Contenu du sommaire : Genre et comédie : stars, performances, personnages
Revue | Genre en séries : cinéma, télévision, médias |
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Numéro | no 12-13, 2022 |
Titre du numéro | Genre et comédie : stars, performances, personnages |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Genre et comédie : stars, performances, personnages - Gwénaëlle Le Gras, Jules Sandeau
Dossier
- La “Ragazza Terribile”: The Wild Corporeality of Lea Giunchi, The Silent Italian Comedienne Of The 1910s - Emma Morton Cet article se penche sur les performances comiques féminines dans les comédies burlesques italiennes du début des années 1910. Alors que les comédiens de l'époque étaient habituellement des acteurs français et espagnols, les comédiennes étaient fermement ancrées dans la culture italienne ; elles étaient non seulement de nationalité italienne, mais leurs performances comiques prenaient souvent place au sein d'espaces domestiques typiquement italiens. À travers une analyse de la série Lea (Società Italiana Cines, 1910-1916) avec Armanda (Lea) Giunchi, cet article étudie les performances des comédiennes de l'époque en tant que lieu de remise en question l'identité nationale italienne. Ces comédies centrées sur des actrices étaient plus audacieuses dans leurs représentations de genre que les comédies masculines ou que le film de diva italien. L'étude de cette féminité moderne caractérisée par un (més)usage comique du corps permet également d'explorer ce que signifiait être italienne au début du xxe siècle.This paper explores female comic performance in Italian slapstick comedies of the early 1910s. While male slapstick comedians were usually French and Spanish comedy actors, female comics were firmly rooted in Italian culture; they were Italian born and often situated their comedy in typical Italian domestic spaces. Using the Lea series (Società Italiana Cines, 1910-1916) starring Armanda (Lea) Giunchi as a case study, this paper considers female comic performances as sites through which to interrogate Italian national identity. These female-centric comedies were far more “risk-taking” in terms of their representation of gender than either the male comedy films or the Italian diva genre. Thus, the conception of modern femininity characterised by the Italian female comic's use, or misuse, of her body becomes a critical lens through which to analyse the conflict surrounding what it meant to be Italian at the beginning of the twentieth century.
- Suzanne Dehelly au cinéma, actrice excentrique : une figure originale et novatrice du cinéma français des années trente - Marie Cadalanu Le cinéma classique français s'est largement construit, à côté des vedettes, autour d'acteurs de second rôle. Notre contribution se concentre sur le cas de Suzanne Dehelly au cinéma. Par le biais d'une étude du jeu de l'actrice, nous montrons comment, jouant de son physique atypique et d'un jeu d'actrice hérité du comique fantaisiste, elle propose une persona féminine originale. Nous nous penchons sur trois films dans lesquels la persona loufoque de l'actrice est mise au service de la peinture de personnages de femmes originaux et novateurs. Dans La crise est finie (Robert Siodmak, 1934), elle est le mentor et la protectrice de la jeune première Nicole (Danielle Darrieux). Débrouillarde, elle sauve également à plusieurs reprises la troupe de comédiens mis en difficulté par la crise. Dans La Reine des resquilleuses (Max Glass et Marco de Gastyne, 1936), elle interprète le rôle de travesti à la fois cocasse et à la portée sociale discrète, de Victorine, une chômeuse qui parvient à trouver un emploi de laveur de voitures en devenant Victor. Dans La Brigade en jupons (Jean de Limur, 1936), elle interprète une femme policière.The classical French cinema was built, aside from some major stars, upon supporting character actors. We focus here on Suzanne Dehelly, in order to underline how her unconventional looks and her acting, inherited from the « comique fantaisiste », offer an unusual, groundbreaking feminine persona. We concentrate on three representative films, in which she plays the female lead and where the madcap acting of the actress significantly serves unconventional and innovative characters : La crise est finie (Robert Siodmak, 1934), La Reine des resquilleuses (Max Glass et Marco de Gastyne, 1936) et La Brigade en jupons (Jean de Limur, 1936).
- Sophia Loren dans la comédie Madame Sans-Gêne (Christian-Jaque, 1961) : le détour d'une actrice italienne en France - Arnaud Duprat de Montero Madame Sans-Gêne se situe chronologiquement au cœur de la collaboration de Sica-Loren. Cette fois-ci sans son mentor, l'actrice s'aventure dans le cinéma français pour la première fois et interprète un rôle dans la lignée de ses comédies italiennes. Pourtant, alors qu'il présentait les atouts d'un star vehicle, le film de Christian-Jaque n'est pas passé à la postérité et Loren ne tourna plus que deux autres films français. Il serait donc tentant de voir Madame Sans-Gêne comme une tentative échouée. Cependant, ce film n'en constitue pas moins un échelon important dans la carrière de Loren. Entre le respect de l'enseignement actoral de de Sica et celui d'un dialogue foisonnant dans une langue étrangère ; entre le respect d'une héroïne emblématique d'une identité française et celui d'une persona où comédie et italianité vont de pair ; entre un rôle à l'humour vif, le modèle comique de la « ravissante idiote » infantile, et une persona au sein de laquelle la maternité va prendre une place croissante, toutes ces frictions parlent de Loren à un moment où elle est de moins en moins une créature soumise à son pygmalion et de plus en plus une actrice affirmée qui va bientôt revendiquer tout son art devant la caméra de de Sica.In chronological terms, Madame Sans-Gêne is situated at the heart of the de Sica-Loren period of collaboration. This time without her mentor by her side, the actress ventures into French cinema for the first time, playing a similar role to the ones she played in her Italian comedies. Although it looked very much like a star vehicle, Christian-Jaque's film did not have an enduring legacy and Loren only made two other French films. It would therefore be tempting to view Madame Sans-Gêne as a failure. However, this film still constitutes a significant stepping-stone in Loren's career. Between the respect for her acting apprenticeship under de Sica and that for a dense dialogue in a foreign language; between the respect for an emblematic heroine with French identity and that for a persona whose comic nature and Italian nature are two sides of the same coin; between a role involving sharp humour, the comic model of the childlike “beautiful idiot” and a persona in which motherhood would play an increasingly important part, all of these frictions speak volumes about Loren at a time when she was becoming less of a creature in thrall to her Pygmalion and more of an established actress who would soon affirm all of her artistry for de Sica.
- Mireille Darc, 1960s Subversive Dumb Blonde? - Marion Hallet Dans la culture populaire française, Mireille Darc est la grande et séduisante blonde des films de Georges Lautner tels que Galia (1966), Ne nous fâchons pas (1966), La Grande Sauterelle (1967), et Le Grand Blond avec une chaussure noire d'Yves Robert (1972). Elle incarne également une version plus ambigüe et subversive de la « blonde idiote » dans les comédies de Lautner, Gérard Pirès, et Michel Audiard. Sa persona présente en effet un côté moderne et glamour (elle interprète alors une version de la « femme libérée » des années 1960) au cœur de récits sexistes. L'actrice avait astucieusement surmonté cet obstacle sexiste en jouant dans un registre impassible et parodique et en divisant visiblement son personnage en différentes facettes. Cet article se concentre précisément sur les contrastes et les contraintes de ses rôles à la fois drôles et séducteurs dans ses comédies les plus populaires au box-office français. Je cherche à déterminer ce qui fait la spécificité du jeu comique de Darc en analysant la construction de sa présence à l'écran, les nuances de son style de jeu et l'idéologie qui en découle.In French popular culture, Mireille Darc plays the tall and seductive blonde in George Lautner films such as Galia (1966), Ne nous fâchons pas (1966), La Grande Sauterelle (1967), and Yves Robert's Le Grand Blond avec une chaussure noire (1972). She embodied an ambiguously subversive version of the “dumb blonde” in the comedies of Lautner, Gérard Pirès, and Michel Audiard. Her persona unusually combined glamourous modernity (performing a version of the “liberated woman”) with sexist comedy. The actress astutely overcame this sexist hurdle by acting in a deadpan, parodic register and visibly splitting her character into different facets, switching tone between false naivety and seductive cleverness. It is this intriguing contrast between her comic and glamour roles in popular French comedies that I focus my attention. In this article, I will unpack Darc's comedic style by analysing the construction of her screen presence, the nuances of her comic performance and the ideology which underpins them. french comedy, 1960s-1970s, Mireille Darc, dumb blonde, performance analysis
- Valérie Lemercier de Palais royal ! (2005) à 100 % Cachemire (2013) : les limites du pouvoir émancipateur de l'indocilité comique - Alexandre Moussa À travers l'analyse de la persona et du jeu de Valérie Lemercier, cet article s'intéresse aux limites du pouvoir émancipateur de l'indocilité pour une star comique féminine. Avec Palais royal ! (2005), son troisième film en tant que réalisatrice, Lemercier semble opérer une résolution magique des contradictions qui avaient freiné sa carrière au cinéma après le succès des Visiteurs (Jean-Marie Poiré, 1993). Elle y trouve un équilibre entre succès populaire et légitimité d'autrice, et préserve son humour sophistiqué et transgressif, tout en se réinventant elle-même en femme indocile, féminine et maîtresse de sa sexualité, à l'opposé des emplois asexués qui avaient dominé le début de sa carrière. Ses rôles suivants semblent capitaliser sur cette image en utilisant sa persona et son énergie comique au service de figures féminines en quête d'émancipation. Mais son nouveau statut de poids lourd de la comédie populaire n'est pas sans conséquences : après Agathe Cléry (Étienne Chatiliez, 2008), elle devient l'interprète privilégiée de femmes de pouvoir inhumaines que ses films s'efforcent de ramener dans le droit chemin, schéma narratif qui fait écho à la normalisation progressive de son image et de son jeu, et révèle la fragilité de son statut de star et d'autrice dans un genre peu légitime.Through the analysis of Valérie Lemercier's acting style and star persona, this article investigates the limits of the emancipating power of unruliness for a female comedy star. With Palais royal! (2005), her third feature as a director, Lemercier seems to find a “magical reconciliation” to the contradictions that had plagued her career in film after the tremendous success of The Visitors (Les Visiteurs, Jean-Marie Poiré, 1993). She finds a balance between popular success and authorship, preserving her sophisticated and transgressive humor while reinventing herself as a feminine, unruly, sexually active woman, far from the sexless types that dominated the first years of her career. Her next roles capitalize on this image, using her persona and comic energy to fuel the emancipation of the characters she plays. But her new status as a major star in French mainstream comedy is not without its consequences: after Agathe Cléry (Étienne Chatiliez, 2008), she impersonates cruel career women that films seek to bring on the right path, mirroring the standardization of her public image and acting style, and the fragility of her status as author and star in an illegitimate genre.
- Camille Cottin, une « Connasse » post-feministe : entre comique feminin incisif et humour misogyne - Anne Kaftal Cet article se propose d'explorer – à travers le concept de post-féminisme – l'ambivalence idéologique du rôle de la « Connasse » incarné par Camille Cottin dans la mini-série du même nom (Canal +, 2013-2015), un personnage déterminant dans l'image médiatique de l'actrice. Exemple rare d'indocilité et d'humour féminins, la révélation de Camille Cottin dans Connasse témoigne de la féminisation contemporaine de la comédie française, mais réactualise également la traditionnelle misogynie du genre par la virulente caricature qu'elle propose de la féminité. Cette représentation ambigüe s'inscrit dans une tendance plus large, née en France au tournant des années 2010, où l'émancipation des femmes est défendue par le biais d'une étonnante appropriation féminine de l'injure sexiste « connasse ». En tant qu'incarnation médiatique du phénomène, Camille Cottin rend alors visibles les paradoxes typiquement post-féministes qui traversent celui-ci : la « Connasse » qu'elle interprète ne subvertit qu'en apparence les normes de genre, et, sous le voile d'une ironie trompeuse, dresse un portrait essentiellement conservateur de la féminité contemporaine.This article aims to explore – through the concept of postfeminism–the ideological ambivalence within the character of “la Connasse” [“the Bitch”] played by Camille Cottin in the homonymous mini series (Canal +, 2013-2015), a decisive role in the actress' media image. As a rare example of female unruliness and humour, Camille Cottin's revelation in Connasse is evidence of the contemporary feminization of french comedy, and yet renews the genre's traditional misogyny through the virulent caricature of femininity it proposes. This ambiguous representation fits in with a larger trend, born in France in the 2010s, through which the emancipation of women is surprisingly championed via the female appropriation of the sexist slur “connasse” [“bitch”]. As the media incarnation of this phenomenon, Camille Cottin highlights the typically postfeminist paradoxes at its core: the “Connasse” she embodies only superficially subverts gender norms, and through a deceptive use of irony, provides an essentially conservative portrayal of contemporary femininity.
- The “Selfish” Mothers of Contemporary French Screen Comedy - Mary Harrod Cet article étudie les représentations récurrentes d'une maternité « égoïste » dans la comédie française de la seconde moitié des années 2010. Il met en lumière les tensions entre les idéaux postféministes et le modèle de dévouement et de comportement moralement exemplaire, au sein de normes parentales contemporaines contraignantes où l'influence américaine s'articule à une tradition française plus draconienne en la matière. Deux figures dominantes sont successivement examinées : celle de la mère « capable (can-do) » chez qui la maternité s'ajoute aux succès professionnel et sexuel, dans des films réalisés par des femmes, et celle de la « mère qui se comporte mal (mother behaving badly) », particulièrement répandue dans le paysage audiovisuel anglophone. Dans les deux cas, une attention particulière est portée aux actrices qui incarnent ces rôles (notamment Julie Delpy, Catherine Deneuve et Marina Foïs, mais aussi Karin Viard, Virginie Efira et Juliette Binoche), dont la persona et la popularité influent de manière déterminante la portée idéologique de ces portraits de mères « égoïstes », en leur donnant de la consistance et de l'attrait, contribuant ainsi à l'élargissement des normes de maternité dans la société française contemporaine.This article explores a salient trend for “selfish” behaviours featuring in comic depictions of motherhood and the female actors who embody it in French cinema and secondarily television in the late 2010s. I identify tensions between various postfeminist ideals and the self-sacrifice and morally exemplary behaviour associated with contemporary parenting norms, including as coloured by US influence, which combines in an exigent admixture with traditionally more draconian French approaches. Specifically, the article focalises the emergence of the “can-do” mother who combines maternity with professional and successful fulfilment in female-authored film, as well as the “mother behaving badly” informed by comparable Anglophone representations. In both cases, it homes in on the images of star actors (in particular, Julie Delpy, Catherine Deneuve and Marina Foïs but also Karin Viard, Virginie Efira and Juliette Binoche) as key determinants in the ideological resonance of the portrayals under examination, with their popular personae fleshing out and tending to endorse recently expanded parameters for contemporary French motherhood.
- Hannah Gadsby dans Nanette : implosion du stand-up et subversion des normes de genre - Marie-Cécile Henrion Cet article analyse la performance d'Hannah Gadsby dans Nanette, son avant-dernier stand-up qui a propulsé la comédienne australienne sur le devant de la scène comique internationale. Gadsby manipule, dans un double mouvement dialectique, les codes du stand-up qu'elle fait imploser et les normes de genre qu'elle subvertit. À l'aide des modèles sacrificiel et judiciaire de l'autobiographie scénique développés par Stéphane Hervé (2011), j'analyse tout d'abord les possibilités de création de la solidarité nécessaire à la prise de pouvoir de la performer du stand-up malgré la polarisation de l'espace scénique et l'altérité du corps en performance. Sur cette base, grâce à la pensée de Judith Butler sur les possibilités de faire récit de soi (2007), j'envisage la dissidence du propos de Gadsby dans sa remise en cause des normes, qui rend légitime sa perspective sur le monde, perspective a priori aliénée par le discours dominant, dont le discours comique.This article analyzes Hannah Gadsby's performance in Nanette, her penultimate stand-up that propelled the Australian comedian to the forefront of the international comedy scene. Gadsby manipulates, in a double dialectical movement, the stand-up codes that she makes implode and the gender norms that she subverts. Using the sacrificial and judicial models of scenic autobiography developed by Stéphane Hervé (2011), I first analyze the possibilities of creating the solidarity that is necessary for the performer to take power, despite the polarization of the scenic space and the otherness of the performing body. On this basis, thanks to Judith Butler's thought on the possibilities of self-narrative (2007), I consider the dissidence of Gadsby's discourse as she questions the pre-existing norms and thus legitimizes her perspective on the world, a perspective a priori alienated by the dominant discourse, including comic discourse.
- From Assimilation Narratives to “Regular Stories”: Celebrity Image, Series Development, and On-Screen Visibility in The Mindy Project and Insecure - Ash Kinney d'Harcourt Le succès des comédiennes Mindy Kaling et Issa Rae témoigne de changements industriels et socioculturels importants, à l'ère de la télévision post-network des années 2010, vers plus d'opportunités pour les femmes et les personnes de couleur – bien qu'il ne soit pas certain que cette tendance se poursuivra. Cet article analyse à la fois la persona de ces deux showrunneuses et les représentations de race et de genre véhiculées par leurs séries respectives, The Mindy Project (2012-2017) et Insecure (2016–), dans lesquelles elles tiennent également le rôle principal. En comparant la manière dont elles ont soigneusement géré leur image à l'écran et à la ville, et exploité les conventions de la comédie populaire, cette étude montre comment Kaling et Rae ont réussi à imposer leurs séries dans la télévision grand public. La correspondance entre l'image de marque des chaînes et la visibilité de Kaling et Rae, en tant que showrunneuses et stars, présente des exemples convaincants de la manière dont la célébrité, les cultures de production et les représentations à l'écran sont de plus en plus interconnectés.The success of comedians Mindy Kaling and Issa Rae appear to indicate larger industrial and sociocultural shifts in the 2010s post-network television era toward increasing opportunities for women and people of color. This project examines the two showrunners' star texts alongside the development of each of their respective series, The Mindy Project (2012–2017) and Insecure (2016–2021), and the corresponding raced and gendered depictions of the characters they have created. A comparison of the careful management of on-and-off screen images and of the exploitation of popular comedy genre conventions bring to light some of the ways in which Kaling and Rae have negotiated the US media industry's white-centered and market-driven notions of diversity in the last decade. The correspondence between network branding as it relates to conceptualizations of quality and the visibility of Kaling and Rae as celebrity showrunners and performers presents compelling examples of the ways in which stardom, the industrial development of a series, and on-screen representation have become increasingly interlinked.
- Les gentils losers du cinéma français des années 1970 : entre triomphe de l'homme doux et police du genre - Hélène Fiche Le cinéma populaire français des années 1970 est marqué par le retour en force d'un type social masculin comique, le « gentil loser », qui connaît un succès récurrent au box-office, jusqu'au milieu des années 1980. Porté par une nouvelle génération d'acteurs comiques, ce personnage se caractérise par son défaut de virilité, sa maladresse, sa malchance et son manque de recul sur lui-même. Cet article se propose d'explorer l'usage comique de cette masculinité subalterne et la nature du rire qu'elle suscite, en lien avec son contexte de production, celui d'un essor en France du mouvement féministe et d'un questionnement croissant des normes genrées. Il établira pour cela certaines distinctions entre les persona de Pierre Richard et de Michel Blanc, deux acteurs qui ont incarné des « gentils losers » de manière répétée et durable tout au cours de la période.The French cinematic landscape of the 1970s is marked by the repeated occurrence of the comical masculine character of the “nice loser”, which encounters a repeated box office success until the mid-1980s. This social type, embodied by a new generation of comic actors, is characterized by its lack of virility, its clumsiness, its misfortune and its lack of self-awareness. This paper aims to explore the comical use of this subaltern masculinity and the meanings of the laughter triggered by its misfortunes, while situating those in the French context of the 1970s, in relation with the rise of the Women's movement and a growing questioning of gender roles. In order to do that, a few important distinctions between Pierre Richard and Michel Blanc's persona will be established, as they both built their careers on the systematic embodiment of “nice losers”.
- L'univers déphasé de Pierre Richard : masculinité ambivalente d'un corps anti-performant - Adrien Valgalier Cet article se propose de dégager les contours de la persona de Pierre Richard telle qu'elle se développe dans la plus importante période de succès de l'acteur/réalisateur en France, de 1970 à 1986. Si les personnages interprétés par le comédien se caractérisent par une inadaptation chronique à leur environnement, ils se rejoignent plus généralement dans l'impossibilité d'être eux-mêmes. Inappropriés et inadaptés, ils n'existent qu'en étant un autre. Cette tension a pu trouver un certain écho dans la France post-Trente Glorieuses. Dans ce moment de ralentissement de l'économie, les personnages de Pierre Richard se distinguent par leur inefficacité et incarnent ceux dont la volonté a été battue. Cette vulnérabilité ouvre l'acteur à une masculinité ambivalente qui lui permet de profiter des prérogatives de son genre tout en se détachant d'une virilité traditionnelle.This article focuses on actor/director Pierre Richard's persona as it evolves in France from 1970 to 1986, Richard's most significant period of success. If the characters played by the comedian are defined by unsuitability, most of the time, they are dominated by the inability to be themselves. Through Pierre Richard, inappropriate beings cannot go through life by being themselves. This tension could be linked to the status of France after the “Trente Glorieuses”. In this period of economic slowdown, Pierre Richard puts aside the ethos of performance, by being the only one whose strength has been defeated. Due to this weakness, an ambivalent masculinity can be perceived. While enjoying the benefits of the male gender, notably in his body expression, he differs from a traditional sense of manhood.
- Wang Baoqiang: the Man-Child Bumpkin in Chinese Comedy Films - Yung-Hang Lai Wang Baoqiang est un comédien chinois bien connu pour ses personnages d'homme-enfant « plouc ». Alors que les critiques s'inquiètent du regain de la figure de l'homme-enfant dans les comédies hollywoodiennes, qu'ils perçoivent comme essentiellement régressive, je soutiens que les rôles d'homme-enfant de Wang dans Lost on Journey (2010) et Lost in Thailand (2012) ne visent pas seulement à provoquer le rire, mais servent également à remettre en question la subjectivité entrepreneuriale néolibérale qui informe les normes de la masculinité en Chine, incarnée dans ces films par les hommes anxieux de classe moyenne interprétés par Xu Zheng.Wang Baoqiang is a Chinese comedian well known for his bumpkin man-child characters. Whereas critics worry that the return of the man-child in Hollywood comedy signals a retreat from responsibility, I will argue that Wang's man-child roles in the films Lost on Journey (2010) and Lost in Thailand (2012) not only bring about laughter but also challenge the neoliberal entrepreneurial subjectivity which informs the norms of masculinity in China. Such subjectivity is embodied by the contrasting anxious middle-class roles played by Xu Zheng in these films.
- La “Ragazza Terribile”: The Wild Corporeality of Lea Giunchi, The Silent Italian Comedienne Of The 1910s - Emma Morton
Traduction
Varia
- Téléspectatrices en scène : le genre de la vie télévisuelle turque - Neşe Öztemir Dans cet article, nous présentons les résultats de notre étude des usages que des femmes turques d'Istanbul font de la télévision. Dans les rapports entre écrans, postures spectatorielles, et choix de programmes, nous pouvons observer les rapports de Genre (implicites ou explicites) structurant la vie de famille. Ce travail aborde par ailleurs les manières dont les femmes vivent le Genre dans leur vie domestique ordinaire, à travers un moment en particulier : la réception d'un épisode d'une série turque populaire. En ce sens, nous voudrions montrer dans quelle mesure le Genre travaille l'organisation de la vie domestique et comment il modifie en retour la pratique télévisuelle.This paper focuses on the results of observational study to understand the use of TV by urban women in Turkey. By observing the relationship between screen, spectator posture and choice among various contents, we can understand implicit or explicit gender relations in family life. Moreover, through a reception analysis of an episode of a popular Turkish TV series, this study aims to explore the variety of gender scenarios in women's everyday lives. In this sense, we would like to show to what extent gender affects domestic organization and how it modifies television practice in return.
- Téléséries chiliennes du XXe siècle : les bandes musicales à l'épreuve du genre - Lorena Lira Cet article propose d'étudier la façon dont les bandes musicales utilisées dans les fictions chiliennes de type telenovela de ces dernières années agissent comme un outil de réassignation de genre. Il s'agit ainsi d'analyser les bandes musicales de quatre telenovelas (aussi appelée téléséries) diffusées par les principales chaînes gratuites de la télévision chilienne : Pobre Rico (TVN, 2012), Mamá Mechona (Canal 13, 2014), Pituca sin lucas (Mega, 2014) et Señores Papis (Mega, 2016). En effet, bien que le format ait connu de grandes évolutions dans la construction des trames et la complexité des personnages, ces derniers rompant de plus en plus avec les stéréotypes genrés, on remarque en discutant les choix musicaux qu'il s'agit plus d'une nouvelle mise en œuvre de l'assignation de genre que d'un amenuisement de celle-ci. Pour cela, nous reviendrons sur le rôle de la bande musicale dans la telenovela chilienne contemporaine et nous nous intéresserons à la fois aux interprètes et aux paroles de cette dernière.This article aims to study the way soundtracks are used in Chilean fictional series such as telenovela type fictions over the past few years. More specifically it addresses the question of music as a way of re-assigning gender roles in this context. The purpose will be to analyze the soundtracks of four telenovelas (called also teleseries) broadcasted on the main free TV channels in Chile: Pobre Rico (TVN, 2012), Mamá Mechona (Canal 13, 2014), Pituca sin lucas (Mega, 2014) and Señores Papis (Mega, 2016). The format has known, indeed, major changes in the plot structure, and the characters have been written with higher degree of complexity and distanced from gender stereotypes. However, by discussing the musical choices we notice that it is more about a new implementation of the gender assignment than diminishing it. To do so, we will analyze the function of soundtracks in contemporary Chilean telenovela with a special focus on both the performers and the lyrics.
- Téléspectatrices en scène : le genre de la vie télévisuelle turque - Neşe Öztemir
Notes de lecture