Contenu du sommaire : Education, histoire et sociologie
Revue | Carrefours de l'éducation |
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Numéro | no 13, mai 2002 |
Titre du numéro | Education, histoire et sociologie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Un exemple de recherche sur l'histoire d'une discipline scolaire : l'histoire enseignée au XVIIe siècle - Annie Bruter p. 2-17 Partant d'une brève analyse des condi-tions dans les-quelles se sont mises en place les visions divergentes de l'apparition de la discipline scolaire «histoire» qui ont cours aujourd'hui dans l'historiographie française, cet article se propose de replacer la question dans la longue durée en remontant aux collèges d'humanités de l'Ancien Régime. La première partie montre que la notion même de «discipline scolaire» n'est pas pertinente pour décrire leur enseignement, organisé en fonction de présupposés épistémologiques et méthodologiques distincts de ceux d'aujourd'hui. La seconde étudie certaines des transformations (sociopolitiques, techniques, culturelles... ) qui ont abouti à la constitution de l'histoire en matière autonome d'enseignement pour les élites à la fin du XVIIe siècle, dans l'éducation princière ou dans l'enseignement réservé aux pensionnaires des internats aristocratiques implantés dans certains collèges. La conclusion souligne la longue durée et la complexité du processus de constitution d'une discipline scolaire, tel qu'il apparaît à travers l'exemple de l'histoire.
- Enseigner l'histoire de la Grande Guerre et commémorer l'Armistice du 11 novembre à l'école primaire - Brigitte Dancel p. 18-49 Il s'agit de brosser à grands traits plus de quatre-vingts ans d'histoire de l'ensei-gnement de la Grande Guerre et du souvenir de l'Armistice. À l'heure actuelle, enseigner et commémorer sont deux exigences difficiles à conjuguer à l'école. Enseigner demande une mise à distance qui, au fil du temps, dissipe les ombres peu glorieuses. Commémorer rappelle, tous les ans, à la lumière le sacrifice du peuple des «morts pour la patrie». La Grande Guerre devenue première après 1945, n'est pas encore un événement froid mais l'École, investie de la mission d'en faire la source douloureuse de l'histoire du XXe siècle, peine à donner sens à la commémoration du 11 novembre, au fur et à mesure que disparaissent les derniers témoins du temps des «orages d'acier». Si enseigner la Grande Guerre ne souffre aucune contestation, l'école, comme la société, semble vouloir esquiver, pour l'instant, la réponse à la question dérangeante: faut-il encore commémorer son Armistice? L'école primaire est ici privilégiée car elle met en relief le discours des manuels destiné à tous les enfants dont le jeune âge oblige à forcer le trait et accentuer les ruptures. Dans un premier temps, seront analysées les relations entre le vécu d'élèves de la Somme et les leçons dispensées dans les classes durant l'entre-deux-guerres. Puis, le discours des manuels scolaires de 1920 à nos jours fera l'objet d'une rapide analyse. Enfin, le regard se portera sur la demande institutionnelle de commémorer le 11 novembre dans les établissements scolaires.
- Le budget de l'Instruction publique d'Amiens de 1880 à 1940 - Anthony Feuilloy p. 50-63 L'un des aspects fondamentaux, car déterminant dans la réussite de tous projets, et, pourtant trop souvent négligé dans les études en histoire de l'éducation, concerne le financement. En effet, on ne peut mener à bien une politique ambitieuse sans avoir un minimum de crédits à lui allouer. Et l'œuvre scolaire des républicains de la Troisième République fait partie de ces politiques ambitieuses, même si pour certains d'entre eux, les projets qui leur tenaient à cœur ne se concrétisaient pas aussi vite qu'ils le souhaitaient. Nous nous proposons d'examiner en détail le budget de l'enseignement primaire de 1880 à 1940 dans la commune la plus importante du département de la Somme: Amiens. Ville républicaine dès les années 1870, elle a pu mettre en place en toute quiétude les projets des républicains en matière scolaire, les adapter aux réalités locales. Cela s'est ressenti sur la place accordée à l'Instruction publique et, plus particulièrement à l'enseignement primaire, dans le budget communal tout au long de notre période. L'effort consenti par les municipalités, que ce soit pour les dépenses courantes ou pour la construction d'écoles ou de groupes scolaire, jusqu'à la Première Guerre mondiale a été constant et ne s'est jamais démenti. Ensuite, l'Instruction publique a été quelque peu délaissée bien que les élus se soient toujours inquiétés du sort des élèves et aient essayé de répondre au mieux à leurs besoins.
- L'Église s'est-elle ralliée à la laïcité ? : Étude d'un « paradigme » le discours de l'épiscopat français sur la liberté d'enseignement - Marc Andrault p. 64-76 L'épiscopat f r a n ç a i s accepte-t-il aujourd'hui sans réserve la laïcité? Son discours à propos de la liberté de l'enseignement entre 1981 et 1994 ne permet pas de répondre affirmativement. Sur ce sujet, il entend parler d'une seule voix. Lorsqu'il définit la laïcité, il oscille entre un véritable pluralisme et une conception qui justifie ses prérogatives. Celles-ci le font récuser a priori la compétence des sciences humaines s'agissant de l'institution qu'il dirige. Il renvoie le législateur aux textes internationaux qui accordent à tous la liberté de l'enseignement, mais raisonne souvent comme s'il était seul concerné. Cette attitude se retrouve lorsqu'il interprète la loi Debré, qui officiellement ne le connaît pas; en même temps, il lit à la lumière de sa propre doctrine l'obligation qu'elle fait aux écoles d'accueillir les élèves sans distinction de convictions et de respecter leur liberté de conscience. Il est vrai que les textes et surtout la pratique se sont progressivement infléchis dans le sens qu'il désirait. Enfin, il met en avant la rigueur de son argumentation et le sentiment majoritaire de la nation, mais reprend spontanément à l'égard des élus la posture du magistère qui s'adresse aux fidèles. En définitive, l'obligation de composer avec la laïcité ne lui fait pas oublier sa mission divine. Mi-inconsciente mi-stratégique, cette ambiguïté se retrouve sur d'autres sujets, et apparaît structurelle.
- Entre logique de transformation de l'école et logique corporatiste : la fusion des intérêts : Une analyse du discours de la presse du SNUipp - Patrick Borowski p. 78-92 De quelle manière et dans quel but (fenêtres sur cours), organe de presse du S N U i p p , recourt-il au discours de la recherche scientifique ? La première partie de l'article propose une pré sentation de la revue en regard du contexte dans lequel elle est apparue. La seconde partie associe les procédés discursifs d'insertion du discours scientifique aux visées poursuivies. Se dégagent ainsi trois axes d'utilisation de la recherche : une revendication en besoin de formations de haut niveau, un argument d'autorité à opposer au discours institutionnel, une médiation entre chercheurs et praticiens. Les deux dernières sections s'attachent quant à elles d'une part à exposer le statut réservé aux savoirs dans (fenêtres sur cours) - la mobilisation militante des connaissances - et d'autre part à montrer comment la recherche et ses produits servent de moyen de défense des intérêts des élèves autant que ceux des enseignants.
- L'EPS à l'Éducation nationale. : Contribution syndicale au développement d'une discipline scolaire - Michaël Attali p. 94-108 Si depuis 1981, l'éducation phy-sique et sportive est gérée par le ministère de l'Éducation nationale, les voies d'intégration choisies par les acteurs syndicaux (Syndicat national de l'éducation physique) apparaissent variées en raison de l'originalité de leur position. La conformité scolaire paraît évidente, mais la légitimité de cette discipline a du s'orienter vers d'autres pistes en raison des obstacles rencontrés. L'utilisation de la recherche scientifique et les transformations des discours syndicaux ont permis de façonner une professionnalité spécifique pour ce corps d'enseignant marquée par un double attachement:l'intégration scolaire et la valorisation de l'objet d'enseignement. Ce syndicat a alors opéré une mutation durant ces vingt dernières années pour devenir un espace de circulation orienté de savoirs professionnels. L'étude des productions syndicales permet de faire émerger les priorités défendues. D'une réflexion exclusivement didactique, les acteurs syndicaux ont progressivement privilégié l'analyse culturelle de l'intervention pour spécifier la discipline. La place donnée à ces analyses a permis de donner au syndicat une place prépondérante dans la promotion d'une certaine idée d'éducation physique associée à l'émergence d'une culture spécifiquement scolaire
- Maturité affective et sociale de l'enfant dyslexique-dysorthographique : Point de vue pédagogique et clinique - Lambros Stavrou p. 110-125 Dans ce travail expérimental, nous sommes demandé si le contexte pédagogique, linguistique, et culturel a un effet sur les productions graphiques des enfants de 5-12 ans. Nous avons travaillé dans deux contextes pédagogiques, culturels et linguistiques différents, en Grèce et en France et nous avons posé l'hypothèse que les enfants grecs produiront des formes écrites plus longues que les enfants français. Les résultats confirment l'influence du contexte pédagogique et culturel sur les productions graphiques des populations étudiées. 1. Les enfants grecs ont tendance à écrire légèrement plus de lettres que les enfants français, pour un mot équivalent (ceci à partir de trois syllabes). 2. La longueur des mots produits par les enfants varie suivant la longueur des mots oraux (en France et en Grèce). Pour un même nombre de syllabes dans les mots de départ, le nombre de formes graphiques est plus grand chez les enfants grecs que chez les enfants français. Ce travail a montré que, d'un point de vue interculturel, le sujet apprenti-scripteur prend en compte l'environnement linguistique, pédagogique et culturel dans la production des formes graphiques.
- Tentative de comparaison de l'équité des systèmes éducatifs français et américain - Denis Meuret p. 126-151 Trois principes de justice sont définis (Tous doivent dis-poser de compé- tences minimales à leur sortie du système éducatif, les inégalités individuelles de compétence ne doivent pas compromettre la coopération sociale sur un pied d'égalité, l'inégalité des chances ne doit pas compromettre la solidarité sociale), à l'aide desquels on tente de comparer l'équité des systèmes éducatifs de la France et des Etats Unis, c'est-à-dire de décider lequel d'entre eux favorise le plus la réalisation de chaque principe, en tenant compte de ce que les conditions externes dans les deux pays – en particulier les inégalités sociales – peuvent elles-mêmes les favoriser plus ou moins. De nombreuses données manquent pour mener à bien cette entreprise, mais celles qui sont disponibles dressent le portrait d'un système français plus équitable que le système américain quant à la transmission des compétences de base, – qu'il s'agisse de la production d'inégalités entre groupes ou entre individus – mais plus inéquitable que lui quant aux inégalités sociales devant les carrières scolaires.
- L'enseignement privé en France au XXe siècle - Bruno Poucet p. 152-171 Dresser une syn-thèse historique, sociologique et politique, aussi exhaustive que possible, de la littérature consacrée à l'enseignement privé en France au cours du XXe siècle, tel est le projet ici mené. Toutefois, celui-ci souffre d'un paradoxe: il n'existe pas de synthèse récente concernant cet enseignement, au moins pour les vingt dernières années. Force nous est donc d'examiner la question angle d'approche après angle d'approche: le point de vue sociologique abordé en premier lieu nous permet de comprendre que le véritable débat est désormais celui de la réussite à l'école; néanmoins, il est nécessaire, en second lieu, de procéder à une mise en perspective historique dont les modalités seront différentes selon que l'on envisage l'enseignement privé dans un contexte d'ensemble ou comme un en soi. Or, on se limite souvent aux structures et l'on oublie les enseignants et leurs organisations professionnelles, les pratiques pédagogiques en usage. Sont-elles réellement originales par rapport à celles mises en œuvre dans l'enseignement public? Il nous semble, enfin, que pour pallier un déficit de connaissances, il est nécessaire, à titre de recoupement des sources et des informations, de faire appel aux archives orales, suscitées ou spontanées. Cela nous invite à réfléchir sur les méthodes en usage pour procéder à une étude scientifique d'un enseignement qui souvent a été au centre des débats politiques dans le siècle dernier. En définitive, la question est-elle réellement d'ordre politique ou culturelle?
- Notes de lecture - p. 172-194