Contenu du sommaire : La théorie des champs conceptuels de Gérard Vergnaud : héritages et perspectives

Cet article s'inscrit dans le cadre des réflexions sur les questions relatives à la conceptualisation du réel développée par G. Vergnaud. L'opérationnalité de la définition du concept fondée sur le triplet (S=signifiants, I=signifiés, S=situations) est ici remise en perspective à partir de recherches menées par les auteurs de cet article dans différents contextes de construction de connaissances. Les données révèlent que la conceptualisation produite dans des contextes scolaires versus extrascolaires produisent parfois un déséquilibre dans la place et le rôle joué par chacune des composantes du triplet (S, I, S). Ainsi ceci semble conduire au primat d'une mise en avant de l'axe signifiants-signifiés dans des contextes scolaires. En revanche, dans des contextes extrascolaires, on observe un accent dominant mis sur l'axe signifiés-situations/ référents, laissant de côté certains signifiants pourtant nécessaires à la communication et traitement de l'information de façon explicite. On observe une tendance à ce que l'ensemble des situations donnant du sens aux concepts semble dans les deux cas, réduit généralement au contexte local de production des connaissances.

Le calcul de dose médicamenteuse en milieu hospitalier pose un problème de santé publique en raison d'erreurs récurrentes dont les effets sont parfois tragiques. Les recherches menées en sciences de la santé sur cette question documentent abondamment l'activité d'exécution des calculs, mais sans traiter des raisonnements qui les organisent. Dans son œuvre, Gérard Vergnaud adopte un point de vue sur l'activité humaine et son développement qui englobe les savoirs qui la sous-tendent et les contextes dans lesquels elle se réalise. C'est la voie que nous avons suivie pour notre recherche sur l'injection de dobu-tamine en service de réanimation, l'un des médicaments classés à risque par les autorités de santé. Notre regard sur cette activité porte aussi sur l'amont des protocoles médicaux qui cadrent l'activité infirmière. Il donne ainsi accès à une pensée des professionnelles qui dépasse la seule exécution de ces protocoles définis par les médecins. Au carrefour entre didactique des mathématiques et didactique professionnelle, notre étude met au jour les raisonnements qui déterminent les calculs effectués par les infirmières ainsi que deux concepts organisateurs de leur activité de préparation et d'administration médicamenteuse.

La théorie de la conceptualisation dans l'action de Gérard Vergnaud est au cœur des analyses que propose le groupe de recherche collaborative ANPLACE (analyse plurielle de l'accompagnement par l'écriture) à partir de récits professionnels produits par ses membres pour mieux comprendre le développement des compétences dans les domaines du soin infirmier et de l'éducation populaire. Les jeux de va-et-vient entre l'écriture des situations professionnelles et les différents niveaux d'explici-tation provoqués par le dispositif font émerger leur complexité et le besoin de gagner en intelligibilité. Cette dynamique de recherche de sens crée un milieu favorable à l'appropriation des éléments de la théorie de Vergnaud qui peuvent être partagés parce qu'opératoires. En privilégiant une temporalité relativement longue et la récurrence du protocole, le dispositif ANPLACE favorise ainsi un double mouvement de l'action vers sa mise en mots et inversement (formes opératoire / prédicative de la connaissance). L'exigence lexicale chère à Gérard Vergnaud s'avère alors un puissant levier au développement de chacun des membres du collectif.

Notre article vise, autant que faire se peut, à prolonger l'œuvre de Vergnaud. Nos travaux s'enracinent dans le champ de la médiation initié par Vergnaud (1994), afin de mettre en lumière l'activité de l'enseignant. Ainsi, avons-nous cherché à identifier les actes de médiation que l'enseignant posait in situ. Nous avons progressivement été amenés à développer une (psycho)phénoménologie de l'activité enseignante ainsi qu'à opérer des rapprochements entre la théorie des champs conceptuels et la théorie fonctionnelle de Dewey. Cette approche phénoménologique et pragmatiste de la théorie de Vergnaud nous a alors conduits, d'une part, à identifier différents registres d'activité de médiation suivant un continuum allant de l'habitude à l'enquête, et d'autre part, à souligner l'importance de la posture de médiation dans l'identification du niveau potentiel de l'élève, en tant que condition essentielle de l'ajustement des gestes du métier.

Le numérique s'accentue à l'école au rythme des innovations. Comprendre la mise en place de pratiques enseignantes nouvelles est un enjeu fort pour la recherche et la formation. Ce texte illustre ce que l'œuvre de Gérard Vergnaud peut apporter à ce thème. Il revisite pour cela une étude qui analysait les pratiques d'enseignants intégrant pour la première fois programmation et robotique en mobilisant deux cadres de la didactique des mathématiques. En combinant le concept de schème aux construits théoriques issus de ces cadres, l'étude montrait que l'enseignant gère les séances nouvelles en réduisant la distance aux schèmes anciens que ces séances généraient, et en élaborant des repères didactiques, sources de futurs schèmes. L'article illustre alors les filiations et complémentarités entre les travaux de Gérard Vergnaud et ces deux cadres, et l'utilité de continuer à les faire dialoguer pour analyser l'activité enseignante en situation nouvelle.

Cet article se réfère aux travaux de Vergnaud pour leur utilisation dans des problématiques relatives au handicap. L'objectif est de montrer comment sa perspective constitue un outillage conceptuel efficace pour l'analyse de situations dans lesquelles la dimension handicap est impliquée. Le couple schème-situation, la théorie des homomorphismes et des écarts examinant les relations entre réel et invariants opératoires, et entre langage et systèmes de signes sont tout particulièrement mobilisés. La brève présentation de deux exemples de recherches conduites par l'un puis l'autre des co-auteurs de ce présent article, vise à mieux comprendre comment sa théorie peut être mise en œuvre. Il s'agit aussi de montrer que l'apport de sa théorie peut venir se conjuguer aux différents modèles d'analyse du handicap pour enrichir la compréhension des phénomènes observés, et travailler les notions d'accessibilité et de participation dans une optique inclusive

Cet article s'inscrit dans le cadre des réflexions sur les questions relatives à la conceptualisation du réel développée par G. Vergnaud. L'opéra-tionnalité de la définition du concept fondée sur le triplet (S=signifiants, I=signifiés, S=situa-tions) est ici remise en perspective à partir de recherches menées par les auteurs de cet article dans différents contextes de construction de connaissances. Les données révèlent que la conceptualisation produite dans des contextes scolaires versus extrascolaires produisent parfois un déséquilibre dans la place et le rôle joué par chacune des composantes du triplet (S, I, S). Ainsi ceci semble conduire au primat d'une mise en avant de l'axe signifiants-signifiés dans des contextes scolaires. En revanche, dans des contextes extrascolaires, on observe un accent dominant mis sur l'axe signifiés-situations/ référents, laissant de côté certains signifiants pourtant nécessaires à la communication et traitement de l'information de façon explicite. On observe une tendance à ce que l'ensemble des situations donnant du sens aux concepts semble dans les deux cas, réduit généralement au contexte local de production des connaissances.

La théorie des champs conceptuels, bien que son origine soit liée à la didactique des mathématiques, a trouvé des applications dans de nombreux autres domaines de la connaissance. Dans cet article, nous présentons une étude de cas portant sur la construction des concepts de chaleur et de température afin de discuter de l'influence des invariants opératoires sur la conceptualisation. Notre objectif est d'examiner comment la Théorie des Champs Conceptuels peut établir un lien entre l'épistémologie génétique et la psychologie sociohistorique. Pour ce faire, nous mettons en avant une unité d'analyse en conceptualisation qui intègre des aspects intra-subjectifs et culturels. En tenant compte de ces aspects, nous apportons une compréhension plus approfondie des mécanismes sous-jacents à la construction des concepts scientifiques. En conclusion, nous soutenons que la Théorie des Champs Conceptuels nous offre une perspective intégrative qui enrichit notre compréhension des processus de conceptualisation.

Les relations entre schème, conceptualisation et action constituent un thème essentiel dans l'œuvre de Gérard Vergnaud, mais on sait moins qu'elles étaient en germe chez Gabriel Revault d'Allonnes. C'est cet auteur, injustement méconnu, et non Piaget qui a, comme nous le montrons, introduit dès 1914 le schème dans la psychologie en s'in-téressant aux actes de la vie quotidienne de l'enfant et de l'adulte. Il a longtemps été un pair totalement inconnu de Vergnaud ; ce dernier a élaboré sa pensée de manière indépendante. Textes originaux à l'appui, nous identifions certains points d'une proximité théorique largement insoupçonnée entre ces deux auteurs et ébauchons un examen de leur contribution respective en repérant tant ce qui leur est commun que leurs focalisations respectives, et en les situant parfois par rapport à Piaget. Nous montrons ensuite que les propositions de Vergnaud constituent une modélisation opérationnelle de l'activité et de l'expérience au moyen d'un processus entrelaçant la schématisation, la conceptualisation et l'action. La pertinence de ces propositions pour le concept de schème nous conduit à souligner cette perspective théorique majeure. Elle permet de pointer notre regard sur la notion de compétence, plus particulièrement celle de compétence critique et celle de compétence complexe.

Cet article propose d'étudier, à l'échelle départementale de la France métropolitaine, la variation du nombre d'écoles et l'évolution des effectifs d'élèves de l'enseignement primaire entre 1816 et 2021. Au xixe siècle, l'augmentation du nombre d'élèves se situe dans un contexte de baisse globale de la fécondité française, engagée depuis la fin du xviiie siècle et accompagnée par de vastes migrations intérieures. Sur le temps long de deux siècles, peut-on identifier des dynamiques comparables entre des groupes de départements ? L'étude repose sur la reconstitution puis l'analyse des courbes départementales d'écoles, d'élèves et de population afin d'établir la temporalité et l'intensité de leurs évolutions. Elle montre qu'après une progression généralisée du nombre d'écoles et d'élèves au xixe siècle, des modifications se font jour, liées aux évolutions distinctes des démographies départementales.

La population des adjoints d'établissement scolaire de l'enseignement secondaire public se situe en première ligne dans les établissements tout en étant seconds de cordée. Leur présence est attendue et elle est quantitativement importante. Qualitativement, elle est éprouvante car les sollicitations sont multiples. Les risques d'épuisement sont forts. Cet article s'intéresse au bien-être et à l'épanouissement : quel est le rapport à la présence des adjoints et quels sont les effets de la présence sur leur bien-être au travail ? En s'appuyant sur 23 entretiens semi-directifs, les résultats de cette recherche permettent de caractériser les formes d'injonction à la présence des adjoints. Cette forte disponibilité les accule à une hyper responsabilisation. Parce que cette réalité n'est pas une fatalité, nous évoquons des ressources à mobiliser pour traverser l'épreuve de la présence afin de favoriser le bien-être des adjoints.

L'article étudie les processus de construction de la reconnaissance professionnelle des enseignants de deux collèges situés en Réseau d'Éducation Prioritaire renforcé. Après avoir mis en évidence les liens entre rapports de pouvoir (Bourdieu), solidarité organique (Durkheim) et reconnaissance (Honneth), l'étude souligne l'intérêt de considérer les espaces fonctionnels, matériels et sociaux des établissements scolaires. Outre des observations in situ, les entretiens restituent les capacités réflexives et critiques des acteurs qui permettent aux enseignants d'avoir prise ou non sur ces espaces, en fonction de leur travail de coopération avec les chefs d'établissement présenté comme central d'après les Politiques d'Éducation Prioritaire (PEP). Les résultats montrent ainsi le lien entre le sentiment de reconnaissance et l'investissement par les acteurs des espaces fonctionnels et matériels où ils exercent. L'ensemble invite à étudier les conditions de possibilité d'une division du travail produisant de la solidarité, selon un processus entrevu par Durkheim.

L'objectif de cette étude est de mieux comprendre les processus en jeu dans les choix d'orientation et mieux accompagner les lycéennes faisant le choix d'une filière considérée comme masculine. Un questionnaire, mesurant l'identité sexuée, le soutien social perçu, le sentiment d'efficacité personnelle et la satisfaction vis-à-vis des études, a été administré à 57 lycéennes et 153 lycéens inscrites dans des filières générales et technologiques perçues comme masculines. Les résultats suggèrent que le ressenti des filles inscrites dans des filières masculines n'est pas symétrique à celui des garçons inscrits dans une filière féminine et que, outre le genre de la filière, son prestige a également un impact sur le sentiment de compétence et les traits de personnalité sexués auto-attribués. Ces résultats sont mis en perspective avec l'accompagnement par les psychologues de l'Éducation Nationale des élèves vers des filières atypiques.

La massification de l'enseignement supérieur et la mise en œuvre du processus européen de Bologne ont inscrit l'injonction de profession-nalisation dans des enjeux socioéconomiques, avec l'objectif d'ajuster la formation à l'économie. Ce changement est source d'une tension entre modèles universitaires – université de recherche versus université de service – donnant des approches et mises en œuvre différentes de la professionnalisation des formations. Cette étude a été menée à l'Université Cler-mont Auvergne UCA, issue de la fusion en 2017 de l'Université Blaise-Pascal (UBP) plutôt orientée par la recherche fondamentale et l'Université d'Auvergne (UdA) plutôt orientée par le service. La méthodologie suivie repose sur des approches quantitative et qualitative. Les résultats montrent un processus de professionnalisation plutôt orienté par l'offre dans « l'université de recherche » où prédomine les besoins des disciplines académiques, tandis que dans « l'université de service » la profes-sionnalisation, en étant réactive et adaptative par rapport à des besoins extérieurs, est davantage orientée par la demande.

Les jeunes orientés en ITEP le sont en général à la suite d'un parcours jalonné de dispositifs scolaires, sociaux, sanitaires et/ou médico-sociaux qui aboutissent à une orientation spécialisée. Afin de répondre à l'impératif d'accessibilité, un nouveau dispositif permet leur retour au sein de l'école ordinaire : les Unités d'enseignement externalisées (UEE). Consultations de dossiers, observations de réunions et de scènes scolaires ainsi qu'entretiens avec des professionnels et des jeunes nous permettent de rendre compte de l'effet de ces différents dispositifs sur les trajectoires scolaires des jeunes. Dans quelles mesures les UEE parviennent à reconfigurer la forme scolaire et à recomposer les liens entre éducation et intervention sociale afin de garantir le retour à l'école ordinaire de jeunes d'ITEP ? Dans un premier temps, nous rendrons compte des parcours des jeunes orientés en ITEP en détaillant la façon dont chaque dispositif a participé à la légitimation d'un exil scolaire. Une seconde partie sera l'occasion de nous concentrer sur le fonctionnement et les effets des UEE.