Contenu du sommaire : Droit et psychiatrie
Revue | Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux |
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Numéro | 2014 |
Titre du numéro | Droit et psychiatrie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Jean-Manuel Larralde, Marie-Joëlle Redor-Fichot p. 7-8
La réforme des soins psychiatriques sans consentement
- La loi du 5 juillet 2011 : des modalités de soins élargies, une protection équivoque des droits des malades - Sophie Théron p. 11-18 La loi du 5 juillet 2011 propose des modalités de soins psychiatriques sans consentement élargies mais une protection équivoque du droit des malades. L'évolution de l'accès aux soins semble conséquente alors que la transformation de leur régime juridique s'est révélée insuffisante, ce qui a conduit à une révision partielle de la loi en septembre 2013.The law of July 5, 2011 proposes an important evolution of mental health care without the patient's consent but an ambiguous protection of the patient's rights. The evolution of the access to mental health care is important, however the change of the corresponding legal regime seemed to be inadequate. That is why this law has been partially modified in September 2013.
- Des lois sous influences - Jean-Manuel Larralde p. 19-27 Les lois du 5 juillet 2011 et du 27 septembre 2013 ont été l'œuvre d'un législateur travaillant sous la pression directe (et constante) du Conseil constitutionnel, et sous la pression indirecte de la Cour de Strasbourg. Ces deux importantes lois ont réformé le droit français – de manière plus ou moins intense – sur trois points : en renforçant la légitimité et la proportionnalité des dispositifs d'hospitalisation sans consentement, en exigeant que ces mêmes dispositifs soient soumis à des contrôles effectifs, et enfin en vérifiant le respect de la dignité des personnes soumises à de telles hospitalisations sans consentement.The laws of July 5, 2011 and September 27, 2013 have been voted by the French Parliament under direct (and constant) pressure of the Conseil constitutionnel and under indirect pressure of the European Court of Human Rights. These two important laws have reformed French law in three areas: by increasing the legitimacy and the proportionality of psychiatric care without consent, by increasing the independent controls, and by checking the respect of the dignity of people subject to such psychiatric care without consent.
- L'article 66 de la Constitution, le juge administratif et la protection des droits du malade mental - Marie-Joëlle Redor-Fichot p. 29-45 Faut-il modifier l'article 66 de la Constitution qui confie à l'autorité judiciaire le soin de protéger l'individu contre les détentions arbitraires ? La question mérite d'être posée au vu des difficultés que continue à susciter le contrôle juridictionnel des soins psychiatriques sans consentement. Les incertitudes relatives à la répartition des compétences juridictionnelles entre juge administratif et judiciaire entraînent en effet des conséquences potentiellement problématiques pour la protection des patients, ce qui implique de s'interroger sur la pertinence des fondements d'un tel système de protection.Must article 66 of the Constitution, which assigns to the judicial authority the protection of the individual against arbitrary detention, be modified? However controversial it may appear, this is a valid question in view of the challenges that the judicial control of psychiatric care without consent bring about. Uncertainties concerning the repartition of judiciary competence between the administrative judge and the judicial judge lead to potential negative consequences in relation to the protection of patients' rights. This raises questions about the basis and the relevance of this system of protection.
- La loi du 5 juillet 2011 : le point de vue d'un juge des libertés et de la détention - Thierry Hanouët p. 47-52 La loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, a systématisé l'intervention du juge judiciaire lorsque le patient est placé sous le régime de l'hospitalisation complète. Le juge exerce désormais un contrôle systématique de l'opportunité de la mesure de soins et a aussi en charge le contentieux de la régularité externe des décisions administratives, auparavant dévolu au juge administratif. La loi du 27 septembre 2013 a accru la protection des malades en prévoyant notamment l'assistance d'un avocat et en raccourcissant le délai dans lequel le juge doit être saisi pour exercer son contrôle du bien-fondé de la mesure d'hospitalisation sous contrainte. Il en résulte une nouvelle augmentation de la charge de travail du juge des libertés et de la détention et du greffe des juridictions, sans aucune allocation de moyens.The law of July 5, 2011, related to the rights and protection of mentally ill people, has systematised the judge's intervention as soon as the patient is in full hospitalisation. It is now systematic for the judge to control the appropriateness of psychiatric care and to check the lawfulness of administrative adjudications, which used to be under the responsibility of the administrative tribunal. The law of September 27, 2013 reinforces mentally ill people's protection, as it allows the systematic assistance of a lawyer and shortens the time during which the case has to be referred to the judge, in order to control the legitimacy of forcing patients into hospital. As a result, the judge and the clerck's office service for the administrative courts of law have to face an increased amount of work, without any additional means.
- La loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques : les positions de l'UNAFAM - Denis Malo p. 53-56 L'Union nationale des amis ou familles de malades psychiques (UNAFAM) a cherché à peser sur l'élaboration de la loi du 5 juillet 2011 afin d'éliminer plusieurs dispositions jugées excessives. Espérant que ce nouveau dispositif législatif générera de bonnes pratiques, l'Union souhaiterait désormais que les futurs textes puissent encore davantage encadrer les droits de la personne malade, en prenant également plus en compte le point de vue des familles.The national union of the friends or families of mentally ill people (UNAFAM) tried to have an impact on the elaboration of the law of July 5, 2011 in order to do away with several clauses considered as being to radical. Hoping that this new law will improve the way of dealing with mentally ill people, UNAFAM would like future laws to provide a better framework for the rights of mentally ill people and the point of view of families to be taken into consideration.
- La loi du 5 juillet 2011 : des modalités de soins élargies, une protection équivoque des droits des malades - Sophie Théron p. 11-18
Protection et responsabilité des malades mentaux
- La protection des malades mentaux par le droit civil - Gilles Raoul-Cormeil p. 59-72 Le droit regarde enfin les malades mentaux comme des personnes à part entière, jouissant des mêmes droits et des mêmes libertés. La tutelle et les autres mesures de protection juridique ne sont pas réservées aux malades mentaux. En outre, ces régimes de protection promeuvent le respect des libertés individuelles de la personne majeure. Dans ses applications, ce principe connaît des aménagements ; il suscite aussi un questionnement éthique qui profite aux majeurs protégés. La philosophie humaniste de la loi nº 68-5 du 3 janvier 1968 a été conservée par la loi nº 2007-308 du 5 mars 2007. Mais le législateur a étendu le domaine de la protection : des biens à la personne.Law finally considers mentally ill people as full-fledged people, having the same rights, and also the same liberties. Guardianship and other legal measures of protection are not only dedicated to mentally ill people. Furthermore, these guarding systems promote the respect of adults' individual liberty. Regarding its application, this principle has known some adjustments; it also raises ethical questions which are in favour of protected adults. The humanist philosophy dating back from law nº 68-5 of January 3, 1968 has been kept by law nº 2007-308 of March 5, 2007. But the legislator extended the guarding area: from the goods to the person.
- La responsabilité administrative de l'établissement pratiquant du soin psychiatrique - Éric Péchillon p. 73-85 Accueillir des personnes contre leur gré dans un lieu de soins n'est jamais chose aisée. La réforme du soin psychiatrique sous contrainte a été l'occasion de s'interroger sur l'étendue des missions et des prérogatives confiées aux établissements chargés d'accueillir des patients souffrant de troubles mentaux. Les affaires mettant en cause la responsabilité obligent le juge à s'interroger sur la manière dont l'institution fait usage des prérogatives de puissance publique que lui a accordées le législateur. Un emploi disproportionné de la contrainte mais également une levée trop rapide de celle-ci sont souvent le point de départ d'un recours contentieux visant à obtenir l'indemnisation des préjudices subis. À partir de quelques affaires récentes, il est possible de dresser un rapide panorama des questions posées par ce type de contentieux : la mauvaise prise en charge du patient (I) ; les dommages causés par les patients admis en psychiatrie (II) ; l'atteinte aux droits fondamentaux de la personne accueillie dans un service de psychiatrie (III).Locking people against their will in a treatment setting is never easy. Recent French psychiatric treatment reforms have been an opportunity to reconsider mental health commitment and psychiatric institutions' prerogatives and missions. In cases where these institutions' liability is challenged in court, judges have to appraise how these institutions use the powers bestowed upon them by legislators. The excessive use of constraints or, conversely, its premature lifting, often constitutes the starting point of a damage lawsuit. Drawing upon recent court cases, one can endeavour to sketch a brief panorama of the issues raised by such litigations: wrongful patient care (I); damages caused by psychiatric in-patients (II); Infringement of in-patients fundamental rights (III).
- Santé mentale et droit pénal - Mathias Couturier p. 87-102 Le droit pénal est, depuis plusieurs années, entré dans une phase d'évolution concernant les rapports qu'il entretient avec la notion de santé mentale. Cette évolution a pour objet un approfondissement constant de la protection pénale de la santé mentale des personnes mais aussi une protection plus importante de la société contre les risques générés par les défaillances de la santé mentale de certaines personnes. De manière croissante, les infractions et mécanismes de droit pénal intègrent ainsi des concepts empruntés au champ des sciences du psychisme. Ces évolutions interrogent cependant la capacité du droit pénal à intégrer correctement ces concepts ainsi que la fonction nouvelle qu'elles confèrent à cette discipline dans une société postmoderne.For several years, relations between criminal law and mental health have been in a state of evolution. This evolution aims at deepening people's mental health protection through criminal law, but also at providing a wider protection of society against risks that mental disorders of some individuals generate. That is why criminal law increasingly absorbs concepts borrowed from mental health sciences. However, these evolutions lead to interrogations: is criminal law able to properly integrate these concepts? Do these evolutions mean a modification of the functions of criminal law in a postmodern society?
- La responsabilité pénale du malade mental : les principes de base - Philippe Salvage p. 103-106 Depuis le début du XIXe siècle (Code pénal de 1810), le droit français décide que, pour être pénalement responsable, l'agent doit avoir eu une conscience claire lors de la commission de l'infraction. Rien ne pourra donc lui être reproché si tel n'est pas le cas. Conformément à ces principes, l'article 122-1 du Code pénal actuel (Code pénal de 1992) prévoit qu'en cas « d'abolition » du discernement, c'est-à-dire de « folie complète », l'auteur des faits ne sera pas responsable, et qu'en cas « d'altération du discernement », c'est-à-dire de « folie partielle », il sera responsable mais que sa peine sera atténuée. Subsiste, dans l'application de ces règles, le problème de la preuve du degré d'obscurcissement des facultés mentales qui relève normalement d'une expertise psychiatrique.Since the beginning of the nineteenth century, the French Law (Penal Code of 1810) states that, to be guilty, the criminal agent, must have a clear consciousness while committing an offence. Therefore he cannot be blamed if that condition is not fulfilled. According to these principles, article 122-1 of the 1992 Code declares that, in case of “full madness”, the person who committed an offence will not be responsible and that, in case of “partial madness”, that person will be responsible but the penalty will be mitigated. The proof of the degree of madness is a matter of psychiatric evaluation.
- Conclusions : la norme et l'anormal - Jean-Yves Carlier p. 107-109 Ce colloque a analysé ce que le droit dit sur la psychiatrie. L'évolution marquante est la reconnaissance du sujet de la psychiatrie comme sujet de droit. De nombreuses questions restent toutefois ouvertes. Elles concernent aussi ce que la psychiatrie aurait à dire sur le droit.This seminar analysed the perspective of law on psychiatry. The recognition of a subject of psychiatry as a subject of law is a striking development. Many questions however remain open about what psychiatry would have to say about law.
- La protection des malades mentaux par le droit civil - Gilles Raoul-Cormeil p. 59-72
Variétés
- La réforme du système européen de protection des droits de l'homme : réflexions sur l'apport du Protocole additionnel nº 15 - Mamoud Zani p. 113-121 La réforme du système européen de protection des droits de l'homme est devenue une nécessité vitale pour l'efficacité de la juridiction strasbourgeoise. L'objet de cet article consiste à examiner cette réforme à travers le Protocole additionnel nº 15 à la Convention européenne des droits de l'homme issu de la « Déclaration de Brighton », afin de juger de sa valeur ajoutée et relever ses limites. L'analyse couvre également les réformes introduites par les Protocoles nº 11 et 14, y compris celles contenues dans les conférences d'Interlaken, d'Izmir et de Brighton sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme.The reform of the European system of protection of human rights has become a vital necessity for the effectiveness of the Strasbourg Court. The purpose of this article is to examine the reform through the additional Protocol No. 15 to the European Convention on Human Rights from the “Brighton Declaration”, in order to judge its value and identify its limits. The analysis also covers the reforms introduced by Protocols Nos. 11 and 14, including those contained in the Interlaken, Izmir and Brighton Conferences on the future of the European Court of Human Rights.
- Les variations dans la protection de l'impartialité du juge constitutionnel français : du contentieux a priori à la QPC - Alexia David p. 123-133 Le mécanisme du déport n'existe que de façon informelle dans le cadre du contrôle a priori des lois tandis qu'il est formalisé par un règlement intérieur dans le cadre du contrôle a posteriori. Par ailleurs, la récusation n'existe que dans le cadre du contrôle a posteriori. Comment expliquer ces variations alors même que le contentieux a priori et la QPC ont tous deux pour objet de contrôler la constitutionnalité de la loi ? Tant le contexte du contrôle que la volonté des acteurs institutionnels ont un impact sur la protection de l'impartialité des juges constitutionnels français. Ainsi, si cette protection a été initiée dans le cadre du contrôle a priori (I), elle a été renforcée dans le cadre de la QPC (II).The duty of abstention only exists informally in the French a priori constitutional review whereas it is formalised by internal regulations in the a posteriori review (known as the “Priority preliminary ruling on the issue of constitutionality” or QPC in French). Besides, the recusal motion only exists in the a posteriori review. How can we explain those variations even though the a priori and QPC reviews deal with the same object: the constitutionality of the law? Actually, both the context of the review and the people involved in the process have a decisive influence on the protection of the right to an impartial judge. Therefore, if this protection was initiated under the a priori review (I), it was consolidated under the QPC review (II).
- La réforme du système européen de protection des droits de l'homme : réflexions sur l'apport du Protocole additionnel nº 15 - Mamoud Zani p. 113-121
Chroniques
- Chronique de jurisprudence constitutionnelle française 2013 - Aurore Catherine, Amandine Cayol, Eugénie Duval, Alexandra Korsakoff, Antoine Siffert p. 137-152 Désormais traditionnelle dans cette revue, la chronique de jurisprudence constitutionnelle vise à faire un état des lieux annuel des décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Sous un angle critique, les auteurs présentent les continuité et rupture de jurisprudence, ainsi que la variabilité du contrôle exercé par le Conseil selon les droits en cause.Now traditional in this journal, the chronicle of constitutional jurisprudence aims at making an annual inventory of the Constitutional Council's decisions. With a critical point of view, the authors present the continuity and discontinuity of case law, and the variability of the control exercised by the Council on the ground of the rights in question.
- Chronique de jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme (2011-2012) - Marie Rota p. 153-162 Cette chronique de jurisprudence de la Cour interaméricaine se propose d'analyser ses principales décisions sur la période 2011-2012. La portée des droits conventionnels a en effet été considérablement enrichie par la Cour durant cette période. Sont traités successivement les aspects les plus marquants de sa jurisprudence, à commencer par la question récurrente des disparitions forcées (I), suivie de la portée du droit à la personnalité juridique (II), de la question du commencement de la vie (III), de la confrontation de l'autonomie personnelle au droit à la vie privée, à la protection de la famille et au droit à l'intégrité (IV), de l'interdiction des discriminations (V) et, pour finir, de la protection de la dimension collective des droits des populations autochtones (VI).This Inter-American Court case-law will analyse the main decisions of this Court over the period 2011-2012. The scope of the rights during this period has been greatly increased by the Court. The most significant aspects of its jurisprudence will be successively analysed, starting with the recurring issue of enforced disappearances (I), followed by the scope of the right to recognition as a person before the law (II), the question of the beginning of life (III), the confrontation of personal autonomy to the right to privacy, the protection of the family and the rights to integrity (IV), the prohibition of discrimination (V) and, finally, the protection of the collective dimension of the rights of indigenous populations (VI).
- Chronique de jurisprudence constitutionnelle française 2013 - Aurore Catherine, Amandine Cayol, Eugénie Duval, Alexandra Korsakoff, Antoine Siffert p. 137-152