Contenu du sommaire : Disciplines et déchirures. Les formes de la violence
Revue | Cahiers d'études africaines |
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Numéro | Vol. 38, no 150-152, 1998 |
Titre du numéro | Disciplines et déchirures. Les formes de la violence |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Présentation
- Pathologie de la violence et discipline de l'ordre politique - Bogumil Jewsiewicki p. 215-226
Études et essais
- Establishing Control : Violence along the Black Volta at the Beginning of Colonial Rule - Jack Goody p. 227-244 À l'époque de la conquête coloniale, le niveau de violence dans la région de la Volta était élevé. En dehors des vendettas locales et des conflits consécutifs à l'intervention européenne, il existait une violence considérable liée aux raids esclavagistes menés par les États ainsi qu'aux entreprises guerrières conduites par des conquérants comme Samory et Babatu. Les colonisateurs déléguèrent leur pouvoir à de nouveaux dirigeants qui, tout en mettant fin à ces formes de violence, en introduisirent également de nouvelles. L'avènement de l'indépendance ainsi que le succès du scrutin majoritaire se traduisirent par le déclin des autorités traditionnelles au profit de groupes occupant une position subordonnée. Ces dernières, en tentant d'accéder au pouvoir, furent également la source de conflits. Alors que la violence se produisait autrefois dans les zones tribales, elle intervient aujourd'hui davantage dans les aires étatiques traditionnelles.
- La violence en Algérie. Des crimes et des châtiments - Abderrahmane Moussaoui p. 245-269 À quoi renvoie la violence qui endeuille quotidiennement l'Algérie depuis plus de six ans ? Le poids du politique, les contraintes de l'économie et les pesanteurs historiques ne peuvent tout expliquer. La dimension anthropologique apporte de nouveaux éclairages pour comprendre les enjeux et les formes que prennent les affrontements. La perception du conflit par chacune des parties, les formes et techniques de la violence, les espaces et les moments où s'exercent cette violence sont autant d'aspects dont il faut tenir compte pour comprendre l'actualité de la crise en Algérie. Le retour sur des notions comme l'honneur, le djihâd ou la représentation de la guerre de libération, permet de faire ressortir une autre dimension de cette crise, à travers les usages sociaux de la violence.What does the violence mean that, time after time, has plunged Algeria into mourning over the past six years? Political, economic and historical factors cannot explain everything. The anthropological dimension casts another light on the stakes in this violence and the forms it has taken. To understand the current crisis, we must take into account each party's perception of the conflict, the forms and techniques of violence, and the times and places where it is committed. By resorting to the notions of honor and jihad and to images of the war of independence, we catch glimpse of another dimension of how violence is put to social uses.
- Ritual and Political Forms of Violent Practice among the Suri of Southern Ethiopia - Jon Abbink p. 271-295 Cet article traite des formes idéologiques et de l'exercice de la violence chez les Suri, un peuple de pasteurs et d'agriculteurs d'Ethiopie méridionale. Sur le plan théorique, on s'interroge sur la façon dont, dans cette société traditionnelle sans stratification sociale marquée, sans autorité politique centralisée et sans économie moderne, la violence est construite et mise en œuvre, et comment elle définit partiellement les rôles sociaux et les groupes qui composent cette société par opposition aux collectivités voisines. Bien que les rapports entre les différents groupes ethniques au sein d'un ensemble régional plus vaste ou que les contacts avec le ou les États ne sont pas des phénomènes nouveaux, les transformations récentes qu'a connues la société suri ont modifié de façon sensible leur façon de gérer la violence.This article presents an account of the ideological form and practical exercise of violence among the Suri people, an agro-pastoral group in southern Ethiopia. In theoretical terms, the generai question is addressed of how, on the elementary level of a small-scale, relatively traditional society without stratification, central leadership and modem economic features, "violence" is constructed and performed, and how it partly defines the social persona and collectivity of this group, as opposed to others. It will be asserted that, while their connections with other ethno-cultural groups in a partially shared environment and contacts with state forces are not new recent developments in this wider societal and political context of the Suri have an important transformative impact on their patterns of violence.
- The Garrison-Entrepôt - Janet Roitman p. 297-329 Ce texte analyse les significations et les effets concrets de l'« entrepôt de garnison » dans le Bassin du Tchad. L'entrepôt-garnison est une institution historique ; c'est le lieu où se contrétisaient autrefois des pratiques et des significations à la fois commerciales et militaires. Son histoire fait partie des conquêtes et des pratiques d'accumulation basées sur la violence (esclavage, razzia, spoliation). Aujourd'hui, la normalisation de la violence au service de certaines formes d'accumulation est évidente. De plus, l'évolution de l'économie politique dans le Bassin du Tchad est telle que l'entrepôt-garnison apparaît comme le site de la redistribution et de l'autorité fiscales. Il participe à l'intensification et à l'expansion des circuits commerciaux régionaux, à partir desquels s'effectuent la régulation (primes, prestations, rentes) et le contrôle d'une certaine main-d'œuvre (gardes, coursiers, contrebandiers, intermédiaires). Ces derniers maintiennent des relations ambiguës avec les frontières physiques et la réglementation nationale. Sans doute l'entrepôt-garnison est-il une forme historique de pouvoir qui concurrence l'État-nation. Mais les rapports fiscaux qui se dessinent à travers ce phénomène de frontière sont essentiels à la recherche de nouvelles assises du pouvoir économique dans le Bassin du Tchad ; ils sont souvent bien exploités et même encouragés par les régimes en place. En effet, cette contre-fiscalité est aujourd'hui au cœur de la redéfinition de la « citoyenneté économique » dans la région.This text examines the meanings and material effects of the garrison-entrepot in the Lake Chad Basin. As an historical institution, the garrison-entrepot is a site where practices and significations which are both military and commercial are concretized. It takes part in the history of conquest and violent modes of violent accumulation (slaving, razzia, raiding) known to the region. Today, the normalization of violence associated with certain manners of accumulations is manifest. Furthermore, the political economy of the Chad Basin is such that the garrison-entrepot has become a site of redistribution and fiscal authority. It contributes to the intensification and expansion of regional commercial circuits which are the bases for the exercice of regulatory authority (rents, prestations, charges) and the control of labor (guards, couriers, smugglers, intermediares). The later maintain ambiguous relationships to the physical frontiers of the nation-state as will as those of national regulation. Doubtless, the garrison-entrepot is a historical form of power that completes with the nation-state. But the fiscal relationships that emerge out of this phenomenon of the frontier are essential to the quest for new forms of economic power in the region; they are often exploited and even encouraged by extant regimes. Indeed, this counter-fiscality is atthe heartof the redefinition of "economic citizenship" in the region today.
- Questions sur le rôle des paysans durant le génocide des Rwandais tutsi - Claudine Vidal p. 331-345 Les victimes du génocide des Rwandais tutsi, commis à partir du 7 avril 1994, furent en majorité des individus et des familles faisant partie de la paysannerie. Ils ne résidaient pas dans les centres urbains mais vivaient sur les collines où ils exerçaient leurs activités agricoles. Des centaines de milliers de paysans tutsi furent exterminés. Il n'existe pas d'études approfondies sur l'implication des paysans hutu durant le génocide. Néanmoins quelques chercheurs ont avancé des interprétations qui, soit minimisent ce rôle, soit, au contraire, lui donnent la plus grande importance. L'auteur procède à l'examen de ces interprétations ; elle les situe par rapport à des analyses historiques et sociologiques plus générales de la société rwandaise.Most victims of the genocide committed as of 7 april 1994 on Rwanda Tutsi came from the peasantry. They lived not in urban centers but on the hillsides where they farmed. Hundreds of thousands of Tutsi peasants were exterminated. No in depth study has been made of how Hutu peasants were implicated in this genocide. Nonetheless, a few researchers have advanced interpretations that either minimize the latter's role or else assign it the most importance. These interpretations are examined and compared with more generai historical and sociological analyses of Rwanda society.
- Les rapports État-paysannerie au centre du conflit ethnique au Burundi - Barnabe Ndarishikanye p. 347-383 À partir des enquêtes agro-économiques et d'une analyse du processus de création et de répartition des richesses, l'auteur propose une explication économique de l'ethnicité et des événements politiques sanglants au Burundi. L'État, contrôlé par des élites d'origine tutsi, impose depuis des années une politique agricole axée sur la production et la commercialisation des cultures d'exportation. L'échec de cette politique coïncide avec le succès de l'intensification de la production agricole, du développement de la bananeraie et d'une plus grande autonomie de la paysannerie. Comme la majorité des agriculteurs sont de l'ethnie hutu, et que la majorité des dirigeants sont de l'ethnie tutsi, la douloureuse expérience démocratique situe la lutte pour le pouvoir dans la compétition entre groupes sociaux.Agricultural and economic surveys and an analysis of the processus for creating and distributing wealth serve as the basis for an economic explanation of « ethnicity » and political bloodshed in Burundi. Controlled by elites of Tutsi origin, the state has, for years now, imposed an agricultural policy oriented toward producing and selling cash crops for exportation. The failure of this policy coincides with the successful intensification of agricultural production, the development of banana plantations and increasing peasant autonomy. Since most farmers are Hutu, and most leaders, Tutsi, the painful experiment with democracy turned the struggle for power into competition between social groups.
- Guerres paysannes au Nord-Kivu (République démocratique du Congo), 1937-1994 - Paul Mathieu, A. Mafikiri Tsongo p. 385-416 La partie nord du Kivu (est du Zaïre), et particulièrement la zone de Masisi, ont été le lieu d'affrontements massifs et violents de 1993 à 1996 : massacres et « nettoyages ethniques » opposant les autochtones à un ensemble de groupes d'origine rwandaise où se mêlaient des migrants récents et des populations anciennement installées dans cette région. L'article interprète ces violences comme relevant d'une succession de « moments conflictuels » et d'un processus historique ancien dans lequel interfèrent plusieurs axes de tensions : les déséquilibres démographiques et ethniques résultant des migrations, la précarité et la dépossession foncières des paysanneries, l'incertitude identitaire due à la confusion politique concernant la nationalité des migrants. Cette interférence a provoqué une escalade conflictuelle conduisant à une polarisation politico-ethnique et à une logique de « violence sécuritaire » où chacun des deux ensembles ethniques ainsi polarisés voit sa survie comme étant conditionnée par l'élimination violente de l'autre groupe.Northern Kivu Province in eastern Zaire, in particular the Masisi area, was the scene of major, violent conflicts (massacres and "ethnie cleansing") from 1993 to 1996 between natives and groups with Rwandan origins (both recent migrants and populations long settled in the area). This violence fits into a series of "moments of strife" since 1937 and stems from an old historical process involving several axes of tension: demographic and ethnic disequilibrium resulting from migrations, the precariousness of the peasantry and its loss of land, uncertainty about identities owing to political confusion about the nationality of migrants. Violence thus escalated to the point of political/ethnic polarization and followed a "logic of security violence" whereby each of the two polarized ethnie groups saw its own survival as depending on the violent elimination of the other.
- Du Congo des rébellions au Zaïre des pillages - Isidore Ndaywel è Nziem p. 417-439 Ce texte s'efforce de comprendre les motivations du « rejet » des solutions violentes, lequel a caractérisé la transition politique du Zaïre. Il commence par noter que ce pays n'est pas ignorant des méthodes violentes, tant le recours à la force a jalonné son parcours post-colonial. Articulées en trois cycles successifs, les « guerres » du passé, chaque fois suscitées par la population, ont toujours conduit à des répressions sanglantes. Ce sont donc les expériences malheureuses du passé qui ont conduit ces populations à se méfier des manières fortes et à les considérer comme formes d'illusion qui amènent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. Pendant longtemps le régime de Mobutu s'est employé à entretenir délibérément une mémoire du passé, à discréditer la violence « d'en bas » et à utiliser cette attitude comme mode de légitimation de la violence « d'en haut ». Le comportement de la transition a donc été victime d'une telle manipulation. C'est ainsi que les « journées mortes » et les « pillages » en étaient arrivés à constituer les expressions les plus « violentes » que les Zaïrois d'hier pouvaient encore s'accorder. Dans cet entendement, la seule violence susceptible de s'imposer était celle qui pouvait naître de l'imprévu et se développer suivant ses mécanismes propres, sans avoir à compter, de manière déterminante, sur la population.Why were violent solutions "rejected" during the democratic transition in the last days of Mobutu's regime, even though violent methods had been used just after independence? In three successive cycles, these past "wars", in each case set off by the population, led to violent repression. Owing to these experiences, people were wary of strong-arm methods and consi-dered them to be "forms of illusion" that caused more problems than they settled. For a long time, Mobutu's regime endeavored to deliberately keep this memory of the past alive, to discredit violence from "the bottom" and to use this attitude as a means for legitimating violence from "the top". The transition fell victim to this manipulation. "Looting" and "shut-downs" thus came to be the most "violent" acts on which the people of Zaire could agree. Hence, violence could only take the form of unexpected events developing on their own without having to count on the population's support.
- La violence à Kinshasa, ou l'institution en négatif - René Devisch p. 441-469 À Kinshasa, les pillages massifs en septembre 1991 et janvier 1993 ont entraîné un repli de la population suburbaine sur le voisinage : on parle de villagisation de la ville. La vie en ville se résume à l'art de la débrouillardise. La dégradation du milieu et les conditions misérables des cités suburbaines, tout comme la dégradation dans les services publics tels que les transports, l'enseignement et les services de santé, ont brisé les miroirs tant traditionnels qu'importés d'identification et de partage des rôles. De plus en plus de citadins se trouvent réduits à une vie de nomades déshérités et parasites. Butant contre l'anomie omniprésente, désabusés, certains se retranchent dans une autovictimisation ou dans la violence en tant que réaction perverse et imaginaire contre les forces aliénantes auxquelles ils imputent leur échec et leur infortune. D'autres cherchent refuge dans les églises de guérison. À part la chaleur de la communauté de frères et sœurs dans l'Esprit-Saint, celles-ci offrent aussi des diagnostics nouveaux des relations et des institutions qui portent la violence, qui (dé)font l'interaction et qui mobilisent ou désarment la solidarité.Widespread looting in Kinshasa, Zaire, in September 1991 and January 1993 have led people to seek refuge and help inside their neighborhoods, a process called the "villagization of town-life". The poverty and absurdity of urban life as well as the collapse of public institutions (transportation, schools, health services) have shattered both exogenous and endogenous models of identity. More and more city-dwellers are now disenchanted individuals. Faced with growing anomy, they increasingly turn toward self-victimization in a perverse attempt to counteract the forces thought to have caused them to lose vitality and power. Other people seek help in the healing churches, which offer, through brother and sisterhood in the Holy Spirit, new relations based on trust and provide etiological analyses of the relations and institutions that impede solidarity or instigate violence.
- « Chacun aura sa part » : les fondements historiques de la (re)production de la « guerre » à Brazzaville - Patrice Yengo p. 471-503 De juin à octobre 1997, Brazzaville, capitale du Congo, a été la scène de violences politiques ayant impliqué les milices gouvernementales et celles d'une partie de l'opposition. Le bilan officiel fait état de 15 000 morts. Ces affrontements, prolongements du conflit de 1993-94, qui avait déjà mis en scène les milices gouvermentales et celles d'une autre branche de l'opposition, sont l'aboutissement de la crise de légitimité créée par la rupture de l'accord passé entre l'ancien président Denis Sassou-Nguesso et son successeur Pascal Lissouba. Tout en s'inscrivant dans l'opposition structurante du pouvoir entre le nord et le sud, deux fractions de l'ancien parti unique, engendrée par le conflit fondateur de l'État en 1959 ; ils représentent un nouvel épisode de la lutte interne à la Gauche historique, pour le contrôle exclusif tant de l'appareil d'État que de la rente générée par le pétrole, principale ressource du pays.From June to October 1997, Brazzaville, the Congo's capital, was a theater where political violence pitted the government's militia against those of part of the opposition. The official body count reached 15 000. These clashes, an extension of the 1993-1995 conflict between the government's militia and those of another branch of the opposition, resulted from the legitimacy crisis set off when the agreement between ex-President Denis Sassou-Nguesso and his successor, Pascal Lissouba, was broken. They fit into the structural opposition between the north and south, itself ensuing from the conflict that founded the state in 1959. These clashes represent a new episode in the fight inside the Historical Left to obtain exclusive control over both the state and the weaith produced by the country's major resource, oil.
- Witchcraft, Violence, and Democracy in the New South Africa - Adam Ashforth p. 505-532 À partir d'enquêtes de terrain réalisées à Soweto, en Afrique du Sud, depuis 1990, cet article entend souligner le fait que la pratique de la sorcellerie se développe au fur et à mesure que se met en place le processus de transition démocratique. L'auteur confronte les problèmes de sorcellerie, de violence et de démocratie qui se posent à Soweto ; puis il présente trois dialogues faisant état des relations entre la sorcellerie et l'État : un dialogue avec un homme ensorcelé, un avec un guérisseur traditionnel, et un autre avec le maire de Soweto. Le but de cet article est d'examiner la structure argumentative à l'intérieur de laquelle les questions concernant la nature du pouvoir dans un État démocratique sont énoncées et débattues, ceci dans un contexte où les sorciers représentent un aspect à la fois vital et terrifiant de la vie quotidienne.On the basis of field research in Soweto, South Africa, since 1990, this paper reports that witchcraft is commonly thought to be increasing as a direct result of the transition to democracy. This paper begins an examination of the question of witchcraft, violence, and democracy in Soweto by presenting three dialogues on witchcraft and the state: with a man afflicted by witchcraft, a traditional healer, and the mayor of Soweto. Its aim is to uncovered the structure of plausibility within which questions concerning the purpose of power in a democratic state are being framed and answered in a context where witches are a vital and terrifying feature of everyday life.
- Libéria, machine perverse. Anthropologie politique du conflit libérien - Michel Galy p. 533-553 L'économie politique de la violence reste à écrire. Le Libéria, ce conflit oublié, donne un cas qui en annonce bien d'autres : celui d'un formidable retour de la violence d'État qui s'origine ici sur une domination séculaire et sans merci des Congos — descendants d'esclaves — sur des Natives autochtones. Tout est bon pour lutter contre l'État : sorcellerie dans le monde des doubles, masques, marques, signifiants divers. La réduction de l'Autre à ses signes supposés permet de nouer actes pervers et sexuels, dépeçages et assassinats. A la fin de la détériorisation de la perte des instances de médiation s'établit une machine perverse totale. Seuls les corps et armes font sens vers l'anéantissement.The political economy of violence is yet to be written. The forgotten conflict in Liberia is a case portending others: the astonishing return of state violence with its origins, in this case, in an age-old, merciless domination involving the descendants of slaves (congos) on natives. All means can be used to fight against the state: witchcraft, masks, scarification and various signs. Diabolical sexual acts, murders and dismemberments can be committed by reducing Others to signs. Out of the drift of territories and the loss of means of mediation, diabolical machinery has been set in motion. Only bodies and weapons bear a meaning, a meaning tending to annihilation.
- The Violence of Numbers : Consensus, Competition, and the Negotiation of Disputes in Sierra Leone - Mariane Ferme p. 555-580 Les analyses relatives à la guerre civile sierra-léonaise ont surtout mis l'accent sur la vertu d'exception de ce conflit à l'instar de la plupart de la littérature consacrée aux crises qui affectent l'Afrique depuis les années 1970. À l'inverse, cet article tente de montrer que pour saisir la logique de la violence guerrière, on doit concentrer l'attention sur ses formes structurales, lesquelles sont également à l'oeuvre dans les procédures techniques normales de la gestion des affaires publiques en temps de paix. L'auteur décrit ainsi les opérations "normales" de la vie politique démocratique, en particulier les élections, la résolution des conflits ainsi que les techniques étatiques de dénombrement et de classement (recensement, fiscalité, développement). Dans tous ces cas, la recherche de résultats tranchés (gagnants et perdants des élections ou des procès) contraste avec les stratégies ambiguës qui contrarient les fins visées par ces processus. Ces stratégies sont développées par les citoyens de façon à construire des niches subjectives qui échappent à la logique d'exception qui caractérise les formes modernes de pouvoir.Representations of the civil war in Sierra Leone have remained within the exceptionalist discourse characteristic of much of the literature on crises in Africa since the 1970s. By contrast, this article argues that in order to understand the logic of wartime violence, one must focus on its ordinary, structural forms, which are at work in the apparently technical procedures of peacetime governance. It examines the "normal" operations of democratic politics (especially elections), dispute resolution, and the state's techniques of enumeration and classification (the census, taxation, development planning). In all cases, the search for clear outeomes such as the creation of winners and losers in elections and court cases alternates with ambiguous strategies that undercut the presumption of finality in such processes. These strategies are deployed by the state's subjects, in efforts to construct alternative subjectivities that escape the exceptionalist logic of modem forms of power.
- Jeunes combattants parlant de la guerre et de la paix en Sierra Leone - Krijn Peters, Paul Richards p. 581-617 Les anthropologues ont récemment commencé à rapporter les propos des victimes des récents conflits africains, mais jusqu'ici on a peu prêté attention à la vie et aux idées des combattants dont la plupart ont entre 10 et 18 ans. Les jeunes sont en fait les principales victimes de la récession économique, de l'ajustement structurel et de la guerre. La plupart ont été enrôlés dans les milices contre leur gré. Le mot d'ordre de la démocratie a peu d'impact sur ces jeunes laissés pour compte (dans nombre de pays, la plupart des Africains n'ont en effet pas l'âge de voter). Même si les hommes politiques et les diplomates ont intérêt à continuer à propager l'image d'une Afrique anarchique, il est urgent de saisir les raisons spécifiques des conflits en rendant compte du point de vue des jeunes qui y participent. Cet article présente trois interviews approfondies de combattants gouvernementaux qui sont engagés dans le conflit les opposant au Revolutionary United Front de Sierra Leone. Les données présentées ici suggèrent que même les combattants les plus jeunes sont capables d'effectuer une analyse politique approfondie de l'impasse dans laquelle ils se trouvent. Ceci jette une lumière accrue sur l'effondrement du processus de paix et montre que les hostilités ont toute chance de se poursuivre dans le cadre de l'instauration d'un régime démocratique.Anthropologists have lately begun to report the voices of victims of Africa's recent conflicts but little attention has so far been given to the experiences and interpretations of the actual combatants, many of whom fall within the age range 10-18. Young people are among the major victims of recession, structural adjustment and war. Many have been conscripted into militia forces against their will. Democratization hardly reaches these young victims of social exclusion (in a number of countries a majority of Africans is under the voting age). Politicians and diplomats, to their own advantage, continue to characterise war in Africa as unbridled anarchy. There is an urgent need to begin to understand war from the perspective of youthful participants. The present article (one in a series) presents three in-depth interviews with combatant volunteers from the government side in the war with the Revolutionary United Front in Sierra Leone. The material suggests that even under-age combatants have considerable political understanding of their predicament, and throws considerable light on the collapsed peace process and why hostilities are likely to continue beyond the restoration of the democratic regime.
- Establishing Control : Violence along the Black Volta at the Beginning of Colonial Rule - Jack Goody p. 227-244
Notes et documents
- Instantanés au cœur de la violence : anthropologie de la victime au Congo-Brazzaville - Rémy Bazenguissa-Ganga p. 619-625 Ce texte présente les résultats d'une enquête menée, en 1997, lors des affrontements armés au Congo. Il décrit la position de victime dans un dispositif particulier, le « bouchon », barricade tenue par une dizaine de miliciens. L'analyse montre que ce dispositif de violence n'est pas réductible à un simple corps à corps mais se rapporte à un ensemble d'actes réglés en fonction d'une série d'oppositions : « gens de terre »/« gens du pouvoir », dedans/dehors, autochtones/étrangers et hommes/ femmes.The results of a survey conducted in 1997 during the armed conflict in the Congo (Brazzaville) serve to describe the victim's position on a barricade held by a dozen militiamen. This situation cannot be reduced to hand-to-hand combat. It is to be referred to a set of actions regulated through a series of oppositions between "people of the land "/"people of power", natives/foreigners, men/women.
- Instantanés au cœur de la violence : anthropologie de la victime au Congo-Brazzaville - Rémy Bazenguissa-Ganga p. 619-625
Chronique bibliographique
- Les traumatismes des affirmations identitaires, ou la malédiction de n'être rien - Bogumil Jewsiewicki p. 627-637 À partir de quelques publications récentes, j'aborde la violence qui résulte de l'acte d'affirmation de soi en tant qu'entité sociale et en tant qu'exigence de la reconnaissance de cette entité. Cette violence, qu'elle soit exercée sur d'autres ou qu'elle soit subie, particularise cette entité, mais en l'excluant de l'universel. Deux questions se posent alors : d'une part, quels sont les recours légitimes à la violence, et, d'autre part, comment maîtriser, discipliner l'expérience de la violence ? S'estimant condamnés à n'être rien, rélégués dans l'oubli, des groupes et des individus s'en emparent, l'arrachent aux institutions établies afin d'affirmer leur droit à la reconnaissance. L'identité particulière se transforme alors en un universel au nom duquel on exerce la violence. De la part des victimes, le devoir de témoigner les pousse à passer outre à l'incrédulité devant l'inhumain et à construire des narrations de l'indicible. Une expérience traumatique se trouve disciplinée et historicisée ; ce qui est advenu devient une fatalité qui marque au fer rouge l'identité et réclame vengeance ou violence préventive.This review of a few recent publications focuses on the violence resulting from asserting oneself as a social entity and demanding recognition of this entity. This violence, whether suffered or exercised on others, particularises this entity but by excluding it from the universal. Two questions thus arise. When is recourse to violence legitimate? And how to control and discipline the experience of violence? Feeling forgotten and condemned to being nothing, some groups and individuals use violence, seizing it from established institutions, in order to obtain recognition. Their identity then changes into a universal in the name of which violence is exercised. As for the victims, the duty to bear witness leads them beyond their incredulity in the face of inhuman actions; they construct narrative accounts of what lies beyond words. Thus disciplined, the traumatic experience enters history. What has happened becomes a fatality that brands the identity and either daims vengeance or calls for preventive violence.
- Burundi. Entre histoire, mémoire et idéologie. À propos de quelques ouvrages récents - Jean-Pierre Chrétien p. 639-651 La lecture de quatre ouvrages récents sur le Burundi pose le problème des rapports entre histoire et idéologie concernant la question de l'ethnicité dans la région des Grands Lacs. La reconstitution de l'évolution du Burundi avant, pendant et après la colonisation doit pouvoir se distinguer de la seule opposition entre des représentations hutu et tutsi, telles que les crises contemporaines les ont forgées.Upon reading four recent publications about Burundi, the problem of the relations between history and ideology arises in connection with the question of ethnie identities in the Great Lake region of central Africa. Accounts of Burundi's evolution before, during and after colonization must stand back from the mere opposition between Hutu and Tutsi conceptions, as they have been formed through contemporary crises.
- Le génocide des Rwandais tutsi et l'usage public de l'histoire - Claudine Vidal p. 653-663 L'analyse de publications récentes sur le génocide des Rwandais tutsi, émanant de journalistes, de juristes, d'acteurs humanitaires et d'universitaires, montre que des logiques d'interprétation sont communes à ces différents auteurs. La référence au génocide juif est très fréquente mais sans qu'un travail de comparaison soit engagé. Si les historiens du génocide juif ont jugé prioritaire d'explorer d'abord l'ensemble des procédures d'extermination des victimes, il n'en est pas de même des écrits concernant le massacre des Tutsi. Leurs auteurs tentent, pour la plupart d'entre eux, de reconstituer en premier lieu la genèse du génocide avant de chercher à savoir comment il avait été perpétré. La rédactrice de cette chronique critique ce parti.The analysis of recent publications by journalists, legal experts, persons in humanitarian organizations and academies, on the genocide of the Rwandan Tutsi shows that these various writers have common « logics » of interpretation. References to the Jewish genocide occur quite frequently but without any comparison being really worked out. Although a priority for historians working on the Jewish genocide has been to investigate all procedures for exterminating victims, this is not the case in writings about the massacre of the Tutsi. Most of their authors try to show the genesis of the genocide before seeking to know how it had been perpetrated. Herein, this approach is criticized.
- L'étude des violences urbaines : d'Ibadan (1994) à Abidjan (1997) - Yves Marguerat p. 665-671 L'équipe franco-nigériane de l'IFRA d'Ibadan a lancé une recherche internationale sur les violences urbaines en Afrique, aboutissant aux importants colloques d'Ibadan (1994) et d'Abidjan (1997). Ce dernier, centré sur les relations entre jeunesse et violence, a montré combien, partout, la société actuelle refoule sur ses marges des jeunes qui s'y organisent progressivement en contre-société, de plus en plus articulée autour de la violence, subie et provoquée. Mais chaque ville ayant son histoire sociale propre, la marginalité aussi y présente de ce fait des aspects spécifiques.A French-Nigerian research team at IFRA in Ibadan launched an international research project on urban violence in Africa, which organized colloquiums in Ibadan (1994) and Abidjan (1997). Focusing on the relations between youth and violence, the Abidjan colloquium showed how contemporary societies everywhere push out young people as outcasts who seek to organize themselves in a countersociety increasingly on the basis of suffered or inflicted violence. But since each urban society has its own social history, "marginality" also has quite specific aspects there.
Analyses et comptes rendus
- Agbola, Tunde. - The Architecture of Fear. Urban Design and Construction Response to Urban Violence in Lagos, Nigeria - Copans Jean p. 673-674
- Atlani, Laetitia. - "Assistance aux victimes de violences sexuelles dans les camps de réfugiés. Lecture ethnologique des recommandations des agences internationales de soutien psycho-social" - Psychopathologie africaine, XXVIII. Peltzer, Karl. - "Counselling and Rehabilitation of Victims of Human Rights Violations in Africa". Psychopathologie africaine, XXVIII - Rousseau Cécile p. 674-676
- Behrend, Heike. - La guerre des esprits en Ouganda. Le mouvement du Saint- Esprit d'Alice Lakwena (1985-1996) - Mary André p. 676-679
- Bouillon, Antoine, Dayan-Herzbrun, Sonia, Goldring, Maurice. - Désirs de paix, relents de guerre. Afrique du Sud. Proche-Orient, Irlande du Nord. - Copans Jean p. 679-681
- Dauphin, Cécile &ampamp; Farge, Arlette, eds. - De la violence et des femmes - Choquet Catherine p. 682-685
- Dauphin, Cécile &ampamp; Farge, Arlette, eds. - De la violence et des femmes - Jules-Rosette Bennetta p. 686-688
- Glassman, Jonathon. - Feasts and Riots. Revelry, Rebellion, and Popular Consciousness on the Swahili Coast, 1856-1888. - Coquery-Vidrovitch Catherine p. 688-695
- Héritier, Françoise (séminaire de). - De la violence - Ivekovic Rada p. 695-696
- Houssay-Holzschuch, Myriam. - Mythologies territoriales en Afrique du Sud - Copans Jean p. 697-698
- Houssay-Holzschuch, Myriam. - Mythologies territoriales en Afrique du Sud - Gascon Alain p. 698-701
- Jolly, Rosemary Jane. - Colonization, Violence, and Narration in White South African Writing : André Brink, Breyten Breytenbach &ampamp;J J.M. Coetzee - Sevry Jean p. 701-704
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- Ouvrages reçus - p. 729-734
- Les traumatismes des affirmations identitaires, ou la malédiction de n'être rien - Bogumil Jewsiewicki p. 627-637
Index annuel
- Ouvrages recensés - p. 9-11