Contenu du sommaire : Santé et travail
Revue | Revue française des Affaires sociales |
---|---|
Numéro | no 2-3, 2008 |
Titre du numéro | Santé et travail |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Santé et travail
- Présentation du numéro. Les risques professionnels seraient-ils singuliers? - Viet Vincent p. 5-12
- La recherche et l'action en santé au travail. Idées ancrées et nouveaux obstacles - Volkoff Serge p. 13-17
- Quels dispositifs épidémiologiques d'observation de la santé en relation avec le travail? Le rôle de l'Institut de veille sanitaire - Goldberg Marcel, Imbernon Ellen p. 19-44 La contribution des facteurs professionnels à la santé est encore mal connue en France. On dispose malgré tout de quelques indications. Ainsi, la part des cancers attribuable aux facteurs professionnels serait de l'ordre de 3 à 8% de tous les décès par cancer. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent la première cause de maladies professionnelles. Le rôle des facteurs psychosociaux au travail (« stress ») vis-à-vis de la pathologie cardiovasculaire, des troubles de santé mentale, et des TMS est établi. Les risques professionnels contribuent aux inégalités sociales de santé, et il existe une forte « sous-réparation » des maladies d'origine professionnelle. Les sources de données à l'échelle de la France sont limitées. La création d'un Département santé travail au sein de l'Institut de veille sanitaire a permis de mettre en place un programme national de surveillance épidémiologique qui a pour but d'établir les indicateurs permettant de quantifier le poids de l'activité professionnelle sur l'état de santé de la population générale, de repérer des secteurs et des professions à risque élevé, d'alerter sur d'éventuels problèmes en relation avec le travail, connus ou émergents, et d'évaluer les dispositifs de prévention et de réparation. Les grandes lignes de ce programme sont présentées par quelques exemples, concernant l'amiante, les TMS, les expositions professionnelles, la mortalité par secteurs d'activité, la quantification du poids sur la santé des facteurs professionnels, et la mise en place de divers réseaux de médecins du travail.The contribution of work-related health factors is still relatively unknown in France. We do, nonetheless, dispose of a few indications. Thus, the percentage of cancers attributable to work-related factors falls somewhere between 3 and 8% of all cancer deaths. Musculoskeletal disorders (MSDs) are the major cause of work-related illnesses. The role of psychosocial factors (stress) at work vis-à-vis cardiovascular pathologies, mental health problems and MSDs has been established.Work-related risks contribute to social health inequalities, and there is a history of under compensation for work-related illnesses. Sources for data on France are limited. The creation of a Department of Occupational Health within the Institute for Public Health Surveillance has enabled the implementation of a national epidemiological surveillance programme whose goal is to establish indicators to quantify the burden of professional activity on the general population's state of health, to identify high-risk sectors and professions, to issue alerts, if need be, on known or emerging work-related problems and to evaluate prevention and reparation measures. The main points of this programme are presented through several examples concerning asbestos, MSDs, work-related exposure, mortality by sector of activity, quantifying the burden of occupational factors on health and the implementation of diverse occupational physician networks.
- Les facteurs de risques psychosociaux au travail. Une approche quantitative par l'enquête Sumer - Bué Jennifer, Coutrot Thomas, Guignon Nicole, Sandret Nicolas p. 45-70 Cet article présente des éléments de quantification statistique de certains des principaux facteurs de risques psychosociaux au travail susceptibles d'entraîner une dégradation de la santé mentale et physique des salariés. Trois indicateurs de ces risques sont identifiés à partir des réponses des salariés à l'enquête Sumer (qui dresse un état des lieux des expositions des salariés aux principaux risques professionnels en France): les agressions de la part du public, la violence morale au travail (comportements hostiles s'inscrivant dans la durée) et le job strain, analysé par le modèle de Karasek. Au-delà des limites de toute enquête déclarative, les résultats mettent en lumière le rôle prépondérant des caractéristiques de l'organisation du travail (contraintes hiérarchiques, manque de moyens, contraintes de rythme...) dans la survenue des facteurs de risques psychosociaux, ainsi que l'effet protecteur que représente le soutien social sur le lieu de travail.This article presents the statistical quantification for some of the main factors of psychosocial risks at work susceptible of bringing about mental and physical degradation in employees' health. Three indicators for these risks were identified through the employees' answers to the SUMER survey (which assesses employees' exposure to occupational risks in France): aggressions committed by the public, moral violence at work (long-term hostile behaviour) and job strain. They were analysed using the Karasek model. Beyond the limits of any declarative survey, the results highlight the paramount role workplace organisation (hierarchical constraints, lack of means, time constraints...) plays in the occurrence of psychosocial risk factors, as well as the protective effect that social aid has in the workplace.
- Quelques perspectives sur les travaux récents en « santé et travail ». Les approches développées dans les revues de sciences sociales (2001-2007) - Bruno Anne-Sophie p. 71-96 Longtemps parent pauvre de la recherche, le champ des recherches en santé et travail a connu, depuis le début des années 2000, un important développement qui a touché l'ensemble des disciplines des sciences sociales. Cet article propose une lecture des travaux récents menés dans ce champ, afin de déterminer les avancées permises par la mobilisation de disciplines aussi diverses que l'épidémiologie, la sociologie, l'histoire ou la science politique. Le dialogue permis par le développement des travaux en santé et travail a essentiellement permis à l'épidémiologie de se faire de plus en plus sociale, enrichissant l'analyse des pathologies professionnelles de façon à prendre davantage en compte les contextes institutionnels et les jeux d'acteurs qui président à leur visibilité (ou invisibilité) sociale. En revanche, si les bouleversements de l'appareil de production ont rendu toute leur acuité aux questions de conditions et d'organisation du travail, sur ces thématiques, le dialogue interdisciplinaire semble moins développé. Enfin la volonté de tenir compte de la complexité des relations entre santé, travail et hors travail a donné naissance ces dernières années à des recherches prenant comme point d'observation les parcours de vie, suivant en cela un mouvement commun à l'ensemble des recherches en sciences humaines et sociales.Although it has long been research's poor cousin, the field of research in health and labour has undergone major developments since the beginning of the 2000s that has touched the ensemble of social science disciplines. This article takes into consideration the recent work carried out in this field so as to determine the developments made by mobilising disciplines as diverse as epidemiology, sociology, history and political science. The dialogue enabled by this development of works in health and labour essentially allowed epidemiology to become more and more social, enriching the analysis of work-related pathologies and allowing a more detailed consideration of the institutional contexts and the actions of key players presiding over their social visibility (or invisibility). On the other hand, although the upheavals in the production mechanism gave acuity to questions pertaining to the conditions under which the work is organized, the interdisciplinary dialogue on these themes appears to be less developed. Finally, the will to take the complexity of the relationship between health, labour and extra-professional factors into account has, over the past few years, engendered research whose point of observation is the life journey, following, within this, a movement that is common to the ensemble of research in human and social science.
- La dénonciation du problème des éthers de glycol en France. Les organisations syndicales face à l'après-crise de l'amiante - Jouzel Jean-Noël p. 97-118 Cet article se propose de rendre compte des modifications contemporaines des pratiques syndicales de mobilisation autour des questions de santé au travail en France. Il travaille pour cela sur les protestations suscitées depuis dix ans par l'exposition de nombreux salariés à une famille de solvants toxiques, les éthers de glycol. Cette mobilisation a pris forme dans le prolongement chronologique immédiat de la crise de l'amiante, qui a considérablement bouleversé les modes d'action collective dans la sphère de la santé au travail. À partir de la notion de problématisation, l'article montre que les rapports de continuité entre ces deux mobilisations sont plus complexes qu'il n'y paraît : si la dénonciation des dangers des éthers de glycol par un certain nombre d'organisations professionnelles françaises prolonge l'activité critique initiée lors de la crise de l'amiante, elle a aussi paradoxalement eu pour fonction politique de rendre maîtrisable cette activité critique.This article proposes to explain the contemporary modifications of union practices concerning occupational health in France. To this end, it examines the protests over the last ten years that were provoked by numerous employees' exposure to a family of toxic chemicals, glycol ethers. This mobilisation took shape immediately following the asbestos crisis, which considerably affected the methods of collective action in the sphere of occupational health. Beginning with the notion of problematisation, this article demonstrates that the continuity between these two mobilisations are more complex than they seem : although when the dangers of glycol ethers were exposed by a certain number of French professional organisations resulting in a prolongation of the criticism initiated by the asbestos crisis, it also paradoxically had the political effect of making this criticism controllable.
- De la Fédération des mutilés du travail à la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés. Une longue mobilisation pour une « juste et légitime réparation » des accidents du travail et des maladies professionnelles - Blic Damien p. 119-140 Cet article propose de porter l'attention sur le rôle joué par la Fédération des mutilés du travail (connue aujourd'hui sous le nom de FNATH) dans l'évolution de la législation sur les accidents du travail. Cette organisation, qui monopolise pratiquement la représentation des accidentés du travail depuis 1920, met rapidement au centre de ses revendications une réforme du régime de réparation des accidents du travail institué par la loi du 9 avril 1898. L'impossibilité de recourir aux modes de protestation éprouvés par les syndicats de travailleurs oblige les victimes du travail à inventer d'autres répertoires d'action. En faisant valoir l'injustice des conditions d'existence réservées aux victimes de risques professionnels au regard des droits dont bénéficient d'autres catégories de victimes, et en s'appuyant parallèlement sur une action de masse et sur une expertise juridique, la Fédération des mutilés du travail obtient de nombreuses améliorations de la loi de 1898 à la veille et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Après une lente décrue des revendications directement centrées sur la réparation des risques professionnels, un nouvel espace d'intervention s'offre aux victimes du travail, au milieu des années 1980, lorsqu'une nouvelle hausse des risques professionnels relance la question de leur mode d'indemnisation et que de nouvelles catégories de victimes obtiennent, dans le même temps, des dispositifs de réparation intégrale qui remettent en question la pertinence du principe de réparation forfaitaire instauré en 1898.This article focuses on the role played by the Federation of Work-Related Accident Victims (now known as the FNATH — The National Federation for Victims of Labour Accidents and Disabilities) in the evolution of legislation on work-related accidents. This organisation, which has practically monopolised the representation of work-related accidents since 1920, rapidly made reforming the compensation regime for work-related accidents established by the law of 9 April 1898 one of its central demands. The labour unions had no recourse to tried and true methods of protestation, which obliged work-related accident victims to invent other repertoires of action. By proving the injustice of living conditions reserved for victims of occupational risks in the eyes of the law as compared to other categories of victims and by backing a mass movement and legal expertise, the Federation of Work-Related Accident Victims obtained numerous improvements on the law of 1898 immediately before and after World War II. After a slow decrease in demands directly centred on compensating occupational risks, a new arena of intervention was opened to work-related accident victims in the mid 1980s when a new increase in occupational risks revived the question of their method of compensation and new categories of victims obtained, at the same time, total compensation measures that called into question the relevance of flat rate compensation established in 1898.
- Affections périarticulaires : une longue marche vers la reconnaissance (1919-1991) - Hatzfeld Nicolas p. 141-160 La multiplication récente des cas reconnus d'affections périarticulaires conduit à s'interroger sur l'histoire de ces pathologies professionnelles. L'article commence par examiner l'époque, très longue, au cours de laquelle ces affections ne jouissaient d'aucune reconnaissance comme maladies professionnelles. Mais la question de leur reconnaissance a suscité des décennies de débat, le ministère du Travail refusant cette reconnaissance malgré des demandes de toutes parts. Dans une seconde partie, l'article étudie la reconnaissance progressive de ces maladies, depuis une maladie spécifique en 1972 jusqu'à un ensemble d'affections attribuées aux gestes et postures de travail, en 1991. Entre ces définitions et la multiplication des cas reconnus, une dynamique installe ces maladies dans le paysage social. La troisième partie sort du terrain réglementaire et examine comment se forme un regard nouveau au cours des années 1980, constatant l'importance du nombre des salariés atteints. Divers acteurs, professionnels de la santé, syndicalistes ou experts, cherchent à comprendre le phénomène et en viennent à repenser les maladies périarticulaires en termes nouveaux, notamment à l'aide de la notion de troubles musculo-squelettiques (TMS). Malgré la persistance d'un important écart entre la réalité estimée de ces pathologies du travail et leur reconnaissance, celle-ci traduit un changement social significatif.The recent multiplication of cases recognised as periarticular disorders leads us to question the history of these occupational pathologies. This article will begin by examining the very long era during which these disorders had no recognition as work-related illnesses. However, the question of their recognition has provoked decades of debate, the Ministry of Health refused this recognition despite requests from all sides. The second part of the article studies the progressive recognition of these illnesses, from a specific illness in 1972 to an ensemble of disorders attributed to gestures and work postures in 1991. These illnesses are brought into the social landscape through these definitions and the multiplication of recognised cases. The third part leaves the regulatory field and examines the way in which a new regard was formed in the 1980s, noting the great number of employees affected. Different players, health professionals, union members and experts attempt to understand this phenomena and have begun to think of periarticular illnesses in new terms, notably due to the notion of musculoskeletal disorders (MSDs). Despite the persistence of a large discrepancy between the estimated reality of these work-related pathologies and their recognition, there has been a significant social change.
- De très petites entreprises de la réparation automobile face aux normes publiques de la prévention des risques professionnels. Le cas d'une action collective territoriale - Kornig Cathel, Verdier Éric p. 161-184 Cet article analyse une action publique d'initiative locale qui, depuis plusieurs années, s'est efforcée de développer la prévention des risques professionnels dans les petites et moyennes entreprises. Il retrace la construction, en matière de prévention, des capacités des acteurs et des compétences des organisations (en l'occurrence, non seulement des firmes mais aussi d'une action publique appréhendée comme une quasi-organisation). Il est tout d'abord centré sur le déroulement de l'action collective, fait ressortir que les effets d'apprentissage sont fortement liés à l'intensité de l'intervention dans l'entreprise. Les établissements qui ont bénéficié de la venue d'un consultant ont tiré le plus partie de l'action collective. L'accompagnement des employeurs s'est révélé nécessaire dans un secteur où ces derniers s'inscrivent dans des temporalités courtes. En outre, le processus d'évaluation des risques demeure complexe pour des dirigeants peu formés à ce type de procédure. Il reste que ces très petites entreprises ne forment pas un monde homogène en termes d'organisation et de gestion. Ainsi leurs capacités d'appropriation d'une démarche préventive varient sensiblement d'un modèle type d'entreprise à l'autre: indépendant, entrepreneur ou manager.Thus article analyses a local public action that has, for several years, been trying to develop a programme to prevent occupational risks in small and mid-sized companies. It examines the construction, in terms of prevention, of the players' capabilities and the organisations' proficiency (in this case, not only that of firms, but also a public action viewed as a quasi-organisation). It is primarily centred on the collective action's progression, and highlights the fact that the learning process is strongly tied to the intensity of intervention within the company. Those establishments having had a consultant made the best use of the collective action. The support of employers was found to be necessary in a sector in which these latter are primarily present short-term. Furthermore, the risk evaluation process remains complex for directors with little training in this type of procedure. Nonetheless, these very small companies are not homogeneous in terms of organisation or management. Thus, their capacity to adopt a preventative approach varies appreciably from one type of company to another: independent, entrepreneur or manager.
- La santé des travailleurs en Italie: acteurs et conflits. Une perspective historique - Carnevale Francesco, Causarano Pietro p. 185-204 L'article vise à présenter les principales étapes qui ont conduit, en Italie, à l'affirmation d'une conception moderne de la prévention dans le domaine du travail, de la santé et de la sécurité des ouvriers. Après le pionnier Bernardino Ramazzini, cette question tombe dans l'oubli, jusqu'au début du XXe siècle où apparaissent les premiers exemples d'une interaction positive (tout en étant d'une mise en œuvre difficile et limitée) entre une discipline scientifique en cours d'institutionnalisation et les dynamiques sociales. Parallèlement, face à une culture d'entreprise d'inspiration paternaliste longtemps dominante, qui a une attitude négative face à ces questions, des luttes ouvrières apparaissent avec une alternance de pics de tensions et de périodes d'inertie, pendant le fascisme notamment. Quant à l'État, il joue un rôle marginal de médiation administrative, sans stratégie sociale ni épidémiologique, jusque dans les années 1970. La vague des luttes ouvrières d'après 1968-1969 est l'occasion de l'expérimentation la plus originale et la plus importante d'une possible participation des travailleurs à l'élaboration de mesures de prévention. Pour la première fois, le cœur du conflit est l'entreprise, dont l'organisation du travail est contestée directement par les conseils d'usine et les ouvriers, lesquels refusent toute délégation aux spécialistes de la santé (mais pas leur collaboration) en matière de sécurité et de protection du milieu de travail. C'est à l'issue de cette période qu'est créé le Service national de santé italien (SSN).This article aims to present the main steps that led to Italy's affirmation of a modern concept of prevention in the domain of workmen's labour, health and security. After the pioneer Bernardino Ramazzini, the matter was all but forgotten until the beginning of the 20th century when the first examples of positive interaction (although the implementation thereof was difficult and limited) between a scientific discipline in the process of being institutionalised and social dynamics were seen. At the same time, confronted with a business culture that had long been predominantly paternalistic and that had a negative attitude about these matters, the workmen's struggles appear with alternating peaks of tension and periods of inertia, notably during fascist times. The government played a marginal role as administrative mediator with neither a social nor an epidemiological strategy until the 1970s. The wave of workmen's struggles immediately following 1968-69 had the most original and greatest experimentation, thanks to which workmen were able to participate in the elaboration of preventative measures. For the first time, the company was at the heart of the conflict. The Factory Committees contested the way in which they organise work, as did the workers, who refused all delegations of healthcare specialists (but not their collaboration) as regards security and protection in the workplace. It was at the end of this period that the Italian National Health Service (SSN) was created.
- La reconnaissance des maladies professionnelles - Ménal Daniel p. 205-212
- Produire des connaissances en santé au travail à l'échelle régionale. Le signalement des maladies à caractère professionnel dans les Pays de la Loire - Daubas-Letourneux Véronique p. 213-235 Le signalement des maladies à caractère professionnel est une obligation pour tout médecin. Inscrite dans le Code de la Sécurité sociale depuis plus de soixante ans (article L. 461-6), cette obligation est pourtant peu suivie dans les faits, et tend à ne mobiliser qu'un seul type de docteur en médecine :les médecins du travail. En partant d'une étude menée dans les Pays de la Loire, région particulièrement impliquée dans l'organisation des signalements des maladies à caractère professionnel (MCP), l'article propose de revenir sur les enjeux du signalement des MCP sous trois angles. Le premier revient sur le champ de définition des MCP : une catégorie coupée de l'indemnisation et produite à l'échelon régional. Le second porte sur l'action des médecins du travail ligériens face au dispositif de signalement des MCP mis en place conjointement par l'Institut de veille sanitaire (InVS) et l'inspection médicale du travail régionale. Le troisième angle questionne la connaissance produite au regard des missions des acteurs régionaux et des implications en termes de santé publique.Reporting work-related illnesses is an obligation for all doctors. This obligation has been inscribed in the Social Security Code for over 60 years (article L. 461-6), yet it is not often complied with in reality and tends to only concern one type of doctor : occupational physicians. Starting with a study carried out in Pays de la Loire, a region particularly implicated in the organisation of reporting work-related illnesses (WRIs), this article will take another look at the issues involved in reporting WRIs under three angles. The first re-examines the definition of WRIs : a category cut off from compensation and produced on a regional level. The second focuses on Ligérian occupational physicians' actions when confronted with the reporting measures for WRIs jointly implemented by the French Institute for Public Health Surveillance and the Regional Occupational Medicine Inspection. The third angle questions the knowledge effectuated regarding the missions of regional players and the implications in terms of public health.
- Construire la visibilité des cancers professionnels. Une enquête permanente en Seine-Saint-Denis - Thébaud-Mony Annie p. 237-254 Depuis 2003, la prévention des cancers professionnels est considérée comme une priorité sanitaire, ce qui suppose une production de connaissances mobilisables pour des stratégies de protection des salariés contre l'exposition professionnelle aux cancérogènes. La première partie de cet article questionne l'interprétation des inégalités face au cancer et met en évidence les limites du modèle dominant d'interprétation de la causalité de celui-ci, fondé sur le rôle exclusif des facteurs comportementaux; elle montre la triple invisibilité socialement construite des cancers liés au travail: ignorance toxique, invisibilité physique, invisibilité sociale. La seconde partie présente le contexte, la méthode et les résultats d'une recherche menée depuis 2001 auprès de patients de trois hôpitaux de la Seine-Saint-Denis, en vue de la reconstitution de leur parcours professionnel, de l'identification des cancérogènes dans ces parcours et du suivi des procédures de reconnaissance en maladie professionnelle; Elle met en évidence l'importante poly-exposition professionnelle aux cancérogènes des 684 patients suivis. Une autre histoire des cancers professionnels se dessine alors qui épouse celle des transformations du travail et de la production économique; Elle met en question le modèle de la reconnaissance en maladie professionnelle de salariés ou anciens salariés atteints de cancer et met en évidence la nécessité de la reconstitution des parcours professionnels et des histoires d'exposition professionnelle aux cancérogènes pour déterminer quelles sont les priorités et les stratégies à mettre en œuvre pour la protection des salariés.Since 2003, the prevention of work-related cancers has been considered to be a health priority, which presumes there is an effectuation of knowledge that can be mobilised for strategies to protect employees against being exposed to carcinogens in the workplace. The first part of this article questions the interpretation of inequalities relating to cancer and brings to light the limits of the dominant model of interpreting its causes, which is solely based on the role of behavioural factors; it demonstrates the socially constructed triple invisibility of work-related cancers: toxic ignorance, physical invisibility and social invisibility. The second part presents the context, the method and the results of a study that was started in 2001 on patients in three hospitals in Seine-Saint-Denis aiming to reconstruct their professional histories, to identify carcinogens in these histories and to follow the procedures for having the cancers recognised as work-related illnesses. It showed that the 684 patients followed had a high level of occupational poly-exposure to carcinogens. Another story of work-related cancers can be told alongside that of transformations in work and economic production. It brings into question the way in which employees or ex-employees suffering from cancer have had their illnesses recognised as being work-related and highlights the necessity of reconstructing professional histories and the histories of occupational exposure to carcinogens so as to determine which priorities and strategies must be implemented to protect employees.
- La silicose comme maladie professionnelle transnationale - Rosental Paul-André p. 255-277 L'article montre le rôle décisif qu'ont joué les dynamiques transnationales dans la reconnaissance médico-légale de la silicose. Celle maladie professionnelle, la plus mortelle du XXe siècle et en pleine progression aujourd'hui dans les pays en voie d'industrialisation, a été difficile à identifier dans ses causes. En sont responsables la complexité de sa nosologie et de son étiologie, mais aussi les enjeux financiers qu'impliquait sa réparation dans les grandes industries de main-d'œuvre (mines mais aussi fonderies et BTP notamment). Ce sont des organismes internationaux, officiels comme le Bureau international du travail, associatifs comme la Commission internationale pour la médecine du travail, qui ont permis sa reconnaissance par la mise en place, dans l'entre-deux-guerres, d'un forum international consacré à la question. La définition médicale de la maladie ainsi que son identification radiologique en sont issues, y compris dans leurs imprécisions et ambiguïtés délibérées: elles seules permirent leur acceptation par les employeurs. Le cas de la silicose révèle par excellence le caractère « négocié » des maladies professionnelles, et la place des échanges internationaux formels et informels dans ce processus.This article shows the decisive role that transnational dynamics played in the forensic recognition of silicosis. The causes of this occupational illness, the 20th century's most mortal and which is progressing today in developing countries, were difficult to identify. The main reasons are the complexity of this disease's classification and etiology, as well as the financial stakes that its compensation implicates for large industries (mines, foundries and Buildings and Public Works, notably). Official international organisations such as the International Labour Organisation and associations like the International Commission for Occupational Medicine are responsible for its recognition by having implemented an international forum dedicated to this matter between World War I and World War II. The results of which were a medical definition of this illness and its radiological identification, these included intentional imprecision and ambiguities: they alone would enable acceptation by employers. The case of silicosis reveals par excellence the negotiable character of work-related illnesses and the place formal and informal international exchanges hold in this process.
- La santé au travail sous l'angle de la protection et de la réparation des risques professionnels. Évolution et perspectives - Emane Augustin p. 279-300 L'émergence du thème de la santé au travail dans le débat public au cours de ces dernières années n'a pas fait disparaître pour autant les questions récurrentes que l'on s'est toujours posées en droit de la Sécurité sociale et que l'on peut résumer ainsi: contre quels risques le salarié est-il protégé et comment sont-ils indemnisés?En adoptant une démarche chronologique, il apparaît que la résolution de ces questions dépend d'un contexte social et économique qui lui-même n'est pas figé. Deux phénomènes particulièrement intéressants sont à observer. Il y a d'abord le sentiment d'un droit parfois en retard sur les évolutions sociales, et qui finit par faire naître un sentiment d'injustice s'agissant d'une question aussi importante que celle de l'indemnisation. On peut observer ensuite que ces évolutions sociales, et notamment celles qui touchent ici à l'organisation du travail, entraînent avec les interprétations que le juge en donne, un renouvellement des concepts juridiques et des nouvelles solutions s'agissant de la prise en compte de la santé au travail.The emergence of the theme of health at work within the public forum over the past few years has not erased the recurring questions we have always asked ourselves on social security rights and which can be summarised thus: against what risks are employees protected and how are they compensated?By adopting a chronological approach, it appears that the resolution of these questions is dependant upon a social and economic context that is not fixed. Two particularly interesting phenomena can be observed. Firstly, there is the feeling that rights are sometimes late in relation to social evolutions which then turns into a feeling of injustice when it comes to a matter as important as compensation. It can then be observed that these social evolutions, and notably those that touch here upon the notion of work organisation, can, with the judge's interpretation, lead to a renewal of legal concepts and new solutions regarding the recognition of health at work.
- La prévention des risques technologiques et professionnels en France et en Grande-Bretagne, des années 1970 à nos jours - Galland Jean-Pierre p. 301-321 Les systèmes de prise en compte des risques professionnels et technologiques, en France et en Grande-Bretagne, se sont stabilisés, du point de vue de leurs architectures respectives, à partir du milieu des années 1970, après d'importantes réformes, essentiellement du côté britannique.Le système français est « polycentrique », en ce sens que de nombreux acteurs institutionnels (inspections du travail ou des installations classées, ingénieurs de la Sécurité sociale, médecins du travail...) interviennent dans la prévention; alors que le système britannique est « intégré » dans une Agence à l'intérieur de laquelle sont rassemblées la plupart des fonctions équivalentes (d'inspection, de conseil, de tenue des statistiques, de recherche). La France a eu plus de difficultés que la Grande-Bretagne à se plier aux injonctions européennes des années 1980-1990, qui ont notamment fait de l'évaluation des risques a priori l'outil central des politiques de prévention, ce qui a amené de douloureuses remises en cause. Mais au début des années 2000, les deux modèles restent fragiles:d'un côté, la crise du système de prévention des risques professionnels français est surtout référée à la complexité de son organisation et aux difficultés de collaboration entre « pôles »; de l'autre, l'Agence britannique est l'objet d'évaluations permanentes et de pressions financières telles que son devenir n'est jamais assuré.The systems for recognising occupational and technological risks in France and Great Brittan were stabilised, from the point of view of their respective structures, starting in the mid 1970s after important reforms, essentially in Great Brittan.The French system is polycentric, in the sense that numerous institutional players (work inspection or classified installations, Social Security engineers, occupational physicians...) intervene for prevention, while the British system is integrated into an Agency within which most of the equivalent functions (inspection, governing, maintenance of statistics, research) can be found. France had more difficulty than Great Brittan in complying with the European injunctions in the 1980s and 90s, which, notably, made the evaluation of risks a priori the central tool in prevention policies, which brought about painful reconsideration. Yet, in the beginning of the 2000s, the two models remained fragile:on the one side a crisis in the French system for the prevention of occupational risks is essentially referred to in terms of the complexity of its organisation and the difficulties the poles have in collaborating; and on the other side, the British Agency is the object of such permanent evaluations and financial pressure that its future is never secure.
- De la prévention à la pêche maritime. Protéger les marins autant que la ressource halieutique? - Chaumette Patrick p. 323-339 Le secteur de la pêche maritime est particulièrement dangereux, le travail y est physique et les conditions de travail difficiles. Même si la mer est « mauvaise », la pêche reste une activité de cueillette et d'aventure. La concurrence entre pêcheurs, même dans le cadre des quotas, et le mode de rémunération lié au rendement, d'un côté, cimentent l'équipage à bord mais, de l'autre, incitent à la prise de risques. L'encadrement administratif des relations sociales donne à ce secteur d'activité, un fonctionnement particulier, sans que les incitations à la prévention soient importantes. Compte tenu des particularismes du régime de Sécurité sociale des gens de mer, c'est le droit commun de la responsabilité qui s'applique en cas de négligences graves. La tutelle administrative s'allège, mais la faible taille des entreprises de la pêche artisanale ne permet guère une véritable autonomie de gestion. Dès lors, centrer la prévention sur l'entreprise et l'obligation générale de l'employeur n'est réaliste que dans le secteur de la pêche industrielle. Dans celui de la pêche artisanale, l'État reste omniprésent, subventionnant les équipements individuels et collectifs de protection. En dépit du mouvement constant de banalisation du droit du travail maritime, les spécificités de ce secteur professionnel demeurent.The maritime fishing sector is particularly dangerous, the work is physical and the work conditions are difficult. Even if the sea is bad, fishing remains an activity of gathering and adventure. The competition between fishermen, even within the framework of quotas, and the method of remuneration linked to the yield has two results: on the one hand it cements the crew onboard, but on the other hand it incites risk taking. The administrative supervision of social relationships gives this sector of activity a particular way of functioning, without inciting much prevention. Due to the particularity of the seafarer's social security regime, common-law liability rules apply in the case of serious negligence. The administrative tutelage is decreasing, but the small size of artisanal fishing companies scarcely allows for any real managerial autonomy. Therefore, centring prevention on companies and the general obligation on the employer is only realistic in the industrial fishing sector. In that of artisanal fishing, the government remains omnipresent, subsidising individual and collective protection equipment. Despite the ongoing trend towards the simplification of maritime labor law, this professional sector retains its specificity.
- Un exemple de dynamique partenariale dans le domaine de la santé au travail en région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Gautier Muriel, Marquis Danielle p. 341-346
- Le partenariat entre la direction régionale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle et la caisse régionale d'assurance maladie en matière de santé au travail dans la région Rhône-Alpes - Chardeyron Jérôme, Stadler Bernard p. 347-351
Actualité de la recherche
- Programme de recherche « Santé et Travail 2004-2006 ». Acquis et limites - Bruno Anne-Sophie p. 355-390
- Travail stable, travail précaire: confrontation productrice de risques. L'hypothèse mise à l'épreuve dans le secteur du bâtiment. Note de synthèse du rapport de recherche - Mashkova Elena p. 391-398
- Journées d'étude « Les droits d'Europe du Sud confrontés aux risques psychosociaux au travail » (Comptrasec, 20-21 septembre 2007). Compte rendu - Auvergnon Philippe, Lerouge Loïc p. 399-404
- Liste des études réalisées à partir des données de l'Enquête décennale Santé 2002-2003 - Moisy Muriel p. 405-409
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 411-420