Contenu du sommaire : Dire
Revue | Inflexions |
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Numéro | no 39, 2018/3 |
Titre du numéro | Dire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Jean-Philippe Margueron p. 9-12
Dossier
- Du devoir de réserve des militaires - Claire Legras p. 13-22 La portée de l'obligation de réserve prête à interprétation. Elle laisse toutefois un espace qui mérite d'être interprété généreusement : la loi permet aux militaires de ne pas être cantonnés à l'action. Le silence n'est pas de rigueur : qu'il corresponde à une tentation intérieure du soldat ou à celle des responsables politiques, il convient d'en mesurer le prix, puisqu'il n'est pas de réflexion libre sans expression et que la vocation de soldat comme le lien entre l'armée et la nation doivent être entretenus. Dans un contexte stratégique renouvelé, alors que la guerre du futur pose des problèmes éthiques, juridiques et techniques intenses, dans une société qui les héroïse à nouveau sans guère les connaître, les militaires peuvent s'exprimer avec davantage de confiance.The exact scope of the obligation of professional discretion is open to interpretation. However, it does allow some “wiggle-room” that deserves to be interpreted generously: the law does permit military personnel not to confine themselves to action. Silence is not compulsory: it corresponds to an inner temptation of the soldier or of the political authorities. We should measure its price, since there is no freedom of thought without freedom of speech, and the vocation of soldier as the link between the army and the Nation must be maintained. In a changing strategic context, where the wars of the future pose intense ethical, legal and technical problems, in a society that lauds soldiers as heroes while barely knowing them, soldiers can express themselves with greater confidence.
- Des « francs-tireurs » dans l'armée française ? L'incertaine libre expression des militaires depuis les années 1970 - Matthieu Chillaud p. 23-34 Dans le contexte de la Ve République, la problématique de la liberté d'expression des militaires défraye épisodiquement la chronique lorsque certains de ceux-ci sont sanctionnés pour s'être exprimés dans la presse, dans des revues ou des livres. Depuis les années 1970, certains « osent » publier, avec des conséquences diverses sur leur carrière. S'ils peuvent accepter d'être contraints par le secret militaire et la neutralité politique, les militaires se heurtent à une imprécision de ce que recouvre exactement la notion de devoir de réserve. À cela s'ajoute une myriade de facteurs très subjectifs qui ajoutent à l'incertitude, si bien que nombreux sont ceux qui s'auto-interdisent de s'exprimer, alors même qu'ils pourraient le faire, tandis que ceux qui s'expriment encourent une vindicte de la part d'une hiérarchie militaire et surtout politique qui a pris l'habitude que les militaires ne s'expriment pas.In the context of the Fifth Republic, the problem of free speech for military personnel has episodically made the headlines, when individuals have been punished for expressing themselves in the press, reviews or books. Since the seventies, some have “dared” to publish, with varying consequences for their career. Although members of the military can accept that they are constrained by military secrecy and political neutrality, they are faced with a vagueness concerning their obligation of professional discretion. A myriad of other, highly subjective factors adds to this uncertainty, so that many members of the military adopt a policy of self-prohibition of public expression, although they could legitimately voice their opinion, while those who do express themselves incur the vindictive wrath of the military and—especially—political establishment, which have grown accustomed to members of the military keeping their mouths shut.
- François Binoche, un officier de parole - Philippe Vial p. 35-47 Durant toute sa vie, François Binoche n'a jamais hésité à dire les choses, en premier lieu comme officier, mais aussi en tant que citoyen. Une double dimension qui relève d'une exigence sans doute existentielle chez cet homme. Dire, c'est-à-dire parler, et parler pour tenir parole, rester fidèle aux convictions qui fondent une vie et justifient le choix fait de la risquer, de manière permanente, en embrassant la carrière d'officier. Et quand la tradition fait de l'obéissance silencieuse l'ultime de la fidélité aux valeurs militaires, il choisit la rupture, comme d'autres officiers de sa génération, celle de 1940.Throughout his life, François Binoche never hesitated to speak his mind, first as an officer and also as a citizen. This dual dimension without doubt reflects an existential need for this man. He spoke out, told his truth, spoke to keep his word, remaining faithful to the convictions that founded his life and justified the choice of permanent exposure to risk in embracing the career of officer. And, when tradition imposed silent obedience as the nec plus ultra of loyalty to military values, he chose to break ranks, like other officers of his generation, the generation of 1940.
- La IIIe République, âge d'or de l'expression des militaires ? - Frédéric Saffroy p. 49-55 La IIIe République, avec son parlementarisme pluriel et l'essor d'une presse libre, apparaît rétrospectivement comme un âge d'or de l'expression publique. Si, à travers journaux, revues et ouvrages, les militaires participent à cette expression, celle-ci est fortement canalisée à partir de l'affaire Dreyfus puis après la Grande Guerre. Ils demeurent toutefois nombreux à s'exprimer, souvent sous pseudonymes et parfois au péril de leur carrière. Plus le public s'empare des sujets militaires, plus les ministres de la Guerre et de la Marine restreignent cette expression par des règlements qui ne cessent de se durcir à partir de celui de 1924. Après l'émoi provoqué en 1934 par de Gaulle et son Vers l'armée de métier, le général Gamelin « ferme le ban », deux décrets de 1936 et 1939 réduisant à quasi-néant la liberté d'expression des militaires.The Third Republic, with its pluralist parliamentarianism and the rise of a free press, appears retrospectively as a golden age of public free speech. Although members of the military participated in this freedom via newspapers, magazines and books, their speech became more strictly channelled following the Dreyfus Affair and then again after the Great War. However, many of them continued to express their views, often under pseudonyms, and sometimes to the peril of their comrades. As the public started increasingly debating military subjects, the Ministers of War and the Navy increasingly restricted the freedom of expression of the armed services through a succession of increasingly strict regulations building on the regulation of 1924. After the emotion provoked by de Gaulle in his “Towards a Professional Army”, General Gamelin signalled an end to this period with two decrees, in 1936 and 1939, which effectively reduced the free speech of military personnel to zero.
- Le « dire » militaire vu des médias : subtils équilibres et crispations récurrentes - Bénédicte Chéron p. 57-64 Le « dire » des militaires dans les médias recouvre deux réalités : la parole qu'ils portent à destination de l'ensemble de leurs concitoyens et la manière dont les médias rendent compte de ce « dire » à partir duquel s'élabore le dialogue entre les responsables politiques et les chefs militaires. Le « dire » des militaires dans les médias a une place, mais selon des modalités répétitives et souvent simplistes. Depuis la fin de la guerre d'Algérie, la trame de ce récit médiatique s'ancre dans une répartition des rôles binaire : les politiques décident, les militaires exécutent. Les Français n'ont finalement guère d'occasion de comprendre, à travers les médias, quel peut être le rôle de la parole des militaires, seuls désormais à avoir l'expérience de la guerre, et comment s'élaborent subtilement les échanges entre les chefs militaires et les responsables politiques.The “voice” of military personnel in the media involves two realities: the words directed to their fellow-citizens and the way that the media report these words, setting the tone for dialogue between the political leadership and military commanders. The “voice” of the military in the media has a place but follows repetitive and often simplistic formulas. Since the end of the Algerian War, the framework of this media narrative is anchored in a binary distribution of roles: politicians decide, and the military executes. Ultimately, the French are given very little opportunity by the media to understand the role that can be played by the opinions of military personnel, who are now the only citizens with first-hand experience of war, and the subtle exchanges that take place between military commanders and the political authorities.
- La Revue défense nationale, un acteur historique du dialogue politico-militaire - Jérôme Pellistrandi p. 65-70 Contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible de s'exprimer sur les questions de défense, y compris pour les militaires. La Revue défense nationale s'y emploie depuis sa création. En parcourant les archives des plus de huit cents numéros parus, on ne peut être que surpris par l'abondance des thématiques traitées, reflet des évolutions géopolitiques et stratégiques de l'environnement international depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans un champ de plus en plus concurrentiel pour la réflexion stratégique, il importe que l'écosystème de la défense française dispose d'un tel outil, appui d'un débat argumenté, renouvelé et constructif, afin de préparer notre pays à affronter les défis sécuritaires de demain.Contrary to popular belief, free speech is entirely possible on questions of defence, including for members of the military. “La Revue défense nationale” (National Defence Review) has been dedicated to this field since its creation. If you browse the archives of more than eight hundred published issues, you cannot help but be surprised at the abundance of subjects tackled, reflecting the geopolitical and strategic changes in the international environment since the Second World War. In an increasingly competitive field for strategic analysis, it is important for the French defence ecosystem to have a tool of this nature at its disposal, as a platform for reasoned, constantly renewed and constructive debate, to prepare our country to meet the security challenges of tomorrow.
- Les blogs de défense - Arnaud Planiol p. 71-78 Si les blogs de défense n'ont plus la place centrale qu'ils ont pu occuper dans les années 2000, du fait de l'apparition des réseaux sociaux, ceux-ci gardent encore une forte capacité d'attrait et une importante légitimité pour les personnes qui s'intéressent à ces questions. Les auteurs de blogs de défense restent donc encore aujourd'hui des influenceurs et des prescripteurs d'opinion, même s'ils ne semblent pas toujours pris en compte comme tels par l'institution militaire. Quelques mesures simples et peu coûteuses permettraient au ministère des Armées de passer de la logique actuelle de veille à une posture d'engagement actif de ces blogs qui peuvent sans nul doute contribuer à la vigueur du débat stratégique, dans une période marquée par de nombreux défis à relever.Although defence blogs no longer have the central place that they occupied in the 2000s, due to the appearance of social media, they preserve a strong attraction and significant legitimacy for people interested in questions of defence. The authors of these blogs have therefore remained influential opinion-makers today, even if they do not always seem to be taken into consideration by the military institution. A few simple and inexpensive measures would enable the Ministry of the Armed Forces to progress from the current logic of passive monitoring to an attitude of active engagement of these blogs, which can without doubt contribute to the vigour of strategic debate in a period marked by numerous challenges.
- Pour un débat collectif renouvelé sur les questions de défense - Jacques Tournier p. 79-88 Depuis plusieurs années, le plaidoyer en faveur d'un débat plus ouvert, donc plus riche, sur les questions de défense revient régulièrement sur le devant de la scène et, avec lui le souhait de voir les militaires s'exprimer davantage dans ce domaine qui les concerne plus particulièrement. Mais le caractère quelque peu répétitif qui s'attache à la formulation de ce vœu semble témoigner que celui-ci peine à être suivi d'effets. Imputer cet apparent blocage aux difficultés qu'éprouveraient les militaires d'active à trouver le bon équilibre entre les possibilités de prise de parole qui leur sont offertes et le droit de réserve auquel ils sont tenus paraît être un moyen commode de se défausser d'un problème dont les causes doivent être recherchées ailleurs. Qu'en est-il aujourd'hui en France du débat collectif sur la défense ?For several years, the plea for a more open—and therefore richer—debate on questions relating to defence regularly resurfaces, bringing with it the desire for members of the military to speak out more in this domain, which is of particular concern to them. However, the largely repetitive nature of this call seems to indicate that it is falling on deaf ears. To impute this apparent deadlock to the difficulties that members of the military experience in striking the right balance between the possibilities offered to them to express their opinion and the obligation of professional discretion by which they are bound seems to be a convenient means of avoiding a problem that has its causes elsewhere. How do things stand today in France with regard to collective debate on defence?
- La mission : qu'en dire ? - Jean-François Bureau p. 89-102 Donner à comprendre le sens de la mission, l'exposer publiquement, relever les contradictions et les incertitudes qui l'entourent, évaluer avec pertinence sa durée, et donc l'ampleur des ressources qui devront être mobilisées pour atteindre les objectifs fixés, reconnaître les risques qu'elle induit, constitue un ensemble d'impératifs qui pourraient faire reculer, ou au moins hésiter. Pourtant, la démocratie exige le « dire » des engagements des armées accomplis au nom des Français et pour les protéger.Explaining the sense of a mission, publicly disclosing it, identifying the contradictions and uncertainties surrounding it, accurately assessing its duration, and therefore the scale of resources that must be mobilized to attain the defined targets and recognizing the risks that it induces constitute a set of imperatives that could incite withdrawal, or at least hesitation. However, democracy demands a public account of the commitments undertaken by the armed forced in the name of the French people for their protection.
- Le politique et le soldat durant la grande guerre : entre méfiance et manque de considération - Elrick Irastorza p. 103-112 En France, les relations entre le politique et le soldat ont toujours été difficiles, marquées de méfiance et de manque de considération. Sans doute le souvenir des trahisons de Dumouriez, de Bonaparte, de Boulanger, de l'effondrement de juin 1940, du putsch d'Alger… La Grande Guerre nous offre de quoi parfaitement illustrer ces aspérités ; son centenaire l'opportunité d'y réfléchir très librement. Car si dans nos démocraties aucun doute n'est permis sur la primauté du politique, il ne faudrait pas que cette relation se limite, pour le soldat, à la subordination servile et muette que certains appellent malheureusement toujours de leurs vœux. Car qu'on le veuille ou non, « ils continueront d'aller deux par deux, tant que le monde ira, pas à pas, côte à côte ».In France, the relations between the politician and the soldier have always been difficult and marked by suspicion and lack of consideration. Without doubt, the memory of the treachery of Dumouriez, Napoleon and Boulanger, the collapse of June 1940, the Algiers Putsch all play a role.… The Great War provides a perfect illustration of these tensions: its centenary is an opportunity for free and wide-ranging reflection on the subject. Although, in our democracies, there is no permissible doubt regarding the primacy of the politician, this relationship cannot confine the soldier to the role of servile and mute subordination that some people still unfortunately call for. Whether we like it or not, “they will continue to march two by two, as long as the world turns, step by step and side by side”.
- Nomination de Joffre à la tête de l'armée : la stabilisation des relations entre l'armée et la République - Xavier Boniface p. 113-120 La centralisation et l'unification du haut commandement de l'armée française, avec la création de la fonction de chef d'état-major général au profit du général Joffre, marque un tournant dans l'histoire des relations politico-militaires sous la IIIe République. Désormais, les républicains, qui ont longtemps craint les penchants des officiers généraux pour un éventuel putsch, se rallient au principe d'un chef unique, contrôlant à la fois la préparation de la guerre et la conduite des opérations. Cette réforme de 1911 allait faire ses preuves puisqu'elle est restée en vigueur bien au-delà de la Grande Guerre, qui en a confirmé l'utilité. Elle est ainsi le signe d'un réel apaisement et d'une stabilisation durable des relations entre la République et son armée.The centralization and unification of the high command of the French army, with the creation of the function of General Chief of Staff for General Joffre, marks a turning point in the history of political/military relations under the Third Republic. From that point onwards, the republicans, who had long feared that French high command had an inclination to indulge in a military putsch, rallied to the principle of a single commander-in-chief, both for preparation for war and for the conduct of operations. This reform of 1911 was to prove its worth, since it remained in force well after the First World War, which confirmed its utility. So, it stands as a sign of lasting reconciliation and stabilization of the relations between the Republic and its army.
- Devoir d'expression et efficacité militaire : un lien consubstantiel - Vincent Desportes p. 121-125 Le militaire n'est pas un simple bretteur, manieur de techniques opérationnelles au service d'une pensée qui lui serait étrangère. Au-delà de son rapport très particulier à la mort, sa spécificité est de devoir penser la défense non seulement pour l'immédiat, mais aussi pour le temps long, des niveaux les plus concrets de l'efficacité tactique jusqu'aux plus élevés de la réflexion. C'est son rôle social dans et pour la nation. L'expression des militaires sur les problèmes organiques et stratégiques n'est pas seulement légitime, elle est nécessaire : les restrictions qui lui sont portées sont les meilleures ennemies de la défense de la France. Bien plus qu'un devoir de réserve, les militaires ont un devoir d'expression spécifique.A member of the armed forces is not just a fighter or an implementer of operational techniques at the service of a thought process that is entirely alien to him or her. Beyond their unique closeness to death, the specificity of military personnel is that they must think of defence not only in the immediate but also for the long term, from the more concrete levels of tactical efficiency to the more elevated spheres of reflection. That is their social role in and for the nation. The expression of the opinions of military personnel concerning organic and strategic problems is not only legitimate but also necessary: the restrictions on their freedom of expression are the worst enemies of the defence of France. Much more than a duty of discretion, the military have a specific duty of expression.
- Le maire et le général - Edmond Hervé p. 127-134 Edmond Hervé évoque ici quelques souvenirs représentatifs de la relation qu'il a entretenue avec les généraux qui se sont succédé à la tête de la 3e région tout au long de son mandat de maire de Rennes, qui a couru de 1977 à 2008. Et explique ce qu'est pour lui l'« esprit de défense » cher à Jaurès.In this article, Edmond Hervé recounts some representatives memories of the relations he maintained with the successive generals in charge of the region during his mandate as mayor or Rennes, from 1977 to 2008. He explains what the “spirit of defence” advocated by Jaurès means for him.
- Dire devant la représentation nationale - Jean-Jacques Bridey p. 135-138 Le dialogue entre le politique et le militaire est une nécessité et un enjeu majeur pour l'exécutif, mais aussi pour le législatif. Comment se construit-il au Parlement ? Les explications de Jean-Jacques Bridey, président de la commission de la Défense et des Forces armées de l'Assemblée nationale.Dialogue between politicians and the military is a necessity and a major challenge for both the executive and legislative branches of government. How is this dialogue structured in the French Parliament? Explanations by Jean-Jacques Bridey, President of the Commission of Defence and the Armed Forces of the French National Assembly.
- Dire en tant que présidente de la commission de la défense - Patricia Adam p. 139-142 La commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale est un lieu unique : c'est la seule institution de notre République dont la vocation est de veiller à la fois aux moyens de nos forces armées, et au lien entre la nation et son armée. Ce caractère unique fait de son président le représentant naturel de la communauté de défense au sens large, qui inclut bien sûr les militaires et leurs familles (y compris ceux de la gendarmerie), ainsi que les civils de la défense, mais aussi toutes les parties prenantes à l'industrie de défense, indispensable à notre autonomie stratégique, et à la mémoire combattante, dont le rôle est essentiel pour l'animation des cérémonies patriotiques dans les territoires. Patricia Adam, qui a exercé la fonction de président de cette commission entre 2012 et 2017, raconte ici l'expérience du « dire » qu'elle y a fait.The Commission of Defence and the Armed Forces of the French National Assembly has a unique place: it is the only institution in our Republic with the vocation of simultaneously ensuring the resources of our armed forces and overseeing the relations between the nation and its army. This unique role makes its president the natural representative of the defence community in the widest sense, which includes of course military personnel (including the gendarmerie) and their families and the civilians employed in defence, and also the stakeholders of the defence industry, who are indispensable to our strategic autonomy, and the guardians of military memory, which plays an essential role in the patriotic ceremonies of France's territories. Patricia Adam, who held this position from 2012 to 2017, recounts her experience of giving public expression to this role.
- Le rôle sociétal de l'officier - Brice Erbland p. 143-146 Il est improbable aujourd'hui de voir un militaire publier une tribune sur l'éducation des jeunes générations, sur le combat féministe, sur l'évolution de la vision de la famille ou sur la fin de vie. Il est pourtant concerné par ces sujets au même titre que tout autre citoyen. Mais son avis apporterait-il quelque chose à la société ?Today, it would be improbable to see a military officer publish an opinion piece on the education of the younger generations, the feminist struggle, the changing view of the family or end-of-life treatment. However, officers are just as concerned by these issues as any other citizen. Would their views have something to contribute to society?
- Le langage comme lieu de guerre - Monique Castillo p. 147-151 User des mots comme d'armes qui discréditent et condamnent est un procédé qui se banalise dans les médias et sur les réseaux sociaux. Une liberté d'opinion bellicisisée et parfois déchaînée empêche ou pervertit l'usage public de la parole. Peut-on espérer qu'un devoir d'expression assume la responsabilité de significations destinées à nourrir une démocratie de réflexion ?The use of words as weapons to discredit and condemn is a process that has been banalized in the media and social networks. Weaponized and sometimes unhinged freedom of expression prevents or perverts the public use of language. Can we hope that a duty of expression will assume responsibility for meaningful content that will nourish a thinking democracy?
- Du devoir de réserve des militaires - Claire Legras p. 13-22
Pour nourrir le débat
- Dire pour nuire. Été 1914, les prémices de la propagande de guerre - Olivier Lahaie p. 153-163 Lorsque la Grande Guerre éclate, l'art de la persuasion de masse n'est pas une nouveauté. Pour autant, la psychologie humaine étant encore une science balbutiante, ses mécanismes sont assez peu connus et donc maîtrisés. En France, la nécessité de contrer la propagande de guerre allemande se fait jour dès les premiers combats. Il apparaît en effet que la lutte qui s'engage sera violente et protéiforme, et que chaque camp devra tout à la fois s'attacher à stimuler le courage de ses nationaux et à corrompre l'âme de l'adversaire. Mais jusqu'à la mi-août 1914, la croyance générale des élites en une guerre courte tout autant que le manque de directives officielles en matière de propagande vont laisser le champ libre à des initiatives désordonnées et aux résultats parfois discutables…When the Great War broke out, the art of mass persuasion was nothing new. Nevertheless, since human psychology was still in its very early days at the time, its mechanisms were still largely unknown and therefore not fully mastered. In France, the need to counter German wartime propaganda was seen from the earliest battles. It was clear that the coming struggle would be violent and multifaceted, and that each camp would have to work hard to stimulate the courage of its own nationals and corrupt the soul of the adversary. However, up to mid-August, the general belief of the elites that the war would be short, combined with the lack of official directives on propaganda, left the field open to disorganized initiatives and sometimes debatable results.
- Le son du silence - Yann Andruétan p. 165-170 Le trauma psychologique semble avoir gagné le douteux privilège d'être la maladie psychique du début du XXIe siècle. Dès qu'un événement grave se produit, les « psys » sont convoqués afin de limiter ou même empêcher les effets du trauma. Si la reconnaissance des blessures psychiques est un immense progrès à la fois dans le monde civil et le monde militaire, il faut toutefois s'interroger sur la focalisation excessive sur le trauma, qui sert de réponse pratique et écarte d'autres modalités de réponse à l'événement. Il ne s'agit donc pas de nier la souffrance des malades, mais plutôt d'examiner les usages sociaux du psychotrauma.Psychological trauma seems to have earned the dubious privilege of being the mental sickness of the beginning of the 21st century. As soon as a serious event occurs, the “psys” are called upon to limit or even prevent the effects of traumatic stress. Although the recognition of psychological wounds is an immense progress, both in the civilian and military worlds, we can legitimately question the excessive focus on trauma, which serves as a practical response and eliminates other methods of responding to the event. The need here is not to deny the sickness of patients but to examine the social uses of psychological trauma.
- Pilotes de combat : histoire d'un livre - Nicolas Mingasson p. 171-175 Pilotes de combat est né de la rencontre de son auteur avec la veuve et le coéquipier d'un pilote tué dans le crash de sa Gazelle en Afghanistan. Il s'agissait au départ d'écrire ce que le second pouvait dire aux enfants de la première des derniers jours, dernières heures, dernières minutes de la vie de leur père. Et puis ce fut la certitude qu'un récit de guerre puissant pouvait éclore de ces souvenirs. Un récit qui est devenu une histoire universelle.Fighter Pilots (Pilotes de Combat) was inspired by the meeting of its author with the widow and crewmate of a pilot killed in the crash his Gazelle in Afghanistan. Initially, the aim was to write down what the crewmate was able to tell the children of the pilot about the last days, hours and minutes in the life of their father. And then came the certainty that these memories could develop into a powerful testimony of war. This testimony has now become a universal story.
- Dire pour nuire. Été 1914, les prémices de la propagande de guerre - Olivier Lahaie p. 153-163
Translation in english
- The obligation of professional discretion in the military - Claire Legras p. 177-187 La portée de l'obligation de réserve prête à interprétation. Elle laisse toutefois un espace qui mérite d'être interprété généreusement : la loi permet aux militaires de ne pas être cantonnés à l'action. Le silence n'est pas de rigueur : qu'il corresponde à une tentation intérieure du soldat ou à celle des responsables politiques, il convient d'en mesurer le prix, puisqu'il n'est pas de réflexion libre sans expression et que la vocation de soldat comme le lien entre l'armée et la nation doivent être entretenus. Dans un contexte stratégique renouvelé, alors que la guerre du futur pose des problèmes éthiques, juridiques et techniques intenses, dans une société qui les héroïse à nouveau sans guère les connaître, les militaires peuvent s'exprimer avec davantage de confiance.The exact scope of the obligation of professional discretion is open to interpretation. However, it does allow some “wiggle-room” that deserves to be interpreted generously: the law does permit military personnel not to confine themselves to action. Silence is not compulsory: it corresponds to an inner temptation of the soldier or of the political authorities. We should measure its price, since there is no freedom of thought without freedom of speech, and the vocation of soldier as the link between the army and the Nation must be maintained. In a changing strategic context, where the wars of the future pose intense ethical, legal and technical problems, in a society that lauds soldiers as heroes while barely knowing them, soldiers can express themselves with greater confidence.
- The obligation of professional discretion in the military - Claire Legras p. 177-187
Comptes rendus de lecture
- Comptes rendus de lecture - p. 189-195