Contenu du sommaire : Les langues d'Afrique subsaharienne, sous la direction de Suzy Platiel et Raphaël Kabore.
Revue | Faits de langues |
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Numéro | No 11-12, Octobre 1998 |
Titre du numéro | Les langues d'Afrique subsaharienne, sous la direction de Suzy Platiel et Raphaël Kabore. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant Propos - Raphaël Kabore, Suzy Platiel p. 5-6
- Spécificité de la recherche africaniste - Suzy Platiel p. 7-12 Après avoir passé en revue les ressources de la tradition orale et des supports de l'histoire "sans textes" de l'Afrique sub-saharienne pour rendre compte de sa fragmentation linguistique actuelle, on s'interroge sur l'importance de l'oralité comme dimension constitutive à la fois de la diversité linguistique et d'un rapport au monde spécifique des cultures africaines de la parole.in this article, we argue that the fact that African languages arre oral languages and that there are no written texts accounts for the linguistic diversity of Sub-saharan Africa and more generally speaking is also in keeping with a specific conception of the world.
- L'invention du verbe : d'une linguistique en Afrique à une linguistique de l'Afrique - Patrick Renaud p. 13-46 On peut considérer la sociolinguistique qui se développe en Afrique à propos de l'urbanisation des pratiques langagières traditionnelles et de la "subversion" du français en aire francophone comme le versant post-colonial d'une linguistique qui se détourne des schémas de grammaire auxquels une linguistique coloniale a réduit le langage en Afrique et de l'impasse dans laquelle elle a conduit son articulation socio-linguistique. Cette linguistique post- coloniale, en résonance avec une civilisation africaine qui offre une "sémantaxe" à son activité verbale, comme G. Manessy en a fait l'hypothèse, privilégie l'observation. Entre "présentation" dans la dynamique du "faire" et "re-présentation" dans le "dire", l'activité verbale des participants configure linguistiquement et socialement leurs répertoires verbaux en structures caractérisées par une malléabilité absente des descriptions linguistiques décontextualisées. Elle explique la fluidité d'une polyglossie africaine dont le modèle MLF de G Myers-Scotton ne rend que partiellement compte.A new kind of sociolinguistics developing in Africa deals with the urbanization of traditional language practices and with the "subversion" of French in French-speaking areas. It may be seen as a post-colonial rejection of the grammatical schemata to which colonial linguistics reduced language in Africa, as well as an attempt to escape from the dead end its socio-linguistic articulation has reached. Because of its sensitivity to the way African civilization endows its verbal activity with a "semantax", according to G. Manessy*s hypothesis, this post-colonial approach relies primarily on observation. The participants' verbal activity can be seen as both presentation inscribed in the dynamics of 'doing' and representation in "saying". It linguistically and socially organizes their verbal repertoires in structures the flexibility of which decontextualized linguistic descriptions ignore. This approach may provide an explanation for the fluidity of African polyglossy, which С Myers- Scotton's MLF model only partially accounts for.
I. Dynamique des langues
- Comparatisme historique et classifications - Suzy Platiel p. 47-74 Nous soulignons d'abord la fragilité des classifications due à l'absence de profondeur historique et au nombre extrêmement réduit de langues décrites de façon suffisamment détaillée. Nous donnons ensuite un bref historique des classifications et poursuivons en décrivant chacun des quatre grands phyla de l'Afrique sub-saharienne — l'Afro-Asiatique, le Nilo-Saharien, le Khoisan et le Niger-Congo — en indiquant l'état le plus récent de la classification, à notre connaissance, la localisation des parlers qui les composent, le nombre de locuteurs quand cela est possible, les langues étudiées et leurs caractéristiques linguistiques.First of all we insist on the fragility of the classifications due to the fact that time depth is lacking and very few languages have been satisfactorily described. We then give an overview of the great phyla of Sub-Saharan Africa — Afro-Asiatic, Nilo-Saharan, Khôisan and Niger-Congo — each time indicating the most recent classification, to the best of our knowledge, the location of the languages, the number of their speakers whenever possible, those languages that have been described and their characteristics.
- La comparaison pour quoi faire ? - Robert Nicolaï p. 75-85 L'étude comparative des langues africaines a permis d'expérimenter le transfert à des langues sans traditions écrites de l'une des méthodes les plus classiques de la recherche des apparentements généalogiques puis d'innover sur ce plan; modifiant dans le même temps les stratégies de recherche puisqu'aucune historicité ne pouvait être référée. Mais l'essentiel n'est peut-être pas là : les difficultés rencontrées au niveau des descriptions empiriques tout autant que les limites imposées aux innovations permettent d'élargir le débat et d'ouvrir le questionnement sur la théorisation du changement linguistique en général. Le transfert de méthode permet alors de reconsidérer les modèles généraux de la description des langues et de leur évolution.Тhе transfer of one of the most classical linguistic methods of genetic comparison to languages without written traditions was made possible by the comparative approach to the languages of Africa; later on, a certain innovation became possible as well. Moreover, such an approach had to modify the strategy of research, as no historical perspective could be referred to. Difficulties (Problems) which are to be dealt with concerning empirical descriptions, and limits restricting the innovations in this field enable us to extend the discussion and open the debate on constructing the theories of language change in general. The transfer of the method thus opens opportunities to re-think (re-evaluate) more general models of language description and development
- Les voisins les plus proches : un aperçu de la dialectologie en Afrique - Raymond Boyd p. 87-98 La notion de «dialecte» est définie par rapport à celles de «langue» et d'«accent», permettant ainsi d'envisager le statut dialectal des français africains. La pratique de la dialectologie en Afrique n'est pourtant pas contrainte par une définition stricte, vu les conditions spécifiques d'emploi et de connaissance des langues locales, variables selon leur statut de langue «véhiculaire» ou «vemaculaire». Le but de la dialectologie peut être l'enrichissement des connaissances en linguistique générale ou en histoire des peuples; il peut également avoir un caractère pratique visant le «développement linguistique». Un regard sur la bibliographie africaniste de cette dernière décennie permet de constater les orientations particulières qui se démarquent des préoccupations de la dialectologie en Europe.A «dialect» is defined with respect to a «language» and an «accent». The dialectal status of some forms of African French is thus clarified. Dialectology in Africa is not, however, constrained by any strict definition, owing to specific features of the use and knowledge of local languages, which vary according to their «trade» or «vernacular» status. Dialectological studies may seek improved understanding of human language or history. They may also have a practical purpose of «language development». A review of publications over the last decade brings out specific features setting them apart from the concerns of European dialectology.
- Comparaison et reconstruction dans le domaine tonal : les langues sara-bongo-baguirmiennes - Pascal Boyeldieu p. 99-110 La description et la compréhension des faits de tonalité, qui caractérisent la grande majorité des langues d'Afrique noire, ont fait des progrès sensibles dans les dernières décennies. La présente contribution se fixe plus précisément pour objectif de montrer, à travers une application à un groupe de langues d'Afrique centrale, que, tout comme les unités segmentales, les tons se prêtent à une approche comparative historique et qu'ils peuvent, dans des conditions favorables, non seulement contribuer à étayer l'unité généalogique d'une famille linguistique mais encore fournir des indices précieux sur les mouvements de son histoire interne.The description and understanding of tonality, as a feature of most languages in Black Africa, have noticeably improved in the last decades. The more precise aim of the present paper is to show, with the example of a language group of central Africa, that tones may be submitted, like consonants and vowels, to a comparative-historical approach. In propitious circumstances they are able not only to strengthen the genetic unity of a linguistic family but even to throw some light on the history of its internal movements.
- Le sango, langue officielle de la République Centrafricaine - Helma Pasch p. 111-120 Après avoir rapidement analysé les raisons du développement et de la rapide diffusion du sango, ancien véhiculaire du ngbandi dont l'usage s'était très largement répandu du temps de la colonisation française, les différents registres et domaines d'utilisation sont passés en revue pour tenter de dégager ses conditions d'utilisation dans la situation triglossique sango/français/langues vernaculaires actuelle. Bien qu'il ait été proclamé langue nationale à l'indépendance et langue officielle en 1991, qu'il soit compris par la quasi totalité de la population et qu'il soit devenu "langue seconde" ou même "langue première" pour certains à Bangui, le sango reste presque exclusivement réservé à l'expression orale et empiète sur les langues vernaculaires tandis que le français conserve l'avantage dans la scolarité et l'expression écrite intra- et extra-territoriale.After a short survey of the development and rapid spreading of Sango during the period of the French colonization, the various registers and domains of its use are reviewed in order to draw out in which situations sango is used in the present triglossic situation (Sango/French/vernacular languages). • Although Sango has been proclaimed the national language at the Independence and the official language in 1991 and despite the fact that everybody understands and speaks it and that it has become a second or even a first language for a number of people in Bangui, its use remains nearly exclusively limited to oral expression where it infringes the vernacular languages whereas French is the language used for school education and written communication in and outside the country.
- Le bambara véhiculaire du Mali - Gérard Dumestre p. 121-127 Au Mali, le bambara joue, entre le français, langue officielle, et les langues régionales progressivement marginalisées, un rôle croissant. La plupart des grandes villes sont désormais bambarophones, et cette langue véhiculaire, qui subit l'influence du français tant au plan lexical que phonétique et morpho-syntaxique, progresse aussi dans les zones rurales, affirmant sa fonction de langue d'introduction à la modernité.In Mali, between French, the official language, and the different regional languages which have been progressively marginalized, Bambara has aquired an increasing role. Most of the big towns are now bambaraphone and this vehicular language which is influenced by french lexically as well as phonetically and morpho-syntaxically, is progressing more and more within the rural areas, considering its function as a mean of introduction to modernity.
- Le bambara dans la migration : identité et véhicularité - Cécile Van den Avenne p. 129-134 L'usage et le statut du bambara est étudié à travers les "histoires linguistiques de migration" de treize familles bambarophones représentatives de la communauté malienne de Marseille.The use of Bambara and its status are analysed through the "linguistic history" of thirteen bambara speaking families representative of the Malian immigrants in Marseille.
- "Le français des rues", une variété avancée du français Abidjanais - Suzy Lafage p. 135-144 Après un bref rappel des conditions dans lesquelles l'usage du "français" s'est développé et généralisé dans les mégapoles de l'Afrique francophone, sont analysées, à travers des exemples pris dans la presse abidjanaise, les caractéristiques propres au "français des rues abidjanais". La syntaxe empruntée au français y devient le support d'une "hybridation" où s'intègrent, se mêlent et s'organisent, dans une reconfiguration relevant de la culture africaine du discours, lexemes et morphèmes d'origines diverses : français, mandenkan, bete, baoulé...First, we shortly recall the conditions in which "French" developped and spread in the big cities of francophone Africa; we then analyse the caracteristics of the français des rues abidjanais, with examples from Abidjan's newspapers. A hybrid new variety of French is created : French syntax is used as the framework of a hybridation : words and morphemes of various origins (French, English, Mandenkan, bete, baoule...) are mixed, integrated and reorganized in compliance with the African discourse culture.
- Comparatisme historique et classifications - Suzy Platiel p. 47-74
II. Le discours
- Procédés de cohésion dans le discours - Thomas Bearth p. 145-159 Loin d'être une simple excroissance de l'activité discursive, les marques linguistiques apparemment redondantes, dont les dialogues et les textes tant oraux que littéraires sont régulièrement jonchées dans de nombreuses langues africaines, répondent à un besoin fondamental de cohésion et, à regarder de près, s'avèrent indispensables à la construction du sens du discours et à son interprétation par rapport à la situation et au contexte socio-culturel. A propos de deux langues très différentes du point de vue de leur type grammatical et de leur statut socio-politique, le toura, petite langue ouest-africaine, et le swahili, langue véhiculaire de l'Afrique de l'Est, il est montré comment des moyens aussi variés que les particules énonciatives, la «ponctuation sonore», l'accord de classes nominales et la morphologie verbale contribuent à la cohérence et à la compréhension des discours de type divers.How is the meaning of discourse constructed? How is its coherence being ensured by the means of natural language? African languages mobilize an amazing variety of elaborate techniques in order to ensure that everyday utterances, pieces of oral tradition and literary texts are properly related to their situations and jsocio-cultural settings, and their component parts to each other. Using for illustration two typologically quite different languages, Toura, a minority language from West Africa, and Swahili, the most widely spoken language of East Africa, it is shown how sentence particles, «oral punctuation» in narrative text, class concord and verb morphology each contribute in an organized and systematic way to the construction and interpretation of coherent discourse.
- Morphologie verbale et organisation discursive de l'énoncé : le cas du tswana et du wolof - Denis Creissels, Stéphane Robert p. 161-178 Dans diverses langues africaines, la flexion verbale exprime, outre les déterminations traditionnelles d'aspect, de temps, de modalité et de personne, des distinctions de nature discursive liées à la hiérarchie informationnelle et à l'organisation de l'énoncé en thème et rhème (ou focus). Les deux langues étudiées ici présentent cependant deux stratégies différentes : en tswana (langue bantoue), la morphologie verbale permet d'indiquer le statut rhématique ou thématique de l'élément qui succède au verbe (forme conjointe vs. disjointe), quelle que soit sa nature syntaxique ; en wolof (langue atlantique), au contraire, aucune reprise thématique en fin d'énoncé n'est possible et la conjugaison indique la nature syntaxique de l'élément focalisé (Emphatique du Verbe, du Sujet ou du Complément). Certains indices amènent à penser que cette singularité typologique, longtemps mal aperçue, est plus répandue que ne le laisse penser la documentation actuelle qui présente souvent les usages des formes hors contexte.In addition to the traditionally recognized ТАМ and person determinations, the verbal inflection of some African languages expresses distinctions related to the informational hierarchy and to the discourse functions topic / comment (or focus). The two languages presented in detail here illustrate two different strategies. The verbal morphology of Tswana (Bantu) indicates the discourse function (+topic) of the phrase following the verb, irrespective of its status in the predicate-argument structure, whereas the verbal morphology of Wolof (Atlantic) indicates that some element is focalized and makes precise its syntatic nature (verb, subject NP or non-subject NP). Some observations suggest that this typological particularity is relatively common among African languages, although it is largely ignored in the available documentation.
- Particules énonciatives en Ewe - Felix K. Ameka p. 179-204 Les particules sont de petits mots employés par le locuteur pour signaler à son interlocuteur la force illocutoire de son discours et/ou son attitude vis- à- vis de certains éléments de la situation de communication. Cet article présente un inventaire des particules énonciatives de l'Ewe : classement, sens et conditions d'utilisation. Il démontre que les particules énonciatives constituent une catégorie grammaticale indépendante compte tenu de leurs fonctions et leur position syntagmatique et recommande de mener des enquêtes sur ce sujet dans des sociétés culturellement différentes, particulièrement en Afrique où leur étude a été trop longtemps négligée.Particles are little words that speakers use to signal the illocutionary force of utterances and/or express their attitude towards elements of the communicative situation, e.g. the addresses. This paper presents an overview of the classification, meaning and use of utterance particles in Ewe. It argues that they constitute a grammatical word class on functional and distributional grounds. The paper calls for a cross-cultural investigation of particles, especially in Africa, where they have been neglected for far too long.
- La focalisation - Bernard Caron p. 205-217 La focalisation a pour fonction la rhématisation d'un terme ou d'un circonstant d'une relation predicative. Dans un énoncé focalisé, l'assertion porte sur l'identification du terme focalisé, la relation predicative elle-même restant hors assertion. Dans cet article, on explore les marques formelles de la focalisation: position syntaxique, morphèmes d'identification, conjugaisons spécifiques. Le fonctionnement sémantique de la focalisation est également abordé en réfutant les notions d'emphase, ancien, présupposé, et contraste.Focus functions as the rhematization of a term or circumstance in a predicative relation. What is asserted in an utterance with focus is the identification of the focus, while the predicative relation itself remains outside the scope of assertion, In this paper, the formal exponents of focus are studied : word order, identifying morphemes, alternative conjugations. It is further argued that the concepts of emphasis, old or presupposed information, and contrast are not adequate to account for the semantics of focus.
- Réflexions sur la négation dans quelques langues africaines - Raphaël Kabore, Suzy Platiel, Suzanne Ruelland p. 219-230 Après avoir présenté, à travers des exemples extraits de divers articles, la complexité formelle de l'expression de la négation dans quelques langues africaines, nous mettons l'accent sur sa fonction énonciative, notamment la négation comme marqueur de l'altérité.This article purports to give an overview of negation in a few African languages, through examples borrowed from many articles. We have chosen to dwell upon a number of aspects, mainly the complexity of negation, and the relationship between negation and alterity.
- Le mythe des "séries verbales" - Alain Delplanque p. 231-250 La série verbale est ici traitée comme un «syntagme verbal», prédicat unique assumé par deux verbes. L'effet de «série» provient d'une importance excessive accordée, dans la littérature, à la présence ou absence de morphèmes connecteurs entre les deux verbes qui la constituent. La comparaison systématique entre le dagara et le français permet d'imaginer que cette structure syntaxique est nécessaire à toute langue naturelle. L'unicité du sujet est la constante qui permet de distinguer syntagme verbal et séquence de propositions. Au delà, les deux verbes entretiennent divers degrés de «compacité», qui se manifestent par une dépendance variable de l'aspectualité et de l'assertion de l'un par rapport à l'autre. La typologie obtenue est finalement interprétée dans la perspective des opérations énonciatives.V1V2 construction is here treated as a «verbal phrase», a single predicate assumed by two verbs. The «serial» effect results, in current works, from over- concentration on the absence of linking morphemes between the two verbal constituents. The facts in Dagara are sytematically compared with those in French, which suggests that this syntactic structure is necessary to any natural language. Unlike the complex sentence, the two verbs in a VP share a common subject, by definition. Beyond this, they present different degrees of «compacity», according to the aspectual dependence and assertive dependence of the two verbs. The resulting typology is eventually interpreted in terms of operations of the speaker.
- Auxiliaires et auxiliarisation : l'exemple du tswana - Denis Creissels p. 251-265 Cet article analyse dans le cadre de la théorie de la grammaticalisation divers aspects sémantiques, syntaxiques et morphologiques de l'auxiliarisation en Tswana (ou Setswana), langue bantoue parlée au Botswana et en Afrique du Sud.This article analyses within the framework of Grammaticalization Theory various semantic, syntactic and morphological aspects of auxiliarisation in Tswana (or Setswana), a Bantu language spoken in Botswana and South Africa.
- Le système aspecto-modal du Hawsa - Mahaman Bachir Attouman p. 267-284 Le hausa (langue tchadique) n'a pas de marqueurs morphologiques de temps, mais trois marqueurs d'aspect (stricto sensu) et deux marqueurs aspecto-modals). L'accompli, l'inaccompli et la visée ont chacun deux formes qui ne sont pas simplement en distribution complémentaire, mais ont des valeurs intrinsèques qui traversent tout le système aspecto-modal. Les formes I traduisent la valeur d'occurrence ouverte et sont associées à la thématisation (ou topicalisation), tandis que les formes П traduisent la valeur d'occurrence fermée et sont associées à la focalisation.The verbal system of Hausa (a chadic language) is not marked for tense, but has three aspect markers and two markers of aspect-modality. The markers for completive, incompletive and aimed at process have two forms each. These are not merely in complementary distribution. Forms I indicate an open list of occurrences and are associated with topicalisation, while forms II indicate a closed list of occurrences and are associated with focalisation.
- L'expression du lieu dans les langues africaines - Claire Grégoire p. 285-303 Les substantifs bantous sont répartis dans des classes nominales qui se manifestent par un préfixe et déterminent des accords. De même, la localisation s'exprime par la préfixation d'un morphème qui relève de l'une des trois ou quatre classes qu'on appelle «locatives». La forme obtenue est un nom qui signifie, selon la classe choisie, «la surface de..», «le lieu occupé par..» ou «l'espace intérieur à..». Elle peut exercer diverses fonctions, et notamment celle de sujet. Entièrement différent d'un système qui utilise des prépositions, le système qui exprime la localisation en bantou présente des aspects syntaxiques et sémantiques encore mal connus. Il se fonde sur une perception des entités et des relations qui est tout à fait différente de celle que manifestent les langues indo-européennes.In the Bantu languages, nouns are distributed among different «nominal classes» which are characterized by a prefix and by the type of concord they govern. In such a system, localization is expressed by the prefixation of a morpheme belonging to one of three or four «locative classes». The output is a noun meaning either «the surface of ...», «the place occupied by ...» or «the inner space of ...» depending on the selected class. This noun can fulfil different functions in the sentence and in particular that of subject Such a system is completely different from a system using prepositions. Not much is known about its semantic and syntactic aspects. It is based on a conception of entities and relationships which is totally different from that expressed by the Indo-European languages.
- La phrase complexe : l'exemple du gbaya - Paulette Roulon-Doko p. 305-319 L'auteur examine les différents types de subordination attestés en gbaya, langue oubanguienne de la République Centrafricaine. Elle montre tout d'abord l'importance du système de conjugaison aspecto-modal et ses implications, au de-là d'une apparente parataxe, dans l'organisation du discours en termes d'expression d'une dépendance syntaxique. Puis elle présente l'ensemble des subordinates et la façon dont ils structurent le champ conceptuel des relations de dépendance explicitement marquées. Enfin elle examine le fonctionnement du subordinatif de but há qui, exprimant un objectif posé par le locuteur-sujet et manifestant sa volonté, se distingue des autres types de dépendance syntaxique.The author describes the different forms of subordination in Gbaya, an oubanguian language of the Central African Republic. She first shows the importance of the aspecto-modal forms of the verb and the role it plays in the organization of speech to express syntaxic dependences although it seems only paratax. Then she presents all the subordinative markers and the way they structure the conceptual field of syntaxic dépendances explicitely told. After that she examines the purpose marker há which, representing an aim for the speaker-subject and showing his will, is different from the others types of syntaxic dependences.
- Procédés de cohésion dans le discours - Thomas Bearth p. 145-159
III. Les mots : construction et fonctionnement
- Les idéophones : le cas du bambara - Gérard Dumestre p. 321-334 Les idéophones, ici définis par une double particularisme, phonétique et sémantique, se caractérisent aussi par leur grande variabilité ainsi que l'incapacité à être dérivés ou composés. Parmi l'ensemble des idéophones, qui comporte des éléments de diverses catégories, il existe en bambara une classe d'adverbes expressifs, dont l'un des traits essentiels est d'être dans un rapport de compatibilité restreinte avec les éléments prédicatifs.Idéophones which are defined here by a double specificity, semantical and pbonetical, are also characterized by a great variability linked with the impossibility to be derived or composed terms. Among the idéophones that can belong to various grammatical categories, there is in Bambara a specific class of expressive adverbs whose essential characteristic is to be in a restrictive compatibility with the predicates.
- Je pense et je parle comme je suis (le corps, le monde et la parole en tupuri) - Suzanne Ruelland p. 335-358 Le tupuri, langue Adamawa-Eastern à la frontière du Tchad et du Cameroun marque une localisation par un ton amalgamé à un lexeme nominal. Dans la paradigme des "prépositions, le ton affecte souvent un nom désignant une partie du corps qui peut alors prendre un effet de sens non seulement spatial mais aussi temporel, voire traduire des concepts abstraits. Trois de ces localisateurs suivis d'une conjonction introduisent aussi des subordonnées à valeur temporelle, causale ou explicative.Tupuri, an Adamawa-Eastern language spoken in Tchad and Cameroun marks a spatial localization by a high tone amalgamated to a nominal. In the paradigm of what is commonly known as "prepositions", the high tone affects parts of the body which then locate not only in space but also in time and may. refer to abstract notions. Three of these "localizers" when followed by a conjunction introduce subordinate clauses with reference to time, cause and explanation.
- La réduplication - Raphaël Kabore p. 359-376 La réduplication est analysée dans son fonctionnement et surtout dans ses valeurs. A partir de considérations théoriques, on montre comment les différentes valeurs peuvent être ramenées à deux valeurs principales, à savoir, les valeurs cumulatives et les valeurs lacunaires.Reduplication is here analysed both in its form and function. Theoretical considerations are then suggested to explain how it works and how the various and apparently conflicting values stem from cumulative and gap values.
- La dérivation verbale dans une langue bantu atypique : le cas du küküa - Christianne Paulian p. 377-390 La dérivation verbale par suffixation est une des caractéristiques des langues bantu classiques; elle permet de changer l'orientation du verbe, le nombre et le rôle de ses participants. Cet article montre comment des contraintes phonologiques fortes, liées à la présence d'un accent d'intensité sur l'initiale des radicaux, ont entraîné, en kttkiia (B77a), la disparition de toute dérivation verbale vivante. Des traces subsistent pourtant d'une dérivation ancienne, comme l'atteste l'existence de paires verbales figées présentant, entre les deux éléments de chaque paire, des variations systématiques du sens et de la forme; ces verbes ont subi une évolution phonétique qui les rend, parfois, méconnaissables et. toujours, insegmentables. L'article donne, ensuite, quelques indications sur la façon dont le kuktia a surmonté les difficultés syntaxiques qui auraient pu résulter de l'évolution phonologique.Verbal derivation by suffixation is a familiar trait of the classical Bantu languages; it serves to change the orientation of the verb, or the number and roles of its arguments. In the present article it is shown that in Ktikila (B77a) strong phonological constraints, linked to the presence of a stress-accent on the root initial, have resulted in the loss of all productive verbal derivational morphology. Frozen relics of the old morphology remain in the form of pairs of verbs which are systematically related both in form and in sense, but the members of these pairs have undergone phonological changes which have obscured the relationship between them and made it impossible to segment the original suffixes. The syntax of the language has compensated for the loss of morphology in various ways, obviating some of the confusion that could have arisen as the result of phonological evolution.
- Fonctionnement morphologique et interprétation sémantique d'un système classifîcatoire : l'exemple du peul - Aliou Mohamadou p. 391-405 Le système classificatoire peul, qui compte 26 classes nominales toutes variantes confondues, se singularise morphologiquement par les degrés de ses classificateurs. Il a sémantiquement fait l'objet de plusieurs tentatives d'interprétation (approches conceptualiste, lexicologique et en système de genres multiples). Ces demarches ne tiennent pas suffisamment compte de l'articulation en deux unités des consistants nominaux (radical + classificateur). L'une des approches alternatives présentée ici se réfère à la théorie de renonciation et interprète les classificateurs comme des marqueurs quantitatifs-qualificatifs.The morphological specificity of the Fula classifying system (which numbers 26 classes in general) is the grades of its suffixes. Semantically, the interpretation of this system has been the subject of several attempts (conceptualist, lexicological, and as a multiple genders system). These approaches do not take enough in consideration the articulation or the nominal constituant in two units (radical + classifier). The alternative approach within the utterance theory presented here considers the classifiers as quantifying-qualifying markers.
- Les idéophones : le cas du bambara - Gérard Dumestre p. 321-334
IV. Les sons : tons et phonèmes
- Systèmes prosodiques africains : une source d'inspiration majeure pour les théories phonologiques multilinéaires - Annie Rialland p. 407-428 Cet article présente les systèmes prosodiques africains dans leur diversité en même temps qu'il montre comment ils ont pu être une source d'inspiration majeure pour la formation et le développement des théories phonologiques multilinéaires.This paper presents an overview of the diversity of African prosodie systems, showing how their study has provided a major source of inspiration in the formation and development of multilinear models of phonology.
- Evolution des systèmes prosodiques dans les langues bantu : de la typologie à la diachronie - Gérard Philippson p. 429-440 A cause de leur diversité, les langues bantu constituent un très bon champ d'expérimentation des théories sur les tons. Non seulement des langues très proches manifestent des différences frappantes dans les réalisations tonales des termes apparentés, mais les procédés tonals révèlent une variété semblable (redoublement tonal, changement tonal, anticipation tonale, etc.). Cet article essaye de démontrer que la plupart de ces procédés peuvent être analysés en appliquant les mêmes règles et que les langues de cette famille manifestent un 'glissement' interne vers des systèmes à accentBantu languages have proved a good testing ground for tonal theories, due to their diversity. Not only do closely related languages show striking differences in their tonal realisations for cognate items, but tonal processes exhibit a similar variety (tone doubling, tone shift, tonal anticipation, etc.). The article endeavors to show that many of these processes can be analysed with identical rules, and that languages of this family evidence an internal 'drift' towards accent systems.
- Le ton bas de la consonne sonore forte dans quelques langues africaines - Zakari Tchagbalé p. 441-454 Le ton est une entité suprasegmentale dont l'objet est de distinguer les unités lexicales entre elles. Dans une langue utilisant le ton à cette fin, un ton non- lexical peut naître du contexte phonétique. Il perturbe alors la chaîne des tons lexicaux. L'article montre que certaines perturbations tonales que des analyses qui s'en tiennent aux tons lexicaux ont du mal à expliquer sont dues à l'action d'un bas lié à la consonne sonore forte.Tone is a suprasegmental entity used to distinguish lexical unities. In a tone language, a non-distinctive tone can be raised by the context This kind of tone disturbs the lexical tones in the spoken chain. The paper shows that some of the tonal perturbations badly explained by classic analysses which consider only lexical tones are due to a low tone tied to the fortis voiced obstruent.
- Le statut du ton bas en masa (Tchad) - Antonio Melis, Suzy Platiel p. 455-466 Comme dans de nombreuses langues africaines, le masa présente un abaissement tonal après obstruantes sonores; mais il a ceci de particulier que cette règle ne s'applique que pour l'un des deux tons — le registre bas — et seulement sur la première syllabe. Ceci nous a amenés à considérer que l'opposition se faisait plutôt entre un ton marqué de registre haut et un ton non marqué de registre bas, soumis à l'influence de la consonne. Par ailleurs, pour expliquer l'influence de la seule consonne initiale de mot, nous proposons comme hypothèse que celle-ci s'est appliquée à un système antérieur organisé en schemes tonals avec accent sur la première syllabe.As in many African languages, after voiced obstruants, the tone is lowered. But this occurs only on the first syllabe of the words and is limited to the low level. For these reasons, it seems more adequate to consider that the opposition is between a marked and a non marked register. Moreover, in order to explain why it is only the initial consonant that influences the tone, we suggest as an hypothesis that this rule has been applied upon a former system organized in tonal schemes with an accent on the first syllabe.
- ATR, ouverture et arrondissement vocaliques dans quelques systèmes africains - Raphaël Kabore, Zakari Tchagbalé p. 467-490 Après avoir examiné un système vocalique ayant perdu les voyelles -ATR (i et u), nous considérons plusieurs types d'harmonie vocalique : l'harmonie ATR, l'harmonie ATR associée à l'harmonie d'arrondissement et enfin, une harmonie ATR et d'ouverture qui se manifeste quelque peu différemment dans trois dialectes d'une même langue.This paper deals with vowel harmony in a few african languages. First we consider a language that has lost -ATR i and и . We then proceed to consider three other types of languages : one with only ATR harmony, a second with both ATR and lip rounding harmony and finally a third language the three dialects of which behave slightly differently as regards ATR and height harmony.
- Les alternances consonantiques en mooré - Norbert Nikièma p. 491-501 Les alternances consonantiques observées en mooré ont lieu le plus souvent à la frontière entre le radical et les consonnes suffixales suivantes. Elles peuvent résulter de processus de renforcement, d'assimilation ou d'affaiblissement pouvant aboutir à l'amuissement Certaines alternances rendent compte de variations dialectales ou sont morphologiquement conditionnées. Un bon nombre restent cependant sporadiques et non régies par des règles déterminables.Alternations between consonants in Mooré often take place at the morpheme boundaries between roots and subsequent suffixes. They may be the result of strengthening (processes), assimilatory (processes) or weakening processes leading to deletion. Some alternations account for dialectal variation or are morphologically conditioned. A good number of them are sporadic and do not appear to be rule governed.
- Systèmes prosodiques africains : une source d'inspiration majeure pour les théories phonologiques multilinéaires - Annie Rialland p. 407-428