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Revue | Revue critique de droit international privé |
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Numéro | no 4, octobre-décembre 2019 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Quand la sociologie du droit – au-delà des frontières – éclaire la perspective du droit international privé, et vice versa… - Horatia Muir Watt, Dominique Bureau, Sabine Corneloup p. 925-928
Doctrine
- L'idée sociologique de « connectivité » et le droit international privé : Vers une architecture constitutionnelle au-delà de l'État ? - Poul F. Kjaer, Louis Hill p. 929-947 D'un point de vue sociologique, l'architecture du droit global se caractérise par une prééminence des normes de « connectivité », qu'il convient de distinguer des normes de « possibilité » et des normes de « cohérence ». La centralité des normes de connectivité dans cette structure provient de la fonction même du droit global, qui vise à faciliter le transfert de composants sociaux condensés – tels que le capital, les produits économiques, les doctrines religieuses ou les connaissances scientifiques –, d'un environnement juridique à un autre à l'échelle planétaire. Cela se vérifie aussi bien dans le cas du colonialisme et du droit colonial que dans celui, aujourd'hui, des chaînes de valeur globales et des droits de l'homme. Le droit colonial et le droit des droits humains peuvent tous deux être compris comme des moyens de remplir une même fonction constituante de stabilisation et de facilitation de la connectivité. Cette compréhension trouve un écho significatif dans le droit international privé, qui participe de la même fonction.
- L'idée sociologique de « connectivité » et le droit international privé : Vers une architecture constitutionnelle au-delà de l'État ? - Poul F. Kjaer, Louis Hill p. 929-947
Jurisprudence
- La perte de la nationalité française pour désuétude en zone de turbulences - Paul Lagarde p. 949-957 La perte de nationalité française par expatriation ne pouvant être décidée que par un juge, conformément à l'article 23-6 du code civil auquel renvoie l'article 30-3 de ce code, à l'exclusion de toute autorité administrative, le délai d'un demi-siècle doit s'apprécier au jour de l'introduction de l'action déclaratoire de nationalité (première espèce) (1). Les dispositions de l'article 30-3 du code civil sont applicables aux personnes natives ou ressortissantes des territoires anciennement sous souveraineté française, aucune distinction n'étant à faire selon les circonstances dans lesquelles le demandeur et ses ascendants se sont établis ou sont demeurés fixés à l'étranger (2). Il résulte de l'article 126 du code de procédure civile que le juge doit apprécier les conditions d'application de la fin de non-recevoir de l'article 30-3 du code civil au moment où il statue. Encourt la cassation l'arrêt qui constate la perte pour désuétude de la nationalité française d'un individu, sans examiner si la mère de celui-ci avait une possession d'état de Française depuis un jugement l'ayant reconnu comme telle, bien que ce jugement soit intervenu après l'écoulement d'une période de cinquante ans pendant laquelle l'intéressé et ses ascendants sont demeurés fixés à l'étranger (deuxième espèce) (3). Jugé au contraire que la solution retenue par l'arrêt du 28 février 2018 (deuxième espèce) doit être abandonnée. En effet, l'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude ; qu'édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir (troisième espèce) (4).
- L'entrave à la sortie par les obstacles mis au retour pour les membres de la famille élargie du citoyen européen : (CJUE, 12 juill. 2018, aff. C-89/17, AJDA 2018. 1477 ; D. 2018. 1555 ; ibid. 2019. 347, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RTD eur. 2019. 403, obs. F. Benoît-Rohmer ; ibid. 717, obs. E. Pataut) - Vincent Réveillère p. 958-971 L'article 21, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu'il fait obligation à l'État membre dont un citoyen de l'Union possède la nationalité de favoriser l'octroi d'une autorisation de séjour au partenaire non enregistré, ressortissant d'un État tiers et avec lequel ce citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée, lorsque ledit citoyen de l'Union, après avoir exercé son droit à la libre circulation pour travailler dans un second État membre, conformément aux conditions prévues par la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, retourne avec son partenaire dans l'État membre dont il possède la nationalité pour y séjourner (1). L'article 21, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu'une décision refusant d'accorder une autorisation de séjour au partenaire non enregistré, ressortissant d'un État tiers, d'un citoyen de l'Union, lequel, après avoir exercé son droit à la libre circulation pour travailler dans un second État membre, conformément aux conditions prévues par la directive 2004/38, retourne avec son partenaire dans l'État membre dont il a la nationalité pour y séjourner, doit être fondée sur un examen approfondi de la situation personnelle du demandeur et doit être motivée (2). L'article 3, paragraphe 2, de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens que les ressortissants d'États tiers visés à cette disposition doivent disposer d'une voie de recours pour contester une décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour prise à leur égard, à la suite de l'exercice de laquelle le juge national doit pouvoir vérifier si la décision de refus repose sur une base factuelle suffisamment solide et si les garanties procédurales ont été respectées. Parmi ces garanties figure l'obligation, pour les autorités nationales compétentes, de procéder à un examen approfondi de la situation personnelle du demandeur et de motiver tout refus d'entrée ou de séjour (3).
- La constitutionnalité du recours aux tests osseux : (Cons. const. 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC, AJDA 2019. 662 ; ibid. 1448, note T. Escach-Dubourg ; D. 2019. 742, et les obs., note P. Parinet ; ibid. 709, point de vue H. Fulchiron ; ibid. 1732, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2019. 222, obs. A. Bouix ; RDSS 2019. 453, note A.-B. Caire ; Constitutions 2019. 152, Décision) - Fabienne Jault-Seseke p. 972-981 L'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge. Il s'ensuit que les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures. Compte tenu des garanties entourant le recours aux examens radiologiques osseux à des fins de détermination de l'âge, le législateur n'a pas méconnu l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.
- Taux d'intérêts et contrôle concret de l'ordre public international : (Civ. 1re, 17 octobre 2018, n° 17-18.995) - Pascal de Vareilles-Sommières p. 982-990 Prive sa décision de base légale l'arrêt qui, pour déclarer exécutoires des décisions russes, retient que le taux d'intérêts usuraire fixé et régulièrement révisé en fonction de paramètres économiques et financiers constatés en France, par essence variables, ne peut être considéré en tant que tel comme d'ordre public, alors qu'il lui appartenait, pour exercer pleinement son contrôle au titre de l'exception d'ordre public, de rechercher si, concrètement, le taux appliqué par les décisions russes n'était pas contraire à l'ordre public international.
- Le déplacement illicite d'enfants face au risque grave de danger en cas de retour : (Civ. 1re, 14 févr. 2019, n° 18-23.916, AJ fam. 2019. 293, obs. A. Boiché) - Estelle Gallant p. 991-996 Est caractérisée l'existence d'un risque grave de danger en cas de retour des enfants auprès de leur père, dès lors que des documents médicaux avaient permis de constater les stigmates des violences subies, que les trois enfants souffraient de troubles majeurs liés au comportement de leur père (anxiété extrême, troubles alimentaires, troubles du sommeil), et que l'existence d'un mandat d'arrêt concernant la mère ne permettrait pas à celle-ci d'assurer la protection des enfants.
- Conflit international de rapports d'expertise judiciaire : (Com. 6 mars 2019, n° 17-24.851, RTD com. 2019. 475, obs. B. Bouloc) - Gilles Cuniberti p. 997-1001 Le juge français ne peut refuser d'examiner un rapport d'expertise judiciaire étranger qui n'a pas été établi au contradictoire du défendeur, lorsque, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; une telle preuve supplémentaire peut être constituée par les motifs du jugement étranger se référant au rapport et versé aux débats, en raison de l'effet de fait que le jugement étranger produit en France.
- La charia, le droit successoral et les droits fondamentaux : (CEDH, gde ch., 19 décembre 2018, n° 20452/14, Molla Sali c/ Grèce, AJDA 2019. 169, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2019. 316, point de vue H. Fulchiron ; AJ fam. 2019. 158, obs. J. Houssier ; RTD civ. 2019. 281, obs. J.-P. Marguénaud) - Charalambos (Haris) Pamboukis p. 1002-1011 La différence de traitement subie par la requérante en tant que bénéficiaire d'un testament établi conformément au code civil par un testateur de confession musulmane, par rapport à une bénéficiaire d'un testament établi conformément au code civil par un testateur qui n'est pas de confession musulmane, n'ayant pas de justification objective et raisonnable, la Cour estime qu'il y a eu violation de l'article 14 de la Convention EDH combiné avec l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention.
- Territorialité des relations collectives de travail : à propos de l'unité économique et sociale : (Soc., 21 nov. 2018, n° 16-27.690, Generali, D. 2018. 2241, et les obs. ; ibid. 2019. 2153, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Rev. sociétés 2019. 349, note N. de Sevin et A. Couret ; Dr. soc. 2019. 141, étude C. Radé ; RDT 2019. 51, obs. H. Nasom-Tissandier ; ibid. 133, obs. B. Joly) - Étienne Pataut p. 1012-1021 Au sein d'un groupe, une unité économique et sociale (UES) peut être reconnue par convention ou par décision de justice entre des entités juridiquement distinctes qu'elles soient ou non dotées de la personnalité morale, dès lors qu'est caractérisée entre ces structures, d'une part, une concentration des pouvoirs de direction à l'intérieur du périmètre considéré ainsi qu'une similarité ou une complémentarité des activités déployées par ces différentes entités, d'autre part, une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire en pratique par une certaine mutabilité des salariés.
- Pourquoi le Brexit n'est pas une cause de frustration de (certains) contrats en cours soumis au droit anglais : (High Court of Justice, Chancery Division (Royaume-Uni), 20 févr. 2019, [2019] EWHC 335 (Ch) Claim n° : PT-2018-000505) - Horatia Muir Watt p. 1022-1030 Les obligations résultant pour l'Agence européenne des médicaments du bail conclu avec le groupe Canary Wharf, propriétaire d'un immeuble sis à Londres, afin d'y héberger son siège, et soumis par le choix des parties au droit anglais, ne sont pas éteintes, par le jeu de la doctrine de la frustration, du fait du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Cet événement ne rend pas l'exécution du contrat illégale ni n'affecte aucun projet commun des parties. Ainsi, le bail n'est affecté ni par la transition du Royaume-Uni du statut d'État membre à celui d'État tiers, ni par le transfert, déjà effectué, du siège de l'Agence de Londres à Amsterdam. L'Agence doit donc continuer à payer les loyers dus au titre du bail.
- L'impossible transfert du contrat de travail du salarié non muni d'une autorisation de travail : (Soc. 17 avr. 2019, n° 18-15.321, FS+P+B, Dalloz actualités, 27 mai 2019, obs. W. Fraisse ; D. 2019. 893 ; Dr. soc. 2019. 660, obs. J. Mouly) - Natalie Joubert p. 1031-1038 Il résulte des dispositions combinées des articles L. 8251-1 et L. 8252-1 du code du travail qu'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France n'est pas assimilé à un salarié régulièrement engagé au regard des règles régissant le transfert du contrat de travail.
- Contestation de reconnaissance de filiation naturelle : quand la levée des incertitudes sur la détermination de la loi applicable ne met pas fin aux questionnements sur les modalités de sa mise en œuvre : (Civ. 1re, 15 mai 2019, n° 18-12.602, D. 2019. 1588, note M. Minois ; AJ fam. 2019. 535, obs. A. Boiché ; Dalloz actualité, 21 juin 2019, obs. V. Mikalef-Toudic ; Dr. Fam. 2019, comm. 190, obs. M. Farge) - Christelle Chalas p. 1039-1047 Aux termes de l'article 311-17 du code civil, la reconnaissance volontaire de maternité ou de paternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant ; il en résulte que l'action en contestation d'une reconnaissance de paternité doit être possible tant au regard de la loi de l'auteur de celle-ci que de la loi de l'enfant et que la recevabilité de l'action doit être appréciée au regard des deux lois ; il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent.
- La perte de la nationalité française pour désuétude en zone de turbulences - Paul Lagarde p. 949-957
Éclairages
- Sur l'actualité - Antoine d'Ornano p. 1105-1108
- Sur le Groupe européen de droit international privé : recommandation concernant le maintien et le développement de la coopération internationale en matière d'état civil, adoptée le 14 septembre 2019 à Katowice - Sabine Corneloup p. 1109-1110
Bibliographie
- Livres - Toni Marzal p. 1111-1150
- Index bibliographique - p. 1151-1219