Contenu du sommaire : 50 ans
Revue | Cahiers d'études africaines |
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Numéro | no 198-199-200, 2010 |
Titre du numéro | 50 ans |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation du premier numéro des Cahiers, janvier 1960 - Fernand Braudel p. 373-374
- Au fil des Cahiers - Jean-Loup Amselle p. 375-381
Disciplines
- L'expérience de l'ethnologue et le problème de l'explication - Georges Balandier p. 383-395 Les problèmes de l'explication en ethnologie sont traités sous trois aspects :l'expérience associée à la recherche est déterminante par son mode de définition de l'objet, ses procédés d'enquête, son affirmation de spécificité ;la pratique ethnologique du terrain conduit à faire le choix entre deux formes d'explication, l'une, indigène, recherche la « connaissance profonde » construite par l'« observé », l'autre, savante peut-on dire, modélise son propre système explicatif ;enfin, l'ethnologie est considérée comme un détour explicatif, qui éclaire autrement les faits examinés par des disciplines voisines, la sociologie notamment.Ce traitement des problèmes de l'explication ethnologique exige une mise en perspective, une présentation des « écoles » qui ont défini l'espace ethnologique à partir du XIXe siècle, une évaluation de ce que chacune d'elles a voulu apporter. Enfin, la relation établie entre ethnologie et sociologie est traitée pour ébaucher une science de l'actuel et de ses turbulences.The Ethnologists' Experience and the Problem of Explanation
Three aspects of explanatory issues in ethnology are dealt with here:experience related to research as a determining factor in how the object is defined, in the conduct of surveys and claims of specificity ; ethnological practice in the field that requires a choice to be made between two types of explanation, one indigenous seeking “in-depth knowledge” constructed by the observed subject, and the other we might call “scholarly”, that models its own, explanatory system ; lastly, ethnology viewed as an explanatory detour that sheds a different light on facts examined by related disciplines, notably sociology. In dealing with explanatory problems in ethnology we place the issue in perspective, present the various “schools” that have defined ethnological space from the 19th century, and evaluate the intended contribution of each one. Lastly we deal with the relationship established between ethnology and sociology in order to outline a science of the present with all its turbulence. - Au coeur de l'Afrique - Françoise Héritier p. 397-404 Dans cet entretien avec Caroline Broué sur France Culture publié par les Éditions de l'Aube en 2008, Françoise Héritier retrace les chemins personnels et les cheminements intellectuels qui l'ont conduite à devenir une africaniste et une anthropologue de la parenté.In the Middle of Africa
In this discussion with Caroline Broué on France Culture published by Éditions de l'Aube in 2008, Francoise Héritier recalls the personal and intellectual ways which drived her to become an Africanist and an anthropologist of kinship. - L'Afrique comme pictogramme : Un continent souvent réduit à ses contours - Éloi Ficquet p. 405-418 L'Afrique, en tant que catégorie signifiante, se présente souvent comme une évidence d'ordre iconique. En quelques traits, par le tracé de ses contours côtiers, sa forme est immédiatement reconnaissable. Elle s'impose à l'esprit, constituant une unité tangible. En proposant de longer les contours de la carte de l'Afrique, cet article ouvre quelques pistes de réflexion sur la nature de cet objet graphique et explore ses incidences sur d'autres domaines de représentations. La lecture d'un planisphère, image aplatie et réduite du monde, est fondée sur une distinction de quelques grands sous-ensembles, les continents. Cette vision simplifiée est devenue un arrière-plan de l'imaginaire largement partagé et indiscuté, qui a notamment servi de châssis aux conceptions réductrices concernant l'Afrique en tant que totalité indifférenciée.Africa, as a Pictogram
Africa, as a signifying category, is often expressed as an icon. In few strokes, through the drawing of its coastal outline, its shape can be immediately recognized. It becomes obvious, being a tangible entity. Making out the layout of the map of Africa, this paper puts forward views on this graphic object and explores its implications on other domains of representation. Reading a planisphere, a flattened and reduced picture of the world, induces a distinction between few large land masses, the continents. This simplified view has become the uncontested background of the modern understanding of the globality. It composed a framework for the simplistic idea of Africa as an indifferentiated whole. - Le culturalisme traditionaliste africaniste : Analyse d'une idéologie scientifique - Jean-Pierre Olivier de Sardan p. 419-453 Si les comportements des agents de l'État en Afrique sont si peu conformes aux normes officielles, ce serait parce qu'ils suivraient des normes sociales issues pour une bonne part de leur culture ancestrale... Cet argument n'est jamais fondé sur des analyses historiques fines, mais il est régulièrement réaffirmé, sous des habillages théoriques divers, comme par exemple en science politique avec les travaux récents de Schatzberg et de Chabal et Daloz.Dans un premier temps, la notion de « culture africaine » est ici analysée comme un haut lieu de projection de clichés et de stéréotypes, sans ancrage empirique, qui prennent la forme d'une idéologie scientifique qu'on pourrait appeler le « culturalisme traditionaliste africaniste » (cta), procédant par l'oubli des contre-exemples et ignorant la multiplicité des répertoires et des logiques sociales, comme la complexité et l'hétérogénéité des sociétés locales ou des mondes professionnels, et privilégiant les seules dimensions exotiques pour un regard occidental (parenté, ethnie, forces occultes). Dans un deuxième temps, c'est l'histoire même du concept de « culture » dans le champ spécifique de l'anthropologie et de la sociologie qui est examinée de façon critique. La réorganisation sémantique de ce concept par Talcott Parsons et Clifford Geertz a pavé la voie à l'idéologie culturaliste moderne, en décrochant le concept de ses ancrages empiriques antérieurs, et en l'insérant dans une dichotomie « tradition vs modernité ». Dans un troisième temps, un usage alternatif mesuré, empiriquement fondé, du concept de « culture », est proposé, aussi éloigné que possible du culturalisme : une culture est un ensemble de pratiques et de représentations dont des enquêtes auront montré qu'elles étaient significativement partagées par un groupe (ou un sous-groupe) donné, dans des domaines donnés, et dans des contextes donnés. Loin des généralisations abusives, on met alors l'accent sur les systèmes d'interactions, et les cultures locales, institutionnelles ou professionnelles, avec leur plasticité, leur syncrétisme, leur diversité, leur ambivalence.Africanist Traditionalist Culturalism
If African civil servants do not behave in accordance with official standards, it is because they follow social norms that mainly derive from their ancestral culture... While that argument is never based on detailed historical analysis, it is nevertheless regularly asserted in various theoretical guises, as for instance in political science in recent works by Schatzberg, Chabal and Daloz.Here we first analyse the notion of “African culture” as the focus point for projecting clichés and stereotypes without empirical foundations that form a scientific ideology we call “Africanist traditionalist culturalism” (ATC). This conveniently forgets counter-examples and ignores the numerous social repertories and logics, such as the complexity and heterogeneity of local societies and professional communities, and only emphasizes the exotic aspects for Western viewpoints (relationships, ethnic groups, supernatural forces, etc.). Next, we carry out a critical examination of the history of the concept of “culture” in the specific fields of anthropology and sociology. The semantic reorganisation of this concept by Talcott Parsons and Clifford Geertz paved the way for modern culturalist ideology by detaching the concept from its former empirical roots and inserting it into a “tradition vs. modernity” dichotomy. Lastly we suggest a moderate alternative usage of the concept of “culture”, which has empirical foundations and is as far removed as possible from culturalism. A culture is a set of practices and representations that surveys have shown to be significantly shared by a given group (or sub-group) in a given area and in a given context. Setting aside excessive generalizations, we emphasize systems of interaction and local, institutional or professional cultures, with their own malleability, syncretism, diversity and ambivalence. - Cardinal Directions : Africa's Shifting Place in Early Modern European Conceptions of the World - Robert Launay p. 455-470 Les analyses des premières représentations européennes modernes de l'Afrique du XVIe au XVIIIe siècle ont trop souvent cherché à définir les origines du racisme européen plutôt que de comprendre ces représentations dans leur propre contexte. En fait, les représentations de l'Afrique et des Africains n'ont souvent été qu'un épiphénomène de la compréhension européenne de leur propre place dans le monde. Au XVIe siècle, le schéma prédominant était une variante des théories des humeurs et des climats d'Hippocrate. Les régions du monde étaient classées selon un axe nord/sud correspondant aux climats froids et chauds, l'Afrique étant reléguée sans ambiguïté à la zone chaude. Au XVIIIe siècle, un schéma alternatif se concentre sur l'axe est/ouest contrastant entre les empires (sinon le « despotisme ») asiatiques et la « sauvagerie » américaine. La place de l'Afrique dans ce schéma était fondamentalement ambigüe, permettant les représentations des Africains, comme des « sauvages », ou comme des quasi « Asiatiques ».Analyses of early modern European representations of Africa have sought to pinpoint the origins of European racism rather than to understand such representations in their own context. In fact, depictions of Africa and Africans were often an epiphenomenon of European understandings of their own place within the world as a whole. In the sixteenth century, the predominant schema was a variant of Hippocratic theories of humors and climates. Regions of the world were classified in terms of a north/south axis corresponding to cold and hot climates, with Africa unambiguously relegated to the hot zone. The eighteenth century saw the elaboration of an alternative focus on the east/west axis, in terms of a contrast between Asian empires (if not “despotism”) and American “savagery”. Africa's place within this scheme was fundamentally ambivalent, allowing representations of Africans either as “savages” or as quasi-Asians.
- L'osmose des regards : Anthropologues et historiens au prisme du terrain - Mamadou Diawara p. 471-505 L'article vise à montrer que toute recherche universitaire sur le terrain place son sujet face aux réalités concrètes qui transcendent, sinon diffèrent des données livresques. Il interroge l'actualité d'une question qui suscite un certain inconfort chez les anthropologues et les historiens. Ces spécialistes, même du cru, proviennent d'horizons très divers. Dans la plupart des cas, ils vivent en Occident, ou bien ils deviennent étrangers dans leur propre pays, une fois devenus ou nés citadins, aux prises avec « l'ordre du discours » (Foucault) occidental, coupés de la vie du village ou de celle du quartier. L'ordre universitaire d'acquisition du savoir qu'intériorise le chercheur est confronté aux normes locales. Suivant une perspective diachronique, le texte s'efforce de montrer et d'analyser la problématique de la proximité du terrain en comparant le phénomène observé en Afrique à celui qui a cours en Asie du Sud et dans les Amériques. À cet effet, l'article décrypte deux perspectives dont les tenants s'enferment dans « l'historicisme » et parfois le « présentisme », deux syndromes apparemment contradictoires. Il scrute attentivement quelques thèmes récurrents du domaine, à savoir le dogme de la distance, le regard singulier de l'ethnologue, la réflexivité. Il apparaît que le regard de l'anthropologue et de l'historien autochtone sur son terrain se révèle un regard multicentré. Sont à l'œuvre plusieurs regards, plusieurs compétences. Le regard singulier et multicentré de chacun des deux observateurs étant par définition insuffisant pour rendre compte de cette complexité, plusieurs points de vue sont en concurrence. L'osmose des regards permet de cerner au mieux l'objet de l'analyse.The “Osmosis of the Gazes”. The aim of the article is to show that academic field research, once it situates its subject within the concrete realities of the field, will transcend, if not challenge, theoretical findings of scholarly books. The article tackles an ongoing debate that gives rise to a certain discomfort among anthropologists and historians. These specialists, even the local ones/those who have studied in their own country, have different scholarly backgrounds. In most cases, they have come to live in the West, or they became foreigners in their own country when they began to live in an urban environment or were born there battling with the western “orders of discourse” (Foucault), cut off from life in the village or neighbourhood. The academic order of knowledge which the researcher has internalized will then in the field be confronted with the local norms. Applying a diachronic perspective, the text analyzes the problem of proximity on the ground by comparing this confrontation observed by the author in Africa with similar experiences in South East Asia and the Americas. It attempts to decode two perspectives in which the supporters close themselves off into apparently two contradictory syndroms: “historicism” and “presentism”. It also examines closely other current themes in the field: the dogma of distance, reflexivity, and the specific perspective of the anthropologist. Both, the anthropologist and local historian appear to apply a multicentered perspective, and a range of viewspoints and competences. The specific gaze of each of these observers alone is by definition insufficient to describe this complexity, because several competing viewpoints are needed in the process. The article suggests that the “osmosis of the gazes” permits a better understanding of the subject in question.
- Réinventer les ruralités : La diaspora burkinabé en Italie dans la reconfiguration des territoires ruraux : l'exemple de Beguedo - Benoit Hazard p. 507-528 À partir d'une enquête menée sur le thème des diasporas dans la reconfiguration des ruralités du Burkina Faso, ce texte propose de réévaluer les débats historiographiques autour de la place des migrations dans la construction des terroirs dont les Cahiers d'Études africaines se firent l'écho au début des années 1960. Plutôt que d'envisager la migration comme un épiphénomène de l'organisation des terroirs, je propose de réévaluer ce champ à partir d'un questionnement sur le rôle d'une diaspora burkinabé installée en Italie dans la reconfiguration des espaces ruraux du Burkina Faso. Ce questionnement mobilise mes recherches portant sur l'historicité de la mobilité dans ces « terroirs » et ouvre une voie pour approcher les ressorts des mutations contemporaines des territoires ruraux de la province du Boulgou (centre-est du Burkina Faso). Partant de l'étude des recompositions d'un espace rural observé dans la ville émergente de Beguedo, je reviens sur les résultats d'une enquête récente au cours de laquelle l'emprunt des « méthodes terroirs » a permis de mieux apprécier la manière dont les diasporas agissent sur les ruralités.Respacing Ruralities
From a survey on the topic of diasporas in the transformation process of rural areas of Burkina Faso, this paper reassesses the historiographical debate about the migration in the construction of land whose Cahiers d'Études africaines became the echo in the early sixties. Rather than looking at migration as an epiphenomenon of local societies, I propose to question the role of Burkina diasporas moved to Italy in the reconfiguration of rural areas of Burkina Faso. I mobilize my research on the history of “terroir on the move”. It opens a way closer to the springs of contemporary changes in rural areas in the province of Boulgou (central eastern Burkina Faso). From the study of the emerging city of Beguedo, I examine a recent survey in which the “terroir methods” have been mobilized to understand how diasporas act on ruralities.
- L'expérience de l'ethnologue et le problème de l'explication - Georges Balandier p. 383-395
Africanismes
- Dernière séance - Emmanuel Terray p. 529-544 Après avoir dressé un « état des lieux » de l'anthropologie française au début des années 1960, l'auteur évoque les principales étapes de son parcours de chercheur : son travail en pays dida, puis en pays abron. Il rappelle quelles étaient alors les orientations dominantes : histoire, économie, politique, et quels furent à ses yeux les principaux acquis de la période. Il s'interroge pour conclure sur la situation actuelle de la discipline.Last Show
After drawing up an “inventory” of French anthropology in the early 1960s, the author looks at the main stages of his career as a researcher and his work among the Dida and the Abron. He looks back at the main historical, economic and political trends, and what he considers to be the main lessons of that period. He concludes by reflecting on the present situation of anthropology. - Pluridisciplinarité et naissance de l'histoire africaine de langue française : Les Cahiers d'Études africaines 1960-1976 - Catherine Coquery-Vidrovitch p. 545-556 Créés en 1960 avec les indépendances africaines, les Cahiers d'Études africaines furent d'emblée une revue interdisciplinaire animée par le petit groupe convaincu et novateur des directeurs d'études de cette aire culturelle. Parmi eux, Henri Brunschwig, qui refusa le concept d'ethno-histoire, assuma avec ténacité le rôle redoutable de créer le champ disciplinaire histoire de l'Afrique qui n'était alors pas reconnu par la communauté historienne dans son ensemble et guère par les autres disciplines, comme l'anthropologie ou même la géographie. Il fut en partie mal compris car la discipline, qui souffrait d'hériter de l'histoire coloniale stricto sensu, restait à inventer. On lui reprocha aussi, déformant sa pensée, d'être hostile aux sources orales. Il n'empêche : la revue contient un nombre élevé d'articles historiques, et le numéro spécial épistémologique de 1976 couronna ses efforts ; désormais le champ disciplinaire avait acquis droit de cité, couvert par des historiens professionnels aussi bien africains qu'européens.Multidisciplinarity Approach and Birth of Francophone African History
The Journal Cahiers d'Études africaines appeared the same year as francophone African independence occurred. It at once aimed at pluridisciplinary studies. A limited team made of convinced and audacious Directeurs d'études gathered around this new cultural area. Among them, the historian Henri Brunschwig denied any pertinence to the concept of ethno-history lauched at the time by Hubert Deschamp. Brunschwig was in charge to create the French disciplinary field of African history, at a time when neither other historians nor other social scientists, such as anthropologists or even geographers, were convinced of the possibility of writing African history. The former argued that written sources were lacking, the latter were defiant because of the heritage of previous colonial history. Brunschwig was partly misunderstood by his colleagues. His thoughts were partly distorted, when he was accused to despise oral sources, at a time when oral tradition was especially enhauced. In spite of all, a large number of historical special issues and other papers were published in the Journal. The 1976 special issue, focusing on epistemological questions, demonstrates that francophone African history was definitely borne and written as well by European as by African historians. - Passer en revue ou être de la revue ? : Les cheminements périodiques d'un anthropologue africaniste - Jean Copans p. 557-580 L'auteur a publié son premier article en 1971 dans les Cahiers d'Études africaines. À l'occasion du cinquantenaire de cette revue, il examine les différents types de textes qu'il y a publiés pendant les vingt ans qui ont suivi son premier article (articles, notes, commentaires, comptes rendus). Il met en lumière, d'une part, les politiques éditoriales qui ont forgé l'identité de la revue au fil du temps et, d'autre part, les influences sur sa propre pensée des revues intellectuelles et politiques françaises des années 1950-1970, ainsi que celles des nouvelles revues en sciences sociales nées à partir des années 1960. Il essaie de trouver une explication au fait qu'il n'y a publié que des écrits relevant globalement de la sociologie de la connaissance et aucun texte présentant ses travaux de recherche de terrain. Son implication dans plusieurs comités de lecture de revues de sciences sociales, son rôle de codirecteur de collections d'ouvrages de même que ses engagements idéologiques et académiques expliquent partiellement ce cheminement périodique paradoxal.The Periodic Progresses of an Africanist Anthropologist
The author published his first paper in the Cahiers d'Études africaines in 1971. He takes on the celebration of the fifty years of the journal to review the different kinds of paper he has published in the Cahiers during the twenty following years: papers, notes, comments, book reviews. He puts forward on the one hand the various editorial policies that have forged the journal's identity and on the other the influences that the french intellectual and political journals of the 1950-70's and the new academic social science journals created after 1960 have had on his ideas and writings. He tries to explain why he has mostly published in this journal papers or comments dealing with the domain of sociology of knowledge and no real presentation of his fieldwork researches. Explanations might be found in his involvement with other social science journals, his role as the director of several book collections or even his ideological and political commitments. - Une « Afrique fantôme » ? : L'Éthiopie, les études éthiopiennes et la Corne de l'Afrique dans les Cahiers d'Études africaines - Alain Gascon p. 581-594 Présente dans les débuts des Cahiers, la Corne de l'Afrique est absente de la table des matières de la moitié des numéros de la revue, notamment pendant les troubles révolutionnaires. On ne note pas la même éclipse dans les grandes revues africanistes, certaines, il est vrai, plus directement spécialisées dans les études de cette région d'Afrique. Toutefois, cette disparition tient à l'attrait exercé par les États de l'ex-empire colonial, considéré d'un abord plus « facile ». Cet effacement résulte également du lent déclin de l'influence de la France et du français en Éthiopie depuis la guerre italo-éthiopienne. On assiste depuis la chute des dictatures à un regain d'intérêt (et des publications) des chercheurs dans la Corne de l'Afrique, spécialement avec la fondation du Centre français des études éthiopiennes.A “Phantom Africa”?
Although the Horn of Africa was present in the early days of the Cahiers, it was absent from on the table of contents of half the issues of this review, notably during the period of revolutionary unrest. The same absence was not observed in other major Africanist journals, some of which are more specifically devoted to this region of Africa. The reason for this region's disappearance lay in researchers' attraction to countries in the former colonial empire, that were initially perceived as “easier” to approach. It was also a result of the gradual decline in use of the French language and French influence in Ethiopia following the Italian-Ethiopian war. Since the fall of the dictatorships there has been a renewal of interest in (and in publications on) the Horn of Africa, especially with the establishment of the Centre français des études éthiopiennes. - Le Mali, un puits tari de l'africanisme ? - Anne Doquet p. 595-618 Partant de la position particulière qu'a occupé le Mali dans la recherche africaniste française, cet article tente de mesurer l'éventuel épuisement ou les prolongements actuels et à venir de la perspective dynamique lancée par Balandier. L'incontournable cas dogon montre en premier lieu que si ces dernières années deux ouvrages se sont remarqués pour leur analyse novatrice, peu de travaux sur les Dogon ont suivi la voie ouverte par Balandier. L'article se penche ensuite sur les travaux de trois importants auteurs inscrits dans la filiation de Balandier : Meillassoux, Bazin et Amselle. Il est montré que les deux premiers ont concentré leurs recherches sur l'étude des dimensions politico-économiques des sociétés dites « traditionnelles », laissant de côté toute une part de la perspective dynamiste qui prônait l'étude des champs d'expériences politiques et économiques nouvelles. Recourant également à l'histoire, le troisième auteur a en revanche produit une série de textes portant sur les aspects les plus contemporains des sociétés maliennes. Néanmoins, malgré les travaux de Jean-Loup Amselle conjugués à la production spécifique de quelques anthropologues, les recherches sur les dynamiques sociopolitiques du Mali se sont longtemps caractérisées par une certaine errance, même si différents programmes collectifs mis en œuvre après 2000 semblent augurer de nouveaux regards anthropologiques. Rappelant un texte d'Alain Ricard plaidant pour la mise en textes des discours et l'analyse des performances culturelles, ainsi qu'une remarque de Georges Balandier à propos des décalages existants entre les aspects « officiels » de société et la pratique sociale, l'article appelle finalement à une anthropologie de ces décalages qui ne peut-être menée à bien qu'à travers le décalage du regard anthropologique lui-même, qui devrait se concentrer sur les nouvelles pratiques sociales et culturelles dont le Mali regorge.Is Mali Africanism's Dry Well?
Starting from Mali's specific place in French Africanist research, this article attempts to gauge whether the dynamic perspective launched by Balandier will run out of steam or what its current and future continuations might be. The inevitable Dogon case shows that while two works have marked the past few years by their innovative analysis, little research on the Dogon has followed the path opened up by Balandier. This paper then looks at the works of three major followers of Balandier, Meillassoux, Bazin and Amselle. The former two focused their research on the study of the political-economic aspects of so-called traditional societies, leaving aside an entire section of the dynamist perspective that advocated the study of new fields of political and economic experience. However, the latter, Jean-Loup Amselle, also used history to produce a series of papers on the most contemporary aspects of Malian society. Nevertheless, despite Amselle and the specific works of several other anthropologists, research into the socio-political dynamics of Mali has long been characterised by a certain aimlessness, even through since 2000 a number of collective programmes seem to be inaugurating new anthropological perspectives. Recalling a paper by Alain Ricard which pleaded for writing about the discourse and analysis of cultural performances, in addition to a remark by Georges Balandier about the existing discrepancies between the “official” aspects of society and social practice, the article concludes by calling for an anthropology of those very discrepancies that can only be carried out through the very discrepancy of the anthropologists' stance, and should focus on the new social and cultural practices that abound in Mali. - Une « voie ignorée » des études africaines d'Alain Locke à Melville Herskovits et Ralph Bunche - Anthony Mangeon p. 619-656 Cet article revisite les différents projets de voyage ou de recherche africanistes développés par Alain Locke, dans la première moitié du XXe siècle, et il s'interroge sur les raisons de leurs échecs successifs à l'Université d'Howard. Basée sur diverses archives, et sur des rééditions récentes, cette enquête historique vise à replacer le développement des African Studies dans leur contexte institutionnel et politique, tout en soulignant certains rapports de force et certaines filiations méconnues. Si les études africaines et afro-américaines sont, aux États-Unis, étroitement associées au nom de Melville Herskovits, ce dernier doit beaucoup à la démarche théorique et aux problématiques culturalistes initiées par Alain Locke et divers africanistes noirs américains. Mais en se focalisant, parallèlement, sur les diverses situations coloniales du monde noir, certains spécialistes afro-américains en sciences sociales ont également exercé une certaine influence dans la réforme des systèmes coloniaux : la carrière internationale de Ralph Bunche s'inscrit par exemple dans le prolongement des projets africanistes d'Alain Locke. En définitive, les relations entre Locke, Herskovits et Bunche révèlent quelques tensions inhérentes au projet afro-américain d'études africaines, et constitutives de l'opposition entre africanisme et afrocentrisme.“The Road not Taken” of African Studies: From Alain Locke to Melville Herskovits and Ralph Bunche
This paper presents the different travels and african studies projects proposed by Alain Locke during the first half of the twentieth century, and it explores the reasons behind their successive failures at Howard University. Based on archival work and recent editing of diverses manuscripts, this historical survey aims at replacing the development of African Studies in their institutional and political context, while underscoring unequal terms and underrated relations between black and white scholars. If African and African-American Studies are closely related to Melville Herskovits' name in the United States, the american anthropologist borrowed much from Alain Locke and other black Africanists. While focusing on different colonial situations of the black world, some african-american social scientists also influenced the reforming of colonial systems: the international career of Ralph Bunche can thus be seen for example as a concrete extension of Alain Locke's africanist projects. In the end, the relationships between Locke, Herskovits and Bunche reveal some characteristics of the african-american idea and practice of african studies, as well as some tensions between africanism and afrocentrism.
- Dernière séance - Emmanuel Terray p. 529-544
Afriques
- Approche des « Amériques noires » : De la sociologie à l'anthropologie des sociétés métissées - Marie-José Jolivet p. 657-676 Cet article traite des Créoles et des Noirs marrons de Guyane d'abord examinés sous l'angle de leurs oppositions réelles ou présumées. Dans les années 1960, figuraient encore, d'un côté, une société créole vivant sur la bande côtière en relation étroite avec le monde des Blancs et, de l'autre côté, des sociétés marronnes, implantées au cœur de la forêt amazonienne et jugées « primitives » comme les sociétés africaines dont elles étaient censées être le prolongement. La première relevait donc de l'approche sociologique alors dévolue aux sociétés occidentalisées, les secondes d'une ethnologie traditionnellement réservée aux sociétés estimées « pures », car exemptes de toute « contamination » occidentale. Au cours des décennies suivantes, l'élargissement du champ de l'ethnologie aux sociétés occidentales et l'arrivée, en France, d'une anthropologie débordant son précédent cadre purement « physique » pour investir le social, le culturel ou l'économique a sensiblement modifié la donne ; il fallait désormais prendre en compte le monde afro-américain sur de tout autres bases. L'article montre alors comment, à la nécessité première d'une sociologie du monde créole de Guyane, s'est progressivement substituée celle d'une anthropologie de la créolisation, engageant une approche à la fois plus large et plus étroitement comparative des Créoles et des Marrons, dans un contexte migratoire de plus en plus prégnant.The “African Americas” Approach
This article deals with Creoles and Maroons of French Guiana, who were first studied in the light of their real or perceived differences. In the 1960s there was still a Creole society living on the coastal strip with close ties to the White world, and Maroon societies living in the heart of the Amazonian forest and deemed to be “primitive”, like the African societies they were considered to be the extension of. The Creoles were therefore the subject of the sociological approach then applied to Westernised societies, while the Maroons were the subject of an ethnology traditionally reserved to societies perceived as “pure”, because free of any Western contamination. However, over the following decades, ethnology was extended to Western societies and in France anthropology developed beyond its previous, purely “physical” boundaries to include society, culture and the economy, which considerably changed matters. It became necessary to consider the African-American world on an entirely different basis This article shows how the original need for a sociology of the Creole world in French Guiana, was gradually replaced by an anthropology of “Creolization”, which uses a broader approach and compares Creoles and Maroons more closely in an increasingly relevant migratory context. - « Question noire » et mémoire de l'esclavage - Michel Giraud p. 677-706 Ce texte est une réaction contre la racialisation croissante des phénomènes sociaux qui est opérée aujourd'hui dans la société française en général et dans les sciences sociales en particulier. Une tendance dont l'émergence d'une « question noire » et d'un des principaux corollaires de celle-ci (au moins pour ce qui est des populations des départements d'Outre-mer), l'activation d'une mémoire de l'esclavage des «nègres», sont ici considérées comme un exemple des plus significatifs.Cette tendance se développe au risque que soient occultés ou, pour le moins, travestis les enjeux, les stratégies et les mécanismes proprement sociaux qui sont au fondement des discriminations racistes qu'affrontent effectivement les « Noirs » en France et que soient finalement brisées — sous le poids de la concurrence de victimes de l'histoire exigeant réparation — les solidarités transcommunautaires de diverses sortes qui, seules, peuvent enrayer ces discriminations et les dynamiques les déterminant.Elle a pour un de ses principaux moteurs des stratégies d'élites qui, toutes, consistent à constituer le racialisme en un moyen d'ascension sociale. Des stratégies dans lesquelles et pour lesquelles des groupes d'individus — convenablement dotés en capitaux de différentes sortes (économique, culturel et « racial ») — se révèlent donc particulièrement aptes à capter à leur seul profit les mobilisations identitaires ou mémorielles qu'ils ont souvent contribué à déclencher mais dont d'autres, moins bien dotés, forment la grande masse des fantassins.Concernant les populations des départements d'Outre-mer, les stratégies en question sont portées par des élites nationalistes ou indigénistes en mal de reconnaissance et renvoient à une même logique argumentative qui, sous couvert d'une dénonciation de l'aliénation coloniale (sous les espèces de « l'aveuglement à la couleur » ou de « l'oubli généralisé de l'esclavage »), est opposée à tous ceux qui, désireux de construire une citoyenneté française enfin « véritable », ne veulent pas se laisser enfermer dans « le piège de la race » ou dans celui d'une mémoire sacralisée du passé servile.The “Black Question” and Memory of Slavery
This paper is a reaction against the growing “racialization” of social issues occurring today in French society in general, and in the social sciences in particular. The emergence of a “black question” is one of the main corollaries of this trend (at least where populations in the French overseas departments is concerned). Here we consider that activating a memory of “negro” slavery it one of the most significant examples. The risk of this trend developing is that it may conceal (or at least misrepresent), the issues, strategies and purely social mechanisms that are the cornerstone of the racial discrimination to which “blacks” in France are subjected, and that the trans-community solidarity of various kinds that alone can curb these discriminations, and the dynamics that determine them, will collapse under the weight of the competing victims of history demanding reparation. Among the driving forces of this trend are the elite strategies that consist of making racism a means of social advancement. Using these strategies, groups of individuals — properly equipped with various kinds of capital (economic, cultural and “racial”) — appear to be particularly adept at seizing for themselves the benefits of the identity or memorial mobilisation that they themselves often helped trigger, away from the mass of less well equipped “footsoldiers”.Where populations in the French overseas departments are concerned, these strategies are promoted by the nationalist elite or indigénistes in need of recognition, and refer to the same argumentative logic that, under guise of denouncing colonial alienation (of the “colour blindness” or “the widespread forgetting of slavery” type) oppose all those who want to build a “true” French citizenship at last and do not want to be ensnared by the “race trap”, or a sanctified memory of a servile past. - Une forme d'africanisation au Brésil : Les quilombolas entre recherche anthropologique et expertise politico-légale - Véronique Boyer p. 707-730 L'abondante production sur les quilombos ne se limite pas, au Brésil, au milieu universitaire. Car, depuis la promulgation de l'article 68 de la Constitution de 1988, les anthropologues sont de plus en plus sollicités en tant que spécialistes par les institutions de l'État chargées d'appliquer les nouvelles politiques publiques concernant les groupes sociaux appelés quilombolas. L'article se propose d'examiner le rôle qu'entend jouer la discipline à l'interface des groupes sociaux et de l'État ainsi que les effets de l'institutionnalisation de cette ligne de recherche. Dans ce nouveau contexte, le dialogue que les chercheurs ont noué avec les juristes, pour donner des fondements scientifiques à une catégorie administrative, est représentatif des moyens qu'ils veulent se donner pour mener à bien cette tâche. Mais il révèle aussi les malentendus qui ne manquent pas de surgir quand l'anthropologie entend parler d'une même voix que l'État. Le choix de s'impliquer dans les luttes de classifications n'est en outre pas sans conséquence sur les analyses développées par l'anthropologie en tant que discipline scientifique.A Type of Africanization in Brazil
The numerous studies of the Quilombos in Brazil, are not restricted to academic research. Since the promulgation of Article 68 of the 1988 constitution, anthropologists are increasingly called upon to advise state institutions in charge of implementing the new policies governing the social groups known as Quilombolas. This paper attempts to examine the role of anthropology at the intersection of these communities and the state, as well as the impact of institutionalising this line of research. In this new context, the dialogue that has opened up between researchers and lawyers to provide scientific foundations for an administrative category, is representative of the means that have been allocated to the task. However, it also reveals the misunderstandings that occur when anthropology attempts to speak with the same voice as the state. The decision to get involved in classification battles is impacting the analyses developed by anthropology as a scientific discipline. - L'Afrique a-t-elle perdu le Nord ? : Le Maghreb et ses dichotomies coloniales - Mustapha El Qadéry p. 731-754 Les études coloniales ont participé au développement des sciences sociales et humaines qui leur doivent de nombreuses théories en vigueur aujourd'hui. L'Afrique du Nord française a été annexée aux études arabo-islamiques, l'aire actuelle du Middle East Studies. L'Afrique occidentale française fait partie aujourd'hui des African Studies, loin de l'orientalisme malgré les manuscrits et l'islam dit noir. Pourtant, ce qui est devenu aujourd'hui le Maghreb, de facto arabe, ne pourrait trouver sens dans la connaissance historique et culturelle que dans une double perspective méditerranéenne et africaine. Comment donc ce Maghreb est-il devenu arabe par la magie des canevas des Affaires indigènes ? Comment les dichotomies coloniales continuent-elles à structurer le champ du savoir relatif à cette zone, dont le passé, entre Afrique et Europe, continue à susciter débats et réflexions.Does Africa Loose the North?
Colonial Studies have participated to the development of humanities and social sciences. Many current theories are from this period studies. Former French North Africa annexed to the Arab Islamic Studies known today as a part of the Middle East Studies Area. Former French West Africa is a part of African Studies today, far from orientalism in spite of the so-called Black Islam and its manuscripts. Nevertheless, what is called the Maghrib—Implicitly Arab—today can't be understood without looking forward its Mediterranean and African perspective on his history and cultural pasts. How the Maghrib became Arabic by the magic of Natives Affairs Administration decisions? How a colonial dichotomy continues to be a definitive scientific perspective for this region, within the past between Africa and Europe stills confused?
- Approche des « Amériques noires » : De la sociologie à l'anthropologie des sociétés métissées - Marie-José Jolivet p. 657-676
Postcolonialismes
- L'ontologie négative de l'Afrique : Remarques sur le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar - Charles Kounkou p. 755-770 Le Discours de Dakar, qui dénie l'historicité à l'Afrique, vise au moyen de ce déni à justifier la colonisation de l'Afrique et à établir, à la faveur de l'appel en vue de la création de l'Eurafrique, la nécessité de la domination de l'Europe en Afrique. Dans cette perspective, le Discours de Dakar élabore une ontologie négative de l'Afrique qui se récapitule non seulement dans l'anhistoricité, mais aussi dans une temporalité réduite aux seules extases du passé et du présent.Negative Ontology of Africa
The Dakar speech, which denies historicity to Africa, aim to justify Africa colonization and to establish, under cover appeal for creation of Eurafric, necessity of Europe domination in Africa. From this point of view, the Dakar speech built negative ontology of Africa that we can recapitulate in non-historicity and in temporality abridged to past and present ecstasies. - Quelque chose de pourri dans le post-empire : Le fétiche, le corps et la marchandise dans le Mémorial de Brazza au Congo - Florence Bernault p. 771-798 Le mémorial pour Savorgnan de Brazza au Congo ouvre de nombreuses questions qui ne se limitent pas aux politiques néo-coloniales de la France (et du Congo) dans cette région de l'Afrique équatoriale. Cet article retrace les principaux enjeux politiques du transfert des restes de l'explorateur au Congo avant de s'interroger sur le statut du corps humain dans les manœuvres des États modernes et sur le rôle des fétiches occidentaux et africains. Il en profite pour critiquer les interprétations classiques de la biopolitique (Foucault), de la notion de sacré appliquée à la personne humaine (Agamben), et du sacré comme inéchangeable (Godelier et Warnier). En conclusion, c'est la notion même de fétichisme de la marchandise (Marx) qui est critiquée et étendue à une théorie nouvelle : celle du caractère marchand des fétiches.Something's Rotten in the Post-empire
The Memorial for Savorgnan de Brazza in Congo-Brazzaville opens up numerous questions that transcend the neocolonial politics at bay between France and the Congo. This article examines some of the main political meanings of the explorer's remains' transfer to the Congo, before questioning the role of the human body as a fetish in modern politics. In doing so, the author discusses the conventional interpretations of biopolitics (Foucault), of the sacred status of people (Agamben), and of the idea of the sacred as belonging to the sphere of the non-exchangeable (Godelier and Warnier). Finally, she criticizes and extends the theory of commodity fetishism (Marx) by showing that fetishes themselves have always been produced and exchanged as commodities. - Le Mausolée Brazza, corps mystique de l'État congolais ou corps du « négatif » - Joseph Tonda p. 799-821 Le Mausolée Brazza, corps mystique de l'État congolais, s'inscrit dans une logique profondément sacrificielle des avatars de la souveraineté coloniale en postcolonie. Blancs et Noirs, francs-maçons et chrétiens, intellectuels et populations sont convaincus de l'utilité de son non-sens social ou biopolitique : les Blancs qui ont pris une part active à sa construction le croient sans doute plus efficace, pour servir leurs desseins et intérêts, que les hôpitaux, les dispensaires, les médicaments, l'eau et l'électricité qui manquent à la majorité des Congolais ; les Noirs y voient le lieu de leur sacrifice pour servir les intérêts des Blancs et de leurs agents et supplétifs noirs ; les intellectuels y voient une « folie congolaise », tandis que les chrétiens y voient la figure du diable et de la mort au service des francs-maçons. Le sacré et le sacrifice s'imposent dès lors comme le fondement du sentiment partagé de l'utilité de la mort, de la folie et du non-sens. Or, ce sentiment de l'utilité de l'inutile, de la folie et de la mort traduit la réalité de la biopolitique et du fétichisme du Souverain moderne, pouvoir du « négatif » ou du diable, cet « esprit que Dieu aime ».The Brazza Mausoleum, Mystical Embodiment of the Congolese State, or Embodiment of the “Negative”The Brazza mausoleum, the mystic embodiment of the Congolese state, is part of a profoundly sacrificial logic of avatars of colonial and postcolonial sovereignty. Whites and Blacks, Freemasons and Christians, intellectuals and ordinary people are convinced of the usefulness of this social and biopolitical non-sense. The Whites who took an active part in its construction no doubt believe that their designs and interests are better served by it that by the hospitals, dispensaries, medicine, water and electricity the majority of Congolese people desperately need. The Blacks see it at the place of their sacrifice to better serve the interests of Whites and their black agents and auxiliaries. Intellectuals see it as a sign of “Congolese madness”, while Christians see in it the face of the Devil and of Death in the service of Freemasonry. The sacred and sacrifice therefore impose themselves as the foundation of a shared sentiment of the usefulness of death, madness and non-sense. In fact, this feeling of the usefulness of what is useless, of madness and of death is the expression of the reality of biopolitics and the fetishism of the modern Sovereign, “negative” power or that of the Devil, that “spirit which God loves”.
- Intersections et trajectoires : Les études francophones et la théorie postcoloniale - Dominic Thomas p. 823-841 L'objectif que nous proposons consistera à interroger l'histoire longue et compliquée de la France avec l'Afrique, de manière à mettre en relief les composantes et les contributions africaines aux études francophones, à souligner l'importance des modèles théoriques africains et à explorer et remettre en question la manière dont les études francophones et postcoloniales ont partagé, contesté, et même joui d'un terrain discursif de proximité sous l'égide d'une vaste gamme d'alignements disciplinaires aux États-Unis. Ce cadre nous permettra de retracer les nouvelles coordonnées et trajectoires intellectuelles de ces domaines et d'évaluer leur utilité et leur pertinence dans le processus de déballage des divers phénomènes culturels.Intersections and Trajectories
Our purpose is to query France's long and complex relationship with Africa, and to highlight the African components and contributions to Francophone studies. We will stress the importance of African theoretical models and explore (as well as challenge) the way French and postcolonial research has shared, contested, and even enjoyed, a close discursive terrain in the United States under the aegis of a vast range of disciplinary combinations. This framework will enable us to describe new orders and intellectual trajectories in these areas and evaluate their use and relevance to the process of unravelling a number of cultural issues. - L'Afrique peut-elle être « décrochée » de l'Occident ? - Jean-Loup Amselle p. 843-851 Il s'agit, à travers ce thème, d'examiner avec les intellectuels, les chercheurs et les universitaires africains les rapports entre les différentes parties du monde, plus particulièrement entre l'Occident et l'Afrique, notamment dans le domaine de la pensée et de la philosophie.À partir d'enquêtes menées au sein de différents sites de production intellectuelle africains dont le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), ainsi que grâce à de nombreux contacts et échanges avec les chercheurs et les intellectuels africains, on a pu déduire que, en dépit de divergences fondamentales entre les différents courants de chercheurs, l'Afrique ne pouvait pas et ne devait pas être décrochée de l'Occident et vice versa.Dès lors, il semble inconcevable d'enfermer la pensée ou la philosophie dans des cases géographiques ou des notions telles que « la philosophie africaine », « la philosophie occidentale », « la philosophie indienne », « la philosophie chinoise », etc.En s'appuyant sur l'œuvre de Michel Foucault, en particulier, on s'emploiera à montrer qu'il n'existe pas de différences significatives entre les théories européennes (« la guerre des deux races ») et les théories africaines du pouvoir.Can Africa be “disconnected” from the West?
The idea is to examine, together with African intellectuals, researchers and academics, the relationship that various parts of the world and especially the West, have with Africa, especially in the domains of thought and philosophy. From surveys carried out in several African intellectual bodies, including the Council for the Development of Social Science Research in Africa (Codesria), as well as our numerous contacts and exchanges with African researchers and intellectuals, we deduced that, despite the fundamental differences between research trends, Africa cannot, and should not, become disconnected from the West and vice-versa. Consequently, it appears inconceivable that thought or philosophy should be enclosed in geographical boxes, or notions such as “African philosophy”, “Western philosophy”, or Indian, Chinese, etc. Using Michel Foucault's work in particular, we will endeavour to show that there are no significant differences between European theories of power (“the war of races”) and African ones.
- L'ontologie négative de l'Afrique : Remarques sur le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar - Charles Kounkou p. 755-770
Religions
- Espace et sacralité - Marc Augé p. 853-856
- Ceci n'est pas une confrérie : Les métamorphoses de la muridiyya au Sénégal - Jean-Pierre Dozon p. 857-879 Tout en proposant une mise en perspective de l'abondante littérature consacrée à la muridiyya ou au mouridisme au Sénégal, notamment en indiquant qu'elle constitue à elle seule une assez bonne grille de lecture de près de cinquante ans d'africanisme, cet article vise à démontrer que le terme par lequel ce mouvement religieux est communément défini, celui de confrérie ou de tariqa, ne lui convient pas ou ne lui convient plus. Par ses multiples développements économiques, territoriaux, urbains, transnationaux, par ses diverses entreprises institutionnelles, mémorielles et politiques, mais aussi par ses diverses tensions internes, le mouridisme prend la forme d'une cité-État grandissante au sein de la nation sénégalaise, exemplifiée par la cité sainte de Touba, alors que, de son côté, le pouvoir d'État, de plus en plus informalisé sous l'actuelle présidence d'Abdoulaye Wade, semble assez nettement lui emprunter.This is not a Brotherhood
This article aims to place the abundant literature devoted to the Muridiyya and Mouridism in Senegal into perspective, notably by indicating that it constitutes a fairly good lens through which to view nearly 50 years of Africanism. In doing this we also aim to demonstrate that the term commonly used to define this religious movement — namely as being a brotherhood or tariqa — does not suit it, or at least no longer suits it. Through its numerous economic, territorial, urban and transnational developments, its range of institutional, memorial and political undertakings, as well as its many internal tensions, is becoming a growing city-state within Senegal, exemplified by the holy city of Touba. Under the presidency of Abdoulaye Wade, state power is becoming increasingly informal and clearly seems to be borrowing from Mouridism. - La preuve de Dieu par les Pygmées : Le laboratoire équatorial d'une ethnologie catholique - André Mary p. 881-905 Cette contribution porte sur la production à la fois savante et militante d'une ethnologie catholique au service d'une anthropologie apologétique prenant le contre-pied de la culture universitaire et scientifique de son époque. Les travaux de Mgr Le Roy et du R. P. Trilles sur la religion « primitive » des Pygmées d'Afrique équatoriale sont une des applications du programme initié par Wilhelm Schmidt, le fondateur de la revue Anthropos et le père du monothéisme primitif. Cette ethnologie religieuse engagée par des missionnaires, connaissant le terrain, visait à faire des campements de « nos petits Négrilles » une sorte de « terrain apologétique ». Elle participe de la surinterprétation ethno-théologique des données ethnographiques mais elle est minée dès le départ par la contradiction d'une démarche qui vise à apporter la preuve sur le terrain ethnographique d'un dogme théologique. Elle s'est déconstruite d'elle-même en provoquant le grand rire des Pygmées pris en otage par Dieu et ses pères. La réhabilitation ambiguë des écrits de la Science des pères sur fond de relativisme oblige à poser le problème du recours au faux ethnographique dans cette entreprise apologétique.The Pygmies' Proof of God
This paper deals with Catholic ethnology research, both knowledgeable and militant, at the service of apologetic anthropology that took the opposing view to that held by the academics and scientists at the time. The works of Mgr Le Roy and R. P. Trilles on the “primitive” religion of the Pygmies in equatorial African is one application of the programme launched by Wilhelm Schmidt, father of primitive monotheism and the founder of the review Anthropos. The religious ethnology carried out by missionaries who knew the field, aimed to turn camps of “our little picaninnys” into a kind of “apologetic terrain”. It contributed to the ethno-theological over-interpretation of ethnographic data in that period, but was undermined from the start by the contradiction that lay in an approach aiming to provide proof of a theological dogma in ethnology. It deconstructed itself by provoking the amusement of the Pygmies themselves, hostage as they were to God and his priests. The ambiguous rehabilitation of the works of the Science des Pères against a relativist backdrop, requires us to raise the issue of using false ethnography in this apologetic enterprise. - L'islam au sud du Sahara. Une saison orientaliste en Afrique occidentale : Constitution d'un champ scientifique, héritages et transmissions - Jean-Louis Triaud p. 907-950 L'Afrique occidentale française a connu une « saison orientaliste », qui couvre une période allant des années 1890 aux années 1920. L'hypothèse a été émise d'une influence déterminante des modèles de l'« École d'Alger » et des Bureaux arabes. L'article relativise cette hypothèse « diffusionniste » et montre plutôt comment, passé le moment des premiers influx venus du Maghreb, un orientalisme proprement « sénégalo-soudanais » se met en place à l'initiative de trois hommes, Houdas, Delafosse et Gaden, qu'une commune passion pour l'érudition textuelle et les dictionnaires et un intérêt personnel pour les cultures africaines réunissent. Cette « saison orientaliste » fut d'abord l'entreprise volontaire de ces trois acteurs coloniaux motivés, une conjonction singulière qui n'a pas eu de continuateurs immédiats. Plus encore que les institutions algériennes, c'est l'École des Langues orientales de Paris qui apparaît comme une matrice commune.Ce groupe savant considère alors le champ subsaharien, non comme une périphérie, mais comme une province culturelle particulière avec sa propre centralité. « Les populations, auxquelles on est tenté de refuser toute initiative en matière de progrès, ont une civilisation propre qui ne leur avait pas été imposée par un peuple d'une autre race [...] » (Houdas 1898). La théorie de l'« islam noir », au début du xxe siècle, est une formulation allant dans le même sens, même si ce groupe n'en est pas l'auteur direct. Cette théorie, qui vise à couper l'islam subsaharien des tuteurs arabes, vise tout autant à autonomiser l'étude de cet islam par rapport au monopole alors exercé par les tuteurs orientalistes du Maghreb. Les tenants de cette revendication d'autonomie scientifique cherchent à promouvoir une revalorisation culturelle des sociétés subsahariennes, une attention aux textes locaux comme instruments d'habilitation d'une histoire et d'une ethnographie de ces sociétés, et l'adoption de concepts adaptés à ce terrain. Cependant, ce décentrement du savoir islamologique accumulé au Maghreb ne va pas de soi, aussi bien pour les arabisants du Maghreb que pour les ethnologues de l'Afrique subsaharienne. L'action de ce groupe savant se distingue, en outre, de l'expertise proprement coloniale d'« Affaires musulmanes », incarnée, entre autres, par Paul Marty. Une telle expertise, qui tient parfois lieu de bibliothèque de référence, à défaut d'une bibliothèque orientaliste diversifiée, a aussi servi de repoussoir, en rendant l'objet « islam » suspect — aussi bien aux yeux des chercheurs de l'époque qu'à ceux de la période des indépendances. Cette littérature de surveillance a contribué à entretenir l'idée que la « question islamique » relevait d'autres paradigmes que ceux des « Études africaines ».La fin de l'article met en perspective la chaîne des héritiers, du côté francophone, notamment, en un premier temps, dans le domaine des études peules, et, du côté anglophone, par la relève qui s'opère dans le catalogage extensif de manuscrits subsahariens.Cette reconnaissance des chaînes de transmission jusqu'à l'époque actuelle, ainsi que le nouveau transfert qui s'opère du côté africain (Hampâté Bâ), témoigne des liens et des ruptures qui existent entre cette première « saison orientaliste » et celle qui se développe, de façon multiforme et plus éclatée, à partir des années 1960.Islam South of the Sahara: An “Orientalist Season” in West Africa
French West Africa had an “Orientalist season” in the period running from the 1890s to the 1920s. A hypothesis was raised about the determining influence of the “Algiers School” and the Arab Bureaux. This article places this “diffusionist” hypothesis into perspective and shows instead that, after the first North African influx a true Senegal-Sudan Orientalism was established at the initiative of three men, Houdas, Delafosse and Gaden, who shared a passion for textual erudition and dictionaries, as well as a personal interest in African cultures. At the outset this “Orientalist season” was a voluntary undertaking by these three motivated colonial actors, a remarkable union that lacked immediate successors. Their common matrix was the School of Oriental Languages in Paris, more than the Algerian institutions.This group of scholars viewed the sub-Saharan region not as a periphery but a specific cultural province with its own centrality. “Those populations to whom we have tended to deny any initiative in progress, have their own civilisations that were not imposed by them by a people from another race [...]” (Houdas 1898). The “Black Islam” theory in the beginning of the 20th century was a step in the same direction, even though this group did not instigate it directly. This theory, which aimed to cut sub-Saharan Africa off from its Arabic tutors, also tried to free the study of that Islam from the monopoly of the North African Orientalists. Proponents of this demand for scientific independence sought to promote a cultural re-evaluation of sub-Saharan societies, a specific attention to local texts as instruments for the accreditation of the history and ethnography of those societies, and to adoption of concepts adapted to the field. However, it was no easy matter for the North African scholars, any more than for the ethnologists of sub-Saharan Africa, to detach Islamic scholarship from its North African centre. The action of this group of scholars stands out from the colonial expertise in “Muslim Affairs” as incarnated by Paul Marty among others. That expertise served as a reference library, in the absence of a diversified Orientalist library, but also as a foil by making “Islam” a suspect subject for researchers at the time as well as during the independence period. This literature de surveillance helped to perpetuate the idea that the “Islamic question” belonged to other paradigms than “African Studies”.The end of the article is devoted to placing the chain of heirs into perspective, notably francophone ones in the domain of Fula studies to start with, and then Anglophone research, which has followed on with an extensive catalogue of sub-Saharan manuscripts.By identifying the chains of transmission up to the present day, as well as the new transfer occurring on the African side (Hampâté Bâ), we show the connections and rifts that existed between that first “Orientalist season” and the one that developed in a multiform and more fragmented way after the 1960s. - Quand ethnologue et imam croisent leurs plumes : Récit d'un voyage au pays de l'anthropologie collaborative - Marie Miran p. 951-980 Cet article revient sur une expérience de co-écriture entre ethnologue et imam, dont le fruit est une longue étude parue dans les Cahiers d'Études africaines en 2009. Monologue réflexif du seul chercheur, l'article s'inscrit dans le genre des récits anthropologiques à la première personne, en privilégiant une posture (auto)critique contre l'écueil des excès narcissiques. Il retrace la généalogie de cette démarche dialogique, la rencontre sur le terrain béninois avec l'imam d'Allada El Hadj Akan Charif Vissoh, la réception de son récit de conversion à l'islam et les étapes post-terrain de la mise en écriture, refaçonnée à deux. Dans le même temps, il questionne les atouts et les limites de cette coproduction intellectuelle qui, en provoquant la poursuite du travail de terrain dans l'écriture et le renvoi du travail d'écriture vers l'interlocuteur sur le terrain, brouille les cartes entre interprète et interprété, outsider et insider, ethnologue et acteur religieux. L'article prend par ailleurs prétexte de l'exposé de cette aventure singulière pour esquisser un voyage de modeste encablure dans l'histoire, l'épistémologie et la méthodologie d'un courant ancien et longtemps marginalisé au sein de la discipline mais désormais en plein renouveau, celui de l'anthropologie collaborative.When Ethnologist and Imam Become Co-authors
This article comes back on a co-writing experience between ethnologist and imam, which produced a study published in the Cahiers d'Études africaines in 2009. Reflexive monologue from the researcher's point of view, the article comes within the genre of the anthropological tale in first person, against which excesses an (auto)critical posture is attempted. It narrates the genealogy of this dialogical approach, the encounter in the field in Benin with Allada's imam El Hadj Akan Charif Vissoh, the reception of his conversion's story, and the post-field stages of the putting-into-writing, jointly reworked by both co-authors in-the-making. At the same time, it questions the strengths and weaknesses of this intellectual co-production, which provokes the pursuit of fieldwork into deskwork and the sharing of the writing process with the field partner, thus clouding the traditional roles between interpreter and interpreted, outsider and insider, ethnologist and religious actor. Furthermore, the article takes occasion of the account of this singular adventure to engage in a modest journey into the history, epistemology, and methodology of an old and long marginalised trend within the discipline yet now revived : that of collaborative anthropology.
Politiques, humanitaire et médias
- Un dimanche à Kissidougou : L'humanitaire et l'Afrique du postcolonial au global - Michel Agier p. 981-1001 Cet article examine le contexte de l'intervention humanitaire en Afrique ces trente dernières années. Instaurant un nouveau type de relation, compassionnelle, suspicieuse et victimaire, entre Blancs et Noirs, l'intervention humanitaire crée dans le même temps ses propres espaces et situations caractérisés par l'exception, l'extraterritorialité et la relégation. L'analyse de cette présence de l'humanitaire en Afrique passe nécessairement par une interrogation sur la généalogie postcoloniale où elle se situe et qui lui donne, en partie au moins, son sens, alors même que le récit humanitaire se construit comme un des récits majeurs de la mondialisation. Alors que sa puissance se confirme comme idéologie et gouvernement des indésirables, le mouvement humanitaire traverse une crise face à laquelle certains prônent sa « désoccidentalisation », faisant écho à la polémique postcoloniale dans les sciences sociales.Sunday in Kissidougou
This paper examines the background to humanitarian intervention over the past thirty years. By establishing a new type of relationship between Whites and Blacks—one of compassion, suspicion and victimhood—humanitarian intervention has created its own spaces and situations, marked by exception, extraterritoriality and relegation. To analyse the humanitarian presence in Africa it is necessary to understand its postcolonial genealogy, which, to some extent, gives meaning to it, even as the humanitarian narrative is being constructed as one of the major narratives of globalisation. While its power lies in the ideology and governance of “undesirables”, the humanitarian movement is currently in crisis, leading some people to call for its “de-Westernization”, echoing the current postcolonial controversy in the social sciences. - L'Afrique à l'écoute : La France, l'Afrique et la radio mondiale - Thierry Perret p. 1003-1032 Radio de l'influence française en Afrique francophone, érigée en société autonome en 1975, RFI a fait l'objet d'une réappropriation singulière par les auditeurs africains, pour qui elle personnifie jusqu'à aujourd'hui une « voix de l'Afrique », attentive aux évolutions du continent, et professionnellement crédible. Depuis les années 1990, RFI a été entraînée dans la spirale des changements politiques de fond survenus sur le continent, et a dû concilier la double exigence d'une radio de souveraineté, conçue pour porter la vision française sur l'actualité, et d'une radio de service public où les acteurs, notamment politiques, de l'Afrique trouvent légitimement à s'exprimer dans leur combat pour la démocratie. Mission périlleuse, qui a créé des situations dangereuses pour les journalistes, tel Jean Hélène assassiné en Côte-d'Ivoire en 2003, périlleuse aussi dans les rapports quotidiens, parfois conflictuels, avec le pouvoir français. Média hors norme, qui a connu un développement important et une extension de sa couverture dans les années 1990-2000, RFI a été l'objet de nombreuses réformes qui ont parfois correspondu à des tentatives de reprise en main, et s'efforce toujours de trouver un équilibre entre sa mission d'information et son rôle de média dominant qui a longtemps entretenu une active coopération avec les médias africains. Des évolutions sont en gestation depuis 2008, dans le cadre de la nouvelle organisation de l'Audiovisuel de la France, qui sont passées en 2009 par une crise profonde de la chaîne.Africa Tunes, in France, Africa and the French Language World Broadcaster
Established as an independent company in 1975, Radio France Internationale (RFI), the radio of French influence in Africa, was massively appropriated by its African audience, for whom it came to personify a “voice of Africa” that followed events on the continent and was professionally credible. Since the 1990s, RFI was caught up in the spiral of political change in Africa and was obliged to reconcile two conflicting requirements, that of a national radio, created to transmit the French vision of current affairs, with that of a public service radio, in which African players, notably political ones, legitimately found expression for their democratic struggle. That hazardous task created dangerous situations for journalists, including such as Jean Hélène, who was murdered in Côte-d'Ivoire in 2003, and also jeopardized RFI's day-to-day (and often stormy) relations with the French authorities. This unusual radio station grew considerably from 1990 to 2000 and extended its coverage, but was subjected to several reforms, which sometimes were attempts to gain control over it. Nevertheless RFI pursued its attempts to balance its mandate to inform with its role as a dominant radio station that enjoyed active, long-standing cooperation with the African media. As part of the overhaul of the French audiovisual media, changes to RFI have been in the pipeline since 2008 and led to a serious crisis in the organisation in 2009. - Victimes à tout jamais. Les enfants et les femmes d'Afrique : Rhétoriques de la pitié et humanitarisme spectacle - Michela Fusaschi p. 1033-1053 Ces dernières années, l'anthropologie a développé une réflexion critique autour de l'action et de la raison humanitaire pour analyser le local et le global, voir le « glocal » en tant qu'ensemble. À partir de la représentation de l'Autre en tant que « victime écran », l'auteure propose d'analyser deux campagnes publicitaires d'ONG italiennes. La première opère dans le secteur de l'adoption internationale et mène des campagnes en faveur des enfants sorciers africains ; la seconde lutte pour les droits des femmes, contre l'excision. L'intention est de montrer comment ces organisations construisent une représentation d'une « humanité africaine », désormais à la dérive, constituée presque exclusivement de femmes et d'enfants. Pour ces ONG, la survie de ces femmes et de ces enfants, tant ici que là-bas, dépend totalement de leurs interventions inspirées d'une idéologie pédagogico-moraliste. C'est dans ce sens que les discours sur l'Afrique proposés au niveau médiatique en Italie sont strictement liés à une politique interne face à l'Altérité — les migrations —, et à certains sujets politiquement « brûlants » comme la famille et le rôle de la femme, l'adoption, les choix sexuels, les droits civils, etc.Predestined Victims. African Children and Women
During recent years Anthropology has developed a critical reflection upon humanitarian action and reason with the aim to analyse the local and the global, or rather, the “glocal” as an all. Starting from the representation of the Other as a “victim on the monitor”, the author proposes to analyze two advertising campaign of Italian NGOs. The first one operates in the field of international adoption and runs campaigns in support of African witch children; the second one fights for women rights against excision. The intent is to show how these organizations build a representation of a drifted “African humanity” made of women and children. From the point of view of these NGOs, the surviving of women and children, either here or there, depends from their actions that are inspired by a moral-pedagogical ideology. The debates on Africa that are proposed in Italy by the media are directly connected with an internal politics that is in front of Alterity—migration—and of some politically “burning” subjects like family, role of women, adoption and sexual choice, civil rights, etc. - La culture visuelle au sud du Sahara - Jean-Paul Colleyn p. 1055-1065 L'article s'attache à montrer comment les images « sur » ou « de » l'Afrique au sud du Sahara — quel que soit leur support — sont les témoins toujours vivants et toujours actifs d'une histoire en train de se faire. Des notions comme « image », « film ethnographique » et « Afrique traditionnelle » sont passées au crible de la critique. L'analyse de l'image est toujours sujette à tension entre universalisme et relativisme, mais depuis la conquête coloniale, la vie culturelle de l'Afrique peut être vue comme une longue lutte de reconquête de ses propres images. Les créateurs africains soulignent le besoin impérieux de sortir le cinéma africain de son ghetto élitiste, mais en même temps, pour certains cinéastes, la mère-patrie n'apparaît plus comme un lieu référentiel idéal. De son côté, la critique s'efforce de sortir des interprétations culturalistes et des obsessions biographiques pour étudier les films pour ce qu'ils sont : des œuvres contemporaines où se mêlent comme partout l'argent, la sexualité, le pouvoir et la religion dans une logique transculturelle.Visual Culture in the South of Sahara
The paper shows how the images of Africa, produced by outsiders as well as produced by insiders, are living traces of history. Complex notions such as “image”, “ethnographic film”, “traditions” have to be deconstructed. Image analysis is always subjected to a tension between universalism and relativism, but since the colonial conquest, the cultural life in Africa can be seen as a struggle for its own representations. African artists keep insisting on the need for breaking the elitist ghetto in which African cinema is trapped, but in the same time the motherland has ceased to appear as an ideal. The cultural critique tries to overcome the culturalist bias and the biographic illusions, to interpret films as cultural products where money, sexuality, power, and religion interact in a transcultural context. - Les biens publics mondiaux - Claude Freud p. 1067-1077 À partir des années 1980, les orientations de l'Aide publique au développement ont changé. En favorisant l'ouverture commerciale et le désendettement au détriment de la croissance, elles ont eu pour conséquence une réduction du volume de l'aide. Si on veut faire renaître un intérêt pour la croissance des pays en développement, dans le cadre imposé de la libéralisation économique mondiale, ce serait, selon l'annonce de J. M. Severino, lorsqu'il a pris la direction de l'Agence française de développement (AFD), de refonder l'aide sur le concept des « biens publics mondiaux ». Selon cette théorie, la pauvreté est considérée comme le résultat de l'imperfection des marchés ; par conséquent il faut proposer des remèdes pour combattre les imperfections et dysfonctionnements des marchés. Malgré la référence à la croissance économique comme fondement prioritaire de la réorientation de la coopération en matière d'aide, les remèdes proposés ne font référence qu'à la stabilité financière et non à l'investissement productif.Global Public Goods
From 1980s, the directions of official development assistance have changed. By promoting open trade and the reduction of the debt to the detriment of growth, they have resulted in a reduction in the volume of aid. If the target is to revive an interest in the growth of developing countries within the imposed world economic liberalization, it would be, according to the announcement of J. M. Severino, when he took the head of the French Development Agency (AFD), to re-found the aid on the concept of “global public goods”. According to this theory, poverty is being regarded as the result of the imperfection of the markets; consequently remedies should be envisaged to fight the imperfections and dysfunctions of the markets. Despite the reference to economic growth as a priority basis for cooperation regarding the development changes, the remedies proposed, only make reference to financial stability, not to productive investment.
- Un dimanche à Kissidougou : L'humanitaire et l'Afrique du postcolonial au global - Michel Agier p. 981-1001
Arts, langues, littératures
- Imaginaire collectif des Katangais au temps de la désindustrialisation. Regard du dedans et regard d'en dehors : La photographie de Sammy Baloji et le rap de Baloji Tshiani - Bogumil Jewsiewicki p. 1079-1112 Sammy Baloji et Baloji Tshiani, nés au Katanga (République démocratique du Congo) mais élevés respectivement à Lubumbashi et à Liège, expriment dans leur art (photographie et rap) l'urgente nécessité pour les jeunes Congolais à reprendre le contrôle de leur avenir. Sammy Baloji photographie les paysages désindustrialisés soulignant l'absence du travail industriel et des travailleurs, puis y superpose des images d'archives. Ces montages mettent en évidence la contribution des Africains à l'ancienne prospérité de la région, plutôt que l'apport colonial du capital et de la technologie. Restaurant la présence des bâtisseurs (ses grands-pères), il souligne l'urgence de surmonter la désindustrialisation et l'exclusion ethnique. Baloji Tshiani chante que puisque l'ancien temps ne reviendra pas, il faut saisir l'avenir.Social Imaginary in Katanga in Times of de-industrialization: Gazes from Inside and from Outside
Through haunting pictures of the Katanga's (Democratic Republic of Congo) post-industrial landscape, Sammy Baloji expresses the deep feelings of loss. Archival images of African workers juxtaposed against the ruins of factories and mines evoke the former prosperity and stress African workers' contributions crying out against deindustrialization. Sammy Baloji hopes to help his generation overcome the problems of deindustrialization and of ethnic exclusion. A “white man with frizzy hair”, as he calls himself, Baloji Tshiani is Sammy Baloji's cousin raised in Belgium. Recording artist, he sings “Certainly, you won't get back the old country, nor the old times”. The art of both Balojis suggests that young people should demand control over the future. - Singeries au Congo - Nicolas Martin-Granel p. 1113-1145 Le paradigme de la singerie est tentaculaire. S'il est de notoriété scientifique et médiatique que les grands singes, chimpanzés et gorilles, habitent, à côté des Pygmées, les forêts primaires du bassin du Congo considéré comme leur niche écologique naturelle, il est plus troublant de voir à quel point le primate habite aussi l'imaginaire des explorateurs, voyageurs et romanciers qui le prennent parfois comme personnage emblématique de leur remontée à la source du fleuve. Que leurs récits se penchent sur le berceau de l'humanité, se lancent à la poursuite du chaînon manquant, réfléchissent aux fondements de la violence et de la guerre, ou inventent un langage pour la première victime subalterne de l'homme, la passion de l'origine, aussi indistincte que fascinante, aboutit à confondre l'éthologie et l'ethnologie, à propager une vulgate évolutionniste, à réactiver les schémas de l'anthropologie physique ainsi que les clichés interculturels sur la race et la langue. Du « patois » au français en passant par le petit-nègre, de la pratique du « symbole » en vigueur à l'école coloniale à la théorie de la « symbiose » francophone, de la bestialité grégaire à la bêtise stéréotypée, le singe apparaît comme le signe crypté d'un éco-système mimétique, ne cessant de monter et descendre sur cet arbre qui cache les racines primitivistes et raciologiques du concept Congo.Monkey business in Congo
The monkey paradigm is a tentacular one. Both science and the media widely report that the major primates such as chimpanzees and gorillas live side-by-side with the Pygmies in the primeval forests of the Congo, considered to be their natural ecological niche. However, the extent to which monkeys also inhabit the imagination of explorers, travellers and writers, and are used by them as symbolic figures in their quest for origins, is far more disturbing. Whether investigating the cradle of civilisation, searching for the missing link, reflecting on the causes of violence and war, or inventing a language for man's first subordinate, the passion for origins—as hazy as it is fascinating—tends to confuse ethnology with ethology, to propagate an evolutionist vulgate, and reactivate principles of physical anthropology as well as inter-cultural clichés about race and language. From provincial dialects to French via petit-nègre pidgin, from the “symbols” of the colonial school to the theory of francophone “symbiosis”, and gregarious bestiality to stereotyped stupidity, the monkey is the encrypted sign of a mimesis ecosystem in which it continues to climb up and down the tree that conceals the primitivist and racial roots of the whole “Congo concept”. - Des immigrés aux artistes africains parisiens : Une migration sémantique récente - Abdourahman A. Waberi p. 1147-1161 L'émergence des artistes africains en France fut lente et ardue depuis les foyers insalubres des années 1960 jusqu'à leur récent relatif renom.From Immigrants to African Parisians Artists
This paper examines the long and difficult emergence of African artists in France from the filthy hostels immigrants to their recent and modest success. - De l'Afrique des langues à l'Afrique des discours : Les voix du langagiaire - Cécile Canut p. 1163-1189 La longue formation discursive du langage en Afrique, soit l'ensemble de la circulation des discours constituant le mode d'appréhension du langage, s'inscrit dans un dispositif scientifique régi par des rapports de pouvoir. L'élaboration des théories linguistiques issues du Nord contraint de manière déterminante les productions internationales aboutissant à une appréhension ethniciste et essentialiste du langage. Suite à la mise en perspective des discours sur les langues depuis la colonisation, cet article propose d'engager a contrario une anthropologie du langage en Afrique, visant à analyser les processus discursifs plutôt que de poursuivre la catégorisation des variétés ou des langues. L'exemple d'un événement discursif tel que celui des Journées ouvertes avec les travailleurs migrants expulsés et refoulés au Mali, organisées par l'Association malienne des expulsés et insérées dans le cadre d'une recherche multi-site sur la mise en mots des migrations maliennes, permet de tracer le cadre d'une étude de l'hétérogénéité langagière visant à dépasser des dialectiques postcolonialistes.From the Africa of Languages to the Africa of Discourse
The long discursive formation of language in Africa, meaning the body of disseminated discourse that constitutes the method for understanding language, is part of a scientific system governed by power relationships. Linguistic theories from the North have had a determining influence on international research and resulted in an ethnic-centred and essentialist understanding of language. After placing the linguistic discourses since colonisation into perspective, this paper attempts to take the opposing view by engaging in a linguistic anthropology of Africa aiming to analyse the discursive process rather than pursue the categorisation of language varieties. The example of a discursive element such the “Open days with deported migrant workers” in Mali, organised by the Malian Association of Deported Workers, viewed in the perspective of a multi-local research project into word formulation by Mali migrants, allows us to trace a framework for a study of linguistic heterogeneity that intends to go beyond post-colonial dialectics. - Africanisme français et littératures africaines : Continuités et discontinuités - Kusum Aggarwal p. 1191-1213 Paradoxalement, l'africanisme occidental, considéré en règle générale comme « la fille de l'impérialisme colonial », peut se concevoir également comme « le père fondateur de la littérature africaine moderne » dans la mesure où ces deux domaines de réflexion et de recherche sur l'Afrique s'enchaînent et s'entrecoupent systématiquement, et cela à plusieurs niveaux.Cet article a pour objet de souligner les filiations. Il s'organise en trois temps et interroge successivement le discours élaboré sur les sociétés et les cultures africaines depuis l'émergence de l'africanisme occidental jusqu'à la naissance, dans l'après-guerre, d'une littérature de langue française proprement africaine qui tente de créer une littérature-monde et d'inventer ainsi une nouvelle écriture africaine susceptible de transcender les contraintes de l'immobilité associées aux notions de territorialité et d'appartenance identitaire. Au-delà de l'analyse des perspectives africanistes développées dans le cadre de la recherche coloniale, on sera attentif à la façon dont certains écrivains et penseurs africains, de Senghor à Miano, de Hampâté Bâ et Mudimbe à Mbembe et Mabanckou, perçoivent leur relation à l'Afrique et à la notion de l'africanité. Au terme de cette analyse, on constatera effectivement que la prise en compte de l'africanisme occidental peut ouvrir de nouvelles perspectives pour comprendre la littérature africaine et l'enrichir.French Africanism and African Literature
Paradoxically, Western Africanism, though usually defined as the “daughter of colonial imperialism” may also be construed as “the founding father of modern African writing in French” since these two areas of thought and knowledge intersect and overlap systematically at several levels. This essay conceived with the primary objective of delineating interconnections that bind these two discursive constructions, is organized in three broad sections and successively interrogates discourses dealing with African societies and cultures from the time of its inception with the advent of Western Africanism until the rise of African writing in French during the post-war years, and the current endeavors at creating a World Literature and inventing a new literary idiom in a bid to transcend constraints of immobility associated with notions of territoriality and belonging. Other than Africanist perspectives developed in the context of colonial research, this essay will closely look at the ways in which African writers and thinkers from Senghor to Miano, from Hampâté Bâ and Mudimbe to Mbembe and Mabanckou perceive their relationship with Africa and ideas of Africanity. At the close of this reading, what may perhaps appear with some clarity is that an understanding of Western Africanism is crucial for an understanding of African literature, for not only does it hold the possibility of providing new critical perspectives, it also inhibits recourse to binaries that often tend to dominate interpretations of African literary works. - Les arts au creuset de la pensée congolaise contemporaine - Jean-Luc Aka-Evy p. 1215-1240 Dans le dégagement de la pensée africaine contemporaine à l'aube des indépendances des pays africains francophones, les écrivains, les artistes et les intellectuels congolais ont joué un rôle essentiel. Il s'agit de retracer ici, aussi précisément que possible, les temps forts de l'émergence de la pensée congolaise post-indépendance.The Arts in the Crucible of Contemporary Congolese Thought
In the evolution of contemporary African thought at the dawn of independence of francophone African countries, writers, artists and intellectuals congolese have played a key role. In this article, we'll trace a accurately as possible, the highlights of the emergence of contemporary congolese post-independence thought.
- Imaginaire collectif des Katangais au temps de la désindustrialisation. Regard du dedans et regard d'en dehors : La photographie de Sammy Baloji et le rap de Baloji Tshiani - Bogumil Jewsiewicki p. 1079-1112