Contenu du sommaire : Femmes au pouvoir dans l'espace germanophone (XVIIIe-XXIe siècle) | Nation et religions dans le discours des partis d'extrême droite au sein de l'espace germanique
Revue | Revue d'Allemagne |
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Numéro | Tome 53, N° 1, janvier-juin 2021 |
Titre du numéro | Femmes au pouvoir dans l'espace germanophone (XVIIIe-XXIe siècle) | Nation et religions dans le discours des partis d'extrême droite au sein de l'espace germanique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Femmes au pouvoir dans l'espace germanophone : quelles actualisations pour un pouvoir au féminin ? (XVIIIe-XXIe siècle)
- Préface - Sibylle Goepper, Nadine Willmann p. 3-16
- Marie-Thérèse d'Autriche, « modèle des princes et miracle de son sexe » - Philippine Casarotto p. 17-31 Jusqu'à une époque récente, Marie-Thérèse a été décrite par les historiens comme une héroïne qui tint tête à la Prusse, comme une souveraine énergique et volontaire, qui modernisa l'appareil d'État et réforma en profondeur la Monarchie habsbourgeoise. Le grand public retient surtout l'image d'une « Reine des cœurs » qui aimait ses sujets autant que ses nombreux enfants. Le tricentenaire de sa naissance (1717-2017) marque la déconstruction de ce mythe, notamment par l'analyse des stratégies de représentations mises en œuvre par l'impératrice-reine. Comme d'autres écrits panégyriques, les oraisons funèbres, prononcées en marge des cérémonies de requiem, se présentent comme l'expression spontanée de la douleur et de l'affection populaires. Cette « mémoire d'en bas », obéissant en réalité aux normes d'un genre remontant à l'Antiquité, joue un rôle essentiel pour légitimer et stabiliser la dynastie. Mais comment écrire l'éloge d'une reine ? En cette fin du dix-huitième siècle, qui voit les anciennes valeurs de la Monarchie céder progressivement le pas aux idéaux des Lumières, trois prédicateurs s'efforcent de définir les canons d'un héroïsme au féminin, dans lequel les stéréotypes de genre se trouvent à la fois confirmés et dépassés.Until recently, Maria Theresa was described by historians as a heroine who held her own against Prussia, as an energetic and determined ruler, who modernised the state and thoroughly reformed the Habsburg Monarchy. Above all, the public retains the image of a “Queen of Hearts” who loved her subjects as much as her many children. The tercentenary of her birth (1717-2017) marks the deconstruction of her myth, notably through the analysis of the representation strategies the Queen used. Like other panegyric writings, the funeral sermons, pronounced during funeral ceremonies, are presented as the spontaneous expression of popular pain and affection. This “memory from below” reproduces the norms of a genre dating back to antiquity, in order to legitimise and stabilise the dynasty. At the end of the eighteenth century, the old values of the Monarchy were giving way to the ideals of the Enlightenment. But how to praise a princess? This study analyses how three preachers attempt to define feminine heroism.
- Die Pazifistin Bertha von Suttner: Von der Macht (weiblicher) Ikonen - Ingeborg Rabenstein p. 33-46 Bertha von Suttner (1843-1914), journaliste, auteure de bestseller, militante pour la paix et Prix Nobel était sans aucun doute une femme influente. Lobbyiste infatigable, elle a grandement contribué à la diffusion de l'idée de la paix. Elle a inspiré la fondation d'instances supranationales chargées de résoudre des conflits, et la recherche pour la paix dans nombre d'universités. Sa vie personnelle témoigne de décisions inhabituelles voire risquées pour une femme de son époque : quête d'une indépendance matérielle, exercice d'un métier, mariage avec un homme de plusieurs années plus jeune qu'elle, etc.Elle était et reste une icône du pacifisme. Était-elle pour autant une femme de pouvoir ? À une époque où les fonctions institutionnelles étaient refusées aux femmes, où leurs voix n'étaient que rarement entendues et encore plus rarement prises au sérieux, ses adversaires réduisaient volontiers son combat pour la paix à de la sensiblerie féminine voire de l'hystérie, et ne lui reconnaissaient aucune vision politique. Le pouvoir ne pouvait se décliner qu'au masculin. Ils ne pouvaient cependant pas nier son statut d'icône de la paix : en ce sens, Bertha von Suttner était indéniablement une femme puissante.Bertha von Suttner (1843-1914), journalist, bestselling author, peace activist and Nobel Prize recipient was without a doubt a highly influential woman. She promoted the idea of peace thanks to the modern strategy of lobbying and contributed to the founding of supranational bodies and research centers in several universities. Her personal life is characterized by unusual and risky decisions for a woman of her period like the quest for independence, an unconventional marriage etc.She was, and remains, an icon of pacifism. But was she a woman of power? Her adversaries easily reduced her engagement to mere feminine sentimentality and refused to acknowledge a true political vision. At a time where the voice of women was rarely heard, and certainly not taken seriously, she was accused of hysteria and treading on a domain reserved to men for which she had no competence. Power was then exclusively masculine. But they could not deny her the status of the icon. And so we can consider that Bertha von Suttner was indeed a powerful woman.
- Anna Fischer-Dückelmann. Le pouvoir aux femmes par la médecine naturelle et la Réforme de la vie - Stéphanie Chapuis-Després p. 47-62 Cet article montre comment Anna Fischer-Dückelmann, une des premières femmes à exercer la médecine en Allemagne, a pu s'imposer dans un monde masculin en se consacrant à la médecine naturelle et en s'adressant en priorité aux femmes. Défenseuse de la Réforme de la vie qui apparaît dans l'Empire allemand à la fin du xixe siècle en réaction aux effets jugés délétères de l'industrialisation et de la modernité, elle prône une médecine fondée sur l'entretien du corps par le sport et par une diététique fondée sur un végétarisme strict excluant les produits animaux, l'alcool et la nicotine. Dans son livre principal Die Frau als Hausärztin (1902), elle entreprend de confier aux femmes, et en particulier aux mères, les moyens d'une émancipation par le savoir concernant à la fois leur propre corps et le bon fonctionnement de leur maison. Elle les considère ainsi comme des décisionnaires au moment même où le Bürgerliches Gesetzbuch vient de les défaire de leurs droits élémentaires en donnant aux pères de famille le dernier mot dans la gestion du foyer.This article shows how Anna Fischer-Dückelmann, one of the first women to practise medicine in Germany, was able to establish herself in a male world by devoting herself to natural medicine and focusing on women's health. She was an advocate of the “Life Reform” which appeared in the German Empire at the end of the 19th century in reaction to the supposed harmful effects of industrialisation and modernity. She advocated a form of medicine based firstly on the care of the body through sport and dietetics and secondly on strict vegetarianism excluding animal products, alcohol and nicotine. In her main book Die Frau als Hausärztin (1902), she set out to empower women, especially mothers, by enhancing their knowledge of their own bodies and of the effective management of their homes, since she considered them to be decision-makers, unlike the Bürgerliches Gesetzbuch responsible for depriving them of their basic rights by giving fathers the last word in the running of the household.
- Edith Stein visible et invisible - Angelika Schober p. 63-77 Edith Stein, rare femme philosophe allemande, est née en 1891 dans une famille juive libérale à Breslau et fut assassinée à Auschwitz en 1942. Sans avoir exercé un pouvoir institutionnel, elle a eu de l'influence sur les personnes qu'elle rencontrait. Dans les deux institutions qui comptent pour elle – l'Université et l'Église – elle acquiert une visibilité plus ou moins importante tout en restant partiellement invisible. En 1916, elle soutient brillamment sa thèse de doctorat dirigée par Edmund Husserl et travaille ensuite à Fribourg comme assistante de celui-ci. Mais Edith Stein ne peut atteindre son objectif de faire évoluer la phénoménologie dans une université allemande en tant que professeure. Ses tentatives d'habilitation échouent, ses dossiers ne sont pas examinés. Après son baptême en 1922, elle devient plus visible dans l'Église catholique : comme enseignante chez les Dominicaines à Spire, conférencière en Allemagne, en Autriche et en Suisse et maître de conférences à l'Institut allemand de pédagogie scientifique à Münster. Son entrée au Carmel de Cologne en 1933 la rend invisible pour le monde, mais sa béatification en 1987 et sa canonisation en 1998 font d'Edith Stein un modèle à suivre pour les catholiques.Edith Stein, one of the few German women philosophers, was born in Breslau 1891 into a liberal Jewish family and was killed in Auschwitz in 1942. She exercised no institutional power, but influenced the people she met. In the two institutions important for her, the University and the Church, she was in varying degrees and different ways visible, but remained partly invisible. Edith Stein obtained her doctorate with honors in 1916 with Edmund Husserl in Freiburg and worked thereafter with him as an assistant. However, she was not able to realize her aim, to develop further phenomenology as a professor in a German university. Her attempts at the Habilitation exams were unsuccessful in 1919 and 1930, because her submitted work was not examined. Following her baptism in 1922 Edith Stein became more visible in the Catholic Church, as a teacher with the Dominicans in Speyer, lecturer in Germany, Austria and Switzerland, and also lecturer at the German Institute for Scientific Pedagogy in Munster. After her entry 1933 in the Carmelite Convent in Cologne she became invisible to the world, but her beatification in 1987 and canonization in 1998 made her an example to be followed by Catholics.
- Frauen an der Macht? Die ersten Parlamentarierinnen in Preußen (1919-1933) - Barbara von Hindenburg p. 79-93 L'attribution du droit de vote aux femmes en novembre 1918 conduisit – en théorie – à un sensible accroissement du pouvoir politique des femmes. Mais le droit de vote modifia-t-il effectivement la répartition du pouvoir entre femmes et hommes ? Cet article se consacre au droit de vote passif des femmes et aux premières femmes parlementaires au Landtag de Prusse sous la République de Weimar (1919-1933). Combien de députées furent-elles élues ? Dans quels domaines et pour quelles causes s'engagèrent-elles, comment légitimèrent-elles leur pouvoir politique, avaient-elles un agenda commun et purent-elles l'imposer ? Comment, enfin, réagirent-elles à la présence des nationaux-socialistes et à leur dessein de limiter de nouveau leur pouvoir politique et les droits des femmes en général ? Cet article examine ces questions à travers l'exemple des députées du Landtag de Prusse sous la République de Weimar, en éclairant trois aspects spécifiques : les débats autour du droit de vote des femmes ; la composition des listes électorales ; les menaces pesant sur la place des femmes dans la vie politique à la fin de la République de Weimar.The granting of women's suffrage in Germany in November 1918 led – in theory – to a radical expansion of women's political power. But did suffrage actually change the distribution of power? This paper is devoted to women's passive suffrage and the first women parliamentarians in the Prussian Parliament during the Weimar Republic (1919–1933). How many women parliamentarians were elected? What issues did women parliamentarians advocate, how did they legitimize their political power, did they have a common agenda and were they able to push it through? How did they react to the National Socialists and their plans to again limit their political power and women's rights? These questions will be illuminated in the light of the women parliamentarians of the Prussian Parliament in the Weimar Republic, using three thematic areas as examples.
- Antigone, Jeanne d'Arc, « mère » ? Sources et pratiques du pouvoir chez Jeanette Wolff après 1945 - Laurence Guillon p. 95-110 Aussi persévérante qu'Antigone, aussi courageuse et fidèle à sa foi que Jeanne d'Arc, aussi douce et consolatrice qu'une mère : en dépit de leurs contradictions, ces trois figures féminines semblent caractériser les différentes facettes de Jeanette Wolff dans sa carrière politique municipale, nationale, syndicale et au sein de la communauté juive. Si les motifs de colère et de résignation sont nombreux dans sa biographie, elle a pourtant su les transformer en énergie positive et les « distiller » dans les différents domaines de son action, démontrant ainsi une polyvalence hors du commun. Cette formidable énergie puise sans doute à trois sources : un environnement familial et une capacité de résilience hors du commun, ainsi qu'une compréhension extrêmement pragmatique et moderne du judaïsme et du socialisme ou plutôt de la social-démocratie. En jouant savamment de sa féminité et en refusant de s'afficher comme une « femme de pouvoir », elle s'est hissée au plus haut niveau de la société et a contribué à façonner la RFA d'après-guerre et d'aujourd'hui. En cela, elle reste une exception, une de ces femmes politiques encore en position de marginalité à l'époque, mais qui ont tenté de s'imposer de plus en plus comme la « normalité ».As perseverant as Antigone, as courageous and true to her faith as Joan of Arc, as sweet and comforting as a mother: despite their contradictions, these three female figures seem to be characteristic of the many facets of Jeanette Wolff's political career (at a local and at a national level), in the union movement and within the Jewish community. If her biography shows plenty of grounds for anger and resignation, she managed to transform them into positive energy, which she spread through all the fields of her action, showing an exceptional versatility. This incredible energy is most probably the result of three sources: a singular familiar environment and resilience, but also a very pragmatic and modern understanding of Judaism and socialism, or rather social-democracy. By playing skillfully with her femininity and by refusing to declare herself as a “powerful woman”, she heaved herself to the top of the German society and contributed to shape postwar and today's FRG. Therein she is an exception, one of those political women who were in a marginal position at that time, but who established and still are establishing themselves as the “norm”.
- Trajectoires de militantes du mouvement des femmes des années 1970 en Suisse : le féminisme comme carrière - Sarah Kiani p. 111-121 Cet article cherche à démontrer comment le militantisme féministe a durablement marqué les trajectoires professionnelles des femmes qui se sont mobilisées dans le mouvement des années 1970 en Suisse. Le féminisme réinvesti dans les carrières professionnelles a ouvert des postes porteurs de prestige pour les femmes, les amenant parfois jusqu'au parlement où elles défendent, au moins en partie, des positions féministes ou en faveur d'une plus grande égalité entre les sexes. L'article cherche à démontrer comment les militantes du mouvement des années 1970, souvent peu intéressées durant leurs premières années de mobilisation par les questions d'égalité et de lois, ont finalement contribué à produire des organismes hautement institutionnalisés qui s'occupent des droits des femmes, et ont réinjecté leurs orientations féministes au sein des syndicats et des partis. L'égalité professionnelle, notamment l'égalité salariale, a été un terrain particulièrement fertile pour fonder ces carrières.This article intends to show how feminism profoundly shaped the professional career of women active in the 1970s women's liberation movement in Switzerland. Feminism reinvested in professional careers outside of the militant arena sometimes opened prestigious work opportunities for women, bringing some of them to the Swiss Parliament where they defended, at least partly, feminist agendas, or standpoints in favor of gender equality. The article shows how the feminist militants of the 1970s movement, scarcely interested in equality questions and the law during the first years of their mobilization, finally participated in producing highly institutionalized organisms devoted to women's rights and reinjected their feminist orientations into Trade Unions and Parties. Professional equality, especially salary equality has been a fertile ground to grow those careers.
- Die Rolle der Frauen und Männer in der Sozialdemokratischen Partei in der DDR (SDP/SPD-ost) - Étienne Dubslaff p. 123-137 L'article est consacré à la question de savoir quels rôles le Parti social-démocrate en RDA (SDP/SPD-est) a assignés aux femmes et aux hommes, en quoi il a défendu l'égalité sur le plan programmatique et l'a également pratiquée en interne dans le contexte de la rapide évolution des rapports de force au sein du parti et en RDA. L'accent est mis sur la prégnance de la socialisation de part et d'autre du Mur, tant il est vrai que les représentations de soi et de l'autre ont influé sur la perception sociale-démocrate de la place qu'occupent et doivent occuper les femmes et des hommes. Les négociations autour de la réglementation de l'avortement font l'objet d'une attention particulière car sur cet enjeu, les lignes de fracture entre femmes et hommes semblent plus nettes qu'entre sociaux-démocrates est-allemands et ouest-allemands.The article deals with the question of how the Social Democratic Party in the GDR (SDP/SPD-east) defined the roles of women and men, how it advocated equal rights programmatically and also implemented them internally in the context of the rapidly shifting power relations both in the party and in the GDR. The emphasis lies on the importance of the socialisation in both German states, for representations of self and of others influenced the perceptions of the role which women and men do and should play in society. The article focuses particularly on the negotiations on the regulation of abortion, as the lines of conflict between men and women seem more evident in this question than those between East and West German social democrats.
- Wortschatz und Politikfelder von weiblichen Abgeordneten im Deutschen Bundestag (1996-2015) - Lucia Schmidt p. 139-156 Depuis leur entrée en politique, les femmes y ont non seulement été sous-représentées, mais y ont également été longtemps cantonnées aux domaines de la politique sociale et familiale, auxquels on accorde moins de prestige qu'aux portefeuilles dominés par les hommes, tels que les Affaires étrangères. L'analyse d'un vaste corpus de discours du Bundestag entre 1996 et 2015 montre que la situation n'a que peu évolué au cours de cette période et qu'il existe toujours une répartition genrée. Pour les discours féminins, la prééminence du vocabulaire relevant du domaine de la famille est significative, tandis que pour les discours masculins, on constate une surutilisation de termes relevant de la politique étrangère et de la défense ainsi que de l'économie. Cette tendance coïncide avec deux autres faits qui la conditionnent : la proportion de femmes s'exprimant sur des questions « douces » est systématiquement plus élevée que celles des femmes qui traitent de questions « dures », tout comme la part de femmes au sein des commissions concernées. Comme les femmes siègent moins souvent dans des commissions prestigieuses et davantage dans celles relevant du care, elles traitent dans leurs discours prioritairement de sujets associés, ce qui se reflète in fine dans le vocabulaire utilisé.Since entering politics, women have not only been underrepresented there, but have long been confined to social and family policy fields, which are accorded less prestige than male-dominated portfolios such as foreign policy. The analysis of an extensive corpus of Bundestag speeches between 1996 and 2015 shows that this situation has changed only slightly within this period and that there is still a gendered division of labour. In the female speeches, family and women's policy vocabulary dominates, while for the male speeches an overuse of terms from foreign and defence policy as well as from the economy is characteristic. This tendency coincides with two other facts that condition it: The proportion of women speakers is higher on “soft”, female-associated issues than on “hard” issues, as is the share of women in the corresponding committees. Since women are less likely to be in prestigious committees and more likely to be in social policy committees, they also prefer to deal with care issues in their speeches, which is reflected in a corresponding vocabulary.
- Femmes et pouvoir dans l'Église évangélique allemande (EKD). L'exemple de Maria Jepsen, première femme évêque - Emmanuelle Aurenche-Beau p. 157-169 L'article étudie la question des femmes et du pouvoir dans l'Église évangélique d'Allemagne et s'interroge sur ce qui a rendu possible pour la première fois en 1992 l'élection d'une femme, Maria Jepsen, à la fonction d'évêque. Il décrit le long combat institutionnel qui a conduit à l'accession des femmes à la fonction de pasteure, mais aussi le travail de fond théologique nécessaire pour changer progressivement dans l'Église les représentations de la femme ainsi que les mesures pratiques volontaristes pour permettre aux femmes d'accéder à des postes à responsabilité. Il s'intéresse ensuite à Maria Jepsen elle-même, à son parcours et à sa conception non pas verticale, mais horizontale et participative du pouvoir et évoque brièvement en conclusion la situation actuelle, plus de vingt-cinq ans plus tard, des femmes dans l'Église évangélique d'Allemagne qui, malgré quelques exceptions, restent encore peu présentes au plus haut niveau.The article examines the issue of women and power in the Evangelical Church in Germany and asks what made it possible that 1992 for the first time a women was elected as bishop in a German church. The article describes the long institutional struggle, which allowed women to become pastors, but also the theological background work needed to change the image of women in the church and the practical, proactives measures to enable women to access to positions of responsability. The article then presents Maria Jepsen herself, her way and her not vertical but horizontal and participative conception of power. It concludes with a brief mention of the currrent situation, despite a few exceptions women are more than 25 years later not very present at the highest level.
- L'irrésistible ascension d'Annegret Kramp-Karrenbauer ? Portrait d'une femme de pouvoir - Valérie Dubslaff p. 171-185 Cette contribution retrace l'ascension politique d'Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK). Ayant gravi un à un les échelons de la politique, cette femme conservatrice sarroise a assumé, depuis les années 1980, divers mandats et fonctions dans les parlements et gouvernements ainsi que dans son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) dont elle a été la présidente. Son parcours politique qui aurait pu la mener à la chancellerie livre un exemple probant des enjeux du pouvoir « au féminin » tel qu'il se décline – en termes de représentations, d'agency, de pratiques et de valeurs – à différents niveaux du système politique allemand. En éclairant la carrière hors norme d'AKK, en questionnant ses dynamiques et ses revers, cette contribution pose plus généralement la question de la place des femmes dans une culture politique encore largement dominée par les hommes.This article analyses the political rise of Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK). Since the 1980s, this conservative politician from the Saarland has held various mandates and functions in several German parliaments and governments, but she has also played a prominent role in her own party, the Christian Democratic Union (CDU), as its chairwoman. Her political career, which could have led her to the highest position as chancellor, serves as an example of the complex interplay of power and gender in terms of chances and resources, power positions, representation and practices. It also emphasizes the challenges and obstacles that women in particular encounter in German politics. By shedding light on AKK's career, by questioning its dynamics and setbacks, this article raises the general question of the place and the agency of women in a political culture that is still largely dominated by men.
- Shermin Langhoff à la tête du Maxim Gorki Theater : histoires de vie et empowerment - Florence Baillet p. 187-200 Depuis 2013, Shermin Langhoff, née en Turquie en 1969 et arrivée en RFA à l'âge de neuf ans, dirige l'un des cinq grands théâtres berlinois, le Maxim Gorki Theater, ce qui donne régulièrement lieu à des articles dans la presse. L'accent est alors mis sur la success story d'une femme immigrée : elle est érigée en modèle de femme au pouvoir, susceptible de contribuer, par identification, à l'empowerment de jeunes filles turques et, plus largement, de groupes dominés de la société allemande. Cependant, une analyse plus approfondie permet de montrer que cette prise de pouvoir s'accompagne également d'une redéfinition de ce dernier : une pluralité de singularités et d'agentivités est ainsi mise en avant, à travers une prolifération de récits de vie, qui au delà de la narration du parcours de Shermin Langhoff dans la presse, s'emparent de la scène lors de spectacles du Maxim Gorki Theater.Since 2013, Shermin Langhoff, who was born in Turkey in 1969 and came to the FRG at the age of nine, has been the artistic director of the Maxim Gorki Theatre, one of the five major Berlin theatres. Langhoff's direction regularly gives rise to press articles, in which her life is stylized as a success story of a migrant woman: she is portrayed as an exemplary woman of power, who can contribute, through identification, to the empowerment of young Turkish girls and, more broadly, of dominated groups in German society. However, a more in-depth analysis shows that Langhoff's position of power also goes hand in hand with a redefinition of power that highlights a plurality of singularities and agencies, through a proliferation of life stories, which are not only limited to narrative arrangements of Langhoff's life in the press, but also conquer the stage in productions of the Maxim Gorki Theatre.
Nation et religions dans le discours des partis d'extrême droite au sein de l'espace germanique
- Introduction - Sylvie Toscer-Angot p. 203-207
- Germanité, identité, religiosité ? Le Parti national-démocrate d'Allemagne (NPD) au prisme des religions - Valérie Dubslaff p. 209-222 Se disant « religieusement neutre », le NPD ne cesse pourtant, dans sa propagande, de se référer à la question religieuse et aux religions, surtout pour les rejeter, lui qui depuis les années 1990 base son nationalisme sur une idéologie völkisch. Devenue, au fil des années, une forme d'ersatz religieux, cette idéologie commande son rapport aux religions monothéistes, toutes pareillement jugées « étrangères » et « anti-allemandes », « invasives » et donc « néfastes » quand elles sont pratiquées en Allemagne. Face à la menace de « déculturation » que feraient planer le judaïsme, le christianisme ou l'islam, le parti néonazi prône le retour à une identité germanique « originelle ». Il affirme, ce faisant, de plus en plus ouvertement son adhésion à une culture païenne qu'il présente comme « historiquement » ou « naturellement » allemande. Ainsi mis au service de son idéologie, le paganisme lui permet d'affirmer son opposition fondamentale aux principes et valeurs démocratiques en vigueur en Allemagne fédérale.Despite its official self-definition as a “religiously neutral” party, the NPD has been putting religious issues at the forefront of its propaganda. The neo-Nazi party, which has been committed to a völkisch nationalism since the 1990s, fundamentally rejects monotheistic religions. It regards them as “foreign”, “anti-German”, “invasive” and “harmful” whenever practised in Germany. In contrast to an allegedly threatening religious “deculturation” by Judaism, Christianity or Islam, the party pleads for a return to a primordial Germanic identity, which it traces back to pagan culture characterised by a “historical” and “natural” evolution. The NPD's ideological use of neo-pagan elements underpins its fundamental oppositional discourse against the democratic principles and values that apply in the Federal Republic of Germany.
- L'AfD et l'antisémitisme - François Danckaert p. 223-236 La présence d'antisémitisme à l'AfD ne fait aucun doute. Comme le montre par exemple le parcours de Stephan Brandner, l'exclusion de Wolfgang Gedeon en mars 2019 ne constitue pas davantage la marque d'une évolution significative que celle d'une lutte systématique et efficace de la direction du parti contre ce phénomène. Les formes les plus fréquentes sont l'antisémitisme complotiste et plus encore l'antisémitisme secondaire. Tout comme la création d'une organisation de juifs membres de l'AfD, les prises de position pro-israéliennes et la focalisation sur l'« antisémitisme importé » sont destinées entre autres à présenter l'AfD comme un parti profondément « pro-juif ». Également vectrices du discours antimusulman, elles sont largement répandues, mais elles n'ont guère d'influence sur la permanence de l'antisémitisme à l'AfD. L'avenir de ce dernier dépendra en grande partie de l'évolution du rapport de forces au sein du parti.Antisemitism in the AfD is not in doubt. For example, as Stephan Brandner's career in the party shows, the expulsion of Wolfgang Gedeon in March 2019 marked neither a significant development nor a systematic, efficient fight by the party leadership against this phenomenon. Its most frequent forms are conspiracy antisemitism and, even more so, secondary antisemitism. The creation of an organization of Jewish AfD members, as well as a pro-Israeli stance and a focus on “imported antisemitism”, aim at presenting the AfD as a profoundly “pro-Jewish” party. However, this widespread discourse is also a vector of Islamophobia, and it has little impact on the persistence of antisemitism in the party. The future of the AfD largely depends on how the balance of power within the party evolves.
- Nation und Religion in der Programmatik der AfD - Lazaros Miliopoulos p. 237-248 À la remise en cause des modèles d'intégration nationale qui sont fortement basés sur des valeurs conservatrices, telle qu'elle est observée dans les sociétés occidentales au cours de la pluralisation et de l'individualisation, les conservateurs répondent en s'accrochant aux modèles traditionnels de culture et de représentation légitimes, par exemple dans le sens où un élément particulièrement reconnaissable et symboliquement contraignant et obligatoire d'une nation est son héritage chrétien. Dans la présente contribution, cette question est examinée en classant l'« Alternative pour l'Allemagne » (AfD) sur la base des grandes lignes du programme national de 2016, du programme électoral au Bundestag de 2017 et de son programme électoral européen de 2019. Dans ce contexte, le parti relie systématiquement les éléments culturels et religieux aux messages anti-islamiques et aux politiques d'immigration, même s'il le fait plus doucement que d'autres partis populistes de droite, et les oppose à diverses variétés d'une politique identitaire de gauche novatrice qui se veut universelle. En conséquence, les populistes de droite non seulement radicalisent le conservatisme national, mais le transforment aussi, entre autres en le sécularisant.In response to the questioning of strongly value-based models of national integration in the course of pluralization and individualization in Western societies, conservatives respond by clinging to traditional models of legitimate culture and representation, e.g. in the sense that a particularly recognizable and symbolically binding and obligatory element of a nation is its Christian heritage. In the present contribution, this will be examined by classifying the “Alternative for Germany” (AfD) on the basis of its nationwide platform of 2016, the Bundestag election manifesto of 2017 and its European election manifesto of 2019. It is shown that the AfD takes national conservative positions, especially the idea of national sovereignty and the ethnic-cultural dimension of national identity. In doing so, it consistently links the cultural-religious elements with anti-Islamic and immigration policy statements, albeit more softly than other right-wing populist parties, and contrasts this with various varieties of a universally oriented, novel leftist identity policy. As a result, right-wing populists not only radicalise national conservatism, but also transform it, among other things by secularizing it.
- Vom Säkularismus zum kämpferischen „Kulturchristentum“: Die Freiheitliche Partei Österreichs und die Politisierung von Religion - Bernhard Weidinger p. 249-262 Cet article traite du changement de rôle de la religion dans la politique du Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ). Il montre comment – contrairement à la tradition séculière du parti – le FPÖ s'est ouvert au catholicisme de façon assumée à partir des années 1990, finissant par lui accorder, à partir de 2005, un rôle toujours plus central dans son récit. Les offensives croissantes et les références au christianisme comme marqueur d'une appartenance culturelle sont allées de pair avec les références négatives au thème de l'islam et à la stigmatisation des musulmans. L'article relate ce développement en mettant l'accent sur le changement qualitatif entre l'ère de Jörg Haider et la présidence de Heinz-Christian Strache. Ces exemples permettront de débattre d'une question théorique : pourquoi certains mécanismes spécifiques d'inclusion et d'exclusion deviennent prioritaires au sein de l'extrême droite au détriment d'autres, et selon quels facteurs en viennent-ils à jouer un rôle ?This article addresses the altered role of religion in the politics of the Austrian Freedom Party (FPÖ). It is shown how – in contrast with the party's secular tradition – the FPÖ has opened up to Catholicism in the 1990s and how, since 2005, religious references have become both more frequent in and more central to the party's narratives. The increasingly active embrace of Christianity as a marker of cultural belonging came hand in hand with an incrementally hostile attitude towards Islam and stigmatization of Muslims, respectively. The article depicts this development, focusing on qualitative changes from the chairmanship of Jörg Haider to the era of Heinz-Christian Strache. On a theoretical level, it discusses, by reference to the case at hand, why certain mechanisms of inclusion and exclusion receive priority over others by the extreme right, and what criteria factor into these decisions, respectively.
- Le FPÖ et la question de l'identité nationale en Autriche - Rodrigue Akpadji p. 263-276 Fondé en 1956, le parti autrichien de la liberté FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs) fut créé dans une circonstance de crise à l'issue des élections de 1953 où il connut un échec aux plans national et régional. Il représente le courant d'extrême droite autrichien qui trouve ses racines chez les nationaux-allemands défendant l'idéologie pangermaniste et se développe dans le contexte singulier du divorce forcé entre l'Autriche et l'Allemagne. Ses partisans, à la base d'anciens nazis, réclamèrent le rattachement à l'Allemagne avant d'opérer un revirement en adhérant à la nation autrichienne. Les grands partis classiques menèrent une politique de main tendue à l'égard de ce courant, ce qui lui permit d'enregistrer des succès électoraux et de participer à des gouvernements de coalition. Ensuite, le parti se montra opportuniste en adoptant un discours populiste, au profit d'un patriotisme autrichien. Désormais, l'identification à l'Allemagne a largement laissé place au message anti-immigration et anti-islam de « l'Autriche d'abord » sur fond de crise migratoire. Quelle corrélation peut-on observer entre l'évolution de ce parti et ses revirements et la question de l'identité nationale autrichienne ?The Freedom Party of Austria, or FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs), was founded in 1956 in a context of crisis, following the 1953 elections when its ancestor, the VDU, was defeated on both national and regional levels. It represents the Austrian far-right political movement which finds its roots amongst the members of the German-National Party then promoters of the pan-Germanist ideology under the monarchy and the first republic. It grows in the particular context of the forced divorce between Austria and Germany. Its supporters, initially former Nazis, first demanded to be part of Germany before making an ideological U-turn which led them to adopt the concept of Austrian nation. The mainstream big parties extended a helping hand toward this movement, enabling it to achieve electoral successes and to participate in coalition governments. Then the party showed its opportunism by adopting a populist narrative, promoting an Austrian patriotism. By now, the topic of the identification with Germany is largely replaced by an anti-immigration and anti-Islam focus, promoting the “Austria first” rhetoric, in a context of migration crisis. What correlation can be established between the evolution of this party, its turnarounds, and the concept of Austrian national identity?
Varia
- Le projet de réforme du nom de droit allemand - Sandie Calme p. 277-281
Italiques