Contenu du sommaire
Revue | Politiques et management public |
---|---|
Numéro | vol. 23, no 1, mars 2005 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Innovation et entrepreneurship dans la réforme du secteur public au Canada - Taïeb Hafsi et Luc Bernier p. 1 Dans l'histoire des États-unis, quelques entrepreneurs sont devenus de vraies légendes. Robert Moses à New York, Lilienthal avec la Tennessee Valley Authority, Rickover dans la US Navy ou Hoover au FBI (Lewis, 1980; Caro, 1979) ont été des héros du développement de l'administration publique. Ils se sont manifestés à une époque où les ressources étaient plus faciles à obtenir et leur contribution était très visible. Aujourd'hui, alors qu'un nouveau management public émerge, les gouvernements sont moins populaires et doivent se réinventer. Dans cet exercice les entrepreneurs publics n'ont plus la même envergure. Ils sont locaux et plutôt des héros modestes, souvent sous-évalués comme Riccucci (1995) ou Borins (1998) les ont décrit. Ils construisent sans apparaître sous les feux de la rampe. L'importance des entrepreneurs est bien documentée dans la littérature sur le secteur public américain (Robert & King, 1996). Les particularités du système américain poussent souvent les fonctionnaires à être entrepreneurs. Nous argumentons dans cet article que ceci est aussi vrai d'un système pariementaire de type Westminster, comme celui du Canada. Nous utilisons des données sur les innovations dans le secteur public assemblées par l'Institut d'administration publique du Canada pour présenter la nouvelle génération d'entrepreneurs du secteur public. Dans cet article nous offrons un cadre qui permet de contextualiser l'entrepreneurship et argumentons que les entrepreneurs d'aujourd'hui travaillent en équipes pour accomplir ce que des individus ne peuvent faire. Ces équipes ont besoin de l'expertise qui était importante dans le passé (Doig & Hargrove, 1987) mais aussi des talents politiques nécessaires pour assurer la mise en application des idées. Ces entrepreneurs ne créent pas de nouveaux systèmes de gouvernement, ni ne développent des projets grandioses. Par contre, ils réinventent leurs organisations. Les conséquences pour la recherche et la pratique du management dans le secteur public sont aussi suggérées.
- Quel projet pour l'Université ? Réflexions autour d'une démarche projet dans une grande université multidisciplinaire - Jean-Pierre Brechet p. 25 La réflexion proposée se nourrit de l'expérience d'une démarche projet ambitieuse menée dans une grande université multidisciplinaire française. Cette réflexion s'articule autour de deux grandes questions : celle de l'inscription de la démarche dans l'organisation ; celle de l'instrumentation dont la démarche est porteuse. La première pose le problème de l'élaboration du contenu du projet dans un ensemble composite et celui de sa mise en œuvre en tant que processus organisationnel. La seconde confronte à la nécessité de prendre en compte la pluralité des légitimités mobilisables pour justifier l'action et les aspects de coopération en jeu dans la démarche. Il apparaît que le dispositif de rationalisation de l'action collective que constitue le projet cristallise et révèle les difficultés que rencontre la construction d'un collectif composite en univers non marchand.
- La loi Faure, une rupture avortée ? Effets de policy feedback et application de la loi Faure à Lyon - Jérôme Aust p. 53 En adoptant une grille d'analyse empruntée au néo-institutionnalisme historique, l'article tente de montrer que l'application de la loi Faure à Lyon est structurée par des logiques héritées du système institutionnel antérieur. Si la loi cherche à rompre avec le système des facultés en instituant des universités pluridisciplinaires, elle laisse une place décisive aux acteurs locaux dans la définition des nouvelles universités. Ce faisant, elle fournit un cadre propice à l'expression des logiques antérieures. La définition d'établissements émancipés de la logique facultaire se heurte à deux obstacles majeurs. D'une part, l'héritage institutionnel a contribué à différencier chaque ordre de faculté ; il structure également le choix des instances de concertation. D'autre part, le maintien des découpages antérieurs est l'objet de rendements croissants (increasing returns). Les universitaires lyonnais, engagés sur le sentier facultaire, ont plus intérêt à leur maintien qu'à la promotion de logiques innovantes.
Une génération de réformes dans l'éducation nationale
- Présentation par Jacky Simon p. 71- L'évaluation dans le système éducatif : un instrument qui n'a pas porté tous ses fruits - Claude Pair p. 73 Des transformations profondes ont eu lieu depuis le début des années 80 dans le management du système éducatif, avec un rééquilibrage des pouvoirs entre le centre et la périphérie. Mais elles n'ont pas empêché les oppositions entre dirigeants et personnels de se radicaliser. Quelle évolution dans le management peut rétablir la communication ? Parmi les « instruments » qui pourraient y contribuer figure l'évaluation. L'exposé décrit d'abord ce qu'est aujourd'hui l'évaluation du système éducatif en France : évaluations des élèves et étudiants, des personnels, des unités, du système éducatif dans son ensemble. Si l'évaluation s'est considérablement développée et place l'éducation nationale française en position favorable, si une « culture de l'évaluation » a émergé chez les cadres, elle ne s'est pas véritablement étendue aux personnels de base. La variété des dispositifs en place et la richesse de leurs résultats contraste avec la faiblesse de leurs usages. Puis on compare la situation française au cas de trois autres pays européens (Angleterre, Espagne, Suède), dont les modèles semblent plus faciles à rattacher à un mode d'organisation et de pilotage. Enfin, après avoir dégagé les deux grands buts de l'évaluation (rendre compte et contribuer au progrès), on examine comment l'évaluation pourrait participer à un management répondant mieux à la question posée, dans le cadre d'un « pilotage concerté ».
- La contribution des outils statistiques et d'évaluation à la modernisation de l'éducation nationale - Jean Richard Cytermann p. 91 La problématique des indicateurs et de la mesure des résultats du système éducatif prend une importance grandissante sous l'influence de différents facteurs. La nouvelle loi organique relative aux lois de finances met l'accent sur la production de rapports de performance mettant en relation coûts et résultats. Les conclusions du sommet européen de Lisbonne conduisent à l'analyse d'indicateurs sur l'éducation définis en commun. Les comparaisons internationales se développent et intègrent maintenant la mesure des performances des élèves. De l'avis général, le ministère de l'éducation nationale est plutôt en avance. Il a su progressivement construire une palette diversifiée d'outils statistiques et d'évaluation dont certains vous sont présentés rapidement dans cette communication. Dans une seconde partie, la communication étudie le lien complexe entre évaluation et décision. Diverses analyses montrent que ces outils sont peu utilisés pour des raisons techniques et politiques. Des progrès sont cependant réalisés. Ils favorisent notamment une meilleure qualité du débat public sur l'éducation et contribuent à la transparence de l'action publique.
- L'évaluation a-telle "bouleversé" les modes de gestion du système éducatif français ? - François Louis p. 105 Appliquée au système éducatif, la démarche d'évaluation est, à l'échelle du long ternie, relativement nouvelle en France, comme au demeurant dans beaucoup d'autres pays. A priori, son principe suscite un très large consensus. De fait, « évaluer » est un terme qui rencontre un écho familier dans le cadre scolaire ; c'est aussi une nécessité assez largement admise eu égard au poids considérable de la dépense publique consacrée à l'éducation et compte tenu également de certaines attentes légitimes et pressantes de l'opinion publique quant à « l'efficacité de l'école ». L'évaluation est aussi perçue comme un instrument bien venu pour améliorer le pilotage des établissements et, plus largement, du système éducatif. Au cours des deux dernières décennies, des acquis significatifs et reconnus ont été obtenus à cet égard. Pour autant, l'évaluation occupe dans les modes de gestion du système éducatif français une place que l'on peut considérer comme encore relativement modeste, quoique néanmoins irremplaçable. Sa mise en œuvre provoque des réticences et des débats car elle nourrit chez beaucoup d'enseignants et de chefs d'établissements, particulièrement, une réaction de prévention. Ses modalités, pour qu'elle soit menée de façon « satisfaisante » dans le cadre de l'Ecole, alimentent par ailleurs de réelles controverses et sur plusieurs registres. Quant à son impact, il est bien souvent aléatoire. Finalement, l'évaluation n'a certes pas « bouleversé » le fonctionnement du système éducatif français. Cette démarche, cependant, apporte de précieux éléments d'objectivité et de rationalité au cœur des vifs débats sur l'Ecole qui, (trop) fréquemment, dérapent dans le passionnel.
- Peut-on gérer l'Education nationale ? Le point de vue d'un administrateur après trente ans de pratique - Pierre Daste p. 111 L'Education nationale a su gérer les problèmes quantitatifs, sans doute au prix de multiples cahots, et passer, de 1968 à la fin du siècle, d'un enseignement élitiste à un enseignement de masse. Ces trente années ont été marquées par des changements politiques et sociaux importants et souvent déterminants pour le système éducatif. Je distinguerais volontiers trois phases : la fin du gaullisme jacobin et volontariste - le septennat de Valéry Giscard d'Estaing - et les années Mitterrand - si l'on veut personnaliser nos références ! Cette longue période est marquée par une réussite incontestable que caractérise la notion de rentrée "techniquement réussie". Les moyens modernes de gestion, intellectuels et technologiques, ont autorisé et facilité ces succès. Quant à l'administration de l'Education nationale, elle s'est modernisée tout au long de la période et après les lois de décentralisation des années 80, grâce à une déconcentration poussée. Elle a su pratiquer le dialogue social de façon constante ce qui est à mes yeux indispensable, dans une administration qui gère essentiellement des personnels et dont le budget leur est très largement dédié. Ma vision est-elle trop optimiste ? Je ne le crois pas . . . Rendez-vous dans trente ans !
- Les chefs d'établissement entre rationalisation moderniste, contraintes culturelles et désir de justice - Yves Dutercq p. 125 Les chefs d'établissements scolaires sont confrontés à une situation doublement nouvelle, caractérisée par le déplacement des régulations du système au niveau intermédiaire et par la convergence sur leur fonction d'attentes divergentes (injonction de résultats, retour sur investissement, autonomie des enseignants...). On peut parier d'un corps en mutation : les récentes redéfinitions qu'il a connues montrent que les anciens statuts ne correspondent plus à la situation actuelle, aux attentes des intéressés et à la politique de développement de l'institution. Plus important, la culture professionnelle des chefs d'établissement navigue entre deux modèles en tension : celui de la tradition bureaucratique, qui repose sur la gestion administrative réglementaire dans une culture d'autorité, et celui du modernisme organisationnel, qui peut s'accompagner d'un projet démocratisant. La culture professionnelle des chefs d'établissement oscille alors entre la continuité, faite de responsabilité administrative, juridique et financière, et la rupture, symbolisée par la plus grande implication pédagogique, le management des personnels, la gestion des ressources humaines et le développement des relations extérieures. Cette aspiration à la modernité et à l'efficacité incite les chefs d'établissement à développer des ressources d'ordre relationnel et managérial et à privilégier des modes de régulation par le sens plus que par la contrainte ou le résultat. Dès lors ils mettent en avant tantôt leurs qualités personnelles, tantôt leur professionnalisme, ce double registre pointant les difficultés de l'institution à définir tâches, responsabilités et autonomie relative de ses cadres. Les chefs d'établissement illustrent en cela une nouvelle figure de l'action publique fondée sur un compromis entre management et sens du service public, dont la mise en œuvre redéfinit le service public lui-même : non pas céder au « clientélisme » mais rendre le service public plus proche et moins abstrait de façon à le faire plus juste.
- La place de l'élève dans le management de l'école depuis la loi d'orientation du 10 juillet 1989 - Michèle Sellier p. 135 L'élève doit-il demeurer au centre du système scolaire ? Telle est l'interrogation posée en France par Luc Ferry le ministre de l'Education nationale, près de 15 ans après le vote de la loi d'orientation du 10 juillet 1989 qui avait inscrit ce principe dans son article 1er. Cette interrogation est en fait au cœur d'un débat idéologique qui traverse les milieux de l'éducation : en cherchant soi-disant à s'adapter aux enfants, l'Ecole aurait réduit ses exigences et accru de manière inconsidérée les droits des élèves. De nombreux textes ont effectivement été adoptés pour favoriser la participation des élèves à la marche de l'Ecole mais leur mise en pratique n'a pas toujours donné les résultats escomptés : s'agissait-il de faciliter l'expression des usagers ou/et de former de futurs citoyens ? Les résultats ont été très variables d'un établissement à l'autre. Ce débat sur la place de l'élève dans l'Ecole est révélateur aujourd'hui d'une absence de consensus sur l'institution elle-même. Cet enfant « roi » des années 80 est-il devenu un élève « client » réclamant, comme ses parents, à la société une école de qualité, lui donnant les moyens de la réussite et le protégeant des risques d'une mauvaise scolarité ? Face à une nouvelle population d'élèves, les modes de transmission des savoirs sont restés relativement inchangés. Les enseignants sont en difficulté et regretteraient leurs valeurs perdues. Le ministre propose de rétablir l'autorité à l'école mais quelle confiance peut faire une société à une institution qui pratique l'évaluation systématique des élèves mais se refuse à évaluer ses cadres enseignants ?
- Education nationale 1985-2000. Une "prospective-action" - Daniel Bloch p. 143 L'examen de la trajectoire économique et éducative de la France entre les années 1985 et 2000 permet d'établir le caractère central du triptyque constitué par le projet politique, l'ambition éducative et le développement économique. L'accord raisonnable entre les indicateurs attendus en 1987 pour l'an 2000 et ceux caractérisant l'an 2000 démontre que l'Éducation Nationale est en mesure d'atteindre des objectifs très éloignés de ceux résultant des données « tendancielles », pour autant qu'elle en ait la volonté.
- Vingt ans de réformes des systèmes éducatifs dans les pays en développement - Georges Solaux p. 151 La situation politique, économique et sociale des pays en développement est difficile alors que pratiquement tous, depuis maintenant plus de vingt ans, ont mis en œuvre des réformes très importantes élaborées en fonction des plans d'ajustement structurel initiés par le FMI, et financées par des projets soutenus par les grands bailleurs de fonds internationaux (multilatéraux ou bilatéraux). Parmii ces pays, cinquante et un ont été identifiés par la Banque mondiale comme présentant un niveau de développement tellement faible, associé à un taux d'endettement tellement élevé, qu'ils sont susceptibles de bénéficier de l'initiative dite PPTE (Pays Pauvres Très Endettés). L'objectif prioritaire de l'initiative PPTE concerne la réduction de la pauvreté. Dans ce cadre l'école paraît instrumentalisée dans une perspective qui peut sembler étroitement utilitariste, car la finalité est d'abord centrée sur l'efficacité externe de celle-ci. Nous tenterons cependant, au cours des quatre chapitres du texte qui suite, d'appréhender les marges de liberté dont disposent les gouvernements en place au regard des exigences des grands bailleurs de fonds. S'agit-il de politiques publiques sous influence ? Y a-t-il limitation des initiatives, déresponsabilisation du politique par exportation de pensée unique émanant des pays les plus industrialisés ?
- L'Education nationale, une institution rétive à la réforme ? - André Legrand p. 159 Même si l'Education nationale a beaucoup évolué dans les dernières décennies, même si elle a été touchée par des réformes de type très divers, elle garde une image forte d'immobilisme, liée au caractère récurrent des manifestations qui accompagnent toutes ses transformations : l'impossibilité dans laquelle les gouvernants se sont généralement trouvés de mettre en œuvre leurs projets et l'impression velléitaire qui en résulte traduit l'absence de maîtrise du processus réformateur. Le fonctionnement de l'appareil central a attiré peu d'attention. Il serait pourtant nécessaire de s'intéresser tant aux questions d'organisation que de fonctionnement du ministère pour analyser les défaillances et les lacunes de l'effort de réforme entrepris. Même si des efforts importants sont faits pour introduire en son sein une logique « organisationnelle », marquée au coin de la rationalité, l'Education nationale reste fortement marquée par les traits de « l'institution » et caractérisée par l'importance du subjectif et de l'idéologie. Cela explique sans doute la difficulté qu'elle éprouve à imaginer une conduite efficace du changement.
- L'évaluation dans le système éducatif : un instrument qui n'a pas porté tous ses fruits - Claude Pair p. 73