Contenu du sommaire : Finance et fiscalité
Revue | Revue d'économie financière |
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Numéro | no 131, 3ème trimestre 2018 |
Titre du numéro | Finance et fiscalité |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Finance et fiscalité
- Préface - p. 9
- Introduction. Finance et fiscalité, fiscalité et finance : un couple improbable, inconfortable et fusionnel - Jean Boissinot, Michel Taly p. 11-23
- Fiscalité du capital et comportements des ménages : mise en perspective internationale - Isabelle Benoteau, Olivier Meslin p. 25-43 La fiscalité du capital joue, parmi d'autres facteurs, un rôle structurant dans la composition de l'épargne des ménages, qu'il s'agisse de leurs investissements immobiliers ou de leur portefeuille financier. Elle constitue ainsi un instrument important de politique publique, qui touche à des enjeux cruciaux en matière de bien-être des ménages, mais également de financement de l'économie, de stabilité financière et de finances publiques. Cet article propose une double mise en perspective de la fiscalité française du capital : il rappelle, d'une part, les principaux arguments du débat sur la fiscalité du capital et son impact sur les comportements des ménages en matière d'épargne et d'investissement, et analyse, d'autre part, la fiscalité française au regard de celle en vigueur dans les autres pays avancés. Cette approche met en évidence tant les points communs entre la France et ses partenaires (comme les incitations à la propriété occupante) que les spécificités de la fiscalité française (comme le niveau élevé des droits de succession et de donation). C'est en matière d'imposition de l'épargne que la fiscalité française apparaît la plus singulière, notamment en raison d'une utilisation massive de dispositifs dérogatoires à visée incitative (épargne réglementée, assurance-vie, etc.), pratique beaucoup moins répandue dans les autres pays.Classification JEL : D14, F20, H24, H31.The taxation of capital plays, among other factors, an important role in the composition of households' savings, be it their real estate investments or their financial portfolio. It thus constitutes an important public policy instrument, with major effects on households' welfare, but also on the real economy's access to capital, financial stability and public finance. This article contributes to the analysis of French capital taxation in two respects: first by summarizing the main arguments of the debate on the taxation of capital and its impact on households' saving and investment behavior, and second by comparing capital taxation systems across advanced economies. This approach highlights both the common features between France and its partners (notably the incentives for owner-occupancy) and the specific features of French taxation (such as the high level of gift and inheritance taxes). The most singular feature of the French capital taxation appears to be the unusual complexity of the taxation of savings, and in particular the large number of tax-favored instruments (regulated saving accounts, life insurance...), a practice much less common in other countries.Classification JEL : D14, F20, H24, H31.
- Fiscalité immobilière des ménages : une réforme inachevée - André Babeau p. 45-59 Le traitement plus favorable accordé récemment aux actifs financiers détenus par les ménages (suppression de l'ISF, mise en œuvre du PFU) ne permet certainement pas d'atteindre l'objectif fixé, soit un meilleur financement des fonds propres des entreprises. Par ailleurs, la quasi-suppression de la taxe d'habitation place les collectivités locales dans une situation délicate en ce qui concerne le financement de dépenses, même contenues. Dans ces deux domaines prévaut dès lors le sentiment du provisoire. À l'heure des big data, il serait utile de recourir à une modélisation adaptée pour calculer les « introuvables » valeurs locatives ou vénales d'un immeuble et remplacer l'IFI par un barème de taxes foncières raisonnablement progressif, ce qui resterait bien sûr très insuffisant pour équilibrer les budgets des collectivités locales. Il faudra donc ici faire appel à d'autres ressources.S'agissant des revenus fonciers, la pratique est souvent en Europe de les traiter fiscalement comme les revenus provenant des actifs financiers. Le recours au PFU aurait le mérite de la simplicité et de l'équité. Un traitement durablement plus défavorable des revenus fonciers pourrait d'ailleurs avoir à terme des conséquences dommageables quant à l'entretien et au dynamisme de notre parc immobilier. Pour accroître les transferts entre classes d'âge, nous préconisons, d'autre part, d'encourager les donations précoces en pleine propriété. Enfin, pour faciliter le financement en fonds propres de nos entreprises, nous suggérons un moyen certainement plus efficace que l'IFI : le franchissement d'une nouvelle étape en matière de retraites capitalisées, individuelles et collectives.Classification JEL : D14, H24, H23, H31, R31.The more favorable treatment recently granted to household financial assets (repeal of the solidarity tax on wealth (ISF) and the creation of the flat withholding tax (PFU)) certainly does not make it possible to attain the goal that had been set out for these measures (improved financing of business equity capital). There are certainly many reasons for the reservations households have about stocks in our country. Moreover, the virtual abolition of the housing tax puts local governments in a delicate situation concerning the financing of spending, even when curbed. Consequently, in both instances, the feeling that these are temporary solutions remains. To begin with, the proposal is made, in the era of “big data,” to turn to an adapted form of modeling in order to calculate the rental or market values of a building “whose worth can't be estimated”. In order to come closer to European practice, the tax on real estate wealth (IFI) could then be replaced with a reasonably progressive schedule of property taxes, which of course would remain quite inadequate for balancing the budgets of local government. It would therefore be necessary to resort to other resources. Concerning income from property, for tax purposes it is often treated in Europe as income resulting from financial assets. Therefore, both for rents and for real estate capital gains, using the PFU would have the advantage of being simple and fair. A lasting, more unfavorable treatment of income from property could moreover eventually have negative effects on the maintenance of our housing stock and its growth. To increase transfers between age groups, we also advocate encouraging early donations on the basis of full ownership. Finally, to facilitate financing the equity capital of our companies, we suggest a means that is certainly more effective than the IFI: opening a new stage in regard to capitalized retirement, both individual and collective.Classification JEL : D14, H24, H23, H31, R31.
- Fiscalité de l'épargne et choix de portefeuille des ménages français - Christian Pfister p. 61-75 La fiscalité française du capital des ménages présente plusieurs caractéristiques. Tout d'abord, son niveau élevé : en 2016, elle représentait 6 % du PIB, plaçant la France en première position, à égalité avec le Royaume-Uni dans l'Union européenne où la moyenne s'élève à 3,8 % (3,5 % dans la zone euro). Ensuite cette fiscalité, considérée aussi bien isolément que par comparaison avec l'étranger, est marquée tant par son instabilité que sa complexité et la création de distorsions en faveur de certains produits ou intermédiaires, en particulier l'épargne non risquée, l'intermédiation par l'assurance-vie et l'épargne salariale. Sur la base de ce constat, l'article s'interroge dans un premier temps sur le caractère approprié de la fiscalité de l'épargne des ménages en France au regard de la théorie. Dans un deuxième temps, il en évalue l'impact sur les allocations d'actifs et le financement de l'économie. L'accent est mis sur l'épargne financière, particulièrement dans la deuxième partie.Classification JEL : D14, H24, H31.French taxes on household savings comport several features. First, their steep level: in 2016, they represented 6 % of Gross Domestic Product (GDP), putting France in first place, tied with the United Kingdom, in the European Union (EU), for which the average rate is 3.8 % (3.5 % in the eurozone). Secondly, these taxes, looked at both separately as well as in comparison with other countries, are characterized by their unstable nature, as well as their complexity and the creation of distortions in favor of certain products or intermediaries, particularly risk-free savings, intermediation by life insurance, and company savings plans. On the basis of this observation, the article begins by questioning whether the taxation of household savings in France is appropriate from a theoretical point of view. It then goes on to evaluate its impact on asset allocations and the financing of the economy. The accent is placed on financial savings, particularly in the second part of the article.Classification JEL : D14, H24, H31.
- Banque et impôts en France - Patrick Suet, Marie-Liesse Dallemagne p. 77-87 Entre 2010 et 2017, les banques françaises ont supporté une augmentation de leurs prélèvements obligatoires d'environ 25 %, essentiellement en raison d'une forte augmentation des contributions spécifiques au secteur bancaire, notamment au Fonds de résolution unique (FRU). Le poids élevé de ces prélèvements pesant sur les banques a eu pour conséquence que la part des entreprises du secteur financier dans l'ensemble des prélèvements obligatoires a enregistré une hausse d'environ 10 %.Or les banques sont aujourd'hui confrontées à un triple défi, réglementaire, économique et technologique, qui les oblige à augmenter leurs fonds propres dans un contexte qui pèse sur leur rentabilité. Ce contexte met particulièrement en lumière le problème de la compétitivité des banques françaises qui subissent années après années un accroissement de leurs charges fiscales sur les coûts de production. Le maintien dans la durée de ces charges pose un problème majeur dans la compétition européenne au moment où les cartes du marché vont être partiellement redistribuées dans le cadre du Brexit et surtout du fait de la mise en œuvre de l'Union bancaire et de l'Union des marchés de capitaux.Classification JEL : H21, H32, G21, G28.Between 2010 and 2017, French banks were subjected to a roughly 25 % increase of their compulsory withholding taxes, mainly because of a steep increase of specific contributions to the banking sector, in particular to the Single Resolution Fund (SRF). The high level of these withholdings, which weigh on banks, led to the share of financial sector businesses increasing about 10 % within the total amount of compulsory withholding taxes. However, banks are today faced with a triple challenge, regulatory, economic and technological, compelling them to increase their equity capital in a context that weighs on their profitability. This context sheds particular light on the problem of the competitiveness of French banks, which year after year have been subjected to an increase in their tax costs in relation to production costs. Continuing these costs over the long run presents a major problem considering competition in Europe at a time when the cards of the market are going to be partially reshuffled on the backdrop of Brexit, and especially because of the implementation of the banking union and the capital markets union.Classification JEL : H21, H32, G21, G28.
- Spécificités et évolution récente de la fiscalité bancaire - Laurent Quignon p. 89-106 Les banques présentent des caractéristiques qui justifient qu'une fiscalité particulière leur soit appliquée. Le levier financier d'abord, indissociable de l'activité d'intermédiation, ne rend guère pertinent la correction du « biais fiscal de l'endettement » et le plafonnement des charges d'intérêts retenu pour les entreprises non financières. La délicate mesure de la valeur ajoutée, ensuite, explique que la plupart des pays développés exonèrent leurs services financiers de TVA et aient adopté des mécanismes alternatifs (à l'instar de la taxe sur les salaires en France). En revanche, l'imposition des bénéfices est commune aux secteurs financier et non financier, exception faite des surtaxes mises en œuvre dans quelques pays. À l'échelle de la zone euro, nos calculs fondés sur les comptes nationaux montrent que la contribution fiscale des sociétés financières est, en proportion de leur valeur ajoutée, plus élevée que celle des sociétés non financières et que l'écart tend même à s'accroître depuis la crise financière, sous l'influence notamment des nouvelles taxes bancaires introduites dans plusieurs pays. Enfin il existe une complémentarité, mais aussi un risque de redondance, entre la fiscalité bancaire, les contributions au Fonds de résolution unique et la réglementation prudentielle.Classification JEL : G01, H21, H32, G21, G28.The nature of banking justifies the application of a specific taxation for banks. First, considering that financial leverage cannot be disassociated from bank intermediation, it is hardly pertinent to adjust for the “fiscal bias of debt” or to place a ceiling on interest charges as is the case with non-financial companies. Second, measuring value added is no easy task, which explains why most of the developed countries have exempted financial services from VAT, and have adopted alternative mechanisms such as the payroll tax in France. Earnings, in contrast, are taxed in the same manner in both the financial and non-financial sectors, with the exception of surcharges levied in certain countries. Our calculations at the euro area level, based on national accounts, show that the fiscal contribution of financial institutions, as a share of value added, is higher than for non-financial companies, and that this gap has tended to widen since the financial crisis, notably under the influence of new banking levies introduced in several countries. Lastly, there are some complementary features, as well as the risk of redundancy, between bank taxation, contributions to the Single Resolution Fund and prudential regulation.Classification JEL : G01, H21, H32, G21, G28.
- La baisse de l'impôt sur les sociétés et la valeur des entreprises - François Meunier p. 107-121 L'article analyse les effets pour les entreprises de cette tendance majeure observée depuis deux ou trois décennies : la baisse continue des taux d'impôt sur les sociétés. Contrairement à l'opinion courante, baisser le taux d'IS ne favorise pas nécessairement les actionnaires et l'économie fiscale est loin de demeurer dans les bilans des entreprises. La raison en est que l'IS a les caractéristiques d'un impôt largement neutre : son niveau influe assez peu sur le rendement du capital et le comportement des entreprises en matière de production et d'emploi. Comment penser autrement que les grandes économies aient pu prospérer dans l'après-guerre avec des taux d'impôt de l'ordre de 50 % ? L'article montre que l'ouverture croissante des frontières et des marchés de capitaux change fortement la donne, et fait perdre une grande part de la neutralité de l'IS. Baisser l'IS profite en une fois aux entreprises du pays qui enclenche la baisse, avant que l'impôt retrouve sa (quasi-)neutralité, sous l'effet de la réponse stratégique des autres pays. C'est ce qui alimente la course, au final assez vaine, mais très déstabilisante pour les finances publiques, à la baisse des taux d'impôt.Classification JEL : G32, H25, H32.This paper analyses the effects for companies of this major trend observed over the past two or three decades: the steady decline in corporate tax rates. Contrary to current opinion, lowering the rate of corporate tax does not necessarily favour shareholders; the tax saving is far from remaining in companies' balance sheets. The reason is that the corporate tax has the characteristics of a largely neutral tax: its level has a relatively low impact on the return on capital and the behavior of firms in terms of output and employment. How else could we make sense of the big economies having prospered in the post-war period with tax rates of around or above 50 %? The article shows that the increasing openness of borders and capital markets is a major game-changer, where the corporate tax loses much of its neutrality. Lowering the tax rate creates a one-off benefit for companies in the country that triggers the reduction, before the tax regains its (quasi) neutrality under the effect of the strategic response of the other countries. This is fueling the race to lower tax rates, ultimately futile, but very destabilizing for public finances.Classification JEL : G32, H25, H32.
- Innovation financière et fiscalité - Bertrand Lavayssière p. 123-133 Cet article tente d'illustrer, sans ambition d'exhaustivité, quelques aspects de la relation entre l'innovation financière et la fiscalité. Trois angles de vue sont pris pour éclairer le sujet. Le premier explore la relation existante entre les décisions fiscales liées aux budgets des États et leurs implications sur la création de produits ou leurs évolutions. Le second illustre comment certains produits vont être utilisés de manière créative pour optimiser des situations fiscales spécifiques, par exemple le niveau de bénéfice ou le montant des dividendes. Le troisième angle concerne la création de marchés nouveaux liés à des décisions fiscales, comme la taxe carbone.Classification JEL : G0, H31, H32, O31, Q58.Without claiming to be exhaustive this article attempts to illustrate some aspects of the relationship between finance and taxation. The subject is addressed through three viewpoints. The first one examines the relationship between fiscal decisions related to public budgets and their effects on the design or changes of financial products. The second one shows how some products are used in a creative way to optimize specific fiscal situations such as the level of profits or the amount of dividends. Finally the third viewpoint is about the creation of new markets linked to fiscal decisions, like the carbon tax.Classification JEL : G0, H31, H32, O31, Q58.
- Les taxes sur les transactions financières : un outil dépassé ? - Jean-Édouard Colliard p. 135-150 Cet article offre un panorama des connaissances actuelles sur les taxes sur les transactions financières (TTF) et discute dans quelle mesure une TTF peut être un instrument efficace pour remplir trois types de fonctions : (1) corriger les imperfections de marché ; (2) redistribuer les ressources de l'économie ; (3) financer la dépense publique de manière efficace. À l'aide de travaux de recherche récents et de quelques nouveaux calculs simples basés sur la TTF française, cette étude conclut qu'une TTF ne semble vraiment remplir aucun de ces trois types d'objectifs. Plutôt que d'appliquer l'idée ancienne d'une TTF, cet article plaide pour considérer des outils plus modernes et plus ciblés pour remplir les mêmes objectifs de manière plus efficace.Classification JEL : G10, G14, G18, H32.This paper proposes an overview of what we currently know about financial transactions taxes (FTT). I discuss to what extent an FTT can be seen as an efficient tool to fulfill three types of objectives: (1) correcting market failures; (2) redistributing economic resources; (3) financing public expenditures efficiently. Using recent research papers and some new simple computations based on the French FTT, I conclude that an FTT doesn't really seem to fulfill any of these three categories of objectives. This article concludes that, rather than applying the old idea of an FTT, policymakers could use more modern and targeted tools to achieve the same objectives more efficiently.Classification JEL : G10, G14, G18, H32.
- De l'utilité de l'impôt pour freiner l'effet de levier du « hors-bilan » des banques - Jean-Paul Nicolaï, Alain Trannoy p. 151-169 Les normes comptables IFRS ont intégré dans le bilan des banques l'essentiel des instruments financiers dérivés que nous considérons ici sous le terme de « hors-bilan », au prix d'une certaine invisibilité de leur « effet de levier ». Nous décrivons l'activité des banques de financement et d'investissement et montrons que ces instruments dérivés correspondent à une fonction d'intermédiation du risque dans l'économie où les banques ne « portent » pas ce risque au bilan, contrairement au métier bancaire traditionnel de « transformation ». Nous décrivons la banque comme une source d'« accroissement des possibles de la taille du marché » que nous définissons au préalable d'une manière générale. Une telle source, comme toute innovation, est synonyme de risque. Le « hors-bilan » bancaire apparaît dans ce cadre comme un effet de levier sans limite naturelle. Nous étudions alors ce que pourraient être des fiscalités adaptées à trois objectifs différents : corriger et capter les rentes, limiter le risque systémique, maîtriser l'« accroissement des possibles ». Une assiette considérant une mesure des engagements en valeur absolue associés aux positions sur les produits dérivés, dans le bilan des banques, paraît pertinente pour limiter l'accroissement des possibles et, partant de là, le risque.Classification JEL : G21, G32, G38.The accounting standard IRFS have integrated the bulk of derivatives (the off-balance sheet in this paper) in the balance sheet of the banks at the cost of masking their leverage effect. We describe the bank activity and we show that these derivatives correspond to a financial intermediation function of the banking system, which supplements the standard lending role of banks. We show that the banking activity naturally increases the possibility set of the capital market that we define in general terms. As all innovations, this increase bears additional risk. The off-balance sheet appears in this framework as bringing a leverage effect without natural limit. We study what could be the role of different types of taxes: first, correcting and capturing the rents, second, limiting the systemic risk, third, mastering the “growth of the feasible set”. A tax base consisting in financial liabilities (in absolute value) associated to positions on financial derivatives may be viewed as well-focused to limit the growth of the possibility set and therefore of the risk.Classification JEL : G21, G32, G38.
- Mise en œuvre et limites de l'approche pigouvienne de la finance - Olivier de Bandt p. 171-188 L'article revient sur les propositions et les expériences de taxe « à la Pigou » (taxes de risque systémique) mise en place après la crise de 2007-2008 sur les institutions financières et visant à une tarification du risque systémique ou des externalités liées aux activités financières, par opposition au contrôle direct des activités financières. Il cherche à expliquer les raisons pour lesquelles cet instrument n'a pas connu l'essor qui était attendu. Tout d'abord, la mise en place d'une taxation « à la Pigou » requiert un certain nombre de conditions qui ne sont pas toujours remplies. Ensuite il existe des difficultés opérationnelles liées à la mise en œuvre d'une taxation des activités financières, s'agissant de sa calibration, de la gestion des asymétries d'information et des risques d'aléa moral qu'elle peut engendrer et enfin de la gouvernance de la taxe. Ensuite de nombreux instruments de contrôle direct, comme la séparation des activités à risque (par exemple, les activités bancaires de marché non directement liées au financement de l'économie), semblent plus efficaces que la taxation « à la Pigou ». La frontière est parfois étroite entre celle-ci et les autres réglementations directes qui affectent aussi les incitations comme, par exemple, la résolution des institutions en difficultés, mais les autorités de résolution possèdent des pouvoirs juridiques qui dépassent la seule taxation.Classification JEL : G21, G28, H23.The article reviews the proposals and experience of the Pigou taxes (“bank levies”) that were implemented on financial institutions in the wake of the 2007-2008 financial crisis aiming at internalizing systemic risk or other externalities stemming from financial activities, in contrast to direct control of financial activities. It aims at explaining the reasons for the reluctance to generalize this instrument and to broaden its applications. First, introducing a Pigou tax requires several conditions that are not often met. Then, there are several operational bottlenecks when implementing a tax on financial activities in terms of calibration, management of asymmetric information and moral hazard, as well as regarding the governance of the tax. Finally, several instruments of direct control, like the separation of risky activities (e.g. separation of market activities by banks non directly participating in the financing of the economy), appear to be more efficient to ensure financial stability than a Pigou tax. However, the latter may be viewed as close to other instruments of direct control that also affect financial institutions' incentives, like the resolution of distressed financial institutions, but resolution authorities have been granted legal powers that go far beyond simple taxation.Classification JEL : G21, G28, H23.
- Les banques et les paradis fiscaux - Mona Barake, Gunther Capelle-Blancard, Mathias Lé p. 189-216 L'affaire UBS en 2008, Offshore Leaks en 2013, Lux Leaks en 2014, Swiss Leaks en 2015, Panama Papers et Football Leaks en 2016, Paradise Papers en 2017. Depuis la crise financière mondiale, scandales après scandales, les paradis fiscaux sont sous pression. Longtemps considéré comme marginal par les économistes, le sujet fait l'objet de nombreux travaux académiques ces dernières années. Les études confirment le poids massif de ces micro-États (près de 10 000 milliards d'actifs enregistrés, près de la moitié des investissements directs à l'étranger), leur impact très significatif sur l'imposition effective des multinationales, le manque à gagner fiscal pour les autres États (plusieurs centaines de milliards), ainsi que le rôle clé joué par les intermédiaires financiers. La BRI publie depuis le milieu des années 1970 des données sur les encours bancaires transfrontaliers qui montrent leur importance : les paradis fiscaux hébergent près de 20 % des encours transfrontaliers lorsqu'on considère les positions non consolidées. Par ailleurs, l'Union européenne a réussi à imposer à ses banques qu'elles rendent publiques depuis 2016 leurs activités dans tous les pays, y compris dans les paradis fiscaux (Country-by-Country Reporting, CbCR). Il ressort de ces données que les paradis fiscaux représentent, pour les banques européennes, 18 % de leur chiffre d'affaires et 29 % de leur profit à l'étranger, tandis qu'elles emploient seulement 9 % de leur main-d'œuvre à l'étranger.Classification JEL : F23, G20, G28, H25, H26.UBS in 2008, Offshore Leaks in 2013, Lux Leaks in 2014, Swiss Leaks in 2015, Panama Papers and Football Leaks in 2016, Paradise Papers in 2017... Since the global financial crisis, scandals after scandals, tax havens are under pressure. Long considered marginal by economists, this issue has been the subject of much academic work in recent years. Studies confirm the massive weight of these micro-States (nearly 10 trillion assets registered, nearly half of foreign direct investments...), their very significant impact on the effective taxation of multinationals, the loss of tax revenue for other States (several hundred billion), as well as the key role played by financial intermediaries. Since the mid-1970s, the BIS has published data on cross-border bank outstandings, which shows that tax havens host nearly 20 % of cross-border outstandings when non-consolidated positions are considered. In addition, the European Union has succeeded in requiring since 2016 its banks to make public their activities in all countries, including tax havens (Country-by-Country Reporting, CbCR). These data show that tax havens account for 18 % of European banks' turnover and 29 % of their profit abroad, while they employ only 9 % of their workforce abroad.Classification JEL : F23, G20, G28, H25, H26.
- Fiscalité du digital, digitalisation de la fiscalité - Anne-Valérie Attias Assouline, Guillaume Glon p. 217-232 Le corpus législatif qui régit actuellement l'imposition des revenus des entreprises a été conçu dans les années 1920, aux grandes heures de l'industrie et de la brick and mortar economy, lorsque les entreprises multinationales créaient de la valeur principalement au moyen de facteurs de production peu mobiles tels que la main-d'œuvre et des actifs corporels. Aujourd'hui l'explosion de l'économie numérique se traduit par l'érosion de la connexion séculaire entre la présence physique d'une entreprise, par l'intermédiaire de ces moyens humains et matériels, et les marchés sur lesquels elle réalise ses ventes et ses profits. En outre, le système fiscal actuel appréhende mal les nouveaux moyens qui permettent de dégager des bénéfices dans un monde numérique et global, en particulier le rôle que jouent les actifs incorporels, le savoir-faire, la capacité d'exploiter des données qui sont autant d'actifs mobiles pouvant être localisés n'importe où et, en particulier, en dehors des pays où sont localisés les clients. Dans cet article, nous faisons le constat des limites du corpus fiscal actuel et évoquons les réponses envisageables tout en soulignant les difficultés pratiques qui rendent particulièrement complexe l'adoption d'une solution globale. La digitalisation de l'économie se traduit également par une redistribution des cartes entre les contribuables et les administrations fiscales qui ont à leur disposition des outils de plus en plus sophistiqués pour collecter et contrôler l'impôt et lutter contre l'évasion fiscale. Nous évoquons brièvement ce nouveau monde encore largement inexploré.Classification JEL : D22, F69, H20, H25, H26.The current set of rules governing the taxation of business income was conceived in the 1920s, in the heydays of the brick and mortar economy, when multinational enterprises created value primarily through low mobile production factors such as labor and tangible assets. Today, because of the booming of the digital economy, the secular connection between the physical presence of a company, through its human and material resources, and the markets on which it makes its sales, fades away. In addition, the current tax system is not properly apprehensive of the new value drivers in a digital and global world, such as the key role of intangible assets, know-how, the ability to exploit data. These highly mobile assets can be located anywhere and notably outside the countries where the customers are located. In this article, we discuss the limits of the current tax system, the possible solutions and the practical difficulties that make it particularly difficult to reach a consensus on a global solution. The digitization of the economy also results in massive changes in the relationship between taxpayers and tax administrations. The later now dispose of increasingly sophisticated tools to collect and control taxes and to fight against tax evasion. We briefly mention this new world, which is still largely unexplored.Classification JEL : D22, F69, H20, H25, H26.
- Adapter la fiscalité à une économie globale et digitalisée - Pascal Saint-Amans, Michel Taly p. 233-242 La globalisation généralisée et la numérisation des économies confrontent les administrations fiscales à de nouveaux enjeux, liés à la difficulté de localisation des profits dans les chaînes internationales de valeur et dans les activités numériques. Michel Taly, avocat fiscaliste, et Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique et d'administration fiscale de l'OCDE, débattent de la nature de ces enjeux et des solutions envisageables pour y faire face. La méthode traditionnelle du prix de transfert de libre concurrence est confrontée aux modifications d'exercice de l'activité économique par les entreprises. Il est souhaitable de la faire évoluer en dépit des difficultés de trouver un accord sur de nouvelles règles au niveau international. Au-delà des risques d'évasion fiscale pour les États, il importe également de définir des règles qui assurent la sécurité juridique des contribuables.Classification JEL : D22, F69, H20, H25, H26.A widespread globalization and the on-going digitalization of economic activities raise new challenges for fiscal administrations. These two simultaneous phenomena make it hard to localize profits in the international value chains and in digital activities. Michel Taly, a fiscal lawyer and former head of the French tax legislation, and Pascal Saint-Amans (OECD) discuss the very nature of these issues and their conceivable solutions. The traditional price transfer method faces the changes of companies' business activities. Hence, it should be adapted at an international level. What is at stake are both the amount of taxes raised by governments and taxpayers legal certainty.Classification JEL : D22, F69, H20, H25, H26.
- La mobilisation fiscale en Afrique - Pierre Jacquemot, Marc Raffinot p. 243-263 Contrairement à une idée reçue qui accorde un poids excessif aux ressources d'origine externe (IDE, aide, transferts), l'Afrique mobilise d'abord ses ressources domestiques pour son financement. Le taux de pression fiscale se situe entre 16 % et 22 % du PIB. Toutefois ces ressources ne représentent qu'environ la moitié de ses besoins de financement des objectifs du développement durable (agenda 2030). Les marges de progression en matière de mobilisation fiscale ne sont pas négligeables, tant en exploitant de nouveaux gisements qu'en améliorant le recouvrement. Comment collecter plus et mieux afin de ne pas mettre en cause le potentiel de développement ?Classification JEL : H21, H26, O23.Contrary to a preconceived idea which gives an excessive weight to the external resources (FDI, ODA, remittances), Africa mobilizes at first its domestic resources for its financing. The rate of fiscal pressure is situated between 16 and 22 % of the GDP. However, these resources are insufficient by half at its needs for financing of the Sustainable Development Goals (Agenda 2030). The margins of progress regarding fiscal mobilization are not unimportant, both to exploit new deposits and to improve the tax base. How to collect the more and the better so as not to harm the development potential?Classification JEL : H21, H26, O23.
Chronique d'histoire financière
- Le « non » français et la crise allemande de 1931 - Tobias Straumann p. 265-268
Articles divers
- Analyse morale de la spéculation - Caroline Marie-Jeanne p. 269-284 Cet article analyse la moralité de la spéculation à la lumière des textes philosophiques depuis l'Antiquité, dans le but d'apporter des pistes de réflexion sur notre système actuel. La détermination morale d'un acte dépend de l'objet, des circonstances, de l'intention et des conséquences. Nous étudions donc les liens de causalité entre le besoin, le prix et la spéculation. Pour les philosophes, la pénurie, le gain par nécessité, l'utilité du bien et le risque encouru justifient moralement la spéculation et le profit qui en résulte. Nous mettons en exergue une inversion croissante des causes et des conséquences dans la pratique, ce qui remet en question la moralité de l'acte. La spéculation dévoyée devient une fin en soi, déconnectée de l'économie réelle et potentiellement source de risque systémique pour la collectivité.Classification JEL : N23, B11, G11.This article analyzes the morality of speculation, in light of philosophical texts since antiquity. We aim at providing another approach for our current system. The moral determination of an act depends on the object, the circumstances, the intention and consequences. For this purpose, we study the causal links between need, price and speculation. For philosophers, the shortage, the gain by necessity, the utility of the good and the risk incurred morally justify speculation and the resulting profit. We show that, in practice, causes and consequences are often more and more reversed. The morality of the act is therefore in question. Disconnected from real economy, speculation becomes an end in itself and is potentially a source of systemic risk to the community.Classification JEL : N23, B11, G11.
- L'impact de la taille de l'actif sous gestion sur la performance des fonds de placement collectif - Linh Tran Dieu p. 285-316 Nous étudions l'impact de la taille sur la performance des fonds. En utilisant les données sur les fonds actions en France pour la période de 2002 à 2014, nous trouvons une relation U-inversée entre la taille et la performance. La performance augmente et ensuite diminue avec la taille lorsque l'actif sous gestion atteint une taille critique. Ce résultat met en évidence le conflit d'intérêts entre les investisseurs et les gérants des fonds. Étant rémunérés en pourcentage de l'actif sous gestion, les gérants de fonds cherchent à maximiser la taille du fonds. Une augmentation de l'actif sous gestion, si elle est favorable au gérant, peut avoir un impact néfaste sur la performance.Classement JEL : G20, G23, G20.Weanalyze the impact of fund size on fund performance. Using a sample of equity funds in the French market for the period from 2002 to 2014, we obtain a U-inverse relation between these two variables. Fund performance increases first and then decreases with fund size as assets under management reach a critical size. This result highlights the conflict of interest between investors and fund managers. Being payed a percentage of assets under management, fund managers try to maximize the fund's size. An increase in fund assets, favorable to the manager, may negatively impact fund performance.Classement JEL : G20, G23, G20.
- Analyse morale de la spéculation - Caroline Marie-Jeanne p. 269-284