Contenu du sommaire : La sociologie de l'éducation : une science de gouvernement ?

Revue Education et sociétés Mir@bel
Numéro no 30, 2012
Titre du numéro La sociologie de l'éducation : une science de gouvernement ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : La sociologie de l'éducation : une science de gouvernement ?

    • Présentation - Romuald Normand p. 5-11 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le dossier analyse la reconfiguration des rapports entre la sociologie de l'éducation et la commande politique française, européenne et internationale. Les liens historiques entre la sociologie et l'État se sont distendus dans les années 1960 et 1970. Celle-ci est apparue trop critique et elle est aujourd'hui interpellée jusque dans sa fonction d'expertise et marginalisée au profit de sciences jugées plus utiles à la compétitivité ou plus prometteuses : sciences cognitives et neurosciences, économie expérimentale, sciences de l'information et de la communication. Le succès des essais contrôlés randomisés, d'outils de totalisation puissants –méta-analyses, revues systématiques de la littérature de recherche–, l'essor de cabinets de consultants, Think Tanks, associations, réseaux professionnels ayant leurs propres domaines de connaissances et leurs propres instruments distancent le monde académique.Trois défis majeurs sont à relever pour la sociologie de l'éducation face à ces nouvelles sciences de gouvernement : s'extraire des nationalismes méthodologiques et s'intéresser aux opérations de traduction et d'hybridation qui président à l'élaboration des politiques dans un univers mondialisé ; renouveler la critique sociologique en étudiant la manière dont son apport est récupéré par le management ; reconstruire une méthode d'enquête décrivant simultanément la fabrication des nouvelles connaissances et leurs effets dans différentes situations et dispositifs au plus près des individus. Le métier de sociologue pourrait alors renouer avec une position d'extériorité, à distance des débats entre les différents discours de vérité, pour ouvrir de nouvelles possibilités d'émancipation en éducation.
      Presentation
      This issue analyses the transformation of the relations between the sociology of education and French, European and international policy needs. The historical links between sociology and the State loosened in the 1960s and 1970s. It was considered too critical and even its expertise function is now questioned. It is sidelined to the benefit to the benefit of sciences that are deemed more useful or promising to competitiveness – cognitive sciences and neurosciences, experimental economics, information and communication sciences. The success of randomized controlled trials, powerful aggregation tools – meta-analyses, systematic reviews of research literature – the growth of consulting firms, think tanks, associations, professional networks with their own fields of knowledge and instruments leave the academic world behind. The sociology of education has to take up three major challenges in the face of new government sciences: distancing itself from methodological nationalisms and focusing on translation and hybridising operations that are behind policymaking in a globalised world; renewing sociological criticism by studying how its contribution is retrieved by management; rebuilding a method of investigation that would simultaneously describe the fabrication of new knowledge and its effects in different situations and schemes. The job of sociologist could then renew with its position of exteriority to open up new opportunities for emancipation in education.
    • La sociologie de l'éducation comme histoire du présent : fabrication, différence et abjection - Thomas S. Popkewitz p. 13-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À travers l'exemple de travaux sur la jeunesse, dans le monde anglophone aux États-Unis et en Europe, l'auteur interroge la fabrication par les sciences de l'éducation de types d'humanité, de fictions sur les individus, de production d'individus comme théories, programmes ou actions qui doivent assurer leur développement. Il ne s'agit plus de traiter ces études comme des données et des faits établis, bases d'explication, mais de les considérer comme un événement, une façon de penser et d'agir observable et située historiquement, en croisant des approches historiques, discursives et ethnographiques des réformes scolaires et des sciences de l'éducation.L'analyse de l'élaboration de types d'humanité comme technologie de gouvernement montre les méthodes de fabrication d'un sujet calculable et administrable qui peuvent produire une inégalité au nom même du gouvernement de l'égalité. La recherche génère des thèses sur les possibilités de vie et ces principes “abjectent”, rejettent les individus dans des espaces invivables. Cette approche est stratégique pour une science sociale critique, à l'intersection de l'histoire, de la philosophie, des études politiques et culturelles, inspirées de la littérature française importée aux États-Unis, remettant en cause ses traditions de philosophie analytique et de structuralisme social.
      The sociology of education from a historical perspective: fabrication, difference and abjection
      Drawing on research on youth in the USA and in Europe, the author investigates the fabrication by educational sciences of types of humankind, fictions on individuals, production of individuals as theories, programmes or actions that must ensure their development. These studies should no longer be processed as established data or facts but be regarded as events, an observable way of thinking and acting that is historically situated, by confronting historical, discursive and ethnographic approaches to school reforms and educational sciences. The analysis of how types of humankind as government technology are designed shows the methods towards the fabrication of a calculable, administrable subject that can bring about inequality in the very name of the government of equality. Research generates theses on life opportunities and these principles abject, reject individuals in unsustainable spaces. This approach is strategic for a critical social science at the crossroads between history, philosophy, political and cultural studies inspired by French literature imported in the USA that would challenge its traditions of analytical philosophy and social structuralism.
    • Un regard rétrospectif sur un demi-siècle d'enquêtes empiriques dans la sociologie française - Jean-Michel Chapoulie p. 33-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comment les recherches universitaires en sociologie, au sens large, sur le monde contemporain ont-elles évolué en France depuis les années 1960 ? L'auteur examine les enquêtes, démarches de recherche, cadres intellectuels et financiers où elles sont réalisées et interprétées, leurs relations avec les commanditaires, les débats publics et le réseau international. Partant de sources variées et étendues –comptes rendus de recherches, monographies, témoignages, rapports, archives du CNRS, documents financiers, etc.– l'article distingue deux périodes, 1960-1980 (poids de l'exploitation statistique des enquêtes) et 1980-2010 (diversification et empirie), et suggère, sans jugement de valeur, trois évolutions majeures : –le processus ininterrompu depuis le début des années 1960 de diversification des sujets et des démarches, accompagné d'une insertion progressive dans un environnement international, notamment anglo-saxon puis européen ; –l'introduction au cours des vingt dernières années de deux variables : le genre et l'appartenance ethnique (peu stable car historiquement construite dans chaque situation nationale) ; –enfin, le cadre sociogéographique d'interprétation des analyses devenu plus incertain au fil des ans. Le recul temporel montre la relation entre ces évolutions, les financements, les problèmes sociaux publics et le renouvellement des domaines et sujets d'enquête où une variable essentielle, les relations de classe, rarement ignorée dans les années 1960-1970 paraît oubliée aujourd'hui.
      A backward-looking perspective on over half a century of empirical studies in French sociology
      How has academic sociological research into the contemporary world developed since the 1960s in France? The author examined the investigations, research approaches, intellectual and financial frameworks in which it was conducted and interpreted, and their relations with research sponsors, public debates and the international network. Drawing on varied and extensive sources – research reports, monographs, reports, archives of the French centre for scientific research (CNRS), financial documents, etc. – two periods are distinguished: 1960-1980 (influence of the statistical processing of investigations) and 1980-2010 (diversification and empiricism). Three major developments are suggested in the paper: the uninterrupted process of diversification of topics and approaches with a gradual integration into an international, especially Anglo-Saxon then European, environment since the 1960s; the introduction of two variables over the past two decades: gender and ethnicity (unstable variable because it is historically constructed in each national situation); finally, the social and geographical framework for analysis interpretation that has become more uncertain over the years. Temporal hindsight shows the relation between these developments, funding, public social problems and renewed investigation fields and topics in which one major variable – class relations – which was almost always taken into account in the 1960s-1970s – now seems forgotten.
    • Réflexions sur le rôle de la Direction de l'évaluation et de la prospective (DEP) en France - Jean-Claude Émin p. 49-58 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Longtemps acteur au sein de la DEP, une direction du ministère de l'Éducation nationale français, l'auteur revient sur son expérience d'“évaluateur officiel”. Il envisage l'évolution des rapports entre le gouvernement, en charge de la politique nationale d'éducation, et les fonctionnaires “statisticiens et évaluateurs d'État” alors même que la demande d'évaluation de l'action éducative des responsables politiques et des acteurs du système éducatif était faible. Il revient sur la régulation de la politique éducative à travers les procédures d'évaluation et de recherche et s'interroge sur la pertinence et surtout la légitimité, souvent contestée, de dispositifs réalisés par une direction d'administration centrale insérée dans l'appareil d'État. Deux visions s'opposent. Celle d'une direction jouant un rôle majeur en organisant, au titre du pouvoir d'État, la commande d'une part des travaux en évaluation éducative les orientant plus vers l'expertise que la recherche. Celle d'une politique d'évaluation éducative résultant d'une concurrence entre évaluateurs aux méthodes variées où la DEP n'a pas de rôle décisif. Pour l'auteur, les deux thèses ne sont pas antinomiques, tout dépend de la période envisagée. La question politique de l'implantation externe ou interne au ministère divise toujours mais les impératifs sont constants pour une telle instance : programme de travail public et discuté, liberté de publication et de diffusion, accès au système d'information du ministère, être opérateur des enquêtes et évaluations internationales et avoir les moyens d'organiser synthèse et cumulativité des travaux sur l'éducation.
      Reflections on the role of the Department for evaluation and forecast (DEP) in France
      The author, who was a long-standing actor within the DEP (a department of the French ministry of education), looks back on his experience as “official evaluator”. He examines the evolution of the relations between the government in charge of the national education policy and the civil servants as “public statisticians and evaluators” at a time when the demand for the evaluation of educational action by policymakers and actors of the educational system was low. He addresses the regulation of the educational policy through evaluation and research procedures and questions the relevance and above all the often disputed legitimacy of plans performed by a central administration department within the State apparatus. Two visions were opposed: some argued for a department which should play a major role by orienting research into educational evaluation towards expertise in the name of State power. Others believed that the policy of educational evaluation should be the result of a competition between evaluators with varied methods in which DEP had no decisive role. The author deems that the two theses are not at odds depending on the period. The political question of the establishment on or off the premises of the ministry of education is still a dividing factor but the imperatives are still the same for such a body: publicly debated work programme, freedom of publication and dissemination, access to the information system of the ministry, being part of international surveys and evaluations and being in a position of organising synthetic and cumulative works on education.
    • Le leadership scolaire, restructuration managériale de l'organisation de l'établissement scolaire - Helen M. Gunter p. 59-74 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'appuie sur les recherches proposées et théorisées au sein du Projet “La Production du savoir dans le leadership éducatif” (KNEL). L'auteur s'intéresse à la production du savoir et à l'évolution de la gestion de l'école sous les gouvernements travaillistes (New Labour) de 1997 à 2010 en examinant d'abord la domination de la stratégie dite de la gestion des écoles, fondée sur la détermination d'élites en matière de pratiques professionnelles. Il étudie ensuite l'émergence d'une gouvernance institutionnalisée sous forme d'interaction entre les institutions étatiques (fondées sur la légitimité du mandat et axées sur les individus) et des réseaux d'experts qui parcourent le terrain et fournissent les connaissances nécessaires pour comprendre la gestion des réformes à l'échelle locale. Enfin, il analyse la manière dont les “régimes de pratique” opèrent au cœur de cet espace et la façon dont les professionnels de l'éducation se positionnent dans les écoles pour donner une place aux concepts d'identité et de pratiques dans leurs activités. L'auteur espère contribuer au débat sur la place de l'enquête et de l'analyse sociologique en s'interrogeant sur “Qui contrôle le programme de recherche ?”.
      School leadership: the managerial restructuring of the school organisation
      The article is based on the research conducted and theorised within the project « Knowledge Production in Educational Leadership » (KNEL). The author focused on knowledge production and the evolution of educational management under the New Labour governments from 1997 to 2010. First was examined the prevalence of the school management strategy based on the identification of elites in terms of professional practice. She then studied the emergence of institutionalised governance in the form of an interaction between state institutions and the networks of field experts who provide the knowledge necessary to understand reform management at local level. Finally, she examined how « practice regimes » functioned in this area and how the professionals of education position themselves in schools to make room for the concepts of identity and practice in their activities. The author wished to contribute to the debate on the place of investigation and sociological analysis by questioning who « supervised the research programme ».
    • Les effets de la régulation par les résultats (accountability) sur les politiques d'éducation aux États-Unis - Denis Meuret p. 75-87 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Résumé“Accountability” désigne aux États-Unis des procédures de régulation de l'éducation par les résultats apparues dans les années 1970 et généralisées par la loi No Child Left Behind (2002). Comprenant des standards (ce que les élèves doivent savoir, l'objectif), des épreuves qui mesurent ce qu'ils savent et des incitations résultant de ce que les épreuves révèlent sur l'atteinte des objectifs, elles suscitent de nombreuses controverses que l'article éclaire en présentant les procédures étasuniennes puis les résultats de recherches empiriques récentes sur leurs effets. L'auteur incite à la prudence sur les conclusions à tirer de ces recherches sur des politiques systémiques controversées : les effets de la régulation par les résultats ne sont ni aussi catastrophiques qu'imaginé par ses adversaires ni aussi positifs qu'imaginé par ses partisans. À son sens, il y a plus de danger pour l'efficacité et l'équité des systèmes scolaires à ne pas s'engager dans une politique de régulation par les résultats qu'à s'y engager. Cependant, une grande prudence est de rigueur. Au plan politique, il faut s'assurer, par la mise en place de procédures démocratiques ad hoc, que les objectifs et les tests font l'objet d'un large accord du public et des enseignants. Au plan technique, le diable étant toujours dans les détails, il revient à chaque État de piloter cette politique à partir d'évaluations rigoureuses.
      The effects of accountability on education policies in the USAIn the USA, “accountability” refers to the results-based procedures towards the regulation of education. It was initiated in the1970s and extended to the whole country after the No Child Left Behind was passed in 2002. It includes standards (what pupils need to know and the level they must achieve), tests that evaluate what students know and incentives based on what the tests reveal of the completion or not of the targets set. These tests raise many controversies brought to light by the article. US procedures and recent empirical research findings on their effects are presented. The author remains cautious on the conclusions to be drawn from this research into controversial systemic policies: the effects of accountability-based regulation are neither as tragic as imagined by its opponents as positive as imagined by its supporters. In the author's opinion, it is more risky not to engage in accountability-based regulation than to engage in it for reasons of effectiveness and equity. However, it is crucial to remain cautious. At political level, it is necessary for officials to make sure that the objectives and tests are subject to broad public and teacher agreement through the implementation of ad hoc democratic procedures. At technical level, it is up to each State to manage this policy on the basis of rigorous evaluations.
    • Instrumentation statistique et action de l'État : le cas soviétique - Martine Mespoulet p. 89-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les politiques d'éducation et de formation connaissent un usage croissant des opérations de quantification, en particulier indicateurs d'évaluation et de performance, souvent dans un objectif de comparaison entre systèmes éducatifs. L'étude du cas de l'État soviétique est éclairante car jusqu'en 1991, la manière de gouverner a reposé sur une politique de quantification des différents domaines de l'activité économique et de la vie sociale qui donna lieu à un foisonnement d'indicateurs et de données chiffrées. Un retour sur l'expérience soviétique peut être utile pour mettre en perspective les questions et les enjeux posés aujourd'hui par les pratiques de quantification développées à l'échelle d'un État ou au niveau d'institutions internationales. Après avoir rappelé les principaux outils d'instrumentation statistique de l'État soviétique, l'article présente ceux qui ont été utilisés le plus fréquemment dans le domaine de l'éducation et de la formation. Une attention particulière est apportée à l'usage des études de budgets temps.
      Statistical instrumentation and State-driven initiatives: the Soviet case
      Education and training policies have made a growing use of quantification operations, especially of evaluation and performance indicators often in terms of the benchmarking of educational systems. The Soviet State is a case in point because until 1991 governing procedures were based on the quantification of the different fields of economic activity and social life which gave rise to countless indicators and figures. Looking back on the Soviet experience might be useful to put the issues and challenges now raised by quantification practices at national or international levels. In the article, an outline of the main statistic instrumentation tools of the Soviet State is followed by the presentation of those which were most frequently used in the field of education and training. Particular attention is paid to how studies of time budget were used.
    • Les recompositions paradoxales de l'État sanitaire français : Transnationalisation, étatisation et individualisation des politiques de santé - Frédéric Pierru p. 107-129 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comme l'éducation, la santé est en France touchée par des recompositions. L'auteur montre comment des changements, graduels et incrémentaux, ont sorti les États-providence de leur sentier de dépendance. Les déficits financiers et le chômage de masse ont conduit de hauts fonctionnaires français à un retour réflexif sur les choix de 1945 et à s'inspirer de l'étranger pour la grande transformation sanitaire française. La contrainte budgétaire pour l'assurance-maladie est inspirée de l'Allemagne, la création, en 1992, du Réseau national de santé publique est marquée par le modèle étasunien qui met l'épidémiologie au service des politiques de santé publique. Pour autant, les idées d'américanisation ou de marchandisation de la santé publique sont trompeuses. Les analyses empiriques soulignent que la circulation transnationale de nouveaux savoirs de gouvernement (économie et gestion de la santé, Nouveau Management Public, épidémiologie d'intervention ou de terrain) a servi, en France, la reconstruction de l'État sanitaire à travers des processus qui se jouent d'abord dans les transformations des champs sociaux, académique et étatique. Cette évolution de la politique de santé française s'accompagne de nouveaux principes de justice axés sur le choix et la responsabilité individuels.
      The paradoxical restructuring of the French health State
      Just as education, health is subject to major changes. The author shows how gradual and incremental changes have steered welfare states away from their path dependencies. Financial deficits and mass unemployment have led French senior civil servants to take a reflexive look back at the options taken in 1945 and to draw their inspiration from abroad for the major French sanitary transformation. Budget cuts in health insurance is inspired by Germany while the establishment in 1992 of the national network of public health bears the mark of the US model which puts epidemiology in the service of public health. However, the ideas of Americanisation or marketisation of public health are misleading. Empirical analyses emphasise that the transnational dissemination of new government knowledge (health economy and management, New Public management, field epidemiology) contributed to the reconstruction in France of the sanitary State through the transformation of the social, academic and state fields. This evolution of the French health policy is combined with new principles of justice based on choice and individual responsibility.
  • Varia

    • La réforme du baccalauréat professionnel en trois ans ou l'appropriation d'une politique éducative par les familles populaires ? - Pierre-Yves Bernard, Vincent Troger p. 131-143 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les auteurs, à travers l'exemple de la réforme du baccalauréat professionnel, examinent la réception par les usagers des politiques éducatives. En 2009, une réforme a réduit le cursus du baccalauréat professionnel de quatre à trois ans. L'article analyse les processus de décision et de mise en œuvre de ce bac, contesté depuis sa création en 1985, puis présente les résultats d'une enquête (465 élèves entrés en seconde en septembre 2009 en Loire-Atlantique) en les situant par rapport aux cadres sociologiques classiques d'interprétation de la scolarisation en filière professionnelle. Cette réforme, imposée, rencontre un succès significatif... Si les acteurs sont les mêmes, les configurations où s'articulent leurs discours et leurs actions ont changé. Alors que l'enseignement professionnel est considéré comme une “orientation par défaut”, que la décision politique, liée des économies budgétaires, fut prise sans concertation avec les partenaires professionnels et imposée à un personnel plutôt hostile, la réforme emporte l'adhésion d'une majorité d'enseignants, de chefs d'établissement et de familles populaires. La symbolique forte d'égalité avec les autres bacs rencontre leur aspiration à l'accession de leurs enfants aux études supérieures malgré leurs difficultés dans le secondaire. Ces résultats demandent une confirmation nationale, ils peuvent exprimer la persistance régionale d'une tradition ouvrière et artisanale qui favoriserait le succès de la réforme.
      The reform of the vocational baccalaureate into a three-year course or the appropriation of an educational policy by working-class families? The authors examine how educational policies were perceived by users through the example of the reform of the vocational baccalaureate. In 2009, a reform reduced vocational courses from four to three years. Decision-making and implementation processes are examined and the findings of a survey are presented (465 pupils started this type of course in 2009 in Loire-Atlantique). The findings are set in the classical sociological interpretative Framework of schooling in vocational courses. This prescribed reform has become very popular. While actors are the same, their actions and opinions have changed. While vocational courses are considered an unselected option and policy decisions were not commonly agreed with professional partners and rather hostile staff, the reform has garnered the support of most teachers, principals and working-class families. The strong symbol of equality with the other baccalaureates has met their aspiration to see their children access higher education despite their children's difficulties in secondary education. These findings need to be confirmed at national level. They might be the expression of a local workers' and craftsmen's tradition that would explain the success of the reform.
    • Les inégalités sociales sur les études : évaluation et ressenti des étudiants de troisième année - Arielle Compeyron p. 145-165 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse une enquête sur les inégalités sociales portant sur le lien entre les étudiants et leurs études (réalisée auprès de troisièmes années : 1368 sur 10 000 inscrits de six Universités, 96 de l'INSA-Lyon et de l'ENS-Lyon tirés au sort sur 500). Les inégalités relevant en particulier du vécu, il s'agit de leur donner la parole pour rendre compte, en respectant comportements et modes de vie, de leurs pratiques et ressentis ; d'observer si leur subjectivité rejoint les catégories d'analyse des inégalités d'études et si leur ressenti de justice correspond aux observations des inégalités. La consultation des étudiants montre des sources d'inégalités –dont certains tirent bénéfice et d'autres désavantage– auxquelles ils sont plus ou moins sensibilisés selon le niveau d'étude de leurs parents. Les origines socioprofessionnelles ou les niveaux d'étude des parents expliquent le mieux ces positions. La famille apparaît comme un handicap social dans les études pour ceux dont les parents ont un cursus scolaire court, mais est un atout pour ceux dont au moins un parent a fait des études supérieures. Les avantages sur lesquels semblent pouvoir le plus compter les jeunes issus de familles culturellement défavorisées demeurent leurs caractéristiques personnelles : talents et capacités de travail. Ces seuls éléments peuvent arguer en faveur d'une politique distinctive en matière d'éducation : offrir, dès le pré-élémentaire, un temps éducatif et para-éducatif long, tant dans la journée que la semaine et l'année, aux jeunes dont les formations parentales sont moindres.
      Social inequalities in education: assessment and feeling of third-year students
      The article is focused on a survey of social inequalities in education and especially of the link between students and their studies (conducted with third-year students: 1368 out of 10000 enrolled in six universities, 96 at the INSA-Lyon and ENS de Lyon drawn by lot among 500 students). As inequalities come from personal experience, the objective here is to listen to them and relate their practices and feelings, observe if their subjectivity fits with the categories of analysis of educational inequalities and if their feeling of justice corresponds to observed inequalities. Student observation shows sources of inequalities to which they are more or less sensitised according to the level of education of their parents. The socioprofessional background or parents' educational background are the two main factors. Family is a social handicap in education for those whose parents have taken short courses but it is an asset for those whose one of the parents at least has taken a higher education course. The assets that youths from underprivileged cultural backgrounds can rely most on remain their personal features: skills and work capacity. These sole elements can promote a distinctive Policy in terms of education: providing a long time for education as early as pre-primary education over the day, the week and even the year to the youths whose parental education is inappropriate.
    • L'individualisation des valeurs chez les étudiants - Jacques Hamel, Gabriel Doré, Christian Méthot p. 167-182 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans le cadre de cet article, on envisagera les valeurs des étudiants conçues comme « rapport à leurs études ». Après avoir défini la notion sous ce chef, on cherchera donc à cerner les valeurs à l'œuvre à l'égard 1) de ce qui les motive à entreprendre des études supérieures, 2) du rythme de leurs études, 3) du temps consacré aux études, 4) du temps passé dans les établissements et 5) de la culture étudiante. L'étude cible les étudiants inscrits aux programmes en médecine et en sociologie. L'exposé s'appuiera principalement sur les résultats d'un sondage en ligne conduit sur le sujet et d'entrevues réalisées auprès d'un échantillon de cette population étudiante dont l'analyse s'établit, sous l'une et l'autre approche, à la lumière de la distinction entre valeurs « instrumentales » ou « expressives ».
      The individualisation of values among students
      The values of students regarded as a relation to their study courses » are put under scrutiny in this paper. The prior definition of this notion is followed by an analysis of their values concerning 1) what incites them to study in higher education, 2) the pace of their courses, 3) the time devoted to studies, 4) the time spent in the higher education institution, and 5) student culture. The study is focused on students taking medicine and sociology courses. It is mainly based on the results of an online poll and interviews with a sample of this student population whose analysis is made in the light of the distinction between « instrumental » or « expressive values ».
    • La formation continue universitaire en France : un lieu de redéfinition du service public d'enseignement supérieur - Christelle Manifet p. 183-200 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La formation continue constitue un lieu d'observation privilégié du rapport que le service public d'enseignement supérieur entretient avec le marché. Si l'étude de la politique nationale de soutien à la formation continue universitaire montre que le marché a toujours été une valeur d'efficacité publique reconnue, elle montre aussi des instabilités et des ambiguïtés quant à sa mise en œuvre concrète au sein des universités. Du côté de celles-ci, la mise en marché ne se fait pas sans réflexivité. Les universités prennent position en tant que service public dans un marché, essayant de tenir compte des enjeux nouveaux auxquels elles sont soumises tout en préservant une spécificité “publique”, ce qui, en dernière instance, peut aussi apparaître comme leur valeur ajoutée sur le marché de l'éducation des adultes et de la formation continue.
      Continuous training at university in France: the place to redefine what state-controlled higher education provision is. The system of continuous training is the right place to observe the relation between state-provided higher education courses and the market. While the study of the national policy of continuous training provision shows that the market has always been a recognised indicator of state effectiveness, its actual implementation within universities has proved unstable and ambiguous. Universities take a reflexive stance as a state provider when it comes to launching courses on a competitive market. They both seek to take account of the new challenges they are subjected to and preserve what is « specific » to a public provider. This specificity might ultimately bring added value on the market of adult education and continuous training.
  • Comptes rendus