Contenu du sommaire : Rêves

Revue Sociétés & Représentations Mir@bel
Numéro no 23, 2007
Titre du numéro Rêves
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation

    • À ce que l'on raconte... - Pierre Sorlin p. 5-20 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Nous avons l'habitude d'appeler rêves ce que nous parvenons à nous rappeler au réveil et, le plus souvent, notre souvenir prend la forme d'un récit. Cependant, les rencontres avec des personnes, les actions et les réactions ne sont qu'une partie de nos visions nocturnes ; souvent, nous sommes impressionnés par des couleurs, des formes indécises, des sons. Dans certaines sociétés où les rêves sont supposés délivrer un message, les rêveurs attendent, ou se rappellent exclusivement une image unique et nous pouvons supposer qu'une telle vision est imposée par les attentes de la communauté ou de la personne. Les récits de rêve, partie limitée de ce qui est effectivement perçu, sont conditionnés par la culture et le talent littéraire du dormeur, il n'est pas étonnant qu'écrivains ou artistes soient plus disposés à transcrire et à embellir leurs impressions que des dormeurs quelconques. En outre, la psychanalyse a profondément influencé les comptes rendus de rêves, les personnes tendent à appliquer les concepts freudiens à leurs rapports et même à raconter leurs rêves, à formuler en termes de déplacement, condensation et symboles. Rêvons-nous comme nos ancêtres ? Personne n'est en mesure de le dire, ce qui est à peu près certain est que nous ne concevons pas nos rêves et ne les racontons pas comme eux-mêmes le faisaient. Rêver peut être un trait permanent de la condition humaine, mais raconter ses rêves est un processus historique.
      We are used to calling dreams what we are able to remember after waking up and, most of the times, our memories take the form of a story. However, encounters with people, actions and reactions are only a portion of our nocturnal vagaries ; in many instances we are impressed by colours, elusive forms, sounds. In some societies where dreams are supposed to deliver a message, dreamers wait, or merely remember a unique image and we may suppose that such an image is imposed by the community's, or the individual's expectations. Dream accounts, a limited part of what is actually perceived, are shaped by the dreamer's culture and literary skills ; not surprisingly writers or artists are more prone to transcribe and embellish their impressions than ordinary dreamers. Besides, psychoanalysis has deeply influenced dream-telling, people tend to apply Freudian concepts to their accounts, and even to tell their dreams in terms of displacement, condensation and symbols. Do we dream like our ancestors ? Nobody is able to answer such query, but what is quite certain is that we do not conceive and do not tell our dreams the way they did. Dreaming may be a permanent feature of mankind but dream-telling is a historical process.
  • I. Rêves d'ailleurs

    • Regards sur l'art et le rêve en Mélanésie - Gilles Bounoure p. 21-43 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les recherches ethnographiques consacrées à l'art mélanésien ont été trop dispersées, géographiquement et chronologiquement, pour rendre compte de la place dévolue au rêve dans les îles océaniennes. Il apparaît cependant que rêve et production artistique furent longtemps étroitement associés, les artisans se bornaient à reproduire des modèles traditionnels, sauf quand une vision onirique leur faisait adopter d'autres formes : s'étant préparé par l'ingestion de plantes, le rêveur recevait la visite d'un ancêtre qui lui montrait ce qu'il devait changer. L'ethnographie, intéressée par les structures familiales, négligea d'abord le rêve, dont on réévalua l'importance dans le dernier tiers du XXe siècle, quand déjà la production artistique rituelle était en voie d'extinction et quand les soucis du jour envahissaient le rêve.
      Ethnographic research on Melanesian art have been too widely dispersed geographically and chronologically to reckon the place allotted to dreams in the oceanian islands. It however appears that the theme of dreams and artistic production were, for a long time, intimately linked, craftsmen used to stick to reproducing traditional models, except when an oneiric vision would make them choose new forms : having prepared himself by ingesting plants, the dreamer would receive the visit of an ancestor who would show him what needed to be changed. More interested in family structures, ethnography first neglected the importance of dreams, which was re-evaluated in the last third of the 20th century, when ritual artistic production was already becoming extinguished and when the troubles of the day were invading the dream.
    • Les récits de rêve dans les sanctuaires guérisseurs du monde grec : des textes sous contrôle - Pierre Sineux p. 45-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Une cinquantaine de stèles trouvées à Epidaure, d'autres inscriptions découvertes en Crète et à Rome éclairent le rôle joué par l'incubation dans le culte d'Asklépios. Ces documents sont rédigés selon des règles précises ; écrits sans doute à partir du récit des dormeurs, ils ont été remaniés de façon à mettre en évidence l'intervention efficace du dieu. Asklépios, apparaissant durant un songe, soulage les malades par sa parole, ses gestes, la prescription d'un traitement, voire l'intervention d'un auxiliaire comme le serpent. Il peut également donner des avis, dévoiler des secrets, prodiguer des conseils. La réélaboration à laquelle il a été procédé ne permet pas d'interpréter les rêves. En revanche, elle dévoile la stratégie des personnes employées dans le sanctuaire et montre comment les récits, authentifiés par de nombreux détails concernant l'identité des rêveurs, ne laissaient aucun doute sur la puissance et la bonté du dieu guérisseur.
      About fifty steles found in Epidaure, other inscriptions discovered in Crete and Roma, inform us about the role played by incubation in the cult of Asklepios. These documents are composed according to precise rules ; probably written from sleepers' accounts, they were rewritten in order to give prominence to the efficient intervention of the god. Asklepios, appearing in a dream, relieves the sick with his words, his gestures, a prescription of medicine, even the intervention of an auxiliary such as a snake. He can also give his opinion, unveil secrets or give pieces of advice. So much re-elaborating doesn't allow interpretation of the dreams. On the other hand, it reveals the strategy of the people employed in the sanctuary and shows how tales, authenticated by numerous details about the dreamers' identities, do not let any doubt about the power and the kindness of the divine healer.
    • Entre Dieu et Satan, ambiguïtés du rêve médiéval : Entretien avec Jean-Claude Schmitt - Pierre Sorlin, Myriam Tsikounas p. 67-82 accès libre
    • Le rêve sollicité : un thème de la magie rituelle médiévale - Julien Véronèse p. 83-103 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Très répandue dans l'Antiquité, la pratique de l'incubation – endormissement dans un lieu sacré entraînant éventuellement une guérison – est attestée dans l'hagiographie médiévale qui, cependant, donne peu de détails sur la manière d'obtenir un songe réparateur. À côté de la guérison, dont on possède quelques exemples, se développe, à partir du XIIe siècle, une magie savante dont l'objectif est, à travers le rêve, de procurer soit une connaissance, soit une solution à un problème. La magie démoniaque ou « nigromancie » implique des rites compliqués dont le rêve n'est qu'une partie. La magie angélique donne davantage d'importance à la phase nocturne ; elle comporte elle aussi une longue préparation matérielle et spirituelle qui, par la prière ou le passage dans une église, garantit le caractère orthodoxe de l'opération. Les textes qui décrivent ces rituels sont tardifs, on peut supposer, sans en être certain, qu'ils éclairent la manière dont se déroulait l'incubation telle que la rapporte l'hagiographie.
      Widely used in the ancient times, the practice of incubation – falling asleep in a sacred place hopefully leading to a recovery – is established in mediaeval hagiography, although it gives few details about the ways to make a healing dream. Beside the recovery, of which we have a few instances, a knowledgeable magic develops, in the early 12th century, aiming at acquiring a particular knowledge or the solution to a problem, through dreams. Demoniac magic or « nigromancy » involves complicated rites among which dreaming is only a part. Angelic magic gives more importance to the nocturnal phase ; it also involves a long material and spiritual preparation that, through prayers or visits to a church, guarantees the orthodoxy of the operation. The texts describing these rituals were written later and one can suppose, without certainty, that they inform us on how the incubation, as shown by hagiography, was carried out.
    • « Le songe n'est que mensonge ». Le discours sur le songe au XVIIIe siècle - Guillaume Garnier p. 105-124 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les traités sur les songes publiés au XVIIIe siècle présentent l'énorme intérêt de révéler une pensée profondément marquée par la tradition antique qui tente de s'émanciper grâce au naturalisme, sans disposer des outils scientifiques qui lui permettraient de le faire. Condamnant avec force toute idée de prédiction par le rêve, les auteurs du XVIIIe siècle s'attachent à montrer que certains mécanismes physiques expliquent parfaitement les rêves. Leur raisonnement prend appui, pour l'essentiel, sur les dérèglements que provoquent les « esprits animaux », corps intermédiaires entre l'âme pensante et le corps agissant, qui, la nuit, s'agitent dans le cerveau, provoquant un chaos d'images ayant toutes un rapport avec les activités du dormeur. À cela s'ajoute, dans certains cas, l'intervention de vapeurs qui signalent à l'individu qu'une maladie le menace. Les écrivains se moquent des croyances anciennes relatives à la divination onirique, mais leur physiologie est largement redevable à celle d'Hippocrate et les recettes qu'ils proposent pour s'assurer des nuits calmes copient celles que recommandaient les textes grecs. La conclusion en revanche est neuve : le songe tranquille, préparé par une vie réglée et un régime alimentaire sain, sera une source de plaisir, parfois même une source de connaissance quand il aidera à résoudre un problème ardu.
      Treaties about dreams published in the 18th century are of the highest interest because they reflect a conception deeply influenced by the ancient tradition attempting to emancipate itself with naturalism, without having the scientific tools to achieve it. Firmly opposed to any idea of prediction through dreams, 18th century authors are keen to explain dreams by strictly physical mechanisms. Their reasoning is essentially supported by the disorders provoked by « animal spirits », intermediary bodies between the thinking soul and the acting body, which thrash about the brain at night, creating a chaos of images that are all related to the sleeper's activities. Moreover, in some cases, vapours appear to warn the person that some illness is threatening. Writers laugh at the ancient beliefs in oneiric prophecies, but their physiology is largely due to Hippocrates, and the recipes they propose to enjoy quiet nights are copies of what the ancient Greeks recommended in their texts. The conclusion, however, is new : a quiet dream, induced by a regular life and a healthy diet, can be a source of pleasure, even a source of knowledge when it helps solve a difficult problem.
    • L'imaginaire nocturne de la France du XIXe siècle - Yannick Ripa p. 125-143 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce que nous pouvons découvrir des rêves au XIXe siècle nous vient des textes, et seule une minorité avait le temps, la capacité et le courage d'écrire. Les nombreuses correspondances féminines sont à cet égard sagement décevantes, les hommes surtout confessaient leurs désirs et leur plaisir. Pour entrevoir ce dont on rêvait hors d'un petit cercle, il faut repérer, dans les clés des songes, les termes qui apparaissent, disparaissent ou changent de signe, voir comment la campagne, d'abord liée aux travaux des champs, glisse vers le repos, ou comment la fabrique, d'abord menaçante, devient familière. Au-delà des thèmes, c'est le statut du rêve qui change, l'espoir d'un éclaircissement sur l'avenir reste fort mais l'attention se tourne de plus en plus vers une symptomatologie : le rêve dit les troubles du corps et annonce déjà le trouble de l'esprit. Pour cette raison, ou parce que les figures sataniques sont encore proches, beaucoup se plaignent de nuits perturbées. Aux visions de batailles, d'émeutes, s'ajoutent des cauchemars personnels : mort du père, femmes battues et, typique de l'époque, crainte de l'école, du maître, des punitions. En avance sur la libération psychanalytique, l'érotisme s'avoue franchement, dans des confessions d'une parfaite clarté. Les rêves du xixe siècle sont-ils différents de ceux qui les ont précédés ? En tout cas, le régime onirique a, lui, profondément évolué.
      Whatever we might know about dreams in the 19th century comes from texts, and only a minority of people had the leisure, the ability and the courage to write. The abundant feminine correspondence is quite prudently disappointing on the matter, mostly men confessed their desires and pleasures. In order to get an idea of what people dreamt about, outside a small circle, one must spot, among the keys of dreams, the words that appear, disappear or change, see how the countryside, first associated with field labour shifts toward the notion of rest, or how the factory, threatening at first, becomes familiar. Beyond the themes, it is actually the status of dreams that changes, the hope of a clearer view of the future remains strong, but the attention turns gradually towards a symptomology : the dream tells us about the troubles of the body and already senses the troubles of the mind.For this reason, or because satanic figures are still close, many people complain about having troubled nights. To visions of battles, riots, personal nightmares occur : death of the father, beaten women and, typical of the times, fear of school, of the schoolmaster, of punishment. Ahead of the psychoanalytic liberation, erotic dreams are frankly mentioned, in perfectly clear confessions. Are 19th century dreams different from earlier times ? In any case, the status of dreams did deeply evolve indeed.
  • II. En deçà du récit

    • Faire avec ses rêves - Marine Esposito p. 145-152 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Images embrouillées, combinaisons imprévisibles : l'origine du rêve a toujours fait problème. La démarche freudienne a mis au jour une signification, elle n'a pas totalement levé l'énigme ; l'ombilic, le point nodal du rêve résiste à l'investigation. Freud a fondé sa démarche sur son auto-analyse, montrant ainsi que l'interprétation revient, en dernière instance au rêveur ; le rêve est lové au fond de nous-mêmes, porteur de craintes et de désirs, lié à l'enfance, enchanteur et mystérieux, tellement intime qu'il devient parfois indicible, et qu'il revient à l'analyste d'aider à le délivrer.
      Confused images, unpredictable combinations : the origin of dreams has always been a problem. Freud's theory has proposed a meaning, it has not entirely solved the mystery ; the umbilicus, the nodal point of the dream resists investigation. Freud founded his thesis on self-analysis, thus proving that the interpretation ultimately belongs to the dreamer ; the dream is curled up inside ourselves, carrying fears and desires, related to childhood, enchanting and mysterious, so intimate that it sometimes becomes unspeakable, and that the analyst's work is to help delivering it.
    • Autour du rêve, sa fonction, ses échecs - Jacqueline Lubtchansky p. 153-171 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Aux origines de la psychanalyse, le rêve permit de fonder une théorisation de l'inconscient, mais la fonction même du rêve était brièvement abordée dans la Traumdeutung ; et si Freud revient par la suite sur la question, il ne le fit pas de manière systématique. Si le rêve n'est plus considéré comme « la voie royale », les analystes se sont efforcés de mieux comprendre le rôle qu'il joue et l'article fait le point sur l'état actuel de la réflexion. Effectuant un retour vers le sein maternel, le rêve satisfait le narcissisme du rêveur et protège son sommeil, les rêves remémorés sont en partie des rêves qui ont échoué. Freud a parlé, métaphoriquement, d'une « circulation » des pulsions, « attirées » vers les traces de moments heureux, « évitant » les souvenirs désagréables. Le rêve tente d'instaurer un équilibre entre ces deux tendances. Constituant, à partir des restes du jour, des impressions visuelles, il met en œuvre un désir mais, transformant une pulsion incontrôlée en représentation acceptable, il contribue à émousser ce même désir.
      At the beginning of psychoanalysis, the dream allowed a theory of the unconscious mind, but the very function of the dream was only briefly approached in the Traumdeutung ; and if Freud came back to the subject later on, he never did it systematically. If the dream is no longer considered as the « high road », analysts have tried to understand its role better, and the article takes stock of the present state of reflection. Returning to the mother's womb, the dream satisfies the dreamer's narcissism while protecting his sleep, the remembered dreams are partly failed ones. Freud metaphorically spoke of a « circulation » of impulses, « driven » towards traces of happy moments, « avoiding » unhappy memories. The dream tries to make a balance between these two tendencies. Making visual impressions out of what is left of the day, it implements a desire but, in transforming an uncontrolled impulse into an acceptable representation, it contributes to blunt this same desire.
    • Le rêve, une ressemblance dissemblable - Sara Guindani p. 173-184 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le rêve ignore la consécution ; il simule des relations logiques par la condensation de plusieurs données en une seule vision. La ressemblance, au sens où ce terme est d'ordinaire employé, n'a pas place dans le rêve, ce qui se manifeste est une analogie, un « comme », la figuration onirique n'est pas une copie, elle travaille des éléments hétérogènes dans un processus créateur et fugitif. Le rêve donne forme en déformant, la déformation fait partie de la représentation, le caractère mixte de la vision dénonce l'ambivalence du désir. Le dormeur, au réveil, détecte une ressemblance qui ne lui a pas été donnée, qui est de sa part une interprétation et le délivre d'une incertitude en restaurant des relations logiques au sein du souvenir.
      A dream doesn't know consecution ; it simulates logical relationships by condensing different data into a single vision. Likeness, in its usual meaning, has no place in the dream, what comes out is an analogy, a « like », the visual representation of the dream is not a copy, it works heterogeneous elements in a creative and fleeting process. The dream forms by deforming, the deformation is part of the representation, the mixed constitution of the vision denounces the ambivalence of desire. When he wakes up, the sleeper detects a likeness that was not given to him, a self-made interpretation that delivers him of an slipperiness while restoring logical relationships within his memory.
    • « Le rêve, c'est ce qu'en dit le rêveur » : Entretien avec Stéphane Thibierge - Frédérique Matonti p. 185-193 accès libre
    • De la neurophysiologie du sommeil paradoxal à la neurophysiologie du rêve - Françoise Parot p. 195-212 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article fait le point sur l'état actuel de la recherche concernant la physiologie du rêve. Depuis une quinzaine d'années, les études du sommeil paradoxal et, dans leur sillage, celles du rêve ont été l'objet de nombreux débats. Les pionniers considéraient cet état comme celui où se produisent les rêves que nous pouvons raconter, mais la découverte, chez le chat, d'un état de vigilance dans les moments de sommeil profond a remis en cause les acquis antérieurs. Les neuropsychanalystes, à la suite de Freud, font du rêve la pierre de touche de leurs travaux et cherchent, pour l'instant sans grands succès, à identifier les réseaux, les structures, les hormones qui, dans le sommeil de rêve, font intervenir libido, ça ou refoulement. Les psychologues évolutionnistes, quant à eux, privilégient une pression sélective d'origine extrêmement lointaine : les chasseurs-cueilleurs auraient vécu dans un état d?alerte permanente exigeant un entretien régulier chaque nuit de la circuiterie neuronale. Au total, ces remaniements bruyants soulèvent plus de problèmes épistémologiques ou historiques qu'ils n'en résolvent ; le rêve demeure inaccessible à l'entreprise de naturalisation.
      This article takes stock of the present state of research on the physiology of dreams. For about fifteen years, studies about paradoxical sleep, and in its wake, studies about dreams, have been the object of numerous debates. Pioneers considered that state as a moment when dreams we can remember and talk about occur, but the discovery that cats could be alert while in deep sleep questioned previous beliefs. Following Freud, neuropsychoanalysts make dream the touchstone of their works and try ? not very successfully so far ? to identify the networks, the structures, the hormones which, during the dreaming sleep, call out libido, That, or repression. As for evolutionist psychologists, they advocate a selective and ancient pressure : hunters and gatherers allegedly lived in a state of permanent alertness that required a regular maintenance every night of neuronal circuits. All in all, these noisy reworkings raise more epistemological or historical problems than they solve ; the dream remains inaccessible to the attempt at naturalisation.
  • III. Pistes

    • Rêveries littéraires - Francis Ramirez, Christian Rolot p. 213-229 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La suite des rêves est infinie, on les raconte, on les commente sans jamais parvenir à les connaître. Des Évangiles à Homère, de Descartes à Gide en convoquant au passage Valéry, Perec, Nerval ou Hugo, le texte construit un ruban où se révèlent la croyance et le doute, l'ouverture sur un « autre côté » et l'ironie née de l'insignifiance. Dieu parle, avertit dans les Évangiles, sa parole est sûre, mais les anciens Grecs savaient qu'un songe trompe parfois et renseigne aussi. Imitant parfois la veille, les visions nocturnes pointent notre incapacité à connaître le vrai, elles inventent, elles construisent, mieux que ne le font des esprits vigiles, elles nous poussent à la paresse, à la copie de leurs fantaisies imprévisibles, elles se moquent du laborieux travail créateur. Elles mettent à nu nos tentations, nos ambitions, pour mieux les détruire par un soudain réveil où, en vain, nous tentons de nous souvenir.
      The after-effect of dreams is endless, we tell them, we comment on them without ever getting to know them. From the Gospel to Homer, from Descartes to Gide, notwithstanding Valéry, Perec, Nerval or Hugo, the text builds a ribbon on which transpire the faith and the doubt, the opening on « another side » and the irony born from insignificance. God speaks, warns in the Gospel, his word is certain, but the ancient Greeks knew that a dream sometimes deceives and also informs. Nocturnal visions sometimes imitate wakefulness and point to our inability to know the truth, they invent, they build up, better than awake minds would, they encourage us to laziness, to the copying of their unpredictable fantasies, they laugh at the hard creating labour. They uncover our temptations, our ambitions, in order to better destroy them with a sudden awakening when we endeavour, in vain, to remember.
    • Incertitudes, ou le cinéma au plus proche du rêve - Antonio Costa p. 231-239 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le vocabulaire du cinéma est souvent employé pour parler du rêve, soit parce que film et psychanalyse sont apparus à la même époque, soit plutôt parce que la position du spectateur, passif dans le noir et absorbé par le jeu des images rappelle, de loin, celle du rêveur. De telles approximations font oublier tout ce que l'introduction d'une séquence onirique – fiction dans la fiction (un personnage fictif fait un rêve fictif) – provoque dans le déroulement filmique. Le rêve a, au cinéma, trois fonctions principales. Il est parfois un événement qui influence un personnage en le troublant ou en lui révélant quelque chose de lui-même. Il est aussi, dans certains cas, un segment autonome, une sorte de parenthèse au milieu de la projection. Il sert enfin à mettre en œuvre des images insolites, prises dans un montage très rapide ou très lent, qui rompent le déroulement prévisible du récit. Ces fonctions n'existent pas en elles-mêmes ; elles dépendent de la stratégie énonciative, c'est-à-dire de la manière dont le film implique le spectateur, en l'avertissant (un personnage s'endort) qu'il va voir un songe, ou en le laissant dans l'incertitude. Au-delà d'une analogie relative, on ne doit pas oublier que le film, à la différence du rêve, est un travail rhétorique.
      The language of cinema is often used to speak about a dream, either because cinema and psychoanalysis were born at the same time, or, rather, because the position of the spectator, passive in the dark and concentrating on the movements of images is not very far from the dreamer's position. Such approximations make us forget everything that the introduction of a dream sequence – fiction within fiction (a fictional character makes a fictional dream) – brings to the film's progress. In cinema, the dream has three main functions. It sometimes is an event that influences a character, troubling him or revealing something about him. It also is, in certain cases, an autonomous segment, a sort of parenthesis in the middle of the projection. It finally helps to show unusual images, with a very fast or slow editing, which break the predictable progress of the story. These functions do not exist by themselves ; they depend on the strategy of enunciation, that is to say on the way the film implicates the spectator, by warning him (a character falls asleep) that he is going to watch a dream, or by letting him uncertain. Beyond a relative analogy, one must not forget that a film, unlike a dream, is a rhetorical piece of work.
    • Petites divagations autour du rêve en littérature - Giuditta Isotti Rosowsky p. 241-247 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le rêve littéraire est, à première vue, un artifice qui laisse filtrer des pensées subversives censurées au matin. Mais les fantasmes révélés pendant la nuit ne s'effacent pas ; le refoulé, insidieusement, se diffuse sur l'ensemble du texte. Les désirs et les craintes de l'héroïne, dévoilés en songe, marquent, dans la pièce de Pirandello, Je rêve (mais peut-être que non), les rapports qu'elle entretient, le jour, avec son amant. Le rêve, s'il appartient au rêveur, se construit hors de son contrôle ; il est, par-là, proche de la création littéraire. Des écrivains aussi différents que Miguel de Unamuno ou Cesare Pavese se sont penchés sur l'autonomie d'une création, dont ils n'ont pu prévoir les développements et qui, une fois achevée, leur échappe. L'auteur travaille à discipliner des mots qui ne lui appartiennent pas et, tels les images du rêve, portent des significations qui lui échappent. L'homme endormi, demande à Unamuno son personnage, « existe-t-il comme rêveur qui rêve, ou comme rêvé par soi-même ? » Et l'auteur comme personne qui écrit ou qui est écrite par sa main ?
      The literary dream seems, at first, an artifice that filters subversive thoughts censored the next morning. But the fantasies revealed during the night are not erased ; the repressing, insidiously impress the whole text. In Pirandello's play Je rêve (mais peut-être que non) ? I am dreaming (but may be not) the longings or fears of the heroin, unveiled in a dream, mark her daytime relationships with her lover. If the dream belongs to the dreamer, it builds itself outside his or her control ; it is thus close to literary creation. Writers as different as Miguel de Unamuno or Cesare Pavese have thought about the autonomy of a creation, of which they had not foreseen the developments and which, once finished, escape them. The author works at disciplining words that do not belong to them and, as the images in a dream, carry meanings that escape them. The sleeping man asks Unamuno his character, « does he exist as a dreaming dreamer, or as dreamt by himself ? » And the author as a person who writes or who is written by his own hand ?
    • Les Mystères d'une âme : le rêve et son récit - Leonardo Quaresima p. 249-261 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La plupart des films dans lesquels intervient un rêve usent de celui-ci comme d'un artifice narratif. Les Mystères d'une âme, réalisé par Pabst, échappe à cette règle ; les songes, directement représentés, ou racontés par celui qui les a faits, s'intègrent complètement à la trame du récit. Le film réalise ainsi trois opérations distinctes. L'évocation des rêves, préparée par un traitement décalé des images de vie diurne, ne surprend pas le spectateur qui tente au contraire d'utiliser les songes pour comprendre le personnage. Les rêves représentés et les rêves rapportés par le héros ne sont pas identiques, le film parvient à suggérer la distance séparant les impressions perçues durant le sommeil du compte-rendu qui en est donné. Enfin, le film s'efforce-t-il d'illustrer le processus de la cure analytique, le protagoniste, mû par des pulsions meurtrières, parvient à les surmonter en étudiant ses rêves avec un analyste. Ce dernier point fut, dès la sortie du film, l'objet de critiques, on reprocha au réalisateur de simplifier le freudisme en négligeant la composante sexuelle de la névrose homicide. Le film n'est cependant pas une œuvre didactique et il demeure un exemple rare d'attention aux formes des sensations nocturnes.
      Most films in which a dream occurs use it as a narrative artifice. The Mysteries of a soul, directed by Pabst, does not follow this rule ; The dreams, directly represented, or told by the dreamer, are completely part of the story. The film thus achieves three distinct operations. The evocation of the dreams, prepared through a lagging treatment of images of diurnal life, doesn't come as a surprise for the spectator who tries, on the contrary, to use the dreams in order to understand the character. The dreams represented and the dreams told by the hero are not identical, the film succeeds in suggesting the distance separating the impressions perceived during the dream from the account made of it. Ultimately, the film attempts to illustrate the process of the analytic cure, the main character, driven by murderous compulsions, manages to overcome them by studying his dreams with an analyst. This last point was a subject of criticism when the film was released, the reproach being that Pabst had simplified Freudism by neglecting the sexual component of the homicidal neurosis. The film is not, however, a didactic work and is still a rare example of attention to the forms of nocturnal feelings.
    • Écrire dans le désert du rêve - Christian Doumet p. 263-269 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Toute relation de rêve est un échec. Désir, étonnement, peur, élan, ces impressions fortes ressenties par le dormeur défient le langage. Des variations sur les images oniriques n'évoquent-elles pas l'émoi, la tonalité du rêve mieux qu'un rapport appliqué et neutre ? C'est l'expérience qu'a tentée l'auteur en partant de ses propres sensations. Comptes rendus ? Réécriture ? Y a-t-il une ligne de partage entre les deux ?
      Any account of a dream is a failure. Desire, surprise, fear, impulse, these strong sensations felt by the sleeper defy language. Don't variations on oneiric images evoke the emotion, the tone of a dream better than a faithful and neutral account ? That is the experiment made by the author based on his own sensations. Accounts ? Rewriting ? Is there a dividing line between the two ?
  • Lectures

  • IV. Hors cadre