Contenu du sommaire
Revue | Revue critique de droit international privé |
---|---|
Numéro | no 4, octobre-décembre 2021 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Autour de l'enfant. Interpréter les signes : retour au calme ou déraison du monde ? - Horatia Muir Watt, Dominique Bureau, Sabine Corneloup p. 743-745
Doctrine
- Contrôle de l'État ou protection de l'individu ? Remarques sur l'effectivité de la nationalité - Étienne Pataut p. 747-771 L'effectivité semble changer de rôle en matière de nationalité. Son rôle traditionnel, en matière de conflits de nationalités et d'opposabilité internationale de la nationalité, paraît en effet contesté et l'effectivité ne paraît pas en mesure de s'opposer à la prise en compte plus attentive des droits subjectifs des individus. A l'inverse, cette préoccupation pourrait renforcer la considération d'effectivité lorsque celle-ci permet de démontrer l'existence d'un lien entre l'individu et l'État qui pourrait conduire à contester une mesure de privation de la nationalité. Cette évolution pourrait témoigner d'un changement profond de la nationalité elle-même.Effectiveness of nationality seems to be changing. Its traditional role, in the matter of conflicts of nationalities and the international opposability of nationality, seems indeed contested and effectiveness does not seem in a position to oppose the more attentive consideration of the subjective rights of individuals. Conversely, this concern could reinforce the consideration of effectiveness when it makes it possible to demonstrate the existence of a link between the individual and the State which could lead to a challenge to a measure of deprivation of nationality. This development could bear witness to a profound change in the nationality itself.
- Demande de retour d'un enfant enlevé et principe de non-refoulement des réfugiés : lorsque la Convention de La Haye de 1980 rencontre la Convention de Genève de 1951 - Sabine Corneloup p. 773-786 On assiste depuis quelques années, au sein des familles de demandeurs d'asile, à un nombre croissant de demandes de retour d'enfants enlevés. L'application concomitante des Conventions de La Haye de 1980 et de Genève de 1951 peut s'avérer délicate. Tandis que l'objectif de l'une est d'assurer un prompt retour de l'enfant, le principe fondamental de l'autre est le non-refoulement du réfugié vers le pays qu'il a fui. Il n'existe pas encore de développements jurisprudentiels sur cette problématique en France, ce qui rend l'arrêt de la Cour suprême du Royaume Uni du 19 mars 2021 dans l'affaire G contre G d'autant plus intéressant, à la fois pour les appréciations qui méritent l'approbation que pour celles suscitant de fortes réserves. En substance, la Supreme Court a décidé qu'un enfant indiqué comme personne à charge dans la demande d'asile du parent est protégé contre le refoulement durant la procédure de détermination du statut de réfugié, de sorte qu'un ordre de retour rendu sur le fondement de la Convention de La Haye de 1980 ne peut être exécuté jusqu'à cette date. Dans les relations entre deux États membres de l'Union européenne, le conflit de logiques entre le règlement Bruxelles II et le règlement Dublin III apparaît moins aigu puisque le demandeur d'asile ne craint en principe des persécutions dans aucun des deux pays, mais les difficultés d'articulation ne sont pas absentes pour autant, comme vient de l'attester l'arrêt de la Cour de justice du 2 août 2021 dans l'affaire A contre B.Over the past years, there has been an increase in the number of applications for a return of abducted children within families applying for asylum. The parallel application of the 1980 Hague Child Abduction Convention and the 1951 Geneva Refugee Convention may prove to be problematic. Whereas the objective of the former is to ensure the child's prompt return, the latter establishes the fundamental principle of non-refoulement to the State from which the refugee fled. In France, no case law has emerged so far, making the decision rendered by the UK Supreme Court on 19 March 2021 in G v. G even more interesting, not only as a source of inspiration, but also for the parts raising strong concern. In summary, the Supreme Court ruled that a child named as a dependant on her parent's asylum request has protection from refoulement pending the determination of that application so that until then a return order in the 1980 Hague Convention proceedings cannot be implemented. In the relationships between two EU Member States, the conflict of the rationales underpinning the regulations Brussels II and Dublin III appears less acute as, in principle, the asylum applicant has no fear of persecution in any of these countries, but difficulties of articulation exist nevertheless, as the recent decision of the Court of Justice of 2 August 2021 in A v. B demonstrates.
- La déchéance de nationalité devant la Cour suprême du Royaume-Uni : déférence judiciaire et sécurité nationale - Rachel Pougnet p. 787-798 Pour la troisième fois en l'espace de dix ans, la Cour suprême du Royaume-Uni a été confrontée à une mesure de déchéance de nationalité adoptée par le gouvernement britannique. Dans un arrêt « Begum » de février 2021, la Cour Suprême décide que Shamima Begum ne doit pas être autorisée à revenir sur le territoire britannique pour y conduire son appel contre sa déchéance de nationalité. La Cour suprême fait acte d'une importante déférence judiciaire face à des arguments de sécurité nationale. En effet, elle confère une large marge de manœuvre au gouvernement lors de l'examen des conditions de mise en œuvre de la déchéance de nationalité, à raison de la proximité de cette mesure avec des intérêts de sécurité nationale. La Cour suprême procède également à une mise en balance du droit à un recours effectif et du droit à un procès équitable face à des considérations sécuritaires.For the third time in ten years, the UK Supreme Court has been confronted with a deprivation of nationality order issued by the UK government. In this “Begum” decision of February 2021, the Supreme Court decided that Shamima Begum should not be allowed back into the country to conduct her appeal against the deprivation of her citizenship. The Court enshrined wide deference to the executive on national security grounds. Indeed, the court granted a wide margin of appreciation to the government when exercising its discretion to implement a deprivation order, due to the proximity of the measure with national security interests. In “Begum”, the Supreme Court also put the right to a fair trial on balance with security arguments. Begum v Secretary of State for the Home Department [2021] UKSC 7, [2021] 2 WLR 556.
- La convention de La Haye du 25 octobre 1980 à l'épreuve de l'enlèvement international d'enfants franco-japonais - Christelle Chalas p. 799-813
- Contrôle de l'État ou protection de l'individu ? Remarques sur l'effectivité de la nationalité - Étienne Pataut p. 747-771
Jurisprudence
- Quelle effectivité pour le recours contre une décision de refus de visa ? : (CJUE, gde ch., 24 nov. 2020, aff. C-225/19 et C-226/19) - Fabienne Jault-Seseke p. 815-827 L'article 32, paragraphes 2 et 3, du code des visas lu à la lumière de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, impose à l'État membre qui a pris une décision finale de refus de délivrance d'un visa sur le fondement de l'article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du code, en raison de l'émission d'une objection à la délivrance du visa par un autre État membre d'indiquer, dans cette décision, l'identité de l'État membre qui a émis une telle objection, le motif de refus spécifique basé sur cette objection, accompagné, le cas échéant, de la substance des raisons de ladite objection ainsi que l'autorité à laquelle le demandeur de visa peut s'adresser pour connaître les voies de recours disponibles dans cet autre État membre. Lorsqu'un recours est introduit contre cette même décision sur le fondement de l'article 32, paragraphe 3, du code, les juridictions de l'État membre qui a pris cette dernière décision ne peuvent pas examiner la légalité au fond de l'objection à la délivrance du visa émise par un autre État membre.
- La France condamnée pour ses pratiques illégales d'expulsion des mineurs comoriens. Traitements inhumains, enfermement arbitraire, expulsion collective. : (CEDH, 5e sect., 25 juin 2020, Req. no 9347/14, Moustahi) - Karine Parrot p. 828-836 Emportent violation des articles 3, 5, 8 et 13 de la CEDH, et du Protocole 4 interdisant les expulsions collectives, les conditions dans lesquelles deux très jeunes enfants (5 et 3 ans) ont été appréhendés lors de leur entrée sur le territoire français à Mayotte, placés en rétention administrative en compagnie d'adultes, rattachés arbitrairement à l'un d'eux et renvoyés expéditivement vers les Comores sans examen attentif et individualisé de leur situation. La condamnation internationale de la France met en lumière une pratique illégale quasi-institutionnelle utilisée sur l'île depuis une décennie pour appréhender, enfermer et expulser les personnes mineures arrivant seules sur le territoire.
- Mise en œuvre de l'accord procédural et détermination de la loi applicable au régime matrimonial : (Civ. 1re, 10 février 2021, no 19-17.028, FS-P, JCP 2021, 403, note É. Fongaro, et 503, obs. G. Wiederkehr ; D. 2021. 349 ; ibid. 923, obs. S. Clavel ; AJ fam. 2021. 246, obs. A. Boiché ; Dr. fam. 2021, comm. 85, note A. Devers ; Gaz. Pal. 20 avril 2021, no 420m4, obs. G. Escudey ; RJPF, sept. 2021. 23, obs. S. Godechot-Patris) - Samuel Fulli-Lemaire p. 837-849 Pour les droits dont elles ont la libre disposition, les parties peuvent, par un accord procédural qui peut résulter de conclusions concordantes sur ce point, choisir, pour régir une situation juridique déterminée, la loi française du for et évincer celle désignée par la règle de conflit applicable. L'accord procédural des parties sur la loi applicable à la détermination de leur régime matrimonial a vocation à produire effet tant pour l'instance en partage au cours de laquelle il est intervenu que pour celle, engagée ensuite par l'un des ex-époux afin de voir dire que la loi applicable à leur régime matrimonial est la loi portugaise, qui n'en est que la conséquence.
- L'obligation d'appliquer d'office l'art. 6 du règlement Rome II : (Civ. 1re, 26 mai 2021, no 19-15.102 ; JCP, 2021, 733, note L. d'Avout ; D. Actu. 8 juin 2021, note F. Melin ; D. 2021. 1522, note J. Guillaumé) - Hélène Gaudemet-Tallon p. 850-859 Si le juge n'a pas, sauf règles particulières, l'obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne, telle une règle de conflit de lois lorsqu'il est interdit d'y déroger, même si les parties ne les ont pas invoquées.
- L'ancrage du contrôle de proportionnalité en droit international privé de la famille : (Civ. 1re, 14 octobre 2020, no 19-15.783, Gaz. Pal. 15 déc. 2020, no 44, p. 22, note E. Farnoux ; D. 2020. 2437, note A. Zelcevic-Duhamel ; D. 2020. 2405, point de vue A. Etienney-de Sainte Marie ; D. 2021. 499, obs. M. Douchy-Oudot ; D. 2021. 657, obs. P. Hilt ; D. 2021. 762, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; Dr. fam. 2020, comm. 175, M. Farge ; Procédures 2020, comm. 228, M. Mélina Douchy-Oudot ; JCP 2020. 1200, obs. A. Devers) - Rebecca Legendre p. 859-871 Viole l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une cour d'appel qui déclare une action en recherche de paternité recevable, en présence d'une adoption de droit anglais produisant les effets de l'adoption plénière du droit français, alors qu'au regard des intérêts en présence et de l'intérêt général attaché à la sécurité juridique et à la stabilité des liens de filiation adoptifs, l'atteinte au droit au respect de la vie privée du demandeur que constituait l'irrecevabilité de l'action en recherche de paternité ne revêtait pas un caractère disproportionné
- Le forum delicti à l'épreuve du Dieselgate : (CJUE, 9 juillet 2020, aff. C-343/19, Verein für Konsumenteninformation c/ Volkswagen AG, ECLI:EU:C:2020:534) - Toni Marzal p. 872-886 L'article 7, point 2, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, lorsque des véhicules ont été illégalement équipés dans un État membre par leur constructeur d'un logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d'échappement avant d'être acquis auprès d'un tiers dans un autre État membre, le lieu de la matérialisation du dommage se situe dans ce dernier État membre.
- Conformité d'un jugement étranger de divorce à l'ordre public international de fond et de procédure : (Civ. 1re, 2 déc. 2020, no 18-20.691, D. actu. 22 janv. 2021, obs. A. Panet ; AJ fam. 2021. 134, obs. A. Boiché ; JCP G 2021, 7, obs. E. Fongaro ; JCP N 2021, act. 162, obs. C. Latil ; Dr. fam. 2021, comm. 50, note A. Devers ; Defrénois 2021, no 6, p. 27, obs. P. Callé ; RJPF 2021, no 2, p. 33, note J. Houssier ; Gaz. Pal. 2021, no 15, p. 45, obs. I. Rein-Lescastéreyres et F. Cassoudesalle ; JDI 2021. 983, note C. Brière) - Laurence Usunier p. 887-903 L'exercice par un plaideur des voies de recours ouvertes contre une décision rendue par un juge étranger dont il invoque le défaut d'impartialité, lui ayant permis de faire entendre sa cause devant une autre juridiction dont l'impartialité n'était pas discutée, est de nature à exclure toute atteinte à ses droits et toute violation de l'ordre public international de procédure. Une décision rendue par une juridiction étrangère qui, par application de sa loi nationale, refuse de donner effet à un contrat de mariage reçu en France, n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français de fond et ne peut être écartée que si elle consacre de manière concrète, au cas d'espèce, une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels. Si le principe d'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale relève de l'ordre public international français, la circonstance qu'une décision étrangère réserve à l'un des parents le soin de prendre seul certaines décisions relatives aux enfants, ne peut constituer un motif de non-reconnaissance qu'autant qu'elle heurte de manière concrète les principes essentiels du droit français.
- Du caractère mobilier de l'action en réduction d'une donation immobilière : (Civ. 1re, 14 avril 2021, no 19-24.773, Droit et patrimoine, juillet-août 2021, p. 79, note P. Hammje ; F. Mélin, D. actu, 27 avril 2021) - Éric Fongaro p. 904-911 L'action en réduction exercée par les héritiers réservataires contre le donataire d'un immeuble, qui ne tend pas à la restitution en nature de l'immeuble mais au paiement d'une indemnité de réduction et présente, dès lors, un caractère mobilier, relève de la compétence des tribunaux du pays où le défunt avait son dernier domicile.
- Le for de l'atteinte à la dignité d'une nation : l'article 7-2° du règlement Bruxelles I bis n'accueillera pas l'actio popularis : (CJUE, 17 juin 2021, aff. C-800/19) - Horatia Muir Watt p. 911-925 L'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que la juridiction du lieu où se trouve le centre des intérêts d'une personne prétendant que ses droits de la personnalité ont été violés par un contenu mis en ligne sur un site Internet n'est compétente pour connaître, au titre de l'intégralité du dommage allégué, d'une action en responsabilité introduite par cette personne que si ce contenu comporte des éléments objectifs et vérifiables permettant d'identifier, directement ou indirectement, ladite personne en tant qu'individu.
- Quelle effectivité pour le recours contre une décision de refus de visa ? : (CJUE, gde ch., 24 nov. 2020, aff. C-225/19 et C-226/19) - Fabienne Jault-Seseke p. 815-827
Éclairages
- L'Europe, malgré tout - Antoine d'Ornano p. 927-930
- Un rapport sur la loi applicable aux sociétés - Antoine d'Ornano p. 931-935
- La Convention de La Haye de 1996 au service de la protection des mineurs marocains non accompagnés ? - Sabine Corneloup, Fabienne Jault-Seseke p. 935-937 À propos d'une circulaire ministérielle relative au schéma de procédure pour la prise en charge de mineurs non accompagnés marocains (Circulaire du 8 février 2021, no NOR : JUSF2104189C, no CIRC : CIV/01/21, avec, en annexe, le schéma de procédure relatif à la prise en charge des mineurs non accompagnés marocains, le questionnaire d'évaluation sociale et le formulaire de demande d'entraide civile)
Documentation
- Droits de la personne humaine et droit international privé : Institut de droit international, 4e commission, 4 septembre 2021 - Fausto Pocar p. 939-943
- 4e Commission. Droits de l'homme et droit international privé - Fausto Pocar p. 944-957
Bibliographie
- International Arbitration in Italy, par Massimo V. Benedettelli, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 2020, xxiv + 568 pages - Diego P. Fernández Arroyo p. 959-961
- Research Handbook on International and Comparative Sale of Goods Law, par Djakhongir Saidov (dir.), Edward Elgar publishing, 2019, 480 pages - Philippe Delebecque p. 961-965
- Private International Law Online: Internet Regulation and Civil Liability in the EU, par Tobias Lutzi, Oxford Private International Law Series, Oxford University Press, 2020, 272 pages - Étienne Farnoux p. 965-970
- Legal Barbarians. Identity, Modern Comparative Law and the Global South, par Daniel Maldonado Bonilla, Cambridge University Press, 2021, 197 pages - Horatia Muir Watt p. 970-972
- The EU Regulations on the Property Regimes of International Couples – A Commentary, par Ilaria Viarengo et Pietro Franzina (dir.), Cheltenham, Edward Elgar Publishing, coll. Elgar Commentaries in Private International Law, 2020, 608 pages - Marion Ho-Dac p. 973-976
- Unternehmensverantwortung und Internationales Recht, par August Reinisch, Stephan Hobe, Eva-Maria Kieninger et Anne Peters (dir.), C. F. Müller, 2020, 407 pages - Fabienne Jault-Seseke p. 976-979
- L'autorité des règles de conflit de lois. Réflexion sur l'incidence des considérations substantielles, par Djoleen Moya, préf. Pierre Mayer, IRJS Éditions, 2020, 452 pages - Olivera Boskovic p. 979-981
- Signalements - p. 981-982