Contenu du sommaire : Carrefours de l'éducation a 15 ans. Mélanges offerts à Claude Carpentier

Carrefours de l'éducation est une revue de sciences de l'éducation, fondée en 1996 par le directeur du Centre de recherche en sciences de l'éducation de Picardie (CURSEP), le professeur Claude Carpentier et une équipe d'enseignants chercheurs de l'université de Picardie Jules-Verne. C'est l'histoire de cette revue qui est ici écrite, à partir des archives de la rédaction. Préhistoire et fondation, intégration dans les revues de sciences de l'éducation de l'époque, rapports avec les institutions qui ont édité et soutenu la rédaction CRDP, IUFM, Université sont analysés. Difficultés rencontrées, solutions trouvées sont explicitées. Le fonctionnement interne de la revue, notamment du comité de rédaction et de lecture est présenté. Une nouvelle équipe a désormais la responsabilité de la revue et pour mission d'assurer la pérennité du titre et son adaptation aux interrogations du temps.

Avec le protocole de dépouillement retenu en 2006, pour les 10 ans, sont exploitées les dernières années de publication (2007-2010). La mise en perspective de leurs analyses avec les résultats établis en 2006 conforte l'ancrage de Carrefours de l'éducation dans le champ des revues universitaires de sciences de l'éducation. Dans un contexte marqué par une exigence accrue de l'évaluation des enseignants-chercheurs via leurs publications, Carrefours de l'éducation a été fortement sollicitée par les auteurs tant par l'envoi de contributions spontanées que de propositions de dossiers thématiques (numéros hors série exclus). Une forte augmentation de la co-écriture sous différentes formes et un regain des articles traitant des didactiques se dessinent alors que par ailleurs les enseignements établis sur les auteurs et articles publiés au cours des dix premières années restent valides. La revue semestrielle a augmenté sa pagination désormais stabilisée à 288 pages. Dans le même temps, le titre a vu son audience non seulement consolidée mais accrue avec les consultations en ligne sur le portail Cairn. Info.

Cet article s'inscrit dans le cadre des mélanges offerts au professeur Claude Carpentier à l'occasion des quinze ans de la revue Carrefours de l'éducation qu'il a dirigée jusqu'en 2010. Homme de culture, Claude Carpentier possède à la fois une formation philosophique, socioanthropologique, historique et politique. En humaniste, il considère l'homme en fonction des valeurs morales, éthiques et symboliques qui doivent le caractériser. Il ne transige pas en ce qui concerne les valeurs auxquelles il croit, préférant se situer en dehors des sentiers battus plutôt que de participer à des consensus mous ou à des compromissions. Son parcours d'enseignant et de chercheur l'a conduit à partir de constats locaux de recherche et progressivement d'en élargir le champ pour déboucher sur des approches internationales de plus en plus larges et comparatives en matière d'éducation, en ce sens que pour lui, les modalités éducatives reflètent l'évolution sociopolitique des mentalités humaines. Des évolutions le plus souvent orientées par des groupes de pression, au sujet desquels Claude Carpentier se montre à la fois critique et constructif.

La France est l'un des rares pays en Europe à ne pas avoir eu une « école moyenne » fondée sur l'existence d'un enseignement « secondaire inférieur » nettement distingué de l'enseignement « secondaire supérieur » (celui du niveau actuel des lycées). Au début du XIXe siècle, Napoléon Ier structure un secondaire masculin au cursus tout à fait déterminé par sa fin (les dénominations des classes assumant le caractère de compte à rebours de cette organisation, toute tendue vers le baccalauréat, l'entrée dans le supérieur). Et aucune forme durable de « secondaire inférieur » ne peut apparaître dans ce cadre. Lorsque le secondaire « spécial » puis le secondaire féminin sont créés, ils ont d'abord deux cycles nettement distingués. Mais ils s'alignent vite sur le modèle du secondaire masculin classique. Dans la longue marche vers l'École unique, puis le collège unique, le secondaire l'emporte finalement sur le primaire supérieur avec un « collège » qui est davantage appréhendé comme l'antichambre du lycée que comme un second étage (plus ou moins autonome, de la scolarité obligatoire), son corps enseignant et ses inspecteurs généraux occupant tout l'espace du secondaire d'un seul tenant.

Concernant la Troisième république, la réussite quant au développement de l'enseignement primaire obligatoire n'est plus à démontrer même si, comme l'a montré Claude Carpentier, celle de la généralisation de l'obtention du Certificat d'études primaires est restée plus relative : même à la veille de la seconde guerre mondiale, rapporté aux effectifs des classes d'âge concernées, le taux d'admission a, au mieux, approché ou atteint 50 %, le CEP restant en partie une « affaire d'hommes » même si les filles se distinguaient quant aux mentions obtenues ; et les enfants jeunes et des catégories sociales plus moyennes, l'utilisant comme moyen de reproduction, et de promotion scolaire ou sociale, ont enregistré de meilleurs résultats que ceux des familles plus modestes. Moyen de sélection des meilleurs, de l'élite, il a bien été, au moins pour partie, le « baccalauréat de l'enseignement primaire ». La Cinquième république a généralisé l'enseignement secondaire, la « norme » étant devenue son achèvement (80 % d'une classe d'âge au niveau des baccalauréats). Les baccalauréats, en se diversifiant, sont aujourd'hui, au total, obtenus par près de deux tiers des jeunes Français : la première ségrégation, c'est sa non obtention. Mais, parmi ceux qui l'obtiennent, la sélection est forte, et profondément sociale : chances d'obtention d'un baccalauréat, quel qu'il soit, fortement liées à l'âge d'entrée en sixième, et diversement liées selon les « niveaux » des baccalauréats, parcours scolaires vers les types de baccalauréats variables selon le sexe et l'appartenance sociale. Un seul exemple, à titre illustratif : 67 % des enfants de cadres supérieurs ou enseignants obtiennent un baccalauréat général et 6 % un bac professionnel ; 19 % des enfants d'ouvriers un baccalauréat général et 12 % un baccalauréat professionnel. Le baccalauréat : passeport pour l'enseignement supérieur ou Certificat d'études secondaires ?

En matière de pédagogie, le constat est patent : le changement ne se fait pas. Pour ne pas être nouveau, il est intéressant, en s'appuyant sur les travaux de recherches récents, de saisir comment se dresse un tel constat. L'innovation pédagogique, à l'échelle de l'institution, est un échec ; elle ne produit pas d'effets positifs pour une raison majeure : elle n'est pas mise en œuvre et l'immobilisme des acteurs est patent. Et pourtant le cœur de l'école est touché, tant par rapport aux savoirs que par rapport aux comportements. Ce qui, curieusement, ne fait que renforcer la reprise du discours sur la nécessaire restauration de l'école traditionnelle. Alors que, ce qui domine, c'est bel et bien une pédagogie traditionnelle interrogative stéréotypée. Et ce, sur fond de dissociation entre la recherche théorique sur l'enseignement et la pratique effective : les changements pédagogiques prônés se diluent au mieux en pratiques minimales. Ce constat est d'ailleurs global, puisqu'en Amérique du Nord, d'où nous viennent actuellement en premier lieu les conceptions pédagogiques différentes, la pédagogie traditionnelle domine sans conteste. La pédagogie progressiste y a perdu la bataille du terrain des écoles et de l'administration, elle s'est contentée d'occuper le terrain de la formation.

Parmi les apprentissages fondamentaux, la lecture et l'écriture, sont l'objet d'approches très différenciées. Soulever la question de l'apprentissage de la lecture est la garantie de débats passionnés aussi bien chez les spécialistes de l'éducation que dans le grand public alors que celle de la maîtrise des gestes graphiques de l'écriture suscite un intérêt poli voire un dédain affiché. L'histoire longue de cet apprentissage lié à l'enfance montre pourtant combien il croise les chemins de l'histoire culturelle, sociale, économique et technique. L'histoire de l'éducation fait son miel de ces carrefours qui ouvrent les voies de la réflexion sur une discipline scolaire apparemment sans histoire.

A partir d'un fonds d'archive départemental (Ain), l'article examine les sanctions (autres que simples réprimandes) infligées à des instituteurs et institutrices publics et privés pour fautes professionnelles, entre 1886 et 1913. Il établit d'abord un bref panorama de l'arsenal juridique dont dispose l'administration, en l'occurrence le conseil départemental de l'enseignement primaire. Il dépeint ensuite la situation de l'enseignement primaire dans le département concerné, au début de la période, et dresse – à partir de l'archive – les tableaux relatifs au nombre des sanctions et à la nature des motifs invoqués. Dans sa troisième partie, il analyse les dossiers de plusieurs instituteurs et institutrices sanctionnés (pour inconduites, tricheries, insubordinations, atteintes à la neutralité). Il conclut en tentant de formuler une appréciation sur la politique disciplinaire des Républicains.

La profession enseignante est une profession à la recherché d'identité. Peut-on parler du travail d'enseignant comme d'une profession ? Quelles sont les caractéristiques des contextes socio-organisationnel, professionnel et pédagogique dans lesquels l'enseignant agit et quelles sont leurs implications pour définir la profession enseignante ? Voici quelques questions posées dans cet article qui essaie d'offrir des réponses (incomplètes, bien entendu). Le point de départ de l'article est marqué par la considération de l'activité des enseignants comme une semi-profession et la formulation d'arguments pour soutenir cette assertion. Trois approches – organisationnelle, professionnelle et pédagogique – sont présentées dans l'article.

L'histoire de l'éducation brésilienne compte relativement peu de productions sur l'histoire de l'alphabétisation en lecture et à l'écrit. Et celles existantes, bien qu'expressives, ne suffisent guère, vu leur nombre réduit, à rendre compte de la variété des pratiques et des spécificités de ce secteur d'activités depuis les premiers temps de la structuration des systèmes d'éducation. Un vaste territoire d'études s'ouvre à l'investigation de ces pratiques. Parmi les possibilités d'approche, nous avons choisi d'étudier le potentiel que représentent les sources littéraires et les mémoires dans l'analyse des modes selon lesquels les pratiques de la lecture et de l'écrit furent développées en divers moments. Nous y discutons amplement la nature des informations qui ont pour origine des reconstructions fictionnelles ou autobiographiques et nous y soulignons la possibilité d'apprendre, par l'examen de telles sources, les manières selon lesquelles les sujets construisent les sens de leurs expériences de la vie scolaire et comment de telles expériences s'intègrent au développement de ces sujets tout au long des divers moments de leur existence.

Cet article se penche sur le rôle joué par les croyances religieuses dans différentes communautés de croyants en Afrique du Sud et plus spécialement au Cap. Un résultat important est celui d'une perception partagée dans les communautés, – tant à la base qu'au niveau dirigeant –, selon laquelle l'État sud-africain post-apartheid s'est comporté de manière équilibrée dans ses relations avec les différentes confessions et institutions religieuses en développant ses actions dans un contexte plutôt multireligieux que séculier. Un commentaire concernant la relation entre croyance religieuse et conduite morale – la société sud-africaine actuelle se débat dans un mélange toxique de tendances sociales négatives : augmentation des prix de la nourriture et de l'énergie, économie faiblissante, tensions entre le parti et l'État et entre l'État et la Constitution, immigration transfrontalière et développement de la xénophobie. Un tel mélange peut exacerber encore une criminalité, une violence et une corruption déjà élevées. Ainsi, l'Afrique du Sud apparaît à la fois religieuse, multiconfessionnelle et tolérante mais aussi violente et corrompue. Une telle dissonance cognitive appelle de futures investigations.

Dans ce papier on décrit le processus de transformation de l'enseignement supérieur en Afrique du Sud après les élections démocratiques de 1994. Afin de comprendre les événements, on utilisera un cadre de référence basé sur un mouvement cyclique de réflexion-action-réflexion : 1990 à 1998 a été une période de planification et d'élaboration d'une politique ; 1998 à 2000 une période de mise en œuvre et, à partir de 2008, on vit une nouvelle période de réflexion sur les réalisations et les possibilités d'élever le niveau de l'enseignement supérieur. Dans la seconde partie, on se penche sur quelques-uns des paradoxes et des effets pervers de ce processus de transformation, notamment une régulation accrue et la corporatisation des universités, le maintien de la hiérarchie entre institutions, et la question du progrès concernant l'équité et la justice sociale.

Le présent article vise à présenter le curriculum chinois d'enseignement de la langue maternelle afin d'appréhender les objectifs idéologiques qui se mêlent à l'apprentissage de la langue. L'analyse de leçons extraites de manuels édités par l'État souligne les échanges asymétriques entre l'adulte et l'enfant dans l'interprétation des discours. Interprétation qui nécessite jusqu'au lycée le recours à l'offre de signification du professeur.