Contenu du sommaire : L'armée dans l'espace public
Revue | Inflexions |
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Numéro | no 20, 2012/2 |
Titre du numéro | L'armée dans l'espace public |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Jean-René Bachelet p. 7-12
Dossier
- De la puissance en général et de la puissance militaire en particulier - François Scheer p. 13-22 Lorsque le président de la République, chef des armées, observe que « la défense est le fer de lance de notre diplomatie, de notre sécurité, de notre rang », il exprime au regard de l'histoire séculaire de notre pays une vérité d'évidence : les armes n'ont pas ou peu compté dans la conquête par la France, siècle après siècle, de son statut de grande puissance, statut qu'elle a préservé jusqu'au XXe siècle en restant une puissance militaire. Cette vérité d'évidence vaut-elle encore pour la France du XXIe siècle ? Avec des forces armées qui depuis cinquante ans ont subi quelques sévères cures d'amaigrissement, la France peut-elle encore tenir le rang que lui confère son statut de membre permanent du Conseil de sécurité ? A-t-elle toujours la capacité militaire d'une diplomatie tous azimuts ? À ces questions, on peut aujourd'hui répondre affirmativement, mais jusqu'à quand ?When the President of France, as head of the armed forces, observes that defence is the spearhead of our diplomacy, of our security, and of our rank, he is expressing a self-evident truth from the perspective of our country's secular history: weapons have played little or no part in France's winning, century after century, the country's status as a great power: one it maintained up to the 20th century by remaining a military power. Is that self-evident truth still valid for France in the 21st century? With the armed forces having, for 50 years, undergone some severe weight-loss treatments, can France still hold the rank conferred on it by its status as a permanent member of the Security Council? Has France still got the military capability to operate a wide-ranging foreign policy? We can reply positively to these questions, but for how long?
- Le soldat, incarnation du tragique du monde - Jean-Louis Georgelin p. 23-27 La légitimité du soldat et sa place unique dans la société tiennent à son acceptation du sacrifice de sa vie et de la possibilité de tuer au nom des intérêts supérieurs de l'État. C'est dans la « civilianisation des esprits » que réside le danger de son effacement.Soldiers' legitimacy, and their unique place in society, come from their acceptance of sacrificing their lives and the possibility of killing in the name of the State's higher interests. “Civilianisation” of the role presents a danger of the legitimacy being lost.
- La fin d'un rôle politique - Philippe Vial p. 29-41 Aujourd'hui, plus personne en France ne redoute ou n'espère un coup de force militaire. Il n'est plus d'officier général pour incarner un possible homme providentiel ou faire figure de factieux potentiel. Au regard de l'histoire nationale, cette double évidence n'en est pas une. La fin dramatique de la IVe et les débuts tumultueux de la Ve témoignent d'une tradition aussi ancienne que la République, de Brumaire au 2 décembre, de Mac Mahon à Pétain. Pourquoi ce rôle politique de l'armée, de certains de ses chefs en tout cas, qui a distingué la France, même quand la démocratie y semblait définitivement acclimatée ? Et comment expliquer la rupture observée depuis la fin de la guerre d'Algérie, acquis essentiel mais méconnu des cinquante dernières années ? À défaut de livrer un diagnostique définitif, cet essai d'interprétation propose une approche globale d'une question que les historiens sont encore loin d'avoir épuisée.Nobody in France now fears or hopes for a coup by the military. It is no longer commonplace to invest a person with possibly being “the man we need” or to see someone as potentially seditious. The republican tradition has reached a new maturity.
- Présidents et généraux sous la Ve République - Samy Cohen p. 43-52 Le débat autour des rapports entre le pouvoir politique et l'armée dans une démocratie renvoie généralement à deux postulats majeurs : la prééminence du pouvoir civil sur les militaires, mais aussi la capacité du pouvoir civil de décider en connaissance de cause, et non en avalisant purement et simplement les avis de l'état-major. Mais comment analyser ces rapports sans verser dans la dénonciation souvent complaisante des dangers du « pouvoir militaire » ou de l'« incompétence » endémique des civils ?Discussions about relationships between the governmental authorities and armed forces in a democracy generally come down to two major premises: the primacy of civil power over the military, and the ability of the civil authorities to take decisions by knowing what they are dealing with, and not by simply accepting the opinions of the high command. It may, however, be asked how we can analyse these relationships without lapsing into—often self-serving—denunciation of the dangers of military power, on the one hand, or of the endemic incompetence of civilians, on the other?
- L'état militaire : aggiornamento ou rupture ? - Jean-Marie Faugère p. 53-63 L'époque est aux ruptures et l'institution militaire n'échappe pas au phénomène : missions d'un type nouveau, environnement bouleversé, adversaires incertains et insaisissables, technologie envahissante, coûts exorbitants, médias omniprésents… Le soldat se pose la question de son utilité et aussi de sa spécificité face à ces bouleversements qui ne suscitent aucun débat public dans les opinions comme au sein des sphères du pouvoir. La défense militaire du territoire et des populations ne semble plus être la priorité, alors même que les armées ne sont plus dimensionnées pour y répondre, même collectivement, en Europe. Parallèlement, l'aspect sacré de la mission se délite sous une apparente banalisation de l'état militaire, l'évaporation du soldat du paysage national et l'effacement du « commandement » dans l'appareil d'État accentué en partie par son absence d'expression publique sincère… Dans ces conditions, le soldat doit-il se résigner, s'isoler ou s'adapter tout en entretenant par nécessité les valeurs qui fondent l'état militaire ? La réponse appartient aux responsables politiques, certainement, mais qui doivent rester à l'écoute d'une hiérarchie militaire consciente de ses responsabilités et de la portée de ses convictions.This is the era of clean breaks, and the military cannot escape the phenomenon. There are new tasks to be undertaken, an environment turned upside down, uncertain or unfathomable adversaries, technological ramifications, horrific costs, and the media everywhere! Soldiers wonder about their usefulness and also about their specific role in the face of these upheavals. No discussion of the matter is being undertaken among the general public or in the circles of power. Military defence of the country and its inhabitants no longer seems to be a priority, and armed forces are no longer designed to meet those concerns, even collectively, in Europe. At the same time, what was the sacrosanct aspect of the task crumbles when faced with visible demystification of the military, the disappearance of soldiers from the national landscape and the erasure of “command” from the State apparatus; this is partly exacerbated by a lack of sincere statements from governments. Given these circumstances, should a soldier resign himself to the situation, keep apart or adapt, while necessarily subscribing to the values underlying the status of the military? The answer is politicians' responsibility, certainly, but they must continue to listen to the officers and high command, aware of those people's responsibilities and the extent of their convictions.
- La « grande invisible ». Du soldat méconnu au soldat inconnu - Hervé Pierre p. 65-73 L'armée n'a jamais été à la fois autant appréciée et pourtant aussi peu visible. Le « parcours de la reconnaissance » que décrit le philosophe Paul Ricœur offre un outillage conceptuel intéressant pour tenter de dépasser cet apparent paradoxe. Bien que reconnue dans sa singularité d'acceptation du sacrifice suprême, l'armée demeure néanmoins négligée par un corps social qui méconnaît en profondeur sa raison d'être. Cette reconnaissance sans connaissance est dangereuse. La gratitude dont témoignent aujourd'hui les sondages pourrait en effet s'effondrer en l'absence de circonstances particulières mettant en valeur l'éclat de l'action militaire. Le soldat aujourd'hui méconnu pourrait bien se transformer en soldat inconnu. Inconnu non dans le sens établi de représentant une totalité nationale, à l'image du poilu inhumé sous l'Arc de Triomphe, mais au contraire comme expression du néant qui caractériserait un espace public vidé de sa substance.The armed forces have never been so much appreciated and yet so poorly visible. The “journey of recognition” described by philosopher Paul Ricœur gives us a conceptual toolkit which is interesting because it attempts to overcome this apparent paradox. Although the forces are recognised for being unusual in accepting the supreme sacrifice, they are nevertheless neglected by society, which profoundly misjudges the rationale for soldiering. This knowledge-free recognition is dangerous. The gratitude now shown by surveys could evaporate in the absence of specific circumstances bringing to the fore the brilliance of military action. Soldiers who are now poorly known could well become soldiers who are unknown: not unknown soldiers in the established sense of an individual representing a national force—like the World War I squaddie buried under the Arc de Triomphe—but, on the contrary, in the sense that nothing is known of the reality that characterises the public phenomenon.
- Le militaire, entre socialisation accrue et perte d'influence - Jean-Marc de Giuli p. 75-90 Cet article prend acte de l'évolution opposant à une lente « socialisation » des militaires une non moins lente mais réelle marginalisation de ses élites. Pour le premier constat, il analyse la double caractéristique d'exemplarité et de singularité d'une communauté militaire, puis les transformations qui conduisent à la structuration et à l'intégration sociétale de cette dernière. Il explique le second par une désacralisation progressive du métier des armes, aboutissant à la primauté actuelle de préoccupations économiques et sociales, et par les ruptures professionnelles, éthiques et intellectuelles subies par les armées dans la seconde partie du siècle dernier. Condamnée par l'histoire, à contre-courant des réalités actuelles, la « technicisation » des leviers de l'action militaire et publique doit laisser place à une association propre à renforcer notre capacité à affronter les défis qui nous attendent.This article recognises the development that contrasts a slow socialisation of soldiers with a marginalisation that is no less slow of their élites. For the first observation, it analyses the two characteristics of a military community: having an exemplary nature and being unusual. It then looks at the transformations that lead to structuring and social integration of the community. It explains the second observation by progressive disappearance of mystique in the profession of soldiering, resulting in the current primacy of economic and social concerns, and by the sharp occupational, ethical and intellectual about-turns undergone by armed forces in the second half of the last century. The increasingly technical nature of instruments used by military and public action having been condemned by history, as running against the tide of current realities, the transformation should be replaced by an association that can strengthen our ability to confront the challenges awaiting us.
- Les militaires sont-ils des incompris ? - Jean-Luc Cotard p. 91-99 Il est facile d'aborder la place du militaire dans l'espace public avec une étude de l'environnement. Plus difficile est d'aborder les facteurs endogènes qui limitent la capacité de rayonnement des armées. Cet article, sans chercher à faire preuve d'une démarche sociologique, permet de simplement constater que les militaires ne sont pas assez conscient de leur potentiel d'action, qu'ils ne travaillent pas assez dans la durée et que les modalités de gestion des personnels, notamment des officiers, génère des effets pervers importants.It is easy to look at solders' place in society by studying the setting. It is more difficult to study endogenous factors limiting armed forces' ability to extend their influence. Without seeking to constitute a sociological initiative, this article simply enables us to note that solders' are insufficiently aware of their potential to act, that they do not work enough over the whole period and that the personnel-management arrangements, particularly in the case of officers, produce major perverse effects.
- Internet : une autre manière de rester socialement invisible ? - Michel Sage p. 101-109 Des études sociologiques récentes portant sur les nouvelles sociabilités numériques ont démontré qu'Internet offrait une forme originale d'espace public. Certains militaires s'y sont spontanément exprimés à travers la création d'un blog ou la participation à des forums de discussion spécifiques. Or leur parole semble aujourd'hui davantage relayée par d'autres acteurs civils, médiatiques et associatifs, ce qui a pour effet de les reléguer insensiblement à une forme de « cantonnement numérique ». En effet, si elle s'adapte particulièrement bien au communautarisme inhérent au grand fourre-tout qu'est l'espace public numérique, la spécificité militaire, marquée sur le Web par un repli sur un entre soi convivial et identitaire d'arme ou de spécialité, contribue à pérenniser l'invisibilité sociale des militaires, même si c'est sous une forme nouvelle et technologiquement innovante.Recent sociological studies relating to the new digital social media have shown that the Internet provides an unusual type of public forum. Some people in the military have proactively used the Web as a means of expression, by creating blogs or participating in specific chatrooms. What they are saying now seems to be increasingly taken up by other people—civilians, media communicators and associations—with the result that they are imperceptibly relegated to a form of “digital ghettoisation”. If the specifically military element adjusts particularly well to the formation of community groups that characterises the public-space rag-bag of the Internet, that element, characterised in cyberspace by withdrawal into a matey identification with those dealing with similar weapons or specialities, is helping perpetuate soldiers' social invisibility, even if it is in a new and technologically innovative form.
- Les jeunes et l'armée - Barbara Jankowski p. 111-115 La place des armées dans l'espace public se réduit, entraînant un risque d'isolement des militaires dans un monde aux valeurs postmodernes. Cet article met à l'épreuve ces assertions en les appliquant aux relations des jeunes avec les armées. Il passe en revue les arguments relatifs au déclin des armées sur le territoire, à la nostalgie du service militaire. Il s'interroge sur les valeurs des jeunes telles qu'elles apparaissent dans une récente étude, en éclaire l'évolution et constate que ces dernières n'ont pas changé dans un sens absolument étranger à celles en vigueur dans l'institution militaire.The place occupied in public consciousness by the armed forces is declining, leading to the risk of soldiers being isolated in a world with postmodern values. This article puts these assertions to the test by applying them to young people's relationships with the military. It reviews the arguments relating to the decline of armed forces in France and to nostalgia for military service. It asks about the values of young people as shown by a recent study, highlights developments and notes that the changes in those values are not totally different from those at work in the military itself.
- À propos de quelques perceptions des armées par les jeunes issus des quartiers populaires - Elyamine Settoul p. 117-122 La plupart des recherches sur la défense tendent à aborder la jeunesse comme une entité relativement homogène. Cet article explore la perception du monde militaire par des segments de jeunes ayant comme dénominateur commun d'être issus de quartiers populaires et/ou de minorités visibles. Il décrypte l'ambivalence de l'imaginaire que ces derniers associent à la sphère des armées. Ces représentations mettent simultanément en balance une rhétorique de la dette ancrée dans l'histoire coloniale et une identification positive aux valeurs qui fondent les ethos militaires.Most of the research studies on defence tend to treat young people as a relatively homogeneous group. This article explores perceptions of the military world as seen by groups of young people whose common feature is that they come from working-class districts and/or from visibly minority communities. It decodes the ambivalence implicit in what these groups imagine about the military world. These views involve a balance between the rhetoric of a debt rooted in colonial history and a positive identification with the values underlying the military ethos.
- Le désintérêt du grand public - Jean Guisnel p. 123-135 Le « grand public », entité à bords flous que l'on pourrait parfois confondre avec l'« opinion publique », ne s'intéresse que peu au monde militaire. Le lien étroit entre la nation et les armées ayant été profondément remis en cause par la fin du service national, nos concitoyens ne réagissent de manière épidermique qu'aux grands événements que médiatisent les télévisions. Les morts au combat deviennent des victimes, à l'instar de celles d'une catastrophe, et se trouvent traités comme telles par la classe politique. Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions que des familles de soldats morts au combat recherchent auprès de la justice la reconnaissance officielle de ce statut de victime. Une attitude qui vient ébranler encore davantage ce fameux consensus dont jouirait la politique de défense française, beaucoup moins solide qu'il n'y paraît.The “general public”—a rather vague concept that can sometimes correspond to “public opinion”—is not much interested in the military world. As the close link between the nation and the armed forces has been to a great extent disrupted by the end of national service, our fellow citizens react viscerally only to the great events that can be seen on television. Those who die in combat have become “victims”, like people hit by a disaster, and politicians tend to treat them as such. In these circumstances, we should not be surprised that the families of soldiers who die in combat seek official recognition of their victim status from the judicial authorities. This attitude is further undermining the much-cited consensus supposedly enjoyed by France's defence policy; it is much less robust than it seems.
- Un régiment. Une ville. Le 8e RPIMA et Castres - Éric Chasboeuf, Pascal Bugis p. 137-141 Gérard Longuet se félicitait récemment de la symbiose entre le 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine (rpima) et la ville de Castres. Bien plus que d'une qualité des relations, c'est bien d'une réelle et profonde affection qu'il s'agit et dont les bénéfices sont gages d'avenir pour l'unité. Tant et si bien que l'attachement à la ville de Castres fait désormais partie intégrante de l'esprit de corps propre au 8 et que Castres se définit avec fierté comme la marraine du régiment. Loin d'être le premier employeur local, le régiment n'est pas uniquement considéré comme une masse salariale ou un outil d'aménagement d'un territoire sinistré, mais bien comme un réel partenaire du développement économique et un atout démographique. La force locale de ce lien armée-nation se traduit dans l'implication de tous les élus par le financement des infrastructures lourdes permettant de pérenniser l'activité parachutiste dans le Tarn. Profondément attachés à leur garnison, les marsouins-parachutistes y trouvent au quotidien la preuve que leur engagement au service du pays a un sens.Gérard Longuet, France's Minister of Defence, recently said he was happy with the symbiosis between the 8th RPIMa and the regiment's home town of Castres. There was much more to it than having a good relationship; it was a real and deep affection, with the benefits providing assurances for the regiment's future. The soldiers' attachment to the town is now so great as to be an integral part of the regiment's esprit de corps, and Castres proudly calls itself the regiment's mother-substitute. Being far from the largest local employer, the regiment is not seen just in terms of the wages it provides or as a factor assisting town planning in a blighted area, but as a real partner in economic development and an asset in demographic terms. This local strength of the army-nation connection results in all the locally elected politicians being concerned about finance for substantial infrastructure projects enabling the paratroopers' activities to continue in the département of Tarn. The marine-paratroopers are deeply attached to their garrison and find, on a daily basis, proof that their commitment to serve the country has direction.
- Qu'est-ce que le service militaire adapté ? - Dominique Artur p. 143-150 Créé en 1961, le service militaire adapté (sma) est aujourd'hui un organisme de formation à caractère éducatif et professionnel qui offre à quatre mille jeunes ultramarins en échec social un parcours adapté, complet, cohérent et rapide jusqu'à l'insertion. La pédagogie proposée est fondée sur la rupture que supposent l'acte de volontariat sous statut militaire et la vie en internat. En plus du permis de conduire et de la formation aux premiers secours, le stage s'articule autour de trois composantes : la formation humaine et citoyenne, la formation scolaire et la formation professionnelle. Si le caractère militaire du parcours concourt prioritairement à son succès, sa finalité n'est nullement de former des soldats professionnels aptes à servir dans les régiments des forces ; cela travestirait la mission et aboutirait à l'échec. Clairement positionné entre formation initiale et formation continue, le sma accompagne des décrocheurs et des découragés vers une intégration citoyenne, active et responsable, avec des chances optimales de réussite. En 2014, il accueillera six mille volontaires.sma, or France's Appropriate Military Service, was established in 1961, and it is now a training body with an educational and professional nature, providing 4,000 young people a year from France's overseas possessions who have encountered social failure with an appropriate, comprehensive, consistent and quick route to enter employment. The educational programme on offer is based on the clean break implied by leaving a boarding school and volunteering for a military status. In addition to providing a driving licence and training in first aid, the course has three components: human and citizen training, educational aspects and occupational training. While the military nature is a priority in contributing to success of the programme, its ultimate purpose is not at all to train people as professional soldiers able to serve in a regiment; that would misrepresent the task and lead to failure. sma is clearly positioned between basic training and continuing training, supporting integration into adult life as active and responsible citizens, with a maximum chance of success for both those who succeeded and those who were initially discouraged. In 2014, it will take in 6,000 volunteers.
- Essor et renouveau d'une administration régalienne - Jean-Michel Mantin p. 151-163 Dans l'histoire des institutions, l'administration militaire, « créée dans l'armée et pour l'armée » ainsi qu'elle fut définie à son apogée, au XIXe siècle, occupe une place singulière. Matrice de l'administration moderne depuis l'Antiquité, elle fut pour notre pays, du XVIIe au XIXe siècle, le creuset et le modèle de développement de l'État. Si, pendant la période contemporaine et malgré les guerres mondiales, elle a pu sembler peu à peu se reposer sur ses lauriers, face à l'extraordinaire diversification de nouvelles activités régaliennes, les réformes actuelles ont confirmé son caractère irréductible, fondé sur les besoins bien particuliers des armées et des soldats. S'appuyant enfin sur une véritable dynamique d'interarmisation et cherchant aux meilleures sources, aujourd'hui civiles, les innovations à adapter au monde militaire, elle offre sans aucun doute une nouvelle chance à l'armée, unifiée et transcendant ses clivages historiques, de peser sur les politiques publiques et sociétales qui la concernent.In the history of institutions, military administration “created in and for the army” as it was defined at its height, in the 19th century, occupies a remarkable place. As the pattern for modern administration since antiquity, it was, for France from the 17th to the 19th centuries, the crucible providing a model for the State's development. While, in contemporary times, and in spite of world wars, it may gradually have come to be seen as resting on its laurels, given the extraordinary diversification of new sovereign activities, current reforms have confirmed the unalterable nature of military administration, based on the very specific needs of armed forces and of soldiers. Relying on a real boost from pooling resources between army, navy, air force and gendarmerie, and seeking the best sources—now civil—and innovations to ensure suitability for the military, administration of the forces no doubt gives the armed forces—unified and overcoming historic divisions—an opportunity to influence government and social policies that affect them.
- Le service de santé des armées : histoire, enjeux et défis - Patrick Godart p. 165-175 Le service de santé des armées occupe une place singulière à la fois auprès des forces armées et dans le vaste espace public qui est le sien : la santé publique. Cette place originale a fortement évolué depuis sa création. À l'origine conçu pour les armées royales, il s'agissait non pas tant de soutenir les forces expéditionnaires que de constituer de fait un vrai réseau de santé publique sur le territoire national destiné à maintenir en condition le capital humain et militaire représenté par les jeunes générations masculines. Ce rôle a été structurant à une époque où la santé publique n'existait pas et où la médecine était balbutiante. L'œuvre historique du service de santé fut également de créer de toutes pièces des disciplines devenues aujourd'hui les piliers de l'espace public sanitaire : la médecine des collectivités, la lutte contre les grandes endémies, l'épidémiologie, l'instruction sanitaire, la constitution d'équipes d'intervention médicales et de stocks médicaux pour les crises…La fin de la conscription, les évolutions sociologiques, mais également l'irruption brutale de la finance dans la santé ont profondément bouleversé l'espace public de la santé en France. L'enjeu pour lui est désormais de parvenir à réaliser la synthèse entre les évolutions de la santé publique (privatisation, rentabilité, industrialisation des processus) qui lui sont imposées et les incompressibles exigences du soutien des forces armées.The armed forces' health service occupies an unusual position in relation to both the military and its public role: public-sector health provision. That position has developed considerably since the service was established. It was originally designed to serve the French monarchy's armies: not so much to support expeditionary forces as to form a real public-health network in France, intended to keep the military's human-capital resources—primarily young men—in good condition. This role was formative at a time when public-health provision was non-existent and medicine was in its infancy. That historic creation of the service also involved creating, from scratch, the disciplines that have now become pillars supporting public health: community medicine, combating major endemic diseases, epidemiology, health education, forming medical-intervention teams and building up medical stocks in anticipation of crises. The end of conscription, together with sociological developments and the sudden emergence of financial considerations in health matters, have dramatically shaken up public-health provision in France. What now matters in this area is to succeed in reconciling developments that have been imposed in the public-health field (privatisation, cost-effectiveness and industrialisation of procedures) with the irreducible requirements of support for the armed forces.
- De la fin de la guerre à la fin de l'armée - François Lecointre p. 177-182 L'évaporation de l'échéance guerrière qui, pendant des siècles, a rythmé la vie de la société française, se traduit depuis deux décennies par une transformation radicale des armées, qui passe inaperçue car comprise comme une simple série de modernisations et d'adaptations techniques destinées à prendre en compte à la fois les contraintes budgétaires et l'évolution technologique des équipements. Il convient de rétablir la relation de causalité entre l'emploi et l'outil pour bien mesurer l'étendue de ces mutations avant de prétendre juger de leur pertinence.The disappearance, after centuries, of a warrior period in the lives of French people has resulted over the past two decades in a radical transformation of the armed forces. It has gone unnoticed, because it was bound up with modernising changes and technical adjustments intended to accommodate both expenditure constraints and technological developments in equipment. Before assessing the extent of the changes and judging their relevance, we should re-establish the cause-and-effect relationship between employment and the tool employed.
- « La Suisse n'a pas d'armée, elle est une armée ! » - Dominique Juilland p. 183-195 La force armée et la défense se trouvent d'emblée au cœur des préoccupations des fondateurs de la Suisse, comme l'atteste le pacte fédéral de 1291. Ce pacte d'assistance militaire confie la défense de l'indépendance du pays à l'ensemble des citoyens, donnant ainsi naissance à l'armée de milice. Durant plus de sept cents ans, cette armée est le ciment de la nation, un moteur d'intégration des différentes langues et cultures constituant la Suisse, et un fort facteur d'identification dans la mémoire collective. Ce rôle n'est jamais réellement remis en question jusqu'en 1990. Aujourd'hui, la Suisse se trouve à un carrefour et quelle que soit la voie qu'elle choisira (autonomie et neutralité armée, accords bilatéraux ou intégration dans une union supranationale), celle-ci influera sur le rôle futur de l'armée dans l'espace public et l'appareil de l'État.Armed force and defence appeared immediately at the heart of concerns for Switzerland's founders, as shown by the federal pact of 1291. That military-assistance pact entrusted the country's defence of its independence to all its citizens, thus producing a militia. For over 700 years that army was the cement holding the nation together, a force driving inclusion of the various languages and cultures constituting Switzerland, and a strong identifying factor in the collective memory. That role was never really questioned until 1990. Switzerland now finds itself at a crossroads, and whichever road the country chooses (autonomy and armed neutrality, bilateral agreements or integration into a supranational union) it will influence the armed forces' future place in society and in the State apparatus.
- De la puissance en général et de la puissance militaire en particulier - François Scheer p. 13-22
Pour nourrir le débat
- Imaginaires du militaire chez les Français - André Thiéblemont p. 197-207 Aujourd'hui, il existe dans l'espace public un imaginaire du militaire radicalement nouveau. Construit depuis plus d'un quart de siècle aux échos de soldats français opérant dans Beyrouth ou Sarajevo et maintenant en Afghanistan, le soldat y est aperçu dans la guerre, mais il ne la fait pas. Victime plutôt que héros, défenseur plutôt que conquérant, il est voué à protéger des populations. C'est, semble-t-il, de cet imaginaire nouveau que l'armée française tire principalement ses ressources de bonnes opinions. En contrepoint de ces représentations vertueuses du soldat, voici qu'avec L'Art français de la guerre Alexis Jenni fait ressurgir cet imaginaire d'un militaire suppliciant le colonisé qui naguère se répandit parmi les élites de notre pays. La figure d'un vieux parachutiste repenti l'incarne, victime lui-même de la « pourriture coloniale », récitant avec bonheur la « camaraderie sanglante », l'art de tuer au couteau, d'incendier ou de torturer l'indigène. Le prix Goncourt couronnant l'œuvre et la critique la célébrant attestent de la persistance dans notre pays de cette vision mortifère du militaire.There is now, in society, a radically new idea of military life. The image was constructed over a quarter of a century ago, reflecting the experiences of French soldiers operating in Beirut or Sarajevo, or those now in Afghanistan. Soldiers are seen as in a war situation, but not fighting. They are victims rather than heroes, defenders rather than conquerors, dedicated to protecting local populations. It is, it seems, basically this new image that is responsible for the good opinions of the French armed forces. As a counterpoint to these representations of soldiers as virtuous, Alexis Jenni, in L'Art Français De La Guerre, reminds us of the image that was widespread until recently among France's elites: of soldiers torturing colonised people. This is personified by the picture of an old and penitent paratrooper, himself a victim of the “colonial rottenness”, talking happily about the “bloody camaraderie”, the art of killing with a knife, starting fires and torturing the native population. The Prix Goncourt awarded to the book, together with the review extolling it, attest to the persistence in France of this deadly view of soldiers.
- Alexis Jenni et la méthode historique - François Cochet p. 209-213 À travers le récent succès littéraire et médiatique de L'Art français de la guerre et à l'occasion d'un entretien de la rédaction d'Inflexions avec son auteur, il est intéressant de confronter ses références et ses savoirs, en phase avec ceux de la société française contemporaine, à ceux des historiens. Si la création littéraire peut se révéler féconde pour l'historien, il est des moments où elle entre en contradiction avec les méthodes et les savoirs de l'univers historique. Cet article tente de montrer ces distorsions.Through the recent literary and media success of L'Art Français De La Guerre, and on the occasion of a meeting between the author and the editors of Inflexions, it is interesting to compare Jenni's reference works and his knowledge—which are consistent with those of contemporary French society—with those of historians. While literary creations can prove fruitful for historians, there are times when they contradict the methods and knowledge of academic historians. This article tries to show these discrepancies.
- Imaginaires du militaire chez les Français - André Thiéblemont p. 197-207
Translation in English
- Power in general, and military power in particular - François Scheer p. 215-223 Lorsque le président de la République, chef des armées, observe que « la défense est le fer de lance de notre diplomatie, de notre sécurité, de notre rang », il exprime au regard de l'histoire séculaire de notre pays une vérité d'évidence : les armes n'ont pas ou peu compté dans la conquête par la France, siècle après siècle, de son statut de grande puissance, statut qu'elle a préservé jusqu'au XXe siècle en restant une puissance militaire. Cette vérité d'évidence vaut-elle encore pour la France du XXIe siècle ? Avec des forces armées qui depuis cinquante ans ont subi quelques sévères cures d'amaigrissement, la France peut-elle encore tenir le rang que lui confère son statut de membre permanent du Conseil de sécurité ? A-t-elle toujours la capacité militaire d'une diplomatie tous azimuts ? À ces questions, on peut aujourd'hui répondre affirmativement, mais jusqu'à quand ?When the President of France, as head of the armed forces, observes that defence is the spearhead of our diplomacy, of our security, and of our rank, he is expressing a self-evident truth from the perspective of our country's secular history: weapons have played little or no part in France's winning, century after century, the country's status as a great power: one it maintained up to the 20th century by remaining a military power. Is that self-evident truth still valid for France in the 21st century? With the armed forces having, for 50 years, undergone some severe weight-loss treatments, can France still hold the rank conferred on it by its status as a permanent member of the Security Council? Has France still got the military capability to operate a wide-ranging foreign policy? We can reply positively to these questions, but for how long?
- From the end of war to the end of the military - François Lecointre p. 225-230 L'évaporation de l'échéance guerrière qui, pendant des siècles, a rythmé la vie de la société française, se traduit depuis deux décennies par une transformation radicale des armées, qui passe inaperçue car comprise comme une simple série de modernisations et d'adaptations techniques destinées à prendre en compte à la fois les contraintes budgétaires et l'évolution technologique des équipements. Il convient de rétablir la relation de causalité entre l'emploi et l'outil pour bien mesurer l'étendue de ces mutations avant de prétendre juger de leur pertinence.The disappearance, after centuries, of a warrior period in the lives of French people has resulted over the past two decades in a radical transformation of the armed forces. It has gone unnoticed, because it was bound up with modernising changes and technical adjustments intended to accommodate both expenditure constraints and technological developments in equipment. Before assessing the extent of the changes and judging their relevance, we should re-establish the cause-and-effect relationship between employment and the tool employed.
- Power in general, and military power in particular - François Scheer p. 215-223
Comptes rendus de lecture
- Comptes rendus de lecture - p. 231-239