des graphistes, autrement dit d'éléments d'archives provenant de leur fonds d'atelier. La nouvelle valeur esthétique dont ils sont investis invite à revenir sur l'origine de leur mise au musée et à remettre en perspective le statut d'« œuvre » qui est attribué à ces objets du travail en train de se faire.
      This article focuses on the French museums' recent interest in items that document the creative process of graphic designers, in other words, archival elements from their studio. The new aesthetic value they have taken on invites us to look back at how they were first placed in museums, and to question the “artwork” status accorded to these work in the making objects.
  • Trames

    • À la croisée de visées commerciales et de propagande, quelles circulations d'images ? : Les représentations du corps dans des albums de propagande nazis (1933-1941) - Stéphanie Krapoth p. 219-240 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le texte fournit une première approche d'un ensemble d'objets insolites : quelques albums de propagande, émanant de fabricants de cigarettes, destinés à être remplis par des vignettes glissées dans des paquets de la marchandise. Par ailleurs, deux réflexions de référence sont appelées à nourrir le propos : le témoignage LTI Lingua Tertii Imperii de Victor Klemperer, publié la première fois en 1947, ainsi que l'ouvrage plus récent de Peter Reichel, La fascination du nazisme (1991). Il s'agit d'une recherche résolument en chantier qui appelle à être prolongée, en étoffant le corpus. Les premiers résultats révèlent déjà des pistes de recherche riches : la qualité technique des vignettes renvoie à l'importance accordée par les propagandistes nazis à la diffusion de leur idéologie par l'image. Le rapport avec les textes entourant les images fera ultérieurement l'objet de plus amples réflexions, d'autant que certains des principaux dirigeants nazis comme Joseph Goebbels et Baldur von Schirach figurent parmi les auteurs. Mais il apparaît d'ores et déjà que des idéaux tels que la vigueur des corps, l'éloge de la tradition rurale tout comme celui des prouesses industrielles, ainsi que le culte de la personnalité du Führer trouvent un éclairage particulier dans ces albums, dont les emplacements destinés aux vignettes sont remplis de manière inégale selon les exemplaires. Les réflexions sur la réelle circulation des objets et des visées de propagande corrélées restent à poursuivre.
      This essay brings a first approach of some curious objects : propagandistic Nazi albums, kind of gadgets made by cigarette producers. The experimental contribution refers also to two famous historical books : the witness LTI Lingua Tertii Imperii de Victor Klemperer which was published for the first time in 1947, and the more recent publication from Peter Reichel, The fascination of Nazi modernism', from 1991. Both of them nourish reflections on the albums' analysis – in the future, more albums will be considered, so here is actually the first step of a work in progress. Nevertheless, some first results show rich potentialities : the excellent technical quality of these vignettes indicates their importance for Nazi propagandists, in order to distribute their ideology. The relationship between the vignettes and the texts around them will be analyzed furtherly : there are mains propagandists like Goebbels et von Schirach among the authors. Now we can already see how specifically Nazi ideals, like body's force, countryside's traditions and industry's laud all together, and also Hitler's personality cult are shown in these albums in a specific way. The spaces for the vignettes are fulfilled only in part, differently for each specimen. The analysis and reflections on the real circulations of these objects and the propagandistic aims behind them are to be continued after this first step : work is in progress.
  • Retours sur …

    • Fizkul'tura et soin du corps dans l'URSS de la fin des années 1930 : Enquêtes sur la diffusion des pratiques de culture physique parmi la jeunesse soviétique - Sylvain Dufraisse p. 243-257 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dans l'Union soviétique des années 1920 et 1930, les activités physiques et sportives, rassemblées sous le nom de fizkul'tura(culture physique), doivent participer à la réforme des corps que souhaitent imposer les dirigeants bolcheviks, puis soviétiques, à leur population. La pratique de la culture physique doit intégrer le mode de vie de ceux qui bâtissent le communisme. Elle est gage de modernité et témoigne d'une attention portée au soin du corps. Or, ce projet se heurte à une série d'obstacles. Deux enquêtes, dont une copie est conservée à la Contemporaine sous la forme de microfilms, réalisées en 1935-1936 et en 1938, sont lancées pour étudier les pratiques culturelles effectives de jeunes ouvriers et kolkhoziens et pour examiner leur rapport au soin du corps. Vingt ans après le changement de régime, la révolution des corps et des esprits a-t-elle eu lieu ? S'est-elle diffusée dans les populations de jeunes kolkhoziens et de jeunes ouvriers, élevés dans la patrie des Soviets ? Cet article montre que ce projet est loin de prendre corps à la fin des années 1930 et que la pratique de culture physique, et le soin du corps qu'il promeut, deviennent la marque de l'appartenance à ceux qui adhèrent à ces modes de distinction symbolique comme les nouvelles élites ouvrières, oudarniks comme stakhanovistes.
      In the Soviet Union of the 1920s and 1930s, physical and sporting activities, named fizkul'tura (physical culture), were intended to contribute to the reform of the body that the Bolshevik and later Soviet leaders wanted to impose on their population. The practice of physical culture had to become part of the Soviet lifestyle and had to attest to the vision of a civilized body. It is a guarantee of modernity. However, this project came up against a series of obstacles. Two surveys were carried out in 1935–1936 and 1938 to study the actual cultural practices of young workers and kolkhozers and to examine their relationship to caring for their bodies. A copy of these surveys is kept on microfilm at La Contemporaine. Twenty years after the change of regime, had the revolution in bodies and minds taken place? Had it spread to the populations of young kolkhoz workers and young workers brought up in the Soviet homeland? This article shows that this project have not a large diffusion at the end of the 1930s and that the practice of physical culture, and the body care that it promoted, became modes of symbolic distinction within the Soviet society.
  • Actualités

  • Grand entretien

  • Hors cadre

    • De la tapisserie à la sculpture : l'œuvre précoce de Louise Bourgeois au prisme de ses origines - Laurence Danguy p. 281-311 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dans l'historiographie consacrée à Louise Bourgeois, l'œuvre précoce (1938-1950) occupe une place marginale. Le parcours complexe qui conduit Louise Bourgeois vers la sculpture, notamment face à la prégnance de ses origines tisserandes et la présence de motifs polysémiques, n'a pas fait l'objet de synthèse. Celui-ci est reconstruit sur la base d'œuvres clés : un basculement se produit lors des années 1945-1947 autour de la série Femme Maison, du livre d'artiste He Disappeared into Complete Silence et des araignées, témoignant d'un projet global. Première femme à accéder à un tel degré de notoriété, son œuvre est strictement autobiographique et se situe à contre-courant de l'art de son époque qui entend s'affranchir du narratif. Dès l'œuvre précoce, sont mises en place les bases d'un langage plastique, structuré par des motifs intimement liés à ses origines et répondant à la notion de condensation.
      In the historiography devoted to Louise Bourgeois, her early work (1938-1950) are only marginally discussed. The complex path that led Louise Bourgeois to sculpture, particularly in view of weaving as a charged subject in her family history, and the presence of polysemous motifs, has not been addressed from the angle of a synthesis. Yet, with key works in mind such a path can be reconstructed: a shift that occurred in the years 1945-1947 around the Femme Maison series, the artist's book He Disappeared into Complete Silence, and the spiders series, all testify to a global project. As the first woman to achieve such a degree of notoriety, her work was strictly autobiographical. It also went against the grain of the art of her time, which sought to free itself from the narrative paradigm. From the early stages of her career, the foundations of her plastic language, structured by motifs closely linked to her family origins and in keeping with to the notion of condensation, were in place.