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Revue | Politique étrangère |
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Numéro | vol. 68, no 3, 2003 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
2003, un tournant?
- Editorial - p. 477-479
- L'Amérique a redécouvert les limites de la puissance - Thierry de Montbrial p. 481-494 Les difficultés de l'après-guerre en Irak vont-elles infléchir la politique étrangère de l'Administration Bush ? Marquent-elles les limites — et lesquelles ? — de la puissance américaine ? La Chine et la Russie seront-elles les grandes puissances de demain ? Les Nations unies sont-elles aujourd'hui en crise et faut-il les réformer ? La France a-t-elle vraiment choisi de faire de la construction européenne l'axe de sa politique étrangère ? En confrontant les données de court terme aux tendances de long terme, Thierry de Montbrial replace l'année 2003 dans l'évolution générale du système international."America has Rediscovered the Limits of Power", by Thierry de MONTBRIAL Will the difficulties of post-war Iraq impact on the foreign policy of the Bush administration? Do they signal the existence of limitations to American power and if so, which are these? Will China and Russia become tomorrow's great powers? Are the United Nations in crisis and should the organisation be reformed? Has France truly decided to make the construction of Europe the axis of its foreign policy? Comparing short term data with long term trends, Thierry de Montbrial replaces the year 2003 within the context of the general evolution of the international System.
L'Amérique et l'Occident
- Pour une nouvelle stratégie américaine de paix et de sécurité - Zbigniew Brzezinski, Christophe Jaquet p. 495-506 Alors que la puissance américaine n'a jamais été si grande, les péripéties de la crise irakienne ont mis en lumière deux phénomènes préoccupants : la perte de crédibilité des Etats-Unis et leur isolement croissant sur la scène internationale. Cela s'explique par plusieurs raisons : le manichéisme d'une Administration qui utilise la peur pour conduire sa politique étrangère ; l'absence d'une définition claire et concrète des nouvelles menaces ; la brutalité avec laquelle sont traités les vieux alliés européens ; les erreurs de l'après-guerre en Irak ; le soutien sans faille à la politique d'Ariel Sharon ; et les lacunes graves des services de renseignements américains, qui ont éclaté plusieurs fois au grand jour depuis le 11 septembre. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de trouver les moyens de concilier le sentiment excessif de vulnérabilité qui s'est emparé du pays avec ses traditions d'idéalisme internationaliste.Peacekeeping: New Challenges for the UNO and the Security Council, by Jean-Marie GUÉHENNO As crises unfold in Africa and Asia, the international community's reactions range from robust intervention to mere indifférence. However, robust intervention is associated with the deployment of troops from the North under the flag of NATO or coalitions of the willing, while the establishment of UN peacekeeping operations, primarily with troops from the South, falls one step short of indifference. Despite relatively scarce resources, UN peacekeeping underwent a dramatic reform and has achieved many successes over the last few years. Security Council Member States have a special responsibility in lending their support and providing UN peacekeeping with the highly qualified troops and spécialised! assets it requires: this is essential in order to confront the new challenges in failed States. French Operation Licorne in Côte d'Ivoire and EU Operation Artemis in the Congo are good examples of North countries' renewed involvement in Africa. But there would be advantages in envisaging future deployments under the Blue Helmet, as a testimony of increased solidarity with the South, as a way of assisting the Security Council in being more united in action.
- Réinventer l'Occident - Dominique Moïsi, Christophe Jaquet p. 507-522 Les divisions entre l'Europe et l'Amérique, et au sein même de l'Europe, ont pris en 2003 une tournure inquiétante, tant pour l'avenir des relations transatlantiques que pour la stabilité et la sécurité mondiales. Or le monde ne sera pas meilleur si l'Europe s unit contre les Etats-Unis ou si ceux-ci se détournent du Vieux Continent ; il sera même plus dangereux. Il est donc urgent de réinventer l'Occident, un Occident uni, renouvelé, conscient des différences qui le traversent comme des valeurs qu'il partage encore. Et qui montre au reste du monde qu'il peut agir de façon positive pour améliorer concrètement les choses, notamment dans les régions les plus déchirées par la guerre comme le Moyen-Orient ou l'Afrique.Reinventing the West, by Dominique MOÏSI The divisions between Europe and America, as well as within Europe itself, took a turn in 2003 which bodes ill for the future, both in terms of the future of transatlantic relations and in terms of world stability and security. Perspectives for the world will not be improved if Europe unites against the United States or if the latter turns away from the Old Continent. The world would on the contrary be a more dangerous place. It is thus urgent to reinvent the West, a united and renewed West, aware of the differences within it as well as of the common values it holds. This West must show the rest of the world that it can act in a positive fashion with concrete results in order to improve the situation, in particular with regard to the regions most torn apart by war and poverty as is the case in the Middle East and Africa.
- Gulliver en procès : la guerre en Irak et ses retombées aux Etats-Unis - John G. Mason, Christophe Jaquet p. 523-538 L'année 2003 marquera peut-être un tournant pour l'Administration Bush. Passée la rapide victoire du printemps en Irak, le président et la faction néo conservatrice se sont trouvés en difficulté dès l'été, après avoir misé le destin de la présidence sur une défaite rapide et décisive du terrorisme international. L'ambition avouée était qu'une démonstration de force militaire servirait de base à une refondation du système international. Cette stratégie semble aujourd'hui dans l'impasse, que ce soit en Afghanistan ou en Irak. Non seulement la conquête de Bagdad a fortement ébranlé l'allié privilégié, Tony Blair, mais elle a également laminé le partenariat de sécurité transatlantique qui unissait l'Amérique et l'Europe depuis cinquante ans. Aux Etats-Unis, la « guerre après la guerre » défait le front patriotique bipartisan qui s'était constitué après le 11 septembre 2001. Ainsi l'Irak aura peut-être compromis à la fois les chances de Bush pour un second mandat et l'avenir de la révolution néo-conservatrice américaine en matière de politique étrangère.Gulliver on Trial: The Iraq War and its Domestic Fallout in the U.S., by John G. MASON September 2003 has marked the "low point" of the Président Bush's first term. The quick military triumph over the Baathist Regime last spring has proved to be his undoing at home as well as abroad. Bush and the Neo-Conservative faction that came to power with him gambled the success of his presidency and his chance for re-election on quick and decisive victories in his war against terrorism. They took these risks in the hope that military victory would transform the post war international System and break down domestic constraints on the proactive use of American military power. Now it seems that in both the Iraq and Afghan theatres, the war looks like a draw, if not an outright loss. Overseas, the conquest of Baghdad has proved to be the rock that nearly wrecked the Premier-ship of Tony Blair and may yet break the Transatlantic partnership that has united America and Europe for 50 years. At home, the "war after the war" has broken apart the bipartisan patriotic front that emerged following the attacks on New York and Washington. The future of the Neo-Cons revolution in diplomacy is now in doubt along with bush's chances for reelection.
- Pour une nouvelle stratégie américaine de paix et de sécurité - Zbigniew Brzezinski, Christophe Jaquet p. 495-506
De l'Irak à l'Afghanistan : le nouvel arc de crise
- Guerre en Irak : vers un nouvel ordre régional ? - Volker Perthes, Isabelle Bonnefond p. 539-552 Si les effets politiques et psychologiques de la guerre en Irak sur les sociétés du Moyen-Orient n'ont pas encore été mesurés, le conflit a déjà eu un impact majeur sur les données géopolitiques de cette région. Pourtant, ses répercussions sur la politique intérieure et extérieure des Etats concernés dépendront fortement de deux éléments : le succès — ou l'échec — des Etats-Unis dans l'établissement d'un ordre politique acceptable en Irak, et l'évolution du conflit israélo-palestinien. L'intérêt bien compris de l'Union européenne est que la stabilisation politique et économique de l'Irak réussisse. Pour que celle-ci soit possible à une échéance raisonnable, l'occupation doit céder la place à la reconstruction, sous contrôle international. Mais il est également indispensable que l'Europe, au lieu de se contenter de suivre ou de contester les Etats-Unis, définisse enfin sa propre politique au Moyen-Orient.Perspectives for a New Régional Order in the Middle East, by Volker PERTHES Even though its political and psycological effects on the societies of the Middle East have yet to become clear, the Iraq war has had a major impact on the geopolitical setting in the region. Its repercussions on the domestic and international politics of the states in the Middle East are contingent, though. The main determinants for whether or not a new regional order and a trend towards political liberalisation in Arab states are to be expected, are the success or failure of the U.S. to both stabilise Iraq and establish an acceptable political order in that country, as well as the development of the Arab-Israeli conflict and peace-process. Europe has an interest in furthering the stabilisation of Iraq. To achieve that, the political context there has to change - from a state of occupation to a state of internationally supervised reconstruction. Above that, Europe needs to develop its own agenda for change in the Near and Middle Eastern neighbourhood.
- Les dilemmes des régimes arabes après l'intervention américaine en Irak - Philippe Droz-Vincent p. 553-566 Durant l'année 2003, le monde arabe s'est trouvé au cœur des préoccupations de l'hyperpuissance américaine et d'une Administration désireuse de déployer sa force pour défendre les « intérêts nationaux » du pays. L'année 2002 avait déjà montré que la réflexion américaine sur le devenir du monde arabe était intense et que la méfiance touchait, par-delà l'Irak, et autour des thématiques de transformation (ou de démocratisation) de la région, jusqu'aux alliés traditionnels des Etats-Unis. Depuis deux ans, les régimes politiques arabes sont ainsi critiqués non seulement pour leur autoritarisme, mais aussi et surtout pour leur responsabilité dans la montée de Vantiaméricanisme, qui aurait rendu possible les attentats. Parallèlement, ils sont confrontés à leurs sociétés, qui réagissent aux événements régionaux en mettant en cause l'incurie et la lâcheté des dirigeants.Arab Regimes' Dilemmas after the American Intervention in Iraq, by Philippe DROZ-VINCENT Throughout the year 2003, the Arab world found itself at the centre of the preoccupations of the American "hyper power" and of an American administration keen to deploy its might in order to defend the "national interests" of the country. The year 2002 had shown that American thinking relative to the future of the Arab world had already been intense and that suspicion extended beyond the matter of Iraq to reach even the traditional allies of the Americans, over the concepts of transformation (or of democratisation) of the region. Arab political regimes have indeed been criticised over the past two years not only for their authoritarianism, but more especially for their share of responsibility in the rise of anti-Americanism, a phenomenon which would have permitted the terrorist attacks. These regimes are at the same time confronted with their own societies, which are reacting to regional events by blaming the carelessness and cowardice of their leaders.
- L'après-Saddam : espérances et incertitudes iraniennes - Mohammad-Reza Djalili p. 567-582 Pour l'Iran, les conséquences de l'intervention américaine en Irak sont extrêmement paradoxales. Rangé dès janvier 2002 dans l'« axe du Mal » par George W. Bush, ce pays se trouve désormais « encerclé » par les forces américaines — déjà présentes en Afghanistan, dans le Golfe, en Asie centrale, en Géorgie et en Turquie — ; en même temps, les Etats-Unis ont débarrassé l'Iran de l'un de ses pires ennemis, Saddam Hussein. Par ailleurs, la fin du régime baassiste en Irak ouvre de nouvelles possibilités d'action pour Téhéran dans ce pays. En effet, compte tenu des liens étroits qui unissent les clergés chiites iraniens et irakiens, l'Iran peut espérer jouer un rôle important dans le nouvel Irak. Cependant, et c'est un autre paradoxe, le chiisme irakien, appelé un jour ou l'autre à occuper le devant de la scène politique irakienne, n'a pas intérêt à s'inspirer du modèle iranien. Aussi le pragmatisme des leaders politico-religieux de l'Irak et le penchant des grands centres chiites irakiens pour une approche plus traditionnelle de la religion pourraient-ils créer, à terme, de nouveaux problèmes pour la théocratie iranienne, déjà contestée en interne.After Saddam: Hopes and Uncertainties in Iran, by Mohammad-Reza DJALILI The consequences of the American intervention in Iraq are extremely paradoxical for Iran. On the one hand, the country that was described as being part of the "Axis of Evil" by George W. Bush in January 2002 found itself completely encircled by U.S. forces now based in Afghanistan, the Persian Gulf, Georgia and Turkey. On the other hand, the United States deposed one of their worst enemies: Saddam Hussein. The situation is even more astounding when considering the opportunities available to Teheran in the aftermath of the overthrow of the Baathist regime in Iraq, opportunities that the Islamic regime is eager to exploit. In fact, when considering the strong relations between the Shia clergy of Iran and Iraq, Teheran is believed to play an important role in the post-Saddam Iraq. At the same time, Shiism will play a greater political role in Iraq than previously, however, paradoxically without being inspired by the Iranian model. The concern for pragmatism of the Iraqi politico-religious leaders and the tendency of major Shia centres in Iraq to adhere to a less political approach to religion may at one point create new problems for the Iranian theocracy.
- Un triangle dangereux : Inde-Pakistan-Afghanistan - Gilbert Etienne p. 583-598 Le triangle Inde-Pakistan-Afghanistan se trouve placé, depuis le 11 septembre 2001 et le lancement par Washington de la « longue guerre contre le terrorisme », au cœur du nouveau désordre mondial. Les relations changeantes et contradictoires entre l'Inde et le Pakistan, les liens ambigus qui unissent celui-ci et l'Afghanistan d'Hamid Karzaï, et l'entente apparemment très cordiale entre New Delhi et Kaboul : tout cela forme une toile de fond sur laquelle s'enchevêtrent des facteurs internes d'instabilité, qu'il s'agisse de mouvements religieux fondamentalistes, de difficultés économiques ou du trafic d'opium et d'héroïne, objet de toutes les convoitises. Le poids croissant des Etats-Unis en Asie centrale et au Moyen-Orient, en particulier depuis l'intervention en Irak, vient ajouter, sinon à l'instabilité, du moins aux tensions politiques qui traversent la région, où l'Iran, la Russie et la Chine n'ont pas renoncé non plus à exercer leur influence.A Dangerous Triangle: India-Pakistan-Afghanistan, by Gilbert ETIENNE The India-Pakistan-Afghanistan triangle has found itself, since the attacks of 9/11 and the launching by Washington of the "long war against terrorism", at the heart of the new world disorder. The changing and contradictory relationship between India and Pakistan, the ambiguous relations which link the latter to today's Afghanistan, as well as the apparently very friendly relations between New Delhi and Kabul: all of these elements form the background over which different factors of instability are intertwined, whether these relate to religious fundamentalist movements, desperate economie difficulties or the trafficking of much coveted opium and heroine. The increasing weight of the United States in Central Asia and in the Middle East, in par-ticular since the intervention in Iraq, add to the instability or at least to the political tensions which riddle a region in which Iran, Russia and China have not given up on their desire to exert their influence as well.
- Guerre en Irak : vers un nouvel ordre régional ? - Volker Perthes, Isabelle Bonnefond p. 539-552
L'économie en questions
- Y a-t-il un risque mondial de déflation ? - Patrick Artus p. 599-610 Dans les économies contemporaines, la déflation se définit comme une réduction de l'inflation jusqu 'au point où les taux d'intérêt réels augmentent, aggravant la situation des emprunteurs et freinant les investissements. Ce type d'évolution apparaît, comme au fapon dans les années 1990, après un choc défavorable, quand la politique monétaire réagit trop tardivement, et quand il y a excès de capacités de production ou dérèglement des régimes de change. A cet égard, l'existence d'excès de capacités dans l'industrie mondiale et la sous-évaluation des monnaies de l'ensemble des pays émergents d'Asie, notamment de la Chine, sont aujourd'hui avérées. Mais la politique monétaire des principaux pays est devenue très expansionniste, et l'abondance des liquidités créées par les banques centrales, si elle ne pousse pas les prix des biens à la hausse, fait monter ceux des actifs (actions, obligations, immobilier, etc.). Dans ces conditions, il est prématuré de parler de déflation mondiale, même si le risque semble un peu plus élevé en Europe, du fait de politiques monétaires moins activistes.Is there a Risk of Global Déflation?, by Patrick ARTUS In this text, we analyse the risk of the apparition of a deflationary dynamics in Europe. Déflation must first be defined: in modem economies, it consists mostly in a reduction in inflation, to the point where real interest rates start increasing, worsen-ing the situation of borrowers and slowing down investment. This type of dynamics appears, like in Japan in the 1990's, after an adverse shock, when monetary policy reacts too slowly in the presence of excess capacity or of dis-adjustments of exchange rates. One can currently observe a situation of world-wide excess capacity in manufacturing, the under-evaluation of Asian currencies (specially the Chinese), but monetary policy has everywhere become expansionary. The large increase in the supply of liquidity by central banks does not lead to an increase in the prices of goods, but to an increase in asset prices.
- Pétrole : mythe et réalité de l'hégémonie des Etats-Unis - Michel Chatelus p. 611-626 En septembre 2003, soit près de cinq mois après la fin déclarée de la guerre en Irak, le marché pétrolier mondial se caractérise avant tout par la continuité. Les bouleversements annoncés par ceux qui affirmaient que les Etats-Unis s'étaient lancés dans une « guerre pour le pétrole » ne se sont pas produits. Les prix restent élevés, le retour de l'Irak sur le marché sera long et coûteux, ses ressources ne sont pas monopolisées par les compagnies américaines, l'OPEP conserve son influence, et les liens spéciaux entre Riyad et Washington, s'ils se sont détériorés, n'ont pas été coupés. Au total, la Russie est aujourd'hui la grande bénéficiaire de la situation. Pour l'avenir, il ne semble pas que le projet d'un Moyen-Orient sécurisé puisse se réaliser à courte échéance, pas plus que son intégration dans un marché pétrolier libre. Car les perspectives immédiates sont plutôt celles d'une persistance à la fois de l'instabilité de la situation économico-politique en Irak, et de l'insécurité que des forces incontrôlées font régner dans ce pays sur l'offre de pétrole.The Oil Markets in 2003: Myth and Reality of the U.S. Hegemony, by Michel CHATELUS This paper intends to examine what are the consequences of the Iraqi war and the military occupation of Iraq by the "coalition forces" on the oil markets at the end of the summer 2003. So far, continuity prevails over the premises of radical changes in the geopolitics of oil as announced in the "war for oil" theory. Oil prices remain high, the return of Iraq as a major producer is delayed and will be very costly, the Iraqi resources are not reserved to American firms, OPEC is still influent, and the special links between Saudi Arabia and the United States are challenged but not eut. Russia is a great beneficiary of the present situation. We are far from the building of the foundations of a securised Middle East fully integrated in an open oil market free of political interference. The short term outlook for a radical change is more one of increased instability and menace to oil supply by uncontrolled forces.
- Mondialisation : l'ère des refus - Eddy Fougier p. 627-641 Contre toute attente, les attentats du 11 septembre 2001 n'ont pas brisé l'essor du mouvement de contestation de la « mondialisation libérale », aujourd'hui connu en tant que mouvement « altermondialiste », même si celui-ci a dû s'adapter au nouveau contexte créé par l'événement. S'il a des visées révolutionnaires, ce mouvement tente d'emprunter une voie nouvelle. Son objectif n'est pas de prendre le pouvoir mais de s'opposer à l'hégémonie néolibérale pour favoriser l'émergence d'un « autre monde ». Ce « mouvement pour une justice globale » présente une certaine pérennité, et ce, pour deux raisons. Tout en constituant une sorte de synthèse de plusieurs tendances — un « contre-mouvement » sociétal, une forme de néo-protectionnisme et de néo-tiers-mondisme, un nouveau mouvement social et un nouvel antiaméricanisme —, il offre une réponse aux crises, profondes, des mouvements de gauche, de la démocratie représentative et de la mondialisation. Mais son avenir reste largement incertain, compte tenu des défis qu'il doit relever, en particulier pour définir et mettre en place de véritables alternatives.Globalisation: The Era of Refusal, by Eddy FOUGIER The 9/11 terrorist attack didn't break the anti-globalisation movement's momentum contrary to expectations, even if it had to fit these new circumstances. The movement is a revolutionary one but in a new way. Its aim is not to seize the power. It is to counter the neo-liberal hegemony in order to enforce an "another world". This "global justice movement" is sustainable because it is in a way summary of different trends ― a society's counter-movement, a neo-protectionism, a "neo-Third-Worldism", new social movements and a new anti-Americanism ― and a response to three big crisis ― left wing, democratic and globalisation's one. However, uncertainty is the characteristic of the future of the movement, due to the big challenges it has to take up and to its difficulties to define and implement an alternative.
- Y a-t-il un risque mondial de déflation ? - Patrick Artus p. 599-610
Sécurité, terrorismes
- Violence islamiste et réseaux du terrorisme international - Alain Chouet p. 643-661 La démesure des attentats du 11 septembre 2001 a focalisé l'attention des politiques, des services de sécurité et des médias sur une forme particulière de violence émanant du monde musulman. Au-delà de la problématique de la Qaïda, qui a sombré avec la chute du régime taliban, cette focalisation occulte le fait que le terrorisme et la violence politique, plus actuels que jamais dans le monde arabo-musulman, s'inscrivent, là comme ailleurs, dans des logiques de pouvoir, des stratégies d'Etats, des tentatives d'accaparement de la rente, pétrolière ou autre, qui ne procèdent nullement d'un quelconque phénomène d'affrontement des civilisations. Méconnaître ce fait ne peut que faire le jeu des épigones d'Oussama Ben Laden en égarant la lutte antiterroriste et en alimentant les cycles de la violence.Islamic Violence and International Terrorism Networks, by Alain CHOUET The outrageousness of the September 11 attacks on New York and Washington has focused political leaders, security services and média on a very peculiar form of violence appeared in connection with the Muslim world. Beyond the Al Qaeda issue, that lost mot of its interest since the fall of the Taliban regime in Afghanistan, this focus has very much masked the fact that terrorism and political violence in the Muslim and Arabie world are not only very active still, but dépend also on policies and strategies both at the local and regional level, that do not reflect at ail a clash of civilisations. Those who misunderstand that phenomenon are truly playing into Bin Laden's hands, weakening the antiterrorist war and feeding the cycle of violence.
- Les réseaux terroristes islamistes : moins puissants, plus violents - François Légaré p. 663-677 Les réseaux terroristes islamistes : moins puissants, plus violents Depuis un peu plus d'une décennie, le monde a vu surgir une action terroriste islamiste de plus en plus anti-occidentale, ayant pour cible privilégiée les Etats-Unis. L'analyse montre que l'appel au djihad d'Al-Qaida a été entendu : le nombre d'attentats est en hausse, les plus meurtriers d'entre eux visant des symboles occidentaux. Les attaques simultanées et les attentats-suicides sont de plus en plus communs. Néanmoins, l'action antiterroriste semble avoir diminué la capacité des réseaux de monter des opérations complexes comme celle du 11 septembre 2001. Al-Qaida, en particulier, demeure affaiblie. Ce qui inquiète le plus, toutefois, c'est l'impact des réseaux terroristes, de leurs discours et de leurs actions, dans le monde musulman. Les appuis idéologiques, financiers et logistiques qu'ils y recueillent sont significatifs, sans oublier qu'ils rencontrent souvent un meilleur soutien de « leur » opinion publique que, par exemple, les Etats-Unis en Occident.The Terrorist Activity of Islamic Networks, by François LÉGARÉ For just over a décade, the world has witnessed the growth of Islamic terrorist activity. How do we characterize it and where is it leading? Following and centered upon the 9/11 attacks, has the call to Jihad by Al Qaeda been adopted by most radical Muslims? To answer thèse questions we must identify the patterns of Islamic terrorist network activity, understand what fuels it and identify what the most recent attacks portend for the future. Analysis shows that Al Qaeda's call to Jihad has been heard - the number of attacks has risen and the most violent ones focus on Western targets. Nevertheless, antiterrorist activity seems to have diminished the capacity of the Islamic terrorists to stage complex opérations like those of 9/11. In particular, Al-Qaeda remains weakened. But the most disturbing feature of these terrorist networks is the effect of their activity on the Muslim world as a whole. They now benefit from sizeable ideological, financial and logistic support, and we must not forget that they are much better aligned with the opinion of their own public than is the US.
- SRAS et bioterrorisme : au risque de la mondialisation - Antoine Andremont p. 679-688 Au cours des siècles, les déferlements successifs des épidémies ont régulièrement obligé les Etats à adapter leurs structures sanitaires pour y faire face. Entre 1850 et 1950, les progrès de l'hygiène, des vaccins et des antibiotiques ont fait croire que les infections étaient terrassées. Mais l'irruption de maladies émergentes ou ré-émergentes, la résistance aux antibiotiques, l'apparition du sida ou du SRAS, et les menaces bioterroristes, ont ramené l'homme à une vision plus modeste de ses capacités de contrôle du génie évolutif du monde vivant. Pour faire face à cette situation, l'Union européenne va se doter des moyens coordonnées d'alerte et de contrôle qui lui faisaient jusqu'à présent défaut. L'organisation définitive d'une nouvelle agence, sa taille et l'étendue de ses missions sont l'objet de débats dont l'issue conditionnera largement la sécurité sanitaire de notre continent pour les années à venir.Throughout the passing centuries, states have been periodically forced to adapt their sanitary services in order to be able to deal with recurrent waves of epidemies. The progress achieved in the fields of hygiene, vaccination and antibiotics between 1850 and 1950 prompted the belief that these infections had been permanently vanquished. However, the irruption of emerging or re-emerging diseases, resistance to antibiotics, Aids and SRAS, as well as the bio-terrorist threat, have led us back towards a more modest appraisal of our capacity to control the intrinsic ability of the living world to evolve. In order to deal with this situation, the European Union will equip itself with the coordinated capacities of alert and control which it previously lacked. The final organisation of this new agency, its size and mandate are an object of debate, the out-come of which will détermine to an important extent the sanitary security of our continent in the years to corne.
- Violence islamiste et réseaux du terrorisme international - Alain Chouet p. 643-661
L'avenir des Nations unies
- Maintien de la paix : les nouveaux défis pour l'ONU et le Conseil de sécurité - Jean-Marie Guéhenno p. 689-700 A mesure que les crises se succèdent en Afrique et en Asie, les réactions de la « communauté internationale » balancent entre intervention et indifférence. La première passe généralement par le déploiement de troupes de pays du Nord sous le drapeau de l'OTAN ou dans une « coalition of the willings » ; la seconde entache d'abord les opérations conduites par l'ONU, qui recourent à des personnels des pays du Sud. En dépit de ressources limitées, l'ONU, qui a su réformer ses activités de maintien de la paix, a connu dans ce domaine des succès remarquables ces dernières années. L'opération Licorne en Côte-d'Ivoire, dirigée par la France, et l'opération Artémis au Congo, dirigée par l'Union européenne, sont deux exemples du renouveau de l'implication des pays du Nord en Afrique. Mais il y aurait de nombreux avantages à envisager de futurs déploiements de Casques bleus, à la fois pour témoigner d'une solidarité plus grande avec le Sud et pour contribuer à l'unité d'action du Conseil de sécurité.
- L'ONU après la crise irakienne - Alexandra Novosseloff p. 701-714 L'Histoire dira si la crise irakienne a constitué un moment de remise en cause des Nations unies, de leur rôle et de leur utilité au sein du système international. L'ONU a, en effet, montré à la fois sa résistance aux événements et sa capacité à durer comme fondement du système international. Néanmoins, en raison des pratiques unilatéralistes de certains Etats, en particulier du premier d'entre eux, et du fait de l'inertie d'un système qui peine à se réformer en profondeur, la question de sa légitimité et de son autorité a été posée de façon ouverte, sinon brutale, tout au long de l'année. Pour autant, il n'est pas sûr que le temps d'une réforme en profondeur de l'ensemble des composantes du système onusien soit encore venu.The Role and Future of the United Nations after the Iraqi Crisis, by Alexandra NOVOSSELOFF History will tell whether the Iraqi crisis will have constituted a challenging of the United Nations Organisation (UNO), of its rôle and of its use within the international System. Indeed, the UNO has proven both its resistance to events and its capacity to last as a foundation of the international System. However, due to the unilateralist practices of some of its member states and as a result of a System which is strugghng with the idea of in-depth reform, the question of its legitimacy and of its authority has been debated openly if not brutally, throughout this last year. In spite of this, it is however not certain that the time for in-depth reform of ail aspects of the United Nations System has arrived.
- Maintien de la paix : les nouveaux défis pour l'ONU et le Conseil de sécurité - Jean-Marie Guéhenno p. 689-700
Europe(s)
- Un programme géopolitique pour l'Europe élargie - Maxime Lefebvre p. 715-729 La politique étrangère européenne nous place devant un paradoxe : d'un côté, les Européens peuvent se diviser sur des questions fondamentales telles que les relations avec les Etats-Unis et la nécessité ou non d'une intervention militaire en Irak ; de l'autre, ils se dotent d'outils et de procédures toujours plus perfectionnés pour parler d'une seule voix et agir ensemble. L'Union européenne est une puissance économique qui fait jeu égal avec les Etats-Unis, mais elle est affaiblie par ses divisions politiques, le manque de croissance et l'insuffisance de ses moyens militaires. Pour s'affirmer sur la scène internationale, elle doit mieux définir ses valeurs, ses intérêts et ses moyens d'action, et les inscrire dans une vision géopolitique. Si l'Union ne peut sans doute pas devenir un pôle politico-militaire distinct, voire rival, des Etats-Unis, elle doit apporter ses propres réponses à trois questions essentielles : jusqu'où s'élargir ? jusqu'où suivre Washington contre les « Etats voyous » ? jusqu'où s'affirmer sur le plan militaire ?Which Geopolitical Rôle for an Enlarged Europe?, by Maxime LEFEBVRE European foreign policy is truly paradoxical: on the one hand, Europeans are able to disagree on fundamental issues such as the relationship with the U.S. and the neces-sity -or not— of a military action in Iraq; on the other hand, they equip themselves with more and more sophisticated instruments so that they can speak with one voice and act together. Europe as an economie power is an equal to the U.S., but it is weakened by the lack of growth, the inadequacy of military capabilities, and political divisions. In order to play a major rple on the international stage, it must better define its values and interests, and include them into a geopolitical vision. The E.U. might not become a political and military power like the U.S., which would emerge as a separate or even rival pole. But it must answer three key questions: How far should it go on the way of enlargement? How far should it support the U.S. in its crusade against "rogue states"? How far should it develop its own military power?
- La Convention : un moment constituant pour l'Europe ? - Thierry Chopin p. 731-742 La Convention sur l'avenir de l'Europe a soumis un projet de traité instituant une Constitution pour l'Europe aux chef d'Etat et de gouvernement des Etats membres de l'Union. En dépit de certaines difficultés sémantiques (faut-il parler de traité, de Constitution, de traité constitutionnel ?), ce projet organise le pouvoir au sein de l'Union par l'agencement des institutions (même si la question de la séparation des pouvoirs reste pendante) et définit un partage des compétences entre l'Union et les Etats, assortie d'un mécanisme de contrôle du principe de subsidiarité. Néanmoins, le texte de la Convention ne semble pas conduire l'Europe sur la voie d'une véritable union d'Etats, c'est-à-dire d'une fédération politique, comme le prouve l'incapacité des Européens à trouver un accord sur la question de la guerre et de la paix et à développer une politique étrangère commune. In fine, c'est la question de l'identité européenne qui se trouve posée.The Convention, a Constituting Moment for Europe?, by Thierry CHOPIN The Convention on the future of Europe has submitted a treaty proposal creating a Constitution for Europe to the heads of state and governments of the EU's member countries. In spite of the semantic hitches (should one refer to a treaty, a Constitution, a constitutional treaty?), this project organises power within the Union through the structuring of institutions (even though the question of the separation of powers remains unresolved) while outlining a sharing of compétence between the Union and the states, together with a mechanism to oversee the principle of subsidiarity. However, the text of the Convention does not place Europe on the path towards a fundamental union of states, i.e. a political federation, as has been underlined with the inability of Europeans to agree on questions of war and peace, and to develop a common foreign policy. In fine, it is the very question of the European identity which is at stake.
- Au-delà des apparences ou les lents progrès de la PESD - Jolyon Howorth, Christophe Jaquet p. 743-758 L'année 2003 a posé trois défis à l'Union européenne en matière de défense : la consolidation d'une zone de sécurité sur ses nouvelles frontières de l'Est ; la reconstitution de son unité interne après la crise irakienne ; et la constitution de capacités militaires capables de répondre aux nouvelles menaces du siècle. Le conflit entre Paris et Londres, qui a permis aux Etats-Unis de jouer des divisions de l'Europe, a finalement été surmonté à l'automne, quand les deux pays, avec Berlin, ont redéfini leurs priorités pour une politique de défense viable. Enfin, si l'Union a commencé à conduire de façon autonome ses premières missions de maintien de la paix, il lui reste à mettre à niveau ses capacités militaires avec les nécessités de la guerre contre le terrorisme.Beyond Appearances or the Slow Progress of ESPD, by Jolyon HOWORTH Three challenges faced the EU's security and defence ambitions in the wake of the 2003 Iraq War: consolidation of the security zone around its emerging borders; re-forging its own internal unity in light of the Transatlantic crisis; and tailoring its military capacity to the new threats of the 21st century. Despite numerous stabilisation initiatives directed at its Balkan, Mediterranean, South Eastern and Eastern neighbours, and the elaboration of a major Neighbourhood Policy document, much work still needed to be done to address the fundamental problem of reconciling cooperation with exclusion. The Franco-British meltdown over Iraq, which had allowed the US to corral EU member states into "old" and "new" European camps, threatened at first to deepen internal European rifts. Such an outcome was avoided late in 2003 when the UK, Germany and France re-prioritised the requirements of a viable and united ESDP. On the third challenge, the EU succeeded in its first ever military missions under an EU flag. But it failed to address the issue of how to reconcile the military requirements of peace-keeping operations with those of the war on terror.
- L'Allemagne entre affirmation nationale et ancrage multilatéral - Hans Stark p. 759-772 La crise irakienne n'a pas seulement fragilisé les principaux piliers de l'ordre mondial de l'après 1945 ; elle a aussi mis en exergue les changements de la politique étrangère de l'Allemagne depuis l'arrivée au pouvoir de Gerhard Schroder. Pour la première fois depuis 1949, le gouvernement fédéral a en effet renoncé à sa position d'équidistance traditionnelle entre Paris et Washington, initiant ainsi une crise sans précédent dans les relations germano-américaines. Celle-ci témoigne de la nouvelle affirmation de soi dont l'Allemagne fait preuve sur la scène internationale et qui tranche avec la retenue sémantique traditionnelle observée par les prédécesseurs de Gerhard Schroder. Si elle ne remet pas en question les multiples engagements de Berlin dans le monde, ni, au fond, l'alliance avec Washington, elle traduit cependant le fait que, dorénavant, l'Allemagne défend ses intérêts nationaux, tout en agissant en tant que puissance européenne et à partir de positions européennes.Germany between National Affirmation and Multilateral Rooting, by Hans STARK The crisis in Iraq not only weakened the main pillars of the after-1945 global order, it also underlined the changes in the German foreign policy since Schroeder became chancellor. For the first time since 1949, the fédéral government has renounced to its traditionally equal relations with Paris and Washington, which led to the outburst of an unprecedented crisis in the relations between Germany and the United States. This crisis underlines the way Germany asserts itself on the international stage and is in stark contrast to the position of Schroeder's predecessors. If it does not question the numerous engagements of the Federal Republic in the world, nor its alliance with the U.S., it still reflects the new attitude of Germany, which now defends its national interests and acts as a European power, with European positions.
- Les Européens existent-ils ? - Claire Demesmay p. 773-787 Pendant longtemps, la construction de l'Europe a essentiellement été une affaire économique, juridique et institutionnelle. Mais l'année 2003 — et en particulier les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe et les discussions sur le projet de future Constitution — a posé avec acuité la question de son fondement humain, tout en brouillant les pistes de la réflexion. A première vue, les particularités nationales sont tellement marquées que l'on peine à cerner les contours d'une identité européenne. Pourtant, si elles restent discrètes, certaines tendances communes se dégagent aujourd'hui des mentalités et des comportements. Quant à savoir si elles suffiront à faire émerger un projet politique cohérent auquel les Européens pourront s'identifier en retour, la question reste plus que jamais ouverte, à la veille de l'élargissement à dix nouveaux Etats membres venus pour la plupart de l'Est.Do Europeans Exist?, by Claire DEMESMAY While Europe has long been an economie, juridical and institutional matter, the year 2003 (and especially the work of the Convention on the future of Europe and the debates about the plan for a future Constitution) raised the question of its human basis, at the same time clouding further reflection about this issue. At first sight, national peculiarities are so obvious that it appears difficult to identify the Europeans and to define a European identity. However, even though they are discrète, some common tendencies can be seen in mentalities and behaviours. But will it be enough to found a coherent political project with which the Europeans could identify? The question remains, especially before the EU opening to ten new countries, most of them from the East.
- Vladimir Poutine ou les avatars de la politique étrangère russe - Thomas Gomart p. 789-802 Depuis son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine poursuit un double objectif: assurer le développement économique de la Russie pour affirmer son indépendance, et multiplier les échanges diplomatiques pour devenir un interlocuteur privilégié des grandes puissances et peser dans le jeu international. Pour cela, il s'est beaucoup consacré à la politique étrangère en s'ejforçant de réorganiser le processus de décision. Rompant avec l'isolement identitaire prôné par son prédécesseur, il mène ainsi une habile diplomatie, ou intérêts économiques rejoignent enjeux de sécurité, et emprunte la voie du dialogue multilatéral pour faire entendre son pays. Enfin, la lutte contre le terrorisme international se surajoute à l'« économisation » de la politique étrangère russe et facilite encore l'intégration du pays dans une sorte de globalisation militarisée.Vladimir Putin or the Pitfalls of Russian Foreign Policy, by Thomas GOMART Ever since his accession to power, Vladimir Putin has been pursuing a double objective: to promote Russia's economie development in order to affirm its independence, and to multiply diplomatie activity so as to become a highly sought partner and gain weight on the international scene. In order to achieve this, he has placed foreign policy at the heart of his agenda and tried to reorganise the process of policy-making. In a break with the self-defining isolation practised by his predecessor, he is thus leading a skill-full diplomacy in which economie interests merge with security challenges, while opting for multilateral dialogue in order to make his country's voice heard. Finally, the fight against international terrorism stands in addition to the "economisation" of Russian foreign policy and further facilitates the integration of the country in a kind of militarised globalisation.
- Un programme géopolitique pour l'Europe élargie - Maxime Lefebvre p. 715-729
Religions et histoire
- Le retour du religieux dans la politique internationale - Henri Madelin p. 803-818 Tout au long de l'année 2003, des cartes d'un nouveau coloris ont été redistribuées aux effigies de César et de Dieu, en Europe, davantage encore aux Etats-Unis et plus nettement dans les pays musulmans. Les trois points de cristallisation de conflits à forte connotation religieuse ont été l'Afghanistan après la dispersion des Talibans, le Proche-Orient avec l'évidement d'un plan de paix, relancé par George W. Bush, entre Israéliens et Palestiniens, et enfin l'Irak, après la chute de Saddam Hussein et les difficultés croissantes rencontrées par les forces d'occupation anglo-américaines. On a vu surgir à nouveau les vieux spectres de la guerre sainte, du djihad, de la guerre juste. Le pape et l'action diplomatique du Saint-Siège ont joué un rôle non négligeable dans cette période. Mais on peut se demander pourquoi les images du dieu chrétien des Américains diffèrent quelque peu de celles des Européens de l'Ouest.The Return of Religion in International Politics, by Henri MADELIN Throughout the year 2003, new types of cards have been dealt out in the image of Cesar and God, in Europe, even more so in the United States and, pointedly, in Muslim countries. The three points of crystallisation of conflicts with religion as a powerful underlying élément were Afghanistan with the dispersion of the Talibans, the Near East with a road map put back onto the agenda by G.W. Bush between Israelis and Palestinians, and Iraq after the fall of Saddam Hussein and the growing difficulties encountered by the Anglo-American forces of occupation. The spectres of Holy War, Jihad and of the concept of just war could be seen to re-emerge. The Pope and the diplomatie action of the Holy See played a substantial rôle throughout this period. However, one may wonder how corne the images of the Christian God of the Americans differ somewhat from those of the Western Europeans.
- L'année 2003 dans l'Histoire : « tournant », « rupture » ou « continuité » ? - Pierre Grosser p. 819-834 La crise en Irak, qu'il s'agisse de la guerre elle-même ou de son impact sur l'ensemble des systèmes d'alliances et sur les rapport de l'Occident au monde, invite l'historien à questionner la place de l'année 2003 dans l'histoire récente. Faut-il voir en elle la fin d'une période historique et, si oui, laquelle ? S'agit-il de la fin de la période ouverte par le 11 septembre 2001 ? Ou de la fin véritable de l'après-guerre froide, que l'on croyait achevée avec l'effondrement de l'Union soviétique ? Ou encore de la clôture de cette longue période de l'après-1945 qu'avait laissée dans l'ombre l'affrontement Est-Ouest (mise en place du système onusien, constitution d'un ensemble euro-atlantique, décolonisation, etc.) ? Enfin, s agissant d'une actualité dominée largement par la politique américaine, unique hyperpuissance, il convient encore de se demander si le comportement des Etats-Unis durant l'année 2003 s'inscrit dans une histoire longue ou si l'on assiste à une sorte de révolution de la politique extérieure de ce pays.2003 in History: "Turning Point" or "Continuity"? by Pierre GROSSER This contribution raises the question of the significance of 2003 as the possible end of an historical period. Does it mark the end of the period ushered in by the 11th of September? Or the real end of the post Cold War era? Or the end indeed of that part of the post-1945 world masked by the confrontation between the East and the West (the establishment of the System based on the United Nations, the emergence of the Trans-Atlantic partnership, the pursuit of the de-colonisation, etc)? It also examines whether the behaviour of the United States in 2003 is part of a longer history, or whether we are not witnessing a sort of revolution in its foreign policy.
- Plus rien ne sera comme avant - Philippe Moreau Defarges p. 835-848 Qu'est-ce qu'une rupture ? La notion est bien difficile à saisir, mais elle hante l'Histoire. Toute rupture, objet sans fin remodelé, est à la fois réelle et imaginaire. Qu'est-ce qui fait qu'il y a rupture ? Pourquoi, à un moment donné, un monde s'écroule-t-il ? 1789, 1914, ces deux dates éclairent la notion de rupture : un univers se croyait éternel ; le voici balayé en quelques heures, en quelques jours. Plus près de nous, trois événements — la chute du bloc soviétique, le 11 septembre 2001, la guerre d'Irak — invitent à revisiter ce thème de la rupture, à en identifier plusieurs types possibles, les unes comme surgies de nulle part, les autres provoquées et voulues. Tel est le fil conducteur de cet article : s'interroger, au-delà des émotions, sur la « réalité » de la rupture. Que s'est-il produit exactement ? Qu'y a-t-il d'irrémédiablement changé ? Et, finalement, est-il possible de le savoir ?Nothing Will ever Be as it Used to, or Watersheds and International Order, by Philippe MOREAU DEFARGES An historic watershed can be defined as the springing up of uncertainty in the flow of time. What was natural, everlasting, becomes precarious and debatable. What makes watersheds so uneasy to be grappled with is their unstable mixing up of objectivity and subjectivity. Three recent examples help to understand the dynamic ambiguities of watershed. 1898-1991, closing the break of 1914, and promising the universal spread of democracy and peace, becomes much more ambivalent all along the 1990s, pushing forward the frustrations of globalisation. September 11th 2001, has stimulated so many millenarian commentaries. What has been so violently stressed by this tragedy is the maturing of global rebellions or delinquencies, globalisation multiplying comparisons and envy between societies groups and individuals, and supplying huge resources (money men weapons...)to any entrepreneurial person. In 2003, the Iraq War has been initiated to create a watershed in the Middle East, but will it succeed to break decades or centuries of humiliation and bitterness?
- Le retour du religieux dans la politique internationale - Henri Madelin p. 803-818
Lectures
- Joseph S. Nye Jr. The Paradox of American Power : Why the Only Superpower Can't Go it Alone - Jolyon Howorth p. 849-850
- Walter Russell Mead. Special Providence : American Foreign Policy and How It Changed the World - David Grondin p. 850-852
- Andrew J. Bacevich. American Empire. The Realities and Consequences of US Diplomacy - Bernard Cazes p. 852-853
- Michael Mandelbaum. The Ideas That Conquered the World. Peace, Democracy and Free Markets in the Twenty-first Century - Walter Schütze p. 853-854
- Clyde Prestowitz. Rogue Nation. American Unilateralism and the Failure of Good Intentions - Ruxandra Popa p. 854-856
- Jean-Michel Valantin. Hollywood, le Pentagone et Washington. Les trois acteurs d'une stratégie globale - Marianne Kac-Vergne p. 856-857
- Jean-Christophe Ploquin (dir.). Irak : le Moyen-Orient sous le choc - Bernardo Ribeiro p. 857-858
- Alain Dieckhoff et Riva Kastoryano (dir.). Nationalismes en mutation en Méditerranée orientale - Joseph Maïla p. 859-860
- Jean-Luc Racine. Cachemire. Au péril de la guerre - Gilbert Etienne p. 860-861
- Mohammad-Reza Djalili et Thierry Kellner. Géopolitique de la nouvelle Asie centrale. De la fin de l'URSS à l'après-11 septembre - Jean-Luc Racine p. 861-862
- Agnès Benassy-Quere et Benoît Coeuré. Economie de l'euro - Sean Guibert p. 862-863
- Alan M. Dershowitz. Why Terrorism Works : Understanding the Threat Responding to the Challenge - Jérôme Marchand p. 864-865
- Barthélémy Courmont et Darko Ribnikar. Les guerres asymétriques. Conflits d'hier et d'aujourdhui, terrorismes et nouvelles menaces - Yves Gounin p. 865-866
- Natalie La Balme. Partir en guerre. Décideurs et politiques face à l'opinion publique - Yves Gounin p. 866-867
- Georges Le Guelte. Terrorisme nucléaire : risque majeur, fantasme ou épouvantail ? - Yves Gounin p. 867-869
- Qiao Liang et Wang Xiangsui. La guerre hors limites - Frédéric Pesme p. 869-870
- Hubert Haenel et François Sicard. Enraciner l'Europe. Stefan Collignon. The European Republic. Reflections on the Political Economy of a Future European Constitution - Maxime Lefebvre p. 870-871
- Jean Klein, Patrice Buffotot et Nicole Vilboux (dir.). Vers une politique européenne de sécurité et de défense. Défis et opportunités - Walter Schütze p. 872
- Larry Siedentop. La Démocratie en Europe - Maxime Lefebvre p. 872-874
- Lilia Shevtsova. Putin's Russia - Thomas Gomart p. 874-875
- Bobo Lo. Vladimir Putin and the Evolution of Russian Foreign Policy - Thomas Gomart p. 875-877
- Frédéric Ramel (avec la collaboration de David Cumin). Philosophie des relations internationales - Yves Gounin p. 877-878
- Les auteurs - p. 879-882
- Abstracts - p. 883-889
- Nos dernières publications - p. 891-893