Contenu du sommaire : Mutations et invariants. Partie III - Humanitaire et militaire, nouveaux mercenariats
Revue | Inflexions |
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Numéro | no 5, 2007/1 |
Titre du numéro | Mutations et invariants. Partie III - Humanitaire et militaire, nouveaux mercenariats |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Bruno Cuche p. 7-10
- Leitartikel - Bruno Cuche p. 11-15
- Editorial - Bruno Cuche p. 16-19
- Note - p. 21-22
Articles
- Humanitaire et militaire - Bernard Kouchner p. 23-31 Si la méfiance réciproque, les divergences d'approche et de fond restent bien réelles entre humanitaires et militaires, les valeurs pour lesquelles ils agissent sont toutefois communes et complémentaires.La reconnaissance de la « responsabilité de protéger » acceptée en 2005 par l'onu et le Conseil de sécurité impose maintenant de trouver les moyens concrets de faire la synthèse entre les obligations et l'ambition des acteurs de l'humanitaire, celles des politiques et des militaires. Car la question majeure est bien de répondre le plus efficacement possible aux besoins des populations.While the mutual suspicion and divergent approaches remain, at bottom, quite real between humanitarian workers and soldiers, the values for which they act are held in common and are complementary. The recognition of the “responsibility to protect”, accepted in 2005 by the UN and the Security Council, now imposes the necessity of finding concrete means to synthesize the obligations and ambitions of the humanitarian actors, be they political or military. The important issue is indeed to respond as effectively as possible to the needs of populations.
- Militaires et humanitaires, le principal outil de gestion des crises - Daniel Grammatico p. 33-47 Partant de son témoignage de commandant des moyens militaires français de l'armée de terre déployés à Sumatra, dans le cadre des opérations de secours aux populations indonésiennes victimes du tsunami en décembre 2004, le colonel Grammatico apporte un éclairage sur les raisons qui conduisent au rapprochement entre militaires et humanitaires. Ce rapprochement qui alimente une réflexion importante et un débat éthique, pourrait conduire à la banalisation de l'emploi du couple militaire/humanitaire comme outil de gestion des crises.Based on his experience as ground commander of French military forces deployed to Sumatra to assist the victims of the tsunami in December 2004, colonel Grammatico casts light on the reasons that lead to closer cooperation between soldiers and humanitarian workers. This rapprochement, which should stimulate both serious reflection and ethical debate, could lead to the standard use of both soldiers and humanitarian workers as a tool for managing crises.
- Acteurs de l'urgence, de la crise et de la guerre : querelle de famille ? - Jérôme Évrard p. 49-59 Les catastrophes et les conflits récents ont permis aux acteurs de l'urgence de se rapprocher considérablement. Militaires, humanitaires, diplomates, fonctionnaires internationaux et journalistes ont appris à vivre et à travailler ensemble dans des situations d'exception. S'ils forment désormais une communauté à part entière, la confusion des genres fait toutefois débat en leur sein. Les militaires sont pointés du doigt pour leur glissement vers la sphère humanitaire, une certaine tentation politique anime le monde des ong et les principaux bailleurs de fonds influencent l'orientation de l'aide internationale.Recent disasters and conflicts have allowed participants in emergencies to move considerably closer to one another. Soldiers, humanitarian workers, diplomats, international officials and journalists have lived and worked together in exceptional situations. While they now form a complete community, confusion over roles gives rise to contention within that community. Soldiers are accused of sliding into the humanitarian sphere, a certain political temptation motivates the ngo world and the principal backers influence the direction of international aid.
- Militaires et humanitaires en phase de post-conflit : concurrence ou complémentarité ? - Paul Haéri p. 61-76 Les phases de stabilisation, notamment les débuts de phase caractérisés par le ni paix – ni guerre de la transition entre la crise et le retour au calme, révèlent le plus souvent des activités humanitaires intenses. Militaires comme humanitaires y participent, menant des actions de nature similaire, provoquant parfois duplications, tensions et incidents.Pourtant, il apparaît que sur les théâtres du post-conflit, les motivations du militaire et de l'humanitaire procèdent finalement d'une même politique et d'un même objectif final recherché : le rétablissement des fonctions vitales d'une société.Dans un aller-retour entre les impératifs et contraintes des militaires et des humanitaires, cet article répond à la question de la « concurrence » ou de la « complémentarité » entre ces deux acteurs du post-conflit ; sans nier l'ambiguïté de leurs interventions, il montre combien militaires et humanitaires sont finalement complémentaires en phase de stabilisation.The stabilization phase of a conflict, notably the beginning of the transition between the crisis and the return to calm, characterized by neither peace nor war, is most often a period of intense humanitarian activities. Soldiers and humanitarian workers alike participate in these activities, carrying out actions of a similar nature, which sometimes leads to duplications, tensions and incidents. However, it appears that in post-conflict theaters, the motivations of both the soldiers and the humanitarian workers in the end come from the same policy and the same desired objective: restoring a society's vital functions. By returning to the imperatives and constraints affecting both soldiers and humanitarian workers, this article responds to the question of the “competition” or “complementarity” between these two post-conflict actors. Without denying the ambiguity of their interventions, it shows how soldiers and humanitarian workers are, in the end, complementary to one another in the stabilization phase.
- Les actions civilo-militaires : une finalité opérationnelle : Témoignage d'un acteur de terrain - Mélanie Thonier p. 77-83 Aujourd'hui, sur les théâtres d'opération français, le Groupement interarmées des actions civilo-militaires (giacm) déploie des équipes pour réaliser des actions à destination de la population et favoriser la perception des militaires par la population. Ces projets qui ressemblent à ceux menés par les acteurs humanitaires provoquent une interrogation : existent-ils des actions qui seraient à la fois humanitaires et militaires ?Témoignage d'un chef d'équipe du giacm durant quatre mois en Côte d'Ivoire, cet article démontre qu'il n'existe pas d'humanitaire militaire. Une comparaison des structures, des modes d'action et des finalités des organisations non gouvernementales et des actions civilo-militaires (acm) permet aisément de se rendre compte qu'il ne s'agit pas d'un jeu sémantique. À la diversité, l'indépendance et l'altruisme du monde humanitaire répond la structure unique des acm, rattachée à l'État-major des armées, dont la finalité n'est pas de venir en aide à la population mais bien d'appuyer l'action des unités françaises.Il ne peut donc y avoir de confusion, ni de concurrence entre actions civilo-militaires et humanitaires tant les buts recherchés sont différents et tant les moyens déséquilibrés. En revanche, si chacun est conscient de son rôle et ne cherche pas à remettre en cause la vocation et le mode d'action de l'autre, une saine cohabitation est possible.Today, in French theaters of operation, the “Groupement interarmées des actions civilo-militaires” (glamc–Joint Service Group for Civilian-Military Actions) deploys teams to carry out actions in favor of the population and encourage a positive perception of soldiers. These projects, which resemble those carried out by humanitarian workers, give rise to the question: are there actions that would be both humanitarian and military ? An account of an acm (Civilian-Military Actions) team leader during four months in the Ivory Coast, this article demonstrates that military humanitarian work does not exist. A comparison of the structures, modes of action and objectives of ngos and acms easily leads to the realization that this is not a question of a semantic game. The diversity, independence and altruism of the humanitarian world is in contrast with the unique structure of the acms, attached to the armed forces staff, whose objective is not to come to the aid of the population but, indeed, to support the action of French units. There cannot be, then, any confusion or competition between civilian-military and humanitarian actions because the intended goals are so different and the means not equivalent. On the other hand, if each actor is conscious of his role and does not seek to challenge the purpose and mode of action of the other, a beneficial cohabitation is possible.
- Sociétés militaires privées : quel devenir en France ? - Loup Francart p. 85-105 Très en retard par rapport aux pays anglo-saxons, la France s'interroge encore sur le bien-fondé de telles sociétés. C'est pourquoi il a paru important de décliner les types d'activités et de prestations qu'elles étaient en mesure de mener. Elles se résument en activités permanentes de coopération et d'influence visant à promouvoir une politique extérieure nationale, qui sont d'ordre stratégique, et en activités de prévention, d'assistance et de sortie de crise, qui sont plutôt d'ordre opérationnel. L'ensemble de ces activités étant mené pour des clients très variés et dans des contextes fondamentalement différents. Aussi, si la France voit bien l'intérêt de sociétés militaires privées à la fois pour la politique française extérieure, pour la défense et l'économie, elle s'interroge sur la manière de les contrôler, en sachant que pour l'instant la loi sur le mercenariat n'a pas réglé ce problème.Very much behind the Anglo-Saxon countries, France still wonders about how justified private military companies are. That is why it is important to outline the types of activities and services they are able to carry out. These can be summarized as ongoing activities of cooperation and influence that aim to promote a national foreign policy, which are strategic in nature, and activities of prevention, assistance and crisis resolution, which are operational in nature. All of these activities are carried out for very diverse clients and in fundamentally different contexts. So, if France indeed sees any significance in private military companies for its foreign policy, defense and economy, it needs to think about how to control them, while acknowledging that, for the moment, the law on mercenary forces has not dealt with the problem.
- Les sociétés militaires privées : succès et contraintes - Philippe Darantière p. 107-125 Depuis de nombreuses années, les pays anglo-saxons développent des sociétés dites militaires privées (une contradiction !) qui développent un chiffre d'affaires très important dans des activités jusqu'ici réservées aux forces armées ou de sécurité. Dans le même temps, la réglementation internationale combat le mercenariat comme étant une des causes de conflits ou au moins de leur prolongement. Chaque pays a également adopté sa propre législation avec une base similaire : respect des activités, mais contrôle des excès. L'article étudie la façon dont la France a tenté de résoudre ce problème avec une loi réprimant les activités de mercenariat, avec des régimes spéciaux pour les activités de sécurité et avec un contrôle des exportations d'armement. Malgré tout, le constat est que le problème des sociétés militaires privées n'est pas réellement abordé : quel statut, quelle légitimité, pour quoi faire, quelles prestations ? Le trouble est posé, mais aucune solution n'apparaît : les sociétés militaires privées sont-elles justifiées, légitimes, légales ?For several years, the Anglo-Saxon countries have seen the rise of so-called private military (a contradiction!) companies that have generated significant income from activities up to now reserved to armed forces or security forces. At the same time, international regulations treat mercenary forces as one of the causes of conflicts or at least of prolonging them. Each country has also adopted its own legislation on a similar foundation: respect for business activities, but control of excesses. This article studies the way in which France has attempted to resolve this problem with a law that cracks down on the activities of mercenary forces, but with special regulations for security activities and control over arms exports. Despite all that, it should be acknowledged that the problem of private military companies has not really been handled: what status, what legitimacy, to do what, what services? The problem is posed, but no solution appears: are private military companies justified, legitimate, and legal?
- La France cédera-t-elle aux sirènes des sociétés militaires privées ? - Emmanuel Clément p. 127-136 À l'heure du retour à une certaine forme de privatisation de la guerre, il convient de s'interroger sur les conséquences de l'apparition des sociétés militaires privées sur le champ de bataille. La délégation du monopole de la violence légitime remet en cause une des fonctions régaliennes de l'État. La position française, dans ce domaine, demeure très prudente. Quand bien même, les forces terrestres françaises ne cèdent pas encore aux sirènes des sociétés militaires privées, elles doivent aujourd'hui réfléchir aux relations à établir avec ce nouvel acteur.At a time when a certain type of privatization of war has reappeared, it is appropriate to examine the consequences of private military companies appearing on the battlefield. Delegating the monopoly of legitimate violence calls into question one of the sovereign functions of the State. The French position in this area remains very prudent. Even if French ground forces have not yet been tempted by the lure of private military companies, they ought to reflect today on the type of relationship to establish with this new actor.
- Mercenariat et sociétés militaires privées : expressions divergentes de la privatisation des conflits ? - Pascal Le Pautremat p. 137-150 La notion de mercenariat est ancrée, en France, dans un mépris pluriséculaire qui obstrue toute approche différenciée des expressions du service armé d'ordre privé. Or, dans les sociétés anglo-saxonnes, la montée en puissance des sociétés militaires privées (smp), surtout depuis les années 1990, et leur forte imprégnation dans les questions géopolitiques actuelles, démontre la réflexion constructive qui s'est opérée autour de l'art de la guerre, de ses mutations et de ses approches multiples. Ce qui, il est vrai, n'est pas sans mettre à mal les notions d'éthique, de moral avant celles des lois de la guerre. Si louer sa force et ses spécificités militaires est commun aux milieux du mercenariat et des sociétés militaires privées (smp), avec des contractuels paramilitaires, la logique d'emploi, la portée des entreprises n'est pas homogène.D'où l'invitation à un voyage dans l'Histoire qui s'achève sur les mutations récentes d'une actualité tumultueuse où les antagonismes géopolitiques contribuent à la privatisation des outils militaires.There is, in France, a deeply rooted, age-old mistrust of the mercenary that prevents any nuanced approach to understanding different forms of private armed forces. In Anglo-Saxon societies, on the other hand, the rising power of private military companies, above all since the 1990's, and their strong involvement in current geopolitical questions, demonstrates the constructive thinking that can be carried out concerning the art of war, its transformations as well as the multiple approaches to it. Admittedly, this is not without harm to ideas of ethics and morality in relation to the laws of war. While praising force, specifically its military forms, is common to mercenaries, private military companies and paramilitary contractors, the logic of use and the import of the undertakings are not homogeneous. This is an invitation to a voyage into History, which ends with the recent changes in a turbulent world in which geopolitical antagonisms contribute to the privatization of military forces.
- Qui est combattant ? - David Cumin p. 151-165 La notion de mercenariat est ancrée, en France, dans un mépris pluriséculaire qui obstrue toute approche différenciée des expressions du service armé d'ordre privé. Or, dans les sociétés anglo-saxonnes, la montée en puissance des sociétés militaires privées (smp), surtout depuis les années 1990, et leur forte imprégnation dans les questions géopolitiques actuelles, démontre la réflexion constructive qui s'est opérée autour de l'art de la guerre, de ses mutations et de ses approches multiples. Ce qui, il est vrai, n'est pas sans mettre à mal les notions d'éthique, de moral avant celles des lois de la guerre. Si louer sa force et ses spécificités militaires est commun aux milieux du mercenariat et des sociétés militaires privées (smp), avec des contractuels paramilitaires, la logique d'emploi, la portée des entreprises n'est pas homogène.D'où l'invitation à un voyage dans l'Histoire qui s'achève sur les mutations récentes d'une actualité tumultueuse où les antagonismes géopolitiques contribuent à la privatisation des outils militaires.The response to the question of knowing who is a combatant, according to the laws of war in force, leads to the following legal typology. According to the criterion of regularity (ratione modi), one can distinguish regular combatants (soldiers and, if need be, volunteers and mercenaries) and irregular combatants (irregulars, resistance fighters, guerillas, rebels and, if need be, volunteers and mercenaries). According to the criterion of conflict (ratione contexti), one can distinguish the combatants in international conflicts (soldiers, irregulars, resistance fighters, guerillas and, if need be, volunteers and mercenaries) and combatants in non-international conflicts (soldiers, rebels and, if need be, volunteers and mercenaries). According to the criterion of party to the conflict (ratione auctoritatis), one can distinguish combatants linked to a State (soldiers, irregulars, resistance fighters and, if need be, volunteers and mercenaries) and combatants linked to an insurgent organization (guerrillas, rebels and, if need be, volunteers and mercenaries). According to the criterion of legality (ratione legi), one can distinguish legal combatants (regular combatants, except for mercenaries, irregular combatants in an international conflict who respect established conventional stipulations, irregular combatants in a non-international conflict if there is a recognition of belligerence) and illegal combatants (mercenaries, irregular combatants in an international conflict who do not respect established stipulations, irregular combatants in a non-international conflict if there is no recognition of belligerence).
- Humanitaire et militaire - Bernard Kouchner p. 23-31
Pour nourrir le débat
- Introduction - Line Sourbier-Pinter p. 167
- Le dilemme d'un tireur d'élite - Sébastien Pied p. 169-170
- Humanisme politique, humanisme polémique ? - Frédéric Cadet p. 171-175
- L'impact des nouvelles technologies sur la conception et la conduite des opérations - Jean-Marie Faugère p. 177-187
- Armes à létalité réduite, contrôle des foules et conflits de quatrième génération - Georges-Henri Bricet des Vallons p. 189-195
- Wenig-tödliche Waffen, Aufstandsbekämpfung und Kriege der vierten Generation - Georges-Henri Bricet des Vallons p. 196-204
- Less-lethal weapons, crowd control and fourth generation conflicts - Georges-Henri Bricet des Vallons p. 205-211
- Groupe et décisions collectives - Ewa Drozda-Senkowska, François Ric, Dominique Muller p. 213-229
- Pour en savoir plus - p. 230-231
- Compte rendu de lectures - p. 233-241