Contenu du sommaire : L'action militaire, quel sens aujourd'hui ?
Revue | Inflexions |
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Numéro | no 36, 2017/3 |
Titre du numéro | L'action militaire, quel sens aujourd'hui ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Thierry Marchand p. 7-10
Dossier
- Le nœud gordien - Jean-René Bachelet p. 11-27 En 1991, quand disparaît l'Union soviétique et, avec elle, le monde bipolaire, la France, pour la première fois de son histoire contemporaine, ne se connaît plus d'ennemi. Dans le même temps, pourtant, ses soldats se trouvent engagés, comme jamais auparavant depuis trois décennies, dans des conflits inextricables. Quel sens peut avoir cet engagement quand la « survie de la nation » n'est plus en jeu ? En 1999, un document intitulé « L'exercice du métier des armes dans l'armée de terre », sous la signature du chef d'état-major de l'armée de terre, le général Mercier, veut y répondre. Face à la violence déchaînée, il établit la légitimité de l'usage de la force dont l'armée est investie au nom de la nation, une force efficiente, maîtrisée, en référence à nos valeurs de civilisation, fondatrices de la France. Aujourd'hui a ressurgi l'ennemi, au cœur même de nos sociétés. Les principes énoncés voici bientôt deux décennies en seraient-ils invalidés ?In 1991, when the Soviet Union disappeared and the bipolar world with it, France, for the first time in its modern-day history, no longer had any known enemies. And yet, at the same time, its soldiers were engaged in more inextricable conflicts than they had ever been for three decades. What purpose might this engagement serve, when the “survival of the nation” is no longer at stake? In 1999, a document on exercising the profession of soldier in the army, written by Army Chief of Staff, General Mercier, set out to answer the question. In the face of unbridled violence, he establishes the legitimacy of using the force invested in the army in the nation's name—a force that is efficient and controlled—by referring to the values of civilisation that underpin France. Today the enemy has reappeared in the very heart of our societies. Will the principles laid down nearly two decades ago be invalidated?
- Société héroïque et société posthéroïque : quel sens pour l'action ? - Monique Castillo p. 29-37 On peut parler de société « posthéroïque » de deux manières. La première caractérise un pacifisme qui croit révolu le temps des guerres. La seconde regarde la course à l'innovation technologique comme ce qui peut libérer l'homme de la condition humaine. La réalité militaire contraint de poser, par-delà l'estimation de sa performance, la question du sens de l'action.There are two ways of talking about “post-heroic” society. The first is typical of a pacifism that believes wars are a thing of the past. The second sees the race for technological innovation as a means of setting mankind free from the human condition. The reality of military concerns obliges us to ask the question of the purpose of military action, over and beyond any consideration of its performance.
- Rationalité éthique et maîtrise de la violence armée - Armel Huet p. 39-53 Les évolutions et les circonstances des guerres ne peuvent que modifier le sens de l'action militaire, constamment sommée de s'adapter. En revanche, elles ne modifient en rien l'exigence éthique de la maîtrise de la violence qu'elle doit y inscrire, et sans laquelle elle perd sa contribution à la construction de la société et de la paix. Il revient donc au militaire et à son institution de créer les conditions concrètes et les moyens adaptés pour préparer à exercer cette maîtrise de la violence, et à l'assurer dans les situations de guerre et d'affrontements violents. Le militaire a le secours et l'obligation de la légalité. Il lui revient aussi de conquérir et d'affirmer sa légitimité. C'est ainsi qu'il peut contribuer à la construction sociale permanente, aux entreprises et aux efforts de civilisation de l'humanité.The developments and circumstances of wars inevitably change the purpose of military action, which is constantly ordered to adjust. However, they change nothing in the ethical requirement to control the violence it has to use, and without which it loses its contribution to building society and peace. It therefore lies with the military and its institution to create the concrete conditions and the appropriate resources for preparing to exercise this control over violence, and deploy it in situations of war and violent confrontations. The military are supported by and bound by legality. It also lies with the military to conquer and assert its legitimacy. This way, it can contribute to permanent social construction and to humanity's undertakings and striving for civilisation.
- La finalité de la guerre est-elle la paix ? Plaidoyer pour la politique - John Christopher Barry p. 55-65 « Je vais vous dire ce qu'est la guerre », confie le général américain Curtis LeMay dans un entretien après la Seconde Guerre mondiale : « Vous devez tuer des gens, et quand vous en avez assez tué, ils s'arrêtent de se battre. » La formule de Clausewitz, devenue lieu commun, ouvre cependant la perspective d'un autre horizon, mais qui est paradoxal. Car bien que la guerre prolonge la politique par d'autres moyens, elle s'en distingue. Le recours à la force, afin d'atteindre une finalité politique qui ne serait pas la guerre, doit réaliser en quelque sorte son contraire, c'est-à-dire la paix. Aujourd'hui plus que jamais, les guerres sont devenues, non pas des affrontements entre deux armées permanentes, dans un duel de puissance de feu, mais des guerres de légitimité, des guerres sur qui peut revendiquer le monopole de la violence légitime dans une communauté politique. La politique, source et cause des conflits armés, serait-elle aussi le seul recours contre la guerre de tous contre tous ?“I'll tell you what war is about,” confided the American general Curtis Le
May in an interview after the Second World War: “You've got to kill people, and when you've killed enough, they stop fighting.” Clausewitz's definition, now a commonplace, nevertheless opens up the prospect of a different, though paradoxical, horizon. Because although war extended politics by other means, it is distinct from it. The use of force to achieve a political purpose other than war must produce the opposite, in other words, peace. Today more than ever, wars are no longer confrontations between two permanent armies in a duel of firepower. They have become wars for legitimacy, wars about who can claim the monopoly of legitimate violence in a political community. Politics is the source and cause of armed conflicts: is it also the sole resort against the war of everyone against everyone? - Légitimité et légalité de l'action militaire - Marc Guillaume p. 67-72 S'interroger sur le sens de l'action militaire impose de déterminer ce qui peut justifier cette action. Or il est tout aussi inconséquent de penser la guerre comme injustifiable que de rechercher le sens de l'action militaire dans le seul renvoi à la légitimité de cette notion. La réflexion doit en la matière fondamentalement renvoyer à la légalité de cette action, tant au plan international qu'au plan interne. Les militaires le savent bien alors que, lorsqu'un officier rejoint son commandement, ses subordonnés reçoivent l'ordre de lui obéir en tout ce qu'il leur commande « pour l'observation des lois et le succès des armes de la France ».Before we can ask ourselves about the purpose of military action, we need to determine what can justify this action. It is just as meaningless to think of war as unjustifiable as to look for the purpose of military action in the legitimacy of the notion alone. Reflection on the matter should refer back to the fundamental legality of this action, both internationally and on the home front. The military are well aware of this, whereas, when an officer joins his command, his subordinates receive the order to obey everything he commands, “to abide by the laws and ensure the success of France's armed forces”.
- De l'épée à l'outil : l'armée, communauté ou instrument ? - Philippe Vial p. 73-84 Parler de l'« outil », qu'il soit militaire ou de défense, plus rarement naval ou aérien, relève désormais du cliché. Le regard de l'historien oblige pourtant à dépasser cette apparente évidence. La métaphore de l'outil n'est devenue usuelle en France que dans les années 1970, prenant l'importance qu'on lui connaît seulement après la guerre froide. Cette historicité de l'expression est néanmoins plus complexe. Dans son principe, la réification de l'armée est consubstantielle à la tradition républicaine. Mais celle-ci ne s'y réduit pas. Elle accueille parallèlement l'exaltation du soldat-citoyen et de la nation en armes, qui conduit à faire de la France une épée. Une assimilation aux antipodes de celle de l'armée simple outil aux mains du politique, qui oblige à relativiser l'évidence de cette image et à s'interroger sur les enjeux de son omniprésence actuelle.Talking about “the tool”, whether it is military or defence, or occasionally the navy or the air force, is now something of a cliché. The historian's task nevertheless requires him to look beyond this seemingly obvious fact. The “tool” metaphor came into common use in France only in the 1970s, gaining its current widespread popularity only after the cold war. The expression has a more complex history, though. In principle, the reification of the army is consubstantial with the Republican tradition. But the latter cannot be reduced to the former. It also exalts the soldier-citizen and the nation at arms, which leads to representing France as a sword. This assimilation is a far cry from that of the army as a mere tool in the politician's hands, which obliges us to relativise the obviousness of this image and wonder what it behind its current omnipresence.
- Quel sens pour l'action militaire un siècle après 1917 ? - Benoît Durieux p. 85-97 Les hécatombes de la Première Guerre mondiale ont conduit à une tentative, inédite par son ampleur, de mettre fin à la guerre en la rendant injustifiable, impensable et inutilisable. Ceci a rendu difficile de penser le sens de l'action militaire. Aujourd'hui où la guerre renaît, la tentation est de la rendre indiscernable. Alors que cette tentation accroît le risque de l'affranchir de toute limite, il faut s'interroger sur notre responsabilité dans ce processus.The hecatombs of the First World War prompted an unprecedented attempt to put an end to war by making it unjustifiable, unthinkable and unusable. This made it difficult to think through the purpose of military action. Today, as war returns to the world scene, it is tempting to make it indiscernible. As this temptation heightens the risk of setting it free from any limitations, we need to question our responsibility in this process.
- Paix-guerre : le monde selon André Beaufre - Hervé Pierre p. 99-115 « Ce n'est plus la paix et pas encore la guerre telle que nous l'envisageons, mais un état intermédiaire que nous appellerons la paix-guerre », écrit André Beaufre en 1939. Développant plus tard cette intuition, l'auteur de la célèbre Introduction à la stratégie fait de la « paix-guerre » la clef de voûte de son architecture conceptuelle en régime de guerre froide. Or le paradigme semble aujourd'hui n'avoir rien perdu de sa capacité herméneutique. L'effacement des contours de ce qui définissait le monde moderne, entre fragmentation et globalisation, donne toute pertinence à l'instrument capable d'envisager paix et guerre non plus comme une alternative mais dans un rapport de modulation. Si les concepts qui produisent un mode d'existence sont le signe d'une époque, la « paix-guerre », à défaut d'être tout à fait nouvelle, pourrait bien être celui qui caractérise la nôtre.“It is no longer peace and not yet war as we imagine it, but an intermediate state that we will call peace-war,” wrote André Beaufre in 1939. Later, as he expanded on this intuition, the author of the renowned An Introduction to Strategy made “peace-war” the cornerstone of his conceptual architecture in a cold war system. Today, the paradigm seems to have lost nothing of its hermeneutic capacity. Blurring the outlines of what defined the modern world, between fragmentation and globalisation, makes this a very useful instrument, capable of seeing peace and war not as an alternative but in a relationship of modulation. If the concepts that produce a mode of existence are the sign of their time, “peace-war”, while not quite new, may well be the concept that describes our era.
- La nouvelle donne - Didier Castres, Guillaume Roy p. 117-125 Face à un contexte géostatégique nouveau caractérisé par la conjugaison de la mondialisation, de la révolution numérique et de la disparition de l'ordre bipolaire issu de la guerre froide, comment nourrir et structurer les réflexions politico-militaires ? Le général Castres, ancien sous-chef opérations de l'état-major des armées, nous fait part de ses analyses à la lumière de sa longue expérience de la conduite des opérations à l'interface stratégico-politique.Faced with a new geo-static context characterised by a combination of globalisation, the digital revolution and the disappearance of the bipolar order generated by the cold war, how should we nurture and structure politico-military thought? General Castres, former Deputy Chief of Staff for Operations, ema French Defence Staff, shares his analyses in the light of his lengthy experience of conducting operations at the interface between strategy and politics.
- Des estafettes au digital - Olivier Kempf p. 127-138 Le sens de l'action militaire n'a cessé d'évoluer au cours de l'histoire, pour de multiples raisons parmi lesquelles le facteur technique joue un rôle indubitable. C'est ainsi que la communication est devenue essentielle à la conduite de la bataille et qu'elle affecte profondément le sens de l'action. Voici alors apparaître l'informatique, qui a elle-même profondément bouleversé cette fonction de communication. On distingue ici trois bulles successives (cyber, numérique et digitale) qui toutes trois affectent ou affecteront les procédés opérationnels. Et qui, tout aussi logiquement, transforment le sens de l'action, qu'il s'agisse de l'atteinte des objectifs opérationnels ou de l'apparition de nouvelles questions éthiques. La distinction entre une sphère privée et une sphère professionnelle disparaît à grands pas, ce qui aura des conséquences certaines sur la conduite de la bataille. De même, le développement accéléré d'intelligences artificielles posera très vite de graves questions sur la responsabilité du chef et sa qualité première, celle de prendre des décisions. Il est déjà temps de s'interroger.The purpose of military action has constantly evolved over history, for a variety of reasons among which the technical factor plays an undisputed role. Communication has become essential for battle conduct and has a profound influence on the purpose of the action. This is where information technology comes in: it too has radically changed the communication function. We can make out three successive stages here (cyber, numerical and digital), which all affect or will affect operating procedures. And, as is only logical, they will transform the purpose of the action, whether it concerns the achievement of operational objectives or the emergence of new ethics issues. The distinction between a private sphere and a professional sphere is fast disappearing, and this will have definite consequences on battle conduct. Likewise, the accelerated development of artificial intelligences will very soon pose serious questions about the responsibility of the commanding officer and his main quality: decision-making. It is high time we started asking questions.
- Le rempart fissuré - Brice Erbland p. 139-143 Le soldat qui est engagé en opération, en guerre, quitte son environnement naturel avec le soutien émotionnel de ses proches qui s'inquiètent pour lui. Il risque sa vie et les siens honorent ce risque par une peur attentionnée. Mais la menace du terrorisme islamiste rebat les cartes. Désormais, le soldat en opération peut avoir peur pour sa famille, en danger à tout instant sur le territoire national sans qu'il ne puisse être présent pour les protéger. Que devient alors son sens de l'engagement intrinsèquement fondé sur la protection des siens ? Le rempart national que représentent nos forces armées peut-il se fissurer ?Soldiers engaged in operation, at war, leave their natural environment with the emotional support of their family and friends, who worry about them. They risk their lives and their loved ones honour this risk with considerate fear. However the threat of Islamic terrorism is changing the deal. Now, soldiers in operation can be afraid for their family, in constant danger in France without the soldier being there to protect them. How does this affect soldiers' sense of commitment, intrinsically grounded in the protection of their loved ones? Can the national rampart represented by our armed forces start to crack?
- Vaincre l'hydre de Mossoul - Sébastien Burette p. 145-154 Le terrorisme islamiste incarné par l'ei est aujourd'hui une menace de premier ordre, tant intérieure qu'extérieure, car il se nourrit des faiblesses de nos sociétés contemporaines tout en se servant des outils modernes qu'elles développent pour les atteindre en leur sein. Pour vaincre cet ennemi aux multiples facettes, les opérations de guerre contre ses sanctuaires physiques à l'étranger et le déploiement permanent de patrouilles militaires sur notre sol se sont montrés stratégiquement insuffisants. L'élargissement du combat au champ de bataille immatériel est indispensable pour remporter la victoire. Il s'agirait de renforcer la défense des valeurs qui constituent notre socle national, d'impliquer l'ensemble des citoyens dans la résilience de la nation, tout en contribuant activement à la désintégration morale de notre adversaire. Les forces armées pourraient, grâce à leurs capacités propres et au modèle social qu'elles incarnent, contribuer activement à la réalisation de tels effets, au-delà de leurs missions actuelles sur le territoire national. Cependant, une vision stratégique doit être redéfinie et soutenue avec détermination par le pouvoir politique.The Islamist terrorism embodied by is today a top threat, both inside and outside France, because it feeds on our contemporary societies' weaknesses and uses the modern tools they develop to attack them at home. To overcome this multi-faceted enemy, war operations against physical sanctuaries abroad and the permanent deployment of military patrols on our soil have proved to be strategically insufficient. If we are to win this victory, we will have to extend the combat to the immaterial battlefield. This will mean stepping up the defence of the values that form the bedrock of our nation, involving all citizens in the nation's resilience, and actively contributing to our adversary's moral disintegration. With their own abilities and the social model they embody, the armed forces could play an active part in achieving these outcomes, over and above their current missions within France. However, a strategic vision must be redefined and resolutely backed by the political powers.
- Combattre et développer - Rémy Rioux p. 155-164 Depuis une dizaine d'années, les crises internationales connaissent plus de métastases violentes que de résolutions pacifiques. Confrontés à une profonde mutation des crises, soldats et spécialistes du développement doivent faire évoluer leurs modes d'action et procéder à un rapprochement, déjà entamé. Car de façon inattendue au premier abord, le sens de l'engagement militaire et le sens de l'engagement des acteurs du développement convergent autour d'un défi commun : « gagner la paix ».Over the last 10 years or so, international crises have seen more violent metastases than peaceful resolutions. Confronted with a profound change in the nature of crises, soldiers and development specialists must change their modes of action and work more closely together, a change already under way. In an unexpected way, at first sight, the purpose of military engagement and the purpose of development stakeholders' engagement are converging around a common challenge: “to win the peace”.
- Pourquoi s'engage-t-on ? - Thierry Marchand p. 165-177 L'armée de terre évalue chaque année trente mille jeunes Français et en recrute environ quinze mille. Derrière chaque candidature se cache un champ de motivations complexes qui peut nous en apprendre sur le sens de l'engagement individuel et, par là même, sur la perception collective que cette jeune génération se fait de l'emploi de la force armée. Cette force vive, qui s'appuie à la fois sur des considérations pratiques et sur une aspiration profonde à trouver un sens à l'action, mérite d'être mieux connue et précisément suivie pour permettre à l'institution militaire de rester en phase avec la jeunesse d'aujourd'hui et d'adapter sa militarité aux réalités du « monde digitalisé » qui s'organise sous nos yeux.Every year, the army assesses 30,000 young French people and recruits around 15,000 of them. Behind each application, there is a complex field of motivations that can teach us a lot about why individuals sign up and how this young generation sees the use of the armed forces. This vital force, grounded in practical considerations and a deep-seated aspiration to find a purpose for action, deserves to become better known and closely monitored. This would allow the military institution to remain in phase with today's youth and adapt its militariness to the realities of the digital world taking shape before our eyes.
- Le rôle du chef : donner du sens - Émilien Frey p. 179-185 Dans la rudesse des heurts, dans la douleur de la mort, la conscience ébranlée du soldat recherche invariablement la direction salvatrice à suivre, un cap, un espoir indicible auquel se raccrocher. La tâche du commandement est alors immense et transcende la fugacité du combat : le chef est en effet celui qui prépare les esprits à l'engagement et qui conduit la bataille afin de garantir la résilience collective de la troupe, des âmes et des cœurs. En définitive, le rôle du chef est bien là, être celui qui parvient à donner du sens quand tout semble en être dépourvu.In hard knocks, in the pain of death, the soldier's shaken consciousness invariably seeks a path to salvation, a heading, an indescribable hope to cling to. The commanding officer's task is huge in this case and transcends the fleeting nature of combat: the commanding officer is the one who prepares their minds for engagement and conducts the battle, to secure the collective resilience of the troop, their souls and their hearts. This, finally, is the leader's role, to be the one who manages to give purpose and meaning when everything seems pointless.
- Affronter la guerre d'aujourd'hui sans perdre son humanité - Philippe Barbarin p. 187-191 Dans un article personnel et spirituel, le cardinal-archevêque de Lyon loue l'importance d'une préparation morale aux métiers de la guerre. Car dans ce lieu de l'expérience de la violence, les gens d'armes doivent fortifier des remparts intérieurs, indispensables à la sauvegarde de leur humanité. Mgr Philippe Barbarin présente également ce que signifie la paix dans la religion chrétienne, ses origines dans l'Ancien Testament et ce qu'en dit le Christ lui-même : un don qui vient de Dieu, un commandement divin et, selon l'apôtre Paul, le fruit d'une guerre intime.In a personal, spiritual article, the cardinal-archbishop of Lyon underscores the importance of being morally prepared for military professions. In a profession that involves the experience of violence, men of arms must fortify their inner ramparts, which are essential for protecting their humanity. His Eminence Philippe Barbarin also writes about what peace means in the Christian religion, its origins in the Old Testament, and what Christ himself says about it: a gift that comes from God, a divine command and, according to the apostle Paul, the fruit of an inner battle.
- Le nœud gordien - Jean-René Bachelet p. 11-27
Pour nourrir le débat
- Reconquérir avec l'architecture militaire une place dans la cité - Frédéric Cerdat p. 193-201 La France dispose d'un patrimoine architectural militaire riche et protéiforme, héritage de plus de deux mille ans d'histoire militaire. Au-delà de son intérêt architectural, culturel et historique, ce bâti a profondément imprégné la physionomie et l'organisation spatiale des villes. Il a ainsi constamment porté témoignage de la présence des militaires au cœur de la cité. Toutefois, si l'importance de l'architecture militaire dans la structuration urbaine et dans la mémoire collective apparaît aujourd'hui comme une évidence, sa reconnaissance en tant qu'objet patrimonial n'en est pas moins très récente. Par ailleurs, la redécouverte de ce patrimoine ancien va de pair avec la prise de conscience par l'institution militaire de l'importance de l'architecture militaire contemporaine comme outil de reconquête d'une visibilité urbaine.France has an abundant and varied heritage of military architecture, handed down from over 2,000 years of military history. Over and above its architectural, cultural and historical interest, this built heritage has permeated the physiognomy and spatial organisation of its host cities. It has born constant witness to the presence of the military in the heart of the city. The importance of military architecture in the structuring of the city and in the collective memory appears patently obvious today, but its value as heritage has only recently been recognised. Moreover, the rediscovery of this ancient heritage goes hand-in-hand with the military institution's growing awareness of the importance of contemporary military architecture as a tool for gaining fresh visibility in the urban landscape.
- De la collecte de l'expérience combattante - Christophe Lafaye p. 203-212 La professionnalisation et les multiples engagements actuels de l'armée française posent les questions fondamentales de la préservation de la mémoire opérationnelle et de celle de l'expérience combattante des individus. Ce sont les préalables à l'écriture de l'histoire de ces campagnes. La réalisation préalable d'une enquête de terrain, au plus proche de l'objet d'étude, caractéristique de toute démarche en sciences humaines et sociales, s'avère indispensable. À partir de l'exemple d'un doctorat mené sur l'engagement de l'armée française en Afghanistan, l'auteur aborde la méthodologie particulière de conduite de recherche ainsi que la nécessaire intégration d'un corps d'historiens militaires au sein des unités d'active pour la captation de l'expérience combattante sous peine de subir une amnésie programmée..The professionalisation of the French army and its many current engagements raise the fundamental questions of preserving a trace of its operations and the memory of individual combatant's experience. They are the preliminary steps to writing the history of these campaigns. Conducting a field investigation as close as possible to the object of study is a characteristic feature of any initiative in the human and social sciences, and indispensable in this case. Based on the example of a doctoral study into the French army's engagement in Afghanistan, the author discusses the specific methodology for conducting research, along with the necessary incorporation into a group of military historians within active units, to capture and record combatants' experience and avert a programmed amnesia.
- Reconquérir avec l'architecture militaire une place dans la cité - Frédéric Cerdat p. 193-201
Translation in english
- What is the purpose of military action, a century after 1917? - Benoît Durieux p. 213-226 Les hécatombes de la Première Guerre mondiale ont conduit à une tentative, inédite par son ampleur, de mettre fin à la guerre en la rendant injustifiable, impensable et inutilisable. Ceci a rendu difficile de penser le sens de l'action militaire. Aujourd'hui où la guerre renaît, la tentation est de la rendre indiscernable. Alors que cette tentation accroît le risque de l'affranchir de toute limite, il faut s'interroger sur notre responsabilité dans ce processus.The hecatombs of the First World War prompted an unprecedented attempt to put an end to war by making it unjustifiable, unthinkable and unusable. This made it difficult to think through the purpose of military action. Today, as war returns to the world scene, it is tempting to make it indiscernible. As this temptation heightens the risk of setting it free from any limitations, we need to question our responsibility in this process.
- What is the purpose of military action, a century after 1917? - Benoît Durieux p. 213-226
Comptes rendus de lecture
- Comptes rendus de lecture - p. 227-236