Contenu du sommaire : L'éducation face au défi de la globalisation : entre local et global
Revue | Carrefours de l'éducation |
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Numéro | no 34, novembre 2012 |
Titre du numéro | L'éducation face au défi de la globalisation : entre local et global |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- In Memoriam - p. 4
Éditorial
- 1712 - 2012 - Philippe Monchaux p. 5-6
Dossier
- L'éducation face au défi de la globalisation : entre local et global - Claude Carpentier p. 7-13
Études et recherches
- Réflexions sur la place du marché dans l'éducation - Annie Vinokur p. 15-27 À chaque étape de son développement, l'accumulation capitaliste requiert l'adaptation des valeurs, comportements et savoirs de la population, donc l'intervention du politique et une représentation du Marché cohérente avec ses besoins. Lorsque prédomine le capital industriel prévaut la représentation libérale, paisible et stable, d'une société d'individus mus par la passion de leur intérêt égoïste mais disciplinés par la rationalité économique que leur impose la mécanique abstraite de la concurrence. Le rôle attribué à l'État dans le gouvernement des comportements est alors subsidiaire. Le problème idéologique du passage de ce libéralisme au néolibéralisme du capitalisme financier est de surimposer au mythe concurrentiel une représentation du Marché comme arène de libre compétition des rapports de pouvoir. C'est l'une des tâches assignées au Nouveau management public, dont la fonction première est de mettre les institutions socialisées (et d'abord l'instruction) au service des besoins immédiats de l'accumulation. La « marchandisation » de l'éducation peut donc, au-delà de l'ouverture du secteur public de l'enseignement aux capitaux, s'analyser comme tentative d'instaurer une nouvelle pédagogie du lien social, celle de l'« agence ».
- Professionnaliser les diplômes et certifier tous les individus : une stratégie française indiscutable ? - Fabienne Maillard p. 29-44 Pour participer à la compétition économique mondiale et s'inscrire dans la société de la connaissance que promeut l'Union européenne, la France a mis en place d'importantes réformes dans les sphères de l'éducation, de la formation et du travail. Cet article s'intéresse à deux de ces programmes, qui bénéficient d'un consensus assez large : la professionnalisation systématique des formations et des diplômes comme réponse aux besoins de l'emploi et des individus ; la certification généralisée des compétences pour garantir l'employabilité et la mobilité des actifs. Fondé sur des travaux de recherche qui portent en même temps sur le système éducatif et sur les relations diplômes-emplois, il met en question les propositions ainsi établies et leur caractère d'inéluctabilité et montre les ressorts de l'appel à « l'individu » qui traverse ces réformes.
- Réflexions sur la place du marché dans l'éducation - Annie Vinokur p. 15-27
Rencontre avec...
- Évolution des publics scolaires et des cadres institutionnels dans un contexte migratoire lié à la globalisation - Françoise Lorcerie, Florence Cesbron, Francine NyambekKanga p. 133-146
Varia
- La tache aveugle de l'émile - Michel Soëtard p. 147-160 Émile ou de l'éducation pose un problème d'interprétation dans le rapport qui s'établit, dès la préface de l'ouvrage, entre l'injonction d'une solide connaissance positive du sujet à éduquer et l'évocation d'un « système » qui prend la forme de « rêveries d'un visionnaire sur l'éducation ». Cette disjonction, encore accentuée par la rupture que marque Rousseau entre « la bonté absolue du projet » et son exécution dans des conditions toujours particulières, a compliqué la démarche de ceux qui ont voulu s'engager dans sa suite. Ce fut le cas des artisans de l'éducation nouvelle au cœur du « creuset des sciences de l'éducation » que fut Genève dans la première moitié du XXe siècle : la constitution d'une « science de l'enfant » n'a pas cessé d'interférer, chez eux, avec une visée « humaniste » qui a le plus souvent pris la forme d'une militance, et qui est demeurée la tache aveugle de la pensée éducative. Et le passage aux « sciences de l'éducation » n'a pas fait disparaître la problématique. C'est à éclairer philosophiquement la dimension « humaniste », dans son rapport avec la « scientifique », et à articuler les deux dans une épistémologie de la pédagogie qui pourrait encore trouver actuellement son utilité, que s'emploie cet article.
- Enseigner le projet professionnel personnalisé : une nouvelle approche pédagogique pour les enseignants chercheurs ? - Emmanuelle Leclercq p. 161-175 Dans cet article l'auteure explicite le contexte de la mise en place des enseignements dédiés au projet professionnel personnalisé à l'Université de Reims Champagne-Ardenne. L'auteure met en avant que les représentations et l'organisation de cet enseignement sont étroitement liées aux formes de professionnalisation des formations universitaires. L'article montre ensuite que les choix des différents contenus pédagogiques construits par les enseignants chercheurs sont fortement influencés par le modèle de la pédagogie d'orientation. Cependant dans leurs pratiques, ces derniers achoppent devant plusieurs difficultés dont celles d'appréhender les réalités du marché du travail, les compétences comportementales ou la valorisation de l'expérience. L'article montre comment les enseignants chercheurs répondent à ces exigences nouvelles et conçoivent une activité pédagogique orientée vers l'individualisation du projet et du parcours des étudiants.
- Le geste professionnel, du savoir à la compétence : l'exemple de la proportionnalité des doses chez les infirmiers - Jeanne Guiet-Silvain, Yvan Malabry p. 177-193 Le domaine de la santé exige rigueur dans l'application et la qualité des soins. La justesse des calculs de dose lors des traitements médicamenteux engage la responsabilité des infirmiers. Les opérations mathématiques inscrites dans les procédures sont complexes et dans l'urgence des situations, des erreurs tragiques pour les patients peuvent être commises. Pour réinvestir son savoir formel (appris en formation) dans une situation professionnelle, le praticien doit effectuer des opérations intellectuelles qui doivent faire coïncider les catégories préétablies du savoir avec l'ensemble des caractéristiques de la situation rencontrée. Nous avons cherché comment les professionnels développent des compétences pour calculer les doses. Nous avons proposé des tests à soixante élèves infirmiers et mené des entretiens avec quinze infirmiers expérimentés. Ces derniers semblent cultiver deux logiques de fonctionnement : l'une acquise en formation (maîtrise des principes mathématiques) et l'autre au travail, parfois sans liaison entre elles. Ils sortent du modèle dispensé en formation, pour reconstruire des « règles pratiques » qui leur semblent plus adaptées en termes d'ergonomie des savoirs.
- Quand les enseignants lèvent le doigt : le façonnage de l'identité professionnelle des professeurs des écoles débutants - Philippe Zimmermann, Eric Flavier, Jacques Méard p. 195-210 Cet article s'inscrit dans le cadre d'un programme de recherche portant sur le façonnage de l'identité professionnelle de professeurs des écoles en formation initiale (PEFI). Il vise à analyser comment s'effectue ce façonnage dans le cadre d'un cursus universitaire formant au métier d'enseignant. Le cadre théorique prend appui sur les postulats de la clinique de l'activité (Clot, 1999). Les données consistent en des entretiens d'auto-confrontation conduits avec cinq PEFI à partir de plusieurs supports. Le traitement a consisté à identifier et formaliser les prescriptions à partir du repérage des mobiles vitaux, des opérations, des buts et des éléments d'expérience de l'activité des PEFI. Les résultats mettent en évidence que le façonnage de l'identité professionnelle des professeurs d'école débutants est un processus effectif mais non linéaire, alimenté par une multitude de conflits intrapsychiques et parfois entravé dans des situations critiques. La discussion porte sur les difficultés rencontrées par les PEFI à intégrer dans leur activité les prescriptions et à se construire en tant qu'enseignants.
- La tache aveugle de l'émile - Michel Soëtard p. 147-160
International
- Dix années de transformation de l'école et de la culture en Italie (2001-2010) - Teresa Mariano Longo p. 45-60 À partir de l'analyse des discours officiels, des textes de loi et des circulaires ministérielles, cet article veut comprendre les caractéristiques prises par l'idéologie néolibérale en Italie. Il s'intéresse aux idées sur la culture scolaire qui inspirent les politiques éducatives des deux derniers gouvernements dirigés par Silvio Berlusconi. La modernisation de la culture scolaire et la mise en valeur de la famille catholique sont les deux axes sur lesquels les politiques de l'éducation seront bâties. La famille, institution très importante dans le pays, doit selon les ministres de l'éducation, reprendre sa priorité dans l'éducation par rapport à l'État et l'Église catholique doit avoir toute sa place et son pouvoir dans les programmes scolaires. Ainsi que dans le reste du monde néolibéral, pendant les gouvernements de Berlusconi, la modernisation va de pair avec la transformation de la culture en un bien de marché. L'article montre comment, en Italie, cette idéologie s'en prend autant à la culture de l'école qu'au patrimoine artistique. L'idée de culture de la « Nation » qui a dominé dans le pays depuis son unification, se transforme ainsi en celle d'un ensemble de biens qui peuvent enrichir les particuliers. Le pays européen de l'art risque ainsi de voir des œuvres mises en danger et surtout de voir défigurer un goût commun pour la beauté qui a caractérisé jusqu'à présent la manière de vivre ensemble des Italiens et la culture scolaire.
- Éducation et recherche au brésil : du projet nationaliste à la globalisation - Ione Ribeiro Valle, Lucídio Bianchetti p. 61-76 Les contraintes de la globalisation économique, qui touche les sociétés contemporaines, se font de plus en plus sentir au Brésil. En supposant que les récentes politiques pour l'éducation et la recherche soient orientées vers ce nouvel ordre mondial, nous analysons d'abord le phénomène de la globalisation en reprenant des points de vue différents. Ensuite, nous examinons, à partir de dispositifs (légaux et institutionnels) et de la littérature déjà produite sur ce thème, l'accès à l'enseignement supérieur et la recherche développée par les programmes de 2e et 3e cycles universitaires. Nous considérons que la conjoncture de la seconde moitié du XXe siècle est devenue assez favorable aux nouvelles demandes économiques : d'un projet nationaliste fort important qui prédominait dans les années 1930, le pays s'ouvre aux politiques d'internationalisation de l'économie tout au long de la décennie 1970, et se laisse emporter par les enjeux de la globalisation qui deviennent plus évidents après les années 1980.
- L'impact des politiques néolibérales sur l'éducation : tensions entre prise en compte des diversités et standardisation - Abdeljalil Akkari, Mylene Santiago p. 77-94 Cet article se penche sur deux tendances présentes dans les systèmes éducatifs contemporains mais qui sont rarement reliées. Il s'agit de la valorisation des diversités amenées par les élèves à l'école et des réformes éducatives centrées sur les résultats. Dans un premier temps, nous analyserons les raisons qui font qu'au-delà d'une valorisation rhétorique la diversité culturelle des élèves est encore considérée plus comme un problème au lieu d'une opportunité pour l'école. Dans un deuxième temps, nous examinerons la mise en œuvre par les politiques éducatives de réformes centrées sur des orientations d'inspiration néolibérale comme la privatisation, la redevabilité ou la bonne gouvernance. Enfin, nous verrons que la privatisation de l'éducation contribue à la diminution de la mixité socioculturelle dans les écoles et les classes et exclut de nombreux élèves d'une scolarité pouvant leur permettre d'avoir une mobilité sociale.
- La globalisation vue par les manuels d'histoire sud-africains : entre « main invisible » et griffes du diable - Claude Carpentier p. 95-111 La globalisation est généralement appréhendée comme un destin inexorable avec lequel il faut composer, pour le meilleur ou pour le pire. Calamité ou salut de l'humanité, détracteurs et partisans partagent donc l'idée selon laquelle il s'agit d'un processus bouleversant radicalement le cours de l'histoire du monde. En examinant tour à tour les aspects positifs et négatifs de la globalisation, les manuels d'histoire sud-africains offrent aux élèves la possibilité d'en appréhender les différentes facettes. Peut-on considérer que les deux faces de Janus se neutralisent ? À maintes reprises, les réserves se font insistantes et l'appel lancé à la mobilisation et à l'implication des acteurs dans les luttes portent à penser que les aspects virtuellement néfastes de la globalisation l'emportent sur les aspects positifs en appelant à la vigilance de tous les instants et au refus de la fatalité.
- L'impact de la globalisation sur l'Afrique et les « petites patries » vu par les élèves sénégalais - Tidiane Sall p. 113-132 La puissance et la profondeur de la dimension économique de la globalisation semblent occulter d'autres aspects, notamment ceux liés à la culture. Un demi-siècle après les indépendances dans les pays de l'ancien empire colonial, l'impact de la globalisation peut être perçu aussi bien comme accès à une modernité libératrice d'un passé dominé par la tradition et l'humiliation, que comme chance offerte à la rencontre, au « métissage » et à la diversité ou encore comme résurgence sous une autre appellation des anciennes formes de domination exercées par l'Occident ouvrant un espace pour la révolte des « damnés de la terre » et des sans voix. Entre « mémoire culturelle » essentialisation et ouverture sur fond d'homogénéisation/hétérogénéisation, nous nous interrogeons ici sur les représentations de la globalisation chez des élèves sénégalais de classes de troisième et de terminale, en milieu urbain et en milieu rural de la région cosmopolite de Thiès à travers une enquête réalisée en été 2010.
- Processus de Bologne dans l'enseignement supérieur hongrois : représentations et pratiques enseignantes - Florence Legendre p. 211-226 Cet article se propose d'explorer les modalités d'implantation de la réforme de Bologne dans l'enseignement supérieur hongrois et notamment l'accueil fait par les universitaires à la démarche des « learning outcomes ». Cette approche, basée sur les concepts de compétences et d'employablité, semble s'opposer au modèle humboldtien de l'université, qui a perduré en Hongrie malgré des décennies de régime socialiste. Les recherches hongroises actuelles s'accordent pour souligner la faible implantation réelle de la démarche des acquis d'apprentissages dans les pratiques pédagogiques universitaires, et cela tant dans la conception des nouveaux programmes, dans les contenus de cours que dans les évaluations. Les données de recherches récentes permettent de distinguer entre conservatisme (« résistance ») et coopération (« innovation ») les attitudes des enseignants vis-à-vis de la réforme. Il semblerait bien que ces attitudes soient différenciées selon les représentations du métier et les positions académiques des acteurs.
- Dix années de transformation de l'école et de la culture en Italie (2001-2010) - Teresa Mariano Longo p. 45-60
Note de synthèse
- La gestion pédagogique des différences entre les élèves : variations françaises - Jean Houssaye p. 227-245 Comment gérer les différences entre les élèves ? Les réponses à cette question se situent à différents niveaux : institutionnel, organisationnel, pédagogique. Dans cet article, nous ne considérerons que le niveau pédagogique et nous retracerons l'histoire de la prise en compte pédagogique des différences entre les élèves dans les classes. Nous distinguerons six moments caractéristiques que nous symboliserons à chaque fois par une date : 1830, 1902, 1921, 1980, 1985, 2000. À chaque date correspond une modification caractéristique du fonctionnement scolaire : l'installation du mode simultané en 1830 ; la réforme des lycées en 1902 ; l'individualisation de l'éducation nouvelle en 1921 ; les objectifs pédagogiques en 1980 ; la pédagogie différenciée en 1985 ; la pédagogie de soutien en 2000. À travers ces deux siècles d'innovations pédagogiques centrées sur la gestion des différences entre les élèves, c'est une histoire des réussites et des échecs des réponses pédagogiques qui se donne en fait à voir.
- La gestion pédagogique des différences entre les élèves : variations françaises - Jean Houssaye p. 227-245
Notes de lecture
- Notes de lecture - Bruno Poucet p. 247-279
Notes de présentation
- Notes de présentation - Bruno Poucet p. 281-282