Contenu du sommaire : L'environnement, avec ou contre les inégalités sociales ?
Revue | Responsabilité et environnement |
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Numéro | no 79, juillet 2015 |
Titre du numéro | L'environnement, avec ou contre les inégalités sociales ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'environnement, avec ou contre les inégalités sociales ? - Dominique Dron, André-Jean Guerin p. 3
Quelles associations et quelles dynamiques entre inégalités environnementales et sociales ?
- Progrès social-écologique et État social-écologique - Éloi Laurent p. 4-8 L'idée de justice environnementale est née aux États-Unis d'Amérique dans les années 1970, dans un contexte d'activisme civique et de lutte pour l'égalité raciale. Elle a mis plusieurs décennies pour commencer à être discutée sur le vieux continent plus imprégné par une tradition des droits sociaux. Aussi, la question à laquelle cet article s'attachera à répondre est : « Quelle forme concrète pourrait prendre un État-providence qui viserait non plus seulement le progrès social, mais aussi le progrès social-écologique ? ».À partir du moment où l'on constate une intrication de plus en plus étroite entre enjeux sociaux et défis environnementaux, l'État devient légitime à assumer une fonction d'allocation, de redistribution et de stabilisation dans le but de couvrir les divers risques sociaux-écologiques.Social-environmental progress and the social-environmental state
Conceived in the United States in the context of the civil rights movement during the 1970s, the idea of environmental justice took several decades before becoming a topic discussed in the Old World, where the tradition of “social rights” is more ingrained - whence the question addressed herein: What concrete form would a welfare state take that seeks to promote not just social but also social-ecological progress? Given the very close, ever more intricate relations between social and environmental issues, the state may legitimately assume the duties of allocation, redistribution and stabilization for the purpose of providing coverage for social-environmental risks. - « Chasse la nature à coups de fourche : elle reviendra toujours en courant ! » - André-Jean Guerin p. 9-13 La préoccupation environnementale est récente. Pour preuve, son expression politique et institutionnelle n'a pris forme que depuis quelques décennies seulement. Et pourtant, l'histoire de la modernité industrielle laisse entrevoir des relations tumultueuses oubliées. Tandis que dans le même temps se précisait l'émergence de l'État social au cours du XXe siècle. En France, comme plus largement en Europe, les objectifs environnementaux et sociaux ne se conjuguent pas de façon identique avec les objectifs de croissance économique. La possibilité même d'un développement durable reste encore une interrogation ? Cette difficulté nécessite de profondes transformations de nos sociétés. Le philosophe-sociologue, Edgar Morin, en appelle à une métamorphose.Chase nature away; it will always come running back!
Environmental preoccupations have achieved a political and institutional form during the past few decades ; but the history of industrial modernity offers glimpses of forgotten conflicts that broke out as the welfare state was emerging during the 20th century. In France and in Europe, environmental and social issues do not mix in the same way with the goal of economic growth. The very possibility of sustainable development is a standing question, whence a call for transforming our societies. Edgar Morin, a philosopher and sociologist, has advocated a metamorphosis. - Le nexus inégalités sociales-inégalités environnementales : bilan et perspectives - Virginie Marchal p. 14-19 Les dernières décennies ont connu une croissance économique sans précédent. Si cette crois sance a favorisé l'élévation moyenne du niveau de vie, les inégalités sociales au sein des pays n'ont jamais été aussi importantes depuis l'après-guerre. Les groupes sociaux vulnérables sont souvent affectés de manière disproportionnée par les dégradations environnementales et sont, le plus souvent, mal préparés pour y faire face, ce qui les entraîne parfois vers plus de pauvreté. En dépit d'efforts ininterrompus déployés depuis plusieurs dizaines d'années en vue d'améliorer la qualité et l'efficacité de la gestion de l'environnement, le niveau des ressources naturelles continue de se détériorer dans de nombreuses régions du monde. Si certaines évolutions mondiales (l'amélioration des accès à l'eau potable, par exemple) sont des signes encourageants d'une réelle amélioration, d'autres (comme la pollution de l'air en milieu urbain et le défaut d'accès à l'assainissement de base, l'exposition au changement climatique et la dégradation des écosystèmes) représentent un risque grave pour la santé humaine et pour la capacité de développement des populations exposées des pays les plus pauvres et des populations les plus vulnérables.The social inequality-environmental inequality nexus: An assessment and the prospects
Although unprecedented economic growth during the past few decades has raised the average standard of living, social inequality has never been as rife since the end of WW II. The devastation of the environment often affects vulnerable social groups disproportionately ; they are usually the least prepared for coping and risk further impoverishment. Despite endless efforts over the past several decades for improving the quality and effectiveness of environmental management, natural resources are still being depleted in many areas around the globe. Some trends worldwide (such as better access to drinking water) provide promising signs of genuine improvement, but others (such as air pollution in urban areas, the lack of access to basic sanitation, the exposure to climate change and the degradation of ecosystems) seriously threaten human health. At risk are the most vulnerable social groups and populations in the poorest lands. - Exemples de dispositifs d'évaluation des inégalités environnementales de santé : Méthodologie et premiers résultats de la plateforme française PLAINE - Julien Caudeville p. 20-25 Cet article se propose d'explorer la thématique des inégalités environnementales et sociales de santé à travers la description d'expériences internationales en matière de dispositifs d'évaluation. L'article décrit le contexte de l'émergence de la thématique et de sa prise en compte dans les politiques au niveau national. Des exemples de données existantes pour caractériser les inégalités environnementales et des verrous liés à leur utilisation sont discutés et illustrés à travers la présentation de réalisations françaises dans ce domaine.Examples of methods for assessing environmental inequality in matters of health
To explore the theme of environmental and social inequality in the field of health, international experiments with various methods of assessment are described, along with the context where this issue emerged and has been incorporated in national policy-making. The existing data on environmental inequality are discussed as well as the obstacles to using them, which are illustrated with examples from France. - Inégalités environnementales et sociales : identifier les urgences, créer des dynamiques : L'avis rendu par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) - Pierrette Crosemarie p. 26-30 Le 14 janvier 2015, le CESE a adopté un avis (1) intitulé « Inégalités environnementales et sociales : identifier les urgences, créer des dynamiques ».Tous les pays et les populations ne sont pas à égalité face aux changements climatiques, à l'accès à l'énergie et à l'eau potable, aux pollutions et à la destruction des écosystèmes. Nous avons, par nos activités et nos comportements, profondément transformé notre environnement au cours des derniers siècles. L'avis du CESE focalise ses préconisations sur la dimension nationale de ce problème. Nous devons mieux prendre en compte les tensions sur les ressources, les pollutions liées à nos modes de production et de consommation, la perte de biodiversité et le creusement des inégalités économiques et sociales. La lutte contre les inégalités sociales va de pair avec un développement moins destructeur de l'environnement, et partant, avec la réduction des inégalités environnementales.Environmental and social inequality: Identifying emergencies, creating momentum
On 14 January 2015, the Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) in France adopted an official opinion, “Environmental and social inequality : Identifying emergencies, creating momentum”. Not all countries and populations are equal with regard to climate change, pollution, the devastation of ecosystems, or the access to energy and drinking water. Our activities and behaviors have deeply altered the environment over the past centuries. CESE's recommendations focus on the national dimension. We should better take into account tensions over resources, the pollution stemming from our mode of production and our consumption patterns, the loss of biodiversity, and deepening social and economic inequality. The fight against social inequality entails a less destructive development of the environment and, consequently, a reduction in environmental inequality. - Des individus rationnels sont-ils désespérement piégés dans des dilemmes sociaux ? L'analyse d'Elinor Ostrom - Elinor Ostrom, Éloi Laurent p. 31-35 Entre, d'une part, les marchandises purement privées et les biens publics et, d'autre part, le marché sensé répartir les premières de façon optimale et l'État qui crée et gère les seconds, n'y aurait-il pas d'autres catégories de biens et d'acteurs ? Depuis le célèbre article de Garett Hardin,The Tragedy of The Commons, paru dans la revue Science en 1968, la question semblait réglée.L'économiste, politologue et Prix Nobel américaine Elinor Ostrom, avec une grande opiniâtreté, a apporté une attention pointilleuse à la façon dont des communautés diverses assurent la gestion et l'exploitation dans le long terme de milieux naturels plus ou moins artificialisés de façon plus efficace que ne le font le marché ou l'État. Avec l'aide de nombreux autres chercheurs, elle a renouvelé les travaux sur les biens communs par son étude de la gouvernance polycentrique des ressources naturelles.Are rational individuals desperately trapped in social dilemmas? The analysis of Elinor Ostrom
Between purely private merchandise and public goods, between the market, which supposedly sees to an optimal distribution of private commodities, and the state, which creates and manages public goods, are there no other categories of property and players ? The question seems settled once and for all since Garett Hardin's The tragedy of the commons, a well-known article published in Science in 1968. Elinor Ostrom, an economist, political scientist and Nobel Prize winner in Economics (2009), has obstinately paid very close attention to the ways various communities provide for long-term operations and a forward-looking management of natural environments, which have been “artificialized” more effectively than either the market or government can do. With help from other researchers, she has revived work on the topic of “common goods” thanks to her study of the polycentric governance of natural resources. - Les pirates somaliens et nous : histoire d'une adaptation sociale à des inégalités environnementales imposées - Jean-Michel Valantin p. 36-39 L'émergence de la piraterie somalienne révèle la façon dont les inégalités sociales et les transformations environnementales font naître des situations sociales et politiques nouvelles, dans lesquelles la violence armée peut être une forme efficace d'adaptation.The Somali pirates and us: History of a social adaptation to an imposed environmental inequality
Somali piracy reveals how social inequality and environmental changes give rise to new social and political situations in which armed violence might correspond to an effective form of adaptation. - L'environnement : pour le meilleur ou pour le pire ? - Dominique Dron p. 40-46 Disposer de ressources naturelles abondantes est en principe une bénédiction pour les humains, car toute société, qu'elle en soit consciente ou non, en a besoin pour vivre. De nombreuses civilisations ont organisé l'accès à ces richesses - l'eau, la terre, le gibier, le poisson... - ou leur répartition d'une façon plus ou moins égalitaire ou inégalitaire, en recourant à des procédures bien plus variées que l'alternative moderne entre la propriété publique et la propriété privée. Néanmoins, la présence de gisements fossiles ou minéraux a souvent provoqué des conflits d'appropriation meurtriers, sous-tendus par des logiques d'accaparement plutôt que de partage (comme dans de nombreux pays disposant de telles ressources). En sera-t-il de même pour les processus vivants, dont la raréfaction désormais manifeste alimenterait ainsi non plus une relative équité locale en matière d'accès (correspondant à leur répartition sur le globe), mais au contraire de nouvelles inégalités sociales à grande échelle ?The environment: For better or worse?
Abundant natural resources, since society (whether aware of this or not) needs them, are, in principle, a blessing for human beings. Several civilizations have organized the access to wealth - water, the land, game, fish, etc. - or its distribution by using more or less egalitarian that evince more variety than the modern alternative between public and private property. Mineral and fossil-fuel deposits have often set off deadly conflicts stemming from a rationale of monopolization instead of sharing. Will this also happen in the case of “living processes”, as the ever scarcer supply, now evident, leads to new large-scale forms of social inequality instead of a fair local access?
- Progrès social-écologique et État social-écologique - Éloi Laurent p. 4-8
La qualité environnementale, source de creusement ou de rattrapage des inégalités ?
- Pour des agricultures productives et à hautes valeurs sociale et environnementale - Henri Rouillé d'Orfeuil p. 47-50 2014, année de l'agriculture familiale, a été l'occasion de réfléchir à la capacité des exploitations familiales à répondre aux grands défis que les agricultures ont à relever : nourrir convenablement l'humanité, gérer durablement la plus grande part des ressources naturelles et rémunérer décemment près de 40 % du travail mondial. Les exploitations familiales sont bien placées, mieux sans doute que les entreprises qui s'aventurent dans la production agricole. Mais la grande pauvreté paysanne empêche ce potentiel de s'exprimer. Cette situation est très dommageable pour les ressources naturelles et, surtout, elle est la cause principale des hémorragies paysannes qui arrivent sur un marché du travail déjà incapable de proposer aux exclus d'aujourd'hui une réinsertion décente dans l'économie. La bonne nouvelle c'est que la transition agro-écologique nécessite un surcroît de main-d'œuvre de qualité, mais encore faut-il que la rémunération du travail agricole soit décente pour que les producteurs puissent et veuillent porter des agricultures dynamiques.For productive forms of farming with high social and environmental value
The FAO declared 2014 to be the Year of Family Farming, an occasion for giving thought to the capacity of family farms for assuming the daunting tasks awaiting agriculture : adequately feed humanity, sustainably manage the biggest share of natural resources and decently pay nearly 40% of the world's labor force. Family farms are undoubtedly better placed to do this than the firms that have ventured into agriculture ; but the intense poverty of farming families keeps this potential from being realized. This situation is a bane for natural resources and, in addition, the major cause of the unstanched flow of rural-dwellers into the labor market, which has proven incapable of decently integrating in the economy those who have already been excluded. The good news is that the “agro-ecological transition” creates the need for better qualified labor. Farmwork must be paid well enough for producers to want and be able to be the vectors of a dynamic agriculture. - Cinquante années de politique agraire et d'aménagement du territoire dans l'île de La Réunion - Guillaume Benoit p. 51-55 La Réunion, comme bien d'autres îles, est un laboratoire de développement, durable ou non. Une rare intelligence collective lui a permis de mener avec succès une politique agraire et de rééquilibrage urbain/rural : elle pourrait ainsi montrer la voie à bien d'autres territoires où, faute de réponses appropriées, les problèmes de mal développement rural et de « littoralisation » viennent menacer à la fois l'environnement local et global, l'économie productive, la cohésion et la stabilité. Cependant, plusieurs évolutions ne laissent pas d'inquiéter. Mais face à celles-ci, de nouvelles mobilisations se font jour.Fifty years of farm policies and territorial planning on the island of Réunion
Like many other islands, Réunion is a laboratory for projects on development (sustainable or not). A rare “collective intelligence” has enabled it to conduct a successful farm policy that has struck an urban/rural balance. It might serve as an example to areas where, given a lack of appropriate responses, the problems related to rural development and “littoralization” constitute threats for the local and global environment, the economy, social cohesion and stability. Despite this success, several trends are to be watched ; but new forms of mobilization are taking shape to cope with them. - Des solutions rurales pour le XXIe siècle : les politiques publiques en faveur de l'agriculture familiale au Brésil - Bernard Roux p. 56-60 Dans la période actuelle, l'agrobusiness élargit de plus en plus et partout son emprise sur les campagnes. Cependant, certains pays prennent en considération les nombreux paysans malmenés par l'économie de marché, en instaurant des politiques spécifiques en faveur de l'agriculture familiale. Ces politiques prennent des formes diverses : attribution de terres, octroi de crédits bonifiés, adoption de mesures facilitant la commercialisation des produits, allocation de moyens à la vulgarisation technique. C'est le cas du Brésil, grand pays agricole, où des politiques de ce type ont été instaurées au milieu des années 1990 sous la pression des organisations représentant les paysans sans terre, puis amplifiées sous les mandats successifs du Président Lula. Outre des distributions de terres qu'il serait abusif de présenter comme une réforme agraire, elles contiennent des mesures variées conduisant à une meilleure intégration économique et sociale de la paysannerie et orientent les systèmes de production vers plus de durabilité.Rural solutions for the 21st century: Public policies in behalf of family farming in Brazil
Agribusiness is increasing its hold over rural areas everywhere. Some countries, out of concern for the number of peasant farmers mistreated by market forces, have adopted various policies in favor of family farming : land grants, low-interest loans, programs for facilitating the marketing of produce or popularizing new techniques, etc. In Brazil, a major farming country, such policies were adopted in the mid-1990s under pressure from organizations representing landless peasants and with support from authorities during the terms served by President Lula. Besides the distribution of land (which it would be improper to call a farm reform), these policies contained measures for improving the peasantry's social and economic integration. They have also tried to orient production systems toward sustainability. - La biodiversité naturelle et agricole garantit-elle la sécurité alimentaire des populations ? - Fayçal Kefi, Martine Padilla p. 61-67 La diversité alimentaire est la clé de la sécurité nutritionnelle, notamment pour résoudre le problème de la faim cachée (c'est-à-dire la carence en micronutriments en dépit de l'absorption d'aliments en quantité suffisante). Or, les pratiques agricoles et d'élevage ainsi que la sélection variétale modifient le contenu nutritionnel des aliments. Une très grande variabilité dans la composition en nutriments pour un même type d'aliment peut donc expliquer la faim cachée dans les cas de consommation régulière d'aliments peu denses nutritionnellement. L'étude de cinq produits (poisson, blé, riz, lait et pommes de terre) visant à mesurer la contribution en micronutriments de chacune des espèces considérées par rapport aux apports nutritionnels conseillés, montre que si le blé affiche une relative homogénéité, la différence entre les espèces est significative pour les autres produits : la contribution aux ANC varie ainsi de 17 % pour les vitamines et de 7 % pour les minéraux. La diversité dans l'assiette est donc nécessaire, mais elle n'est pas suffisante ; il faut aussi jouer la carte de la diversité génétique des espèces agricoles et animales. Par ailleurs, consommer des produits Bio plutôt que des produits conventionnels conférerait un avantage certain en ce qui concerne les vitamines et les minéraux, les oméga-3 et les fibres.Will natural and agricultural biodiversity guarantee a food supply for the population?
Diversity is the key to a nutritious food supply, in particular to solving the problem of hidden hunger - the deficiency of micronutriments in a food supply that suffices in terms of quantity. Practices in farming and livestock and for selecting varieties are modifying the nutritional contents in our food. Large discrepancies in the amounts of nutriments in given types of food might explain the hunger hidden behind a regular consumption of nutritionally poor foodstuffs. The micronutriments in five products (fish, wheat, rice, milk and potatoes) were measured in comparison with recommendations. This study shows that, apart from wheat, there are significant differences between varieties of each of the others : the contribution to the Dietary Reference Intake (DRI) varies by 17% for vitamins and 7% for minerals. Since diversity in our plates is a necessary but not sufficient condition, the genetic diversity of varieties of plants and animals must also be brought under consideration. Consuming organic products has definite benefits in terms of vitamins, minerals, omega-3 and fiber. - Les impacts socioéconomiques des dérèglements et des politiques climatiques - Vincent Viguié p. 68-72 Les enjeux climatiques fournissent une très bonne illustration des tensions entre la lutte contre les inégalités sociales et les luttes contre les inégalités environnementales. Pourtant, quand on y regarde de plus près, le schéma est plus compliqué que cela. Tout d'abord, tout dépend de l'échelle des temps sur laquelle on se situe. À long terme, en effet, les impacts que l'on cherche à éviter à court terme n'en seraient pas moins créateurs d'inégalités, et l'inaction n'en est donc pas plus justifiable. De plus, à court terme, de nombreux mécanismes de compensation et d'ajustement peuvent être mis en place et, de manière générale, une progressivité dans la mise en place de mesures au fil du temps est le meilleur levier pour atténuer ce conflit.The socioeconomic impact of deregulation and climate policies
Climate-related issues clearly illustrate the tension between the struggles against social inequality and against environmental inequality. When looking more closely however, the picture turns out to me much more complicated. It all depends on the time scale used. The effects to be avoided in the short term will not be any less of a source of inequality in the long run ; and the absence of action is not, therefore, justifiable. Besides, several short-term mechanisms can be set up for providing compensation and making adjustments. In general, a gradual implementation provides the best lever for attenuating this conflict. - Inégalités environnementales et justice climatique - Catherine Larrère p. 73-77 Le changement climatique est un phénomène global qui affecte tous les êtres humains, sans exception, plaçant ainsi l'humanité tout entière face à un destin commun. Aussi les États sont-ils invités, pour y faire face, à surmonter leurs égoïsmes et leurs antagonismes. Mais comment y arriver quand ce changement, s'il atteint tous les êtres humains, le fait de façon très inégale, et quand les différents pays qui y sont confrontés ne disposent pas des mêmes capacités financières pour faire face aux dépenses qu'il génère ? De même, comment y arriver quand l'ancienneté et la complexité de la situation tout comme l'ampleur des répercussions des émissions de gaz à effet de serre sur le plan spatial et temporel rendent extrêmement délicate l'identification des responsabilités ? Entre les pays du Nord qui rejettent toute responsabilité passée dans les phénomènes qui sont aujourd'hui à l'œuvre, et les pays du Sud qui estiment être plus en droit d'exiger des réparations que de subir de nouvelles contraintes, le chemin de la justice est difficile à trouver. Pourtant, il n'est pas là seulement question de légitimité, il est aussi question d'efficacité : les pays ne ratifieront pas un accord qu'ils jugent injuste. Cet article examine les diverses formes d'inégalités qui existent face au changement climatique, les problèmes de justice que soulèvent ces inégalités, et la façon dont on pourrait les résoudre.Environmental inequality and climate justice
Climate change, a global phenomenon affecting every human being bestows a common fate on all of humanity. For this reason, nation-states are being asked to overcome their egoism and antagonisms. But how to achieve this given that climate change affects all human beings but very unequally, and that the countries concerned do not have the same financial means for meeting the resulting costs ? How to achieve this when the situation's complexity and duration - as well as the scope of the repercussions of greenhouse gas emissions on the territory and over time - make it very hard to identify responsibilities ? Between the countries in the North who reject any responsibility for the past and those in the South who feel that demanding compensation is better justified than accepting limitations on their growth, it is hard to find an opening for justice. This is a question not merely of legitimacy but also of effectiveness : countries will not ratify un agreement they deem unfair. Various forms of inequality in relation to climate change are examined along with the problems of justice stemming from them and the possible solutions. - Les visages contrastés des inégalités socio-environnementales : Les questions adressées aux politiques de régulation en milieu urbain - Guillaume Faburel p. 78-82 Inégalités et ségrégations environnementales seraient particulièrement concentrées en ville. Toutefois, la seule lecture par les disparités sociales en matière d'exposition environnementale (à ce jour majoritaire sur le thème des injustices environnementales) ne permet pas de renseigner les mécanismes en cause et les dynamiques urbaines impliquant directement le vécu des citadins. Pour éclairer certains paradoxes, la question des modalités d'observation et des enjeux observés est dès lors posée. Mais, plus encore, les conceptions de l'environnement et de la justice développées à ce jour dans les politiques d'urbanisme et d'aménagement urbain sont à questionner consubstantiellement.Contrasts in forms of socio-environmental inequality
Environmental inequality and segregation seem to occur mainly in cities. An interpretation of the exposure to environmental risks only in terms of social disparities - now the major approach to the topic of environmental injustice - provides no information about the causes, nor about the trends that directly concern city-dwellers. To shed light on certain paradoxes, questions are asked about methods of observation and the issues detected. Our conceptions of the environment and justice, as they now figure in urban policies, need to be submitted to a thoroughgoing inquiry. - L'aménagement du territoire littoral à l'épreuve des inégalités environnementales - Philippe Deboudt p. 83-89 Du point de vue de la recherche, les travaux s'intéressant aux inégalités environnementales contribuent à rapprocher entre elles les préoccupations sociales et écologiques, qui généralement s'ignorent mutuellement1. Pour le géographe, il s'agit de réinterroger le concept de milieu, dans le sens d'écoumène23, ou de mobiliser une approche mésologique4. La réflexion est centrée sur les modalités de construction de la relation nature-populations vue comme un trajet perpétuel, à la fois pratique et idéologique ou théorique. Cette approche implique de replacer l'environnement dans l'histoire de chaque territoire. Il s'agit notamment d'appréhender le rapport des individus à leur environnement à travers l'expérience qu'ils en ont, là où ils vivent. Ce rapport ne se limite pas à la proximité géographique aux lieux. D'autres facteurs peuvent peser sur le vécu environnemental des individus : la mobilité résidentielle, l'attachement à un lieu, l'insertion dans des réseaux environnementaux, le traitement local des questions environnementales...The development of coastal areas put to the test of environmental inequality
Research studies on environmental inequality address social and ecological preoccupations that usually have nothing to do with each other. For geographers, the goal is to inquire into the concept of a “milieu” (in the sense of inhabitable) or to mobilize a “mesological” approach. Attention is turned to how the relation between nature and population is constructed as a perpetual trajectory that is theoretical or both practical and ideological. This approach implies placing the environment in each local territory's history. The main purpose is to grasp individuals' relations with their environment through their experiences of it there where they are living. These relations are not restricted to geographical proximity. Other factors weigh on the individual's experience of the environment: residential mobility, attachment to a place, integration in environmental networks, the local approach to environmental questions, etc. - Environnement et lien social - Chantal Derkenne, Nadia Boeglin p. 90-94 Les pratiques vertueuses des ménages sur le plan environnemental, comme se déplacer à vélo, se prêter des appareils ou encore pratiquer le covoiturage, sont mises en exergue par les pouvoirs publics depuis une dizaine d'années. Certaines d'entre elles sont corrélées à l'émergence ou à la consolidation de liens sociaux allant, selon le contexte, de simples liens marchands jusqu'à des liens sociaux « resserrés » de type communautaire. L'enjeu de la préservation de l'environnement passe donc aussi par l'émergence de nouvelles configurations sociales. En renouvelant la culture du vivre ensemble prônée par certains, celles-ci sont à la fois une opportunité à travers la création de nouvelles solidarités et un défi à relever pour des pouvoirs publics qui sont aussi garants de la cohésion sociale.The environment and social bonds
For a decade now, public authorities have harped on environmentally positive practices for households, such as using bicycles as a means of transportation, loaning/borrowing tools or car-pooling. Some of these practices are correlated with the emergence or consolidation of social relationships, ranging from simple business transactions to tight community bonds. The conservation of the environment entails new social patterns that, by reviving a culture of living together (as advocated by certain parties), provide both an opportunity for creating new forms of solidarity and a challenge to public authorities, who vouchsafe social cohesion.
- Pour des agricultures productives et à hautes valeurs sociale et environnementale - Henri Rouillé d'Orfeuil p. 47-50