Contenu du sommaire : L'Europe orientale, 1650-1730

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 50, no 2-3, avril-septembre 2009
Titre du numéro L'Europe orientale, 1650-1730
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Avant-propos - André Berelowitch, Vladislas Nazarov, Pavel UVAROV p. 277-278 accès libre
  • Introduction

  • Sources nouvelles, méthodes inédites

    • Le marché foncier de la noblesse dans le district de ?uck de la voïvodie de Volhynie 1566-1599 : (d'après les registres des tribunaux territoriaux et châtelains) - Andrij V. Blanuca p. 287-299 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse les registres des tribunaux territoriaux et châtelains de la voïvodie de Volhynie de la seconde moitié du XVIe siècle du point de vue de l'histoire de la propriété foncière noble. Il détermine les types de transactions (contrats de vente, hypothécaires, de bail, d'échange et de donation) au moyen desquelles s'effectuait la redistribution de la propriété foncière entre les membres de la noblesse, dans le cadre du district (powiat) de Łuck. Il résulte de cette étude que la part de la propriété des princes vers la fin du XVIe siècle est restée à peu près stable (38 % de l'ensemble des propriétés nobles), tandis que les « seigneurs » (pany), principaux bénéficiaires du processus de concentration, possédaient 52 % de la superficie totale et les hobereaux (plur. ziemianie) 10 % seulement.
      The nobility's real estate market in the Lutsk district, Volhynia voivodeship, between 1566 and1599The article, which contributes to the history of the nobility's landed property, analyzes the voivodeship of Volhynia's territorial and manorial court registers dating from the second half of the sixteenth century. It identifies various types of transactions —sale, mortgage, lease, exchange, and donation— which redistributed landed property among members of the nobility in the Lutsk district (powiat). The study shows that towards the end of the sixteenth century, the princes' share remained practically unchanged —accounting for 38% of the nobility's landed property— while lords (pany), who benefited the most from the concentration of land, owned 52% of the total area, and the landed gentry (ziemianie) only 10%.
    • Les guerres russo-lituaniennes (XVIe-XVIIe) entre les sources de l'époque et les historiens d'aujourd'hui - Aleh Dziarnovi? p. 301-314 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Lorqu'ils décrivent les guerres, les historiens ne se privent pas d'impressionner et d'émouvoir leurs auditeurs en racontant les souffrances infligées aux civils. Le plus souvent, ils se bornent à reproduire leurs sources, suscitant ainsi la colère, l'indignation et le chagrin. Ces récits reposent sans aucun doute sur des faits réels. Mais sommes-nous en droit pour autant de traiter les informations contenues dans les documents des XVIe et XVIIe siècles comme si elles provenaient de témoins objectifs et, à plus forte raison, de bâtir des théories à partir de là ? Les annalistes et les chroniqueurs, les officiers, les auteurs de Mémoires lituaniens, polonais ou russes, écrivaient dans le cadre de normes éthiques et de systèmes politiques bien précis, un de leurs principaux buts étant d'accuser leurs adversaires de transgresser les règles de la morale chrétienne.De nombreux historiens d'Europe centrale et orientale ont pris ces invectives pour argent comptant, et s'en sont servis dans les luttes politiques qui ont marqué la fin des années 1980 et les années 1990. Leur démarche semblait d'autant plus justifiée que le volume des sources accessibles augmentait sans cesse. Mais, paradoxalement, l'abondance des sources n'est pas toujours une garantie contre leur manipulation.Les historiens biélorusses avaient pris des positions particulièrement risquées. Vers la fin des années 1980 et au début des années 1990, il fallait se débarrasser de l'histoire officielle, qui donnait une image idyllique des relations entre la Biélorussie et la Russie. Pour y parvenir, ils avaient affirmé que la Russie, en attaquant le Grand-Duché de Lituanie, lui avait fait une guerre totale, visant à la destruction. C'est à la lumière de la théorie moderne de la guerre totale que l'on interprétait les données provenant des sources des XVIe-XVIIe siècles, et on citait celles-ci à tour de bras sans les critiquer. Mais ces excès n'ont pas tardé à recevoir leur châtiment. Les nouvelles tendances politiques autoritaires ont dirigé contre les écrits des années 1990 des attaques sans complaisance, de nature quasi-officielle et administrative. Il n'est que juste de rappeler que ces derniers développements ont été déclenchés par l'usage inconsidéré des sources historiques.
      Descriptions of Russo-Lithuanian wars (sixteenth and seventeenth centuries) in primary sources and modern historiography. When some historians describe wars, they tend to create most impressing and emotional pictures, particularly when focusing on disasters inflicted to civilians. More often than not, they simply reproduce the contents of their sources, and arouse feelings of anger, indignation, and immense grief. These descriptions are undoubtedly based on real events. But can we relay information provided by sources of the sixteenth and seventeenth centuries as factual and then proceed to build up historiographic concepts? Authors of chronicles and annals, serving officers, memoirists of the Grand Duchy of Lithuania (GDL), Poland, and Russia wrote within definite state-political systems and ethical representations, and one of their main concerns was to charge the opponents with transgression of Christian ethics. Many of their invectives were taken at face value in modern Central and East European historiographies and used in political strife in the late 1980s and during the 1990s. This approach seemed all the more justified as the number of accessible sources was increasing. But, paradoxically, the increase in the quantity of sources does not always make it more difficult to manipulate them to support a particular viewpoint. Modern Belarusian historiography was especially vulnerable in that respect. In the late 1980s and early 1990s, it had to discard a deep-rooted, complacent version of the historical Belarus-Russia relationship. This was achieved, in specialized as well as popular historical writings, by asserting that Russia waged not simply aggressive wars against the GDL, but wars aiming at destruction. The data on wartime disasters derived from sources were interpreted in terms of the modern theory of total war and supported by uncritical quotations. But contemporary history has come back at Belarusian historiography with a vengeance. The new, authoritarian political trend has drastically changed the situation: much of what has been written in the 1990s has been subjected to not too mild, practically official and administrative, critics. It seems only fair to note that this was triggered in the first place by uncritical use of historical sources.
    • Census books as a source for historical geography - Aleksei A. Frolov p. 315-326 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article décrit une méthode inédite d'analyse des données géographiques, applicable chaque fois que l'on aborde des sources historiques où les toponymes sont employés systématiquement. La localisation de ces toponymes, en effet, permet non seulement de relier entre eux les différents éléments du texte étudié, mais encore de révéler les relations spatiales entre ces éléments. Celles-ci, à leur tour, éclairent la composition et la structure du document. Les informations géographiques sont d'autant plus précieuses que les remaniements ultérieurs du manuscrit sont sans effet sur elles. Quatre exemples, empruntés aux recherches de l'auteur et de N.V. Piotuh, sur le cadastre de la pjatina de Dereva, dans le pays de Novgorod, levé à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, illustrent certaines possibilités de la méthode.
      Cadastral books as a historical source: a new way of using the geographical information they provide.
      The article introduces an unconventional method for analyzing geographical data applicable to the study of historical sources containing systematically recurring place names. Establishing the geographical location of these toponyms not only allows the researcher to connect different elements of the text under study, but also to reveal spatial relationships which shed light on the composition and structure of the document under study. Geographical information is all the more precious as subsequent content changes have no effect on it. The author demonstrates his point with four cases drawn from his and N.V. Piotukh's research on late fifteenth- and early sixteenth-century cadastral books of the Dereva piatina on the Novgorod land.
    • Власть и подданные глазами духовников XVII-XVIII вв. - Мария В. Корогодина p. 327-335 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article est consacré à la confession et à son évolution en Russie de la fin du XVIe à la première moitié du XVIIIe siècle. L'étude des pénitentiels de l'époque montre que la conception même du sacrement a changé. Un manuel de confession, écrit en 1623 et destiné aux tsars, pose de nombreuses questions qui font penser au Temps des Troubles et à ses séquelles. Un autre, rédigé au milieu du XVIIIe siècle, a ceci de particulier qu'à la pénitence religieuse il ajoute des châtiments séculiers : décapitation, amputation de la main ou d'autres membres, fustigation sont prévues pour certains péchés. Le pénitentiel est devenu un auxiliaire de la justice séculière. L'évolution des manuels de confession révèle celle de la société et de la pensée collective au XVIIe et au début du XVIIIe siècle.
      Russian authorities and subjects seen by the clergy in the XVII-th and XVIII-th centuries
      The article studies the changes in the perception of confession that took place in Russia between the late sixteenth century and the first half of the eighteenth. The author studies the Russian penitential books written at the time. In one of them, dated around 1623, the list of questions was addressed to Russian tsars. A great number of these questions are reminiscent of the events of the Time of Troubles. Another example is a list created in the mid-eighteenth century for commoners. Its compiler not only recommends penances for certain sins, but criminal punishments as well: beheading, cutting off the hand or other parts of the body, flogging, etc. This shows that in the eighteenth-century, the confessional took on the functions of criminal justice. The author compares these with other lists and traces the changes which took place in Russian society and the Russian people's mentality during the seventeenth and early eighteenth centuries.
    • Les enquêtes sur les « discours inconvenants » et l'imaginaire politique et social dans la Russie du xviie siècle - Pavel V. Lukin p. 337-345 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse les dossiers d'enquête sur les « discours inconvenants » c'est-à-dire des paroles jugées offensantes pour le tsar, voire criminelles dans les cas les plus graves. Leur étude attentive permet de renouveler nos idées sur les représentations politiques des Russes ordinaires du XVIIe siècle. L'intérêt de ces documents réside d'abord dans leur caractère sériel : on en trouve par centaines dans les archives des départements ministériels à Moscou et dans les bureaux des villes de province ; ensuite dans leur véracité, car ils reflètent directement la conscience populaire, sans y mêler l'idéologie gouvernementale ni la rhétorique officielle. L'attention de l'auteur se porte sur trois aspects jusqu'à présent à peu près ignorés de la pensée populaire au XVIIe siècle, et que peuvent éclairer les dossiers sur les « discours inconvenants » : la façon dont les Russes ordinaires se représentaient les différents groupes sociaux et les états, ou ordres (sing. soslovie) ; leurs idées sur le clergé et l'Église ; l'« opinion publique » du XVIIe siècle (rumeurs et propos à caractère politique).
      “Improper language” and seventeenth-century Russian popular vision of politics and society
      The article analyzes reports on “improper language,” that is, language deemed offensive toward the tsar, and in some cases, criminal. Careful study of these reports allows us to rethink our perception of seventeenth-century ordinary Russian citizens' political representations. These documents are doubly interesting: first, by their sheer number, as hundreds of them are housed in Muscovite and regional archives; second, they directly reflect popular sentiment in so far as they are not connected to government ideology or official rhetoric. The author focuses on three hitherto unstudied aspects of seventeenth-century popular representations that these reports shed light upon: (1) the way in which ordinary Russians perceived the different social groups and estates (sosloviia); (2) their vision of the clergy and the Church; and (3) seventeenth-century “public opinion” (political rumors and remarks).
    • Публикация источников XVI-XVIII ст. в постсоветской Украине - Елена Русина p. 347-359 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse les changements intervenus en Ukraine de 1991 à 2005 dans le domaine de l'étude et de la publication des sources historiques. L'auteur attire l'attention sur les progrès (avant tout, la création au sein de l'Académie des sciences d'un Institut d'archéographie et d'étude des sources de l'Ukraine), sans oublier les phénomènes négatifs : réduction de la recherche et des publications au sein de cet institut sous l'effet de la crise socio-économique des années 1990, éparpillement des chercheurs sur un trop grand nombre de publications, attention insuffisante accordée aux sources des XVIe-XVIIIe siècles, parti-pris d'ignorer les acquis de l'archéographie soviétique. L'auteur note que la transformation du paradigme historique dominant a suscité de nouvelles priorités en ce qui concerne l'étude du Moyen Âge tardif et des Temps modernes : les problèmes socio-économiques, naguère activement étudiés par l'historiographie marxiste, sont passés au second plan, tandis que les historiens se tournent vers les sources concernant de nouveaux sujets : l'Église, les élites, la généalogie, le judaïsme, l'orientalisme. L'histoire des cosaques a été particulièrement à l'honneur, suscitant d'importantes publications de sources (archives de la Seč zaporogue, « universaux » des hetmans d'Ukraine, chroniques cosaques).
      Publication of sixteenth- to eighteenth-century sources in Post-Soviet Ukraine
      The article studies the changes that took place in Ukrainian study and publication of historical sources between 1991 and 2005. The author points to both positive developments —as for instance the creation in the Academy of the Institute for Ukrainian Archeography and History of Sources— and negative ones, such as the Institute's slowdown in research and publication during the socio-economic crisis of the 1990s, scattering of scholarly interest on too large a number of publications, obvious lack of interest for sources from the sixteenth to the eighteenth centuries —which had essentially been ignored by Soviet archeography. The author notes that the transformation of the dominant historical paradigm brought about new research priorities in the study of the Late Middle Ages and modern era: socio-economic questions, once the focus of Marxist historiography, were relegated to the background in favor of documentary sources relating to the Church, the elites, genealogy, Judaism, and Oriental Studies. The history of cossacks was in great favor and produced important publications of sources (archives of the Dnieper Sech, Universals issued by Ukrainian hetmans, and cossack chronicles).
  • Monarchie et société

    • L'honneur et la caution : La confiance en Russie (XVIIe-XVIIIe siècles) - Ol´ga Evgen´evna Kosheleva p. 361-379 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article examine les pratiques sociales qui, en Russie, avaient pour but d'empêcher la fraude et de se prémunir contre elle. Le serment faisait partie de ces pratiques médiévales : sa violation était punie par la justice. Quant à la caution, elle faisait retomber les peines encourues sur les répondants du fraudeur, qui s'étaient portés garants de sa bonne conduite. Extrêmement répandues, ces pratiques disparaissent au terme d'une longue évolution socio-culturelle, qui, vers le milieu du XVIIIe siècle, leur substitue la « parole d'honneur » et son corollaire, l'honneur personnel : désormais la fraude n'est plus seulement un délit, mais aussi un acte indigne.
      Honor and bail
      The article considers social practices that were introduced in order to prevent and secure protection from deceit. Medieval Russia's oaths of fealty, which belonged to these practices, were followed by judicial penalty and bail in case of infringement. These practices were common, and the "word-of-honor" and personal honor practices, which came into life around the mid eighteenth century as the result of long socio-cultural changes, turned deceit not only into an act punishable by law, but a morally reprehensible one as well.
    • L'opposition au pouvoir impérial dans la théorie politique de la Russie ancienne : Ses modèles littéraires - Ol´ga Novikova-Monterde p. 381-394 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Pourquoi les textes politiques importants de l'ancienne Russie adoptent-ils un ton moralisateur ? Pourquoi sont-ils si souvent fragmentaires, inachevés ? Pourquoi ne trouve-t-on pas, dans la pensée politique de l'empire des tsars, certaines idées essentielles, présentes chez presque toutes les monarchies d'Europe ?Il arrive que l'on explique ces particularités par le caractère arriéré de la société russe. L'auteur propose une autre interprétation : la pensée russe et celle d'Occident s'inspirent de sources différentes, quoique apparentées.Alors que l'Occident prend comme point de départ la théorie aristotélicienne de la polis, la doctrine russe sur la monarchie suit la tradition hellénistique tardive, transmise par les théologiens de l'Église orientale. La prédilection pour le style fragmentaire ferait partie, selon l'auteur, d'une technique rhétorique délibérée, qui s'efforce d'imiter les textes fondateurs de la patrologie orientale, notamment par l'emploi d'une forme particulière de citation (désignée ici par l'expression « citation globale »).S'agissant du droit de résister au monarque, l'auteur conclut qu'à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, certains théoriciens russes, et même des dirigeants politiques, voyaient dans les récits littéraires d'affrontement entre le tyran et le héros chrétien, tels qu'on les trouve chez saint Jean Chrysostome et autres auteurs des premiers temps de l'Église, le parfait exemple de la conduite à tenir face à un monarque impie. Il en résulte que le droit de résistance était à leurs yeux un devoir du croyant comme individu, non la prérogative d'un groupe politique quelconque. Des cas de résistance collective sont certes historiquement attestés, mais pour être considérée comme légitime, la résistance devait être individuelle et non-violente.
      Opposition to imperial power in Old Russia's political theory and its literary models
      Why are medieval Russia's important political texts written in moralizing terms? Why do so many of them seem fragmentary, unfinished, to us? Why is it impossible to find in the political thought of the Russian Empire essential ideas that existed in almost all European monarchies? This situation is sometimes explained by the backwardness of Russian society. The author offers a different explanation: the difference between Russian and Western political thoughts is due to the fact that they sprang from different, though related, sources. While the origin of Western political thought was Aristotle's theory of polis, Russian doctrine about monarchy comes from the later Hellenistic tradition, transmitted through the theology of the Eastern Church. The fragmentary style of Russian political thinkers was, the author suggests, a deliberate rhetorical device. This rhetorical strategy and its related special form of quotation (called here “global quotation”) were meant to imitate the founding texts of Oriental Fathers. Analysis of the right to resist royal power leads to the conclusion that in the late sixteenth and early seventeenth centuries, some Russian political thinkers, and even what we might call “political leaders,” perceived the literary examples of spiritual confrontation between the tyrant and the Christian hero, as described in the works of Saint John Chrysostom and other early Christian writers, as the archetypical way of dealing with an unrighteous monarch. This implies that the right to resist the tyrant was interpreted as the believer's individual obligation rather than the prerogative of political groups. The author does not deny cases of collective resistance, but points out that only a certain type of individual and non-violent resistance was legitimated by Russian political thought.
    • L'élite dirigeante russe dans la crise politique de 1730 - Sergej Viktorovi? Pol´skoj p. 395-407 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article est consacré à l'étude des caractéristiques sociales de l'élite dirigeante russe et son auto-identification pendant la fin du XVIIe et le premier tiers du XVIIIe siècles. Comment les acteurs de la crise politique de 1730 s'imaginaient-ils la structure de la société ? Comment définissaient-ils leur « identité propre » ? Si l'on analyse la façon dont ils se représentent leur propre groupe social, on s'aperçoit que leur vision de l'ordre de la noblesse ne coïncidait pas avec la Table des rangs officielle. Ainsi se dessine une structure parallèle, que l'aristocratie tente d'inscrire dans la loi, comme le montrent les projets des membres du Conseil suprême secret (verhovniki). Cette structure informelle comprend trois groupes : l'aristocratie (ce sont les famil´nye, représentants de l'élite ancienne de Moscou, qui ont gardé les postes clés dans le gouvernement ; le tsar devait compter avec eux en tant que groupe, et non séparément), la moyenne noblesse (dobroe šljahetstvo, ce sont les héritiers de la noblesse de Moscou et provinciale), la petite noblesse (podloe šljahetstvo, la noblesse pauvre, qui dépendait de l'empereur, ainsi que de la protection des famil´nye). Pour les hommes de la première moitié de XVIIIe siècle, cette structure informelle avait plus de réalité que le système formalisé des rangs, qui n'avait pas encore eu le temps de se fixer dans les mentalités.
      The Russian ruling élite in the political crisis of 1730This article studies the Russian ruling elite's social characteristics and self-identification between the late seventeenth century and the first third of the eighteenth. How did the participants of the 1730 political crisis perceive the structure of society? How did they define their “self-identity”? Analysis of the way in which they viewed their own social group shows that the composition of the gentry did not conform to the official Table of Ranks and reveals a parallel unofficial structure which the aristocracy tried to fix legislatively through bills proposed by verkhovniki (members of the Supreme Privy Council). This informal structure consists of three groups: the aristocracy (famil´nye, i.e., representatives of the old Muscovite elite who had kept key posts in government), the middle nobility (dobroe shliakhetstvo, successors of the Muscovite and provincial nobilities), and the petty nobility (podloe shliakhetstvo, the poor nobility dependent on the autocrat and the patronage of famil´nye). In fact, this informal structure was more real for the people of the first half of the eighteenth century than the formalized system of ranks, which had not yet made its way into mentalities.
    • Sophia Divine Wisdom, and justice in seventeenth-century Russia - Christoph Witzenrath p. 409-429 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Avec, comme toile de fond, la création de l'archevêché de Sibérie, l'article examine l'office de la Divine Sagesse, composé par Semen Ivanovič Šahovskoj, à la lumière de la philosophie post-moderne du droit. Celle-ci aide à comprendre comment Šahovskoj traite l'aporie de la justice, à savoir l'incertitude structurelle propre à tout tribunal humain. Il expose les limitations du monarque, qui sont celles d'un être humain fini, face aux exigences infinies et immédiates de la justice. La procédure judiciaire est évoquée à travers l'image du chemin. Pour répondre à l'urgence de juger, Šahovskoj espère en la Sagesse divine, qui viendra au secours du monarque, mais reste cependant un mystère. La façon de voir de Šahovskoj est aux antipodes de celle d'Ivan IV, qui croyait qu'en sa qualité de tsar il avait directement accès à la Sagesse divine, et, faisant fi des « sages » avis de ses conseillers, préférait une politique populiste et la purification par la violence. La pratique sociale donnait sens aux représentations de la Sagesse, et cela de multiples façons. En Sibérie, les cosaques déposaient les gouverneurs qui refusaient de prêter l'oreille et de se soumettre aux impératifs du bien commun. Le premier archevêque sibérien institutionnalisa ces interprétations, ce qui contribua à populariser le culte de la Sagesse. La métaphore du chemin permettait de donner aux représentations de la Sagesse, et, du même coup, à la justice, une dimension spatiale : elle s'étendait au même rythme que l'empire, retardant d'autant le bon plaisir du tsar.
      The foundation of the Siberian archbishopric forms the backdrop of a discussion of S.
      U. Shakhovskoi's Divine Wisdom service, employing postmodern legal philosophy to discuss how he addresses structural uncertainty in court, the aporia of justice. He expounds the limitations of the ruler as finite human being facing the infinite and immediate demands of justice: its procedural aspect appears as an image of the path; its urgent aspect is addressed by the idea that Wisdom aids the ruler, but remains a mystery. Shakhovskoi's views contrast with Ivan IV's, who believed in his direct access as tsar to Divine Wisdom, repudiating his boyars' ‘wise' advice in favour of populism and violent purification. Social practices gave meaning to representations of Wisdom in multiple ways. In Siberia, cossacks deposed voevodas who refused to listen and submit to common aims. The first archbishop institutionalised these interpretations, thereby popularising Wisdom. Using the image of the path, representations of Wisdom referred to the spatial dimension of justice in an expanding empire, postponing the tsar's final discretion.
  • Europe orientale et Occident

    • Légendes pseudo-historiques de l'Occident médiéval en Russie (XVIe-XVIIIe) : Le cas de l'Histoire de la destruction de Troie de Guido de Columna - Il´ja Vladimirovič Zajcev p. 431-440 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article étudie les traductions, par des lettrés russes de la fin du XVe siècle au XVIIIe siècle, d'œuvres pseudo-historiques occidentales, en partant du cas de la célèbre Historia destructionis Troiæ de Guido delle Colonne. Il examine l'adaptation de ce texte latin, à la rhétorique savante, écrit dans la tradition moralisante du Moyen Âge, aux besoins du public instruit de Russie. La première traduction de l'Historia de Guido date de la fin du XVe, la dernière (imprimée) connut un vif succès au XVIIIe siècle. L'incompréhension par les lettrés russes d'éléments fondamentaux du récit (la rhétorique, la morale, l'aspect didactique) permet de déceler les différences qui séparent la tradition littéraire russe de celle d'Europe occidentale.
      Pseudo historical legends of the medieval West in Russia between the sixteenth and eighteenth centuries. The paper studies specific revisions of a Western pseudo historical text from the thirteenth-century carried out by Russian literati between the late fifteenth and eighteenth centuries. In an analysis of the case of Guido delle Colonne's well-known “Historia destructionis Troiae,” a rhetorically elaborated Latin text written in the moralizing tradition of the Middle Ages, the author discusses problems related to the Russian literary sphere's adaptation of this text, starting with the first translation of Guido's “Historia” into Russian (late fifteenth or early sixteenth century) to its last (so called “printed”) version, which became very popular in the eighteenth century. The Russian public's misunderstanding of the basic elements of Guido's narration (rhetorical, moralistic and didactic devices) forms the basis of this discussion on differences between Russian and Western bookish traditions.
    • John Hebdon à Moscou (1677-1678) : Histoire d'une crise diplomatique - Sergej P. Orlenko p. 441-451 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objet principal de la mission de John Hebdon le fils était d'obtenir que le gouvernement russe rende à la Compagnie anglaise de Moscovie les privilèges commerciaux [commentaire : essentiellement l'exemption des droits de douane, le droit de commercer dans certaines villes russes, etc., AB] qui lui avaient été retirés après l'exécution de Charles 1er. Ce problème fut la pierre d'achoppement des relations anglo-russes pendant toute la seconde moitié du XVIIe siècle. Bien qu'ayant essuyé un refus en règle, Hebdon souhaitait encore rester en Russie.Le séjour du diplomate à Moscou, qui dura près d'un an, fut loin d'être de tout repos : en poursuivant ses intrigues politiques et défendant ses intérêts matériels, Hebdon multiplia les conflits tant avec les Russes qu'avec les étrangers résidant à Moscou. Pour finir, un incident tragique survint dans le Nouveau Faubourg des étrangers de la capitale russe. Des membres de la suite de Hebdon attaquèrent une patrouille de mousquetaires (strel´cy), tuèrent l'un d'entre eux et capturèrent l'officier [« official » et non « officer », AB] qui la commandait. L'analyse détaillée des circonstances permet de supposer que Hebdon cherchait à protéger son agent russe, arrêté par hasard par les mousquetaires, et préférait le scandale à la découverte de ses activités clandestines.
      John Hebdon in Moscow (1677-1678)British envoy John Hebdon Jr.'s mission in Russia primarily consisted in obtaining that the Russian government return trade privileges taken away from the English Muscovy company after the execution of King Charles I. This question was a stumbling block in English-Russian relations throughout the second half of the seventeenth century. Hebdon's request was formally denied, but he preferred staying in Russia. The diplomat's stay in Moscow, which lasted nearly a year, was quite eventful. Hebdon was involved in numerous conflicts with Russians and foreigners while dealing in political intrigues and defending his trade interests. A tragic incident took place in the Novaia nemetskaia sloboda when members of the diplomat's retinue attacked a musketeer patrol (streltsy), killed one of its members, and captured its commanding official. Detailed analysis of this event allows us to suppose that Hebdon sought to protect his Russian agent, who had been accidentally arrested by streltsy, and preferred scandal to the disclosure of his clandestine activities.
    • Correspondance sur la religion entre un Russe et un Anglais (1686-1687) - Petr Sergeevič Stefanovič p. 453-463 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'auteur étudie ce qu'on pourrait appeler les « archives russes » d'un marchand anglais, qui a vécu, fait ses affaires et appris le russe à Pskov dans les années 1680. Ces papiers, actuellement reliés dans un recueil factice de la British Library, constituent l'un des rares témoignages que nous possédions sur les contacts informels entre Russes et étrangers à la veille des réformes de Pierre le Grand.La partie la plus intéressante est une correspondance entre un certain Roman Vilimovič et un certain Pëtr Ignat´evič. Le premier est anglais, venu probablement de la colonie anglaise de Narva, alors florissante, le second un citadin (posadskij čelovek) qui enseigne le russe à Roman Vilimovič et l'a même logé un moment chez lui.Leurs lettres abordent toutes sortes de sujets, des menus détails de la vie quotidienne aux problèmes religieux. Le plus étonnant est qu'ils aient trouvé un terrain d'entente dans le domaine extrêmement délicat de la foi. L'Anglais s'intéresse beaucoup à la tradition orthodoxe orientale, et notamment aux rites, le Russe n'hésite pas à faire profiter son élève de son savoir et lui communique des écrits édifiants, dont on trouve des copies manuscrites parmi les documents de la British Library. Tous deux sont d'accord pour dire que « les chrétiens sont nés sur la Terre d'un même Père » (Roman Vilimovič, faisant écho à son correspondant) et devraient s'aimer les uns les autres.Qu'un tel dialogue ait été possible suffit à ébranler les clichés habituels sur la méfiance et l'hostilité réciproques entre les Russes et leurs visiteurs d'Europe occidentale. Les deux correspondants évitent délibérément les questions conflictuelles des icônes, des saints, des rituels, pour se concentrer sur les valeurs qu'ils partagent. Bien qu'ils soient rares, il existe d'autres exemples de ce genre de relations entre des Russes et des Occidentaux – ce qui tend à montrer que les réformes de Pierre Ier n'étaient pas soutenues seulement par l'élite nobiliaire, mais aussi par certains milieux urbains appartenant aux classes moyennes. Pskov, ville-frontière et place de commerce, caractérisée par une certaine ouverture d'esprit et un environnement multi-culturel, a sans doute favorisé ces échanges.
      Correspondence between an Englishman and a Russian regarding religion (1686-1687)The author explores the “Russian archive” of an English merchant, Roman Vilimovich, who lived, ran his business and studied Russian in Pskov in the 1680s. The Englishman's papers (now part of a convolute in the British Library) provide rare evidence of informal contacts between Russians and foreigners on the eve of the Petrine reforms. The most thrilling part is the correspondence between Roman Vilimovich and a certain Piotr Ignat´evich. The former had probably come to Pskov from Narva's then thriving English colony. The latter was a Pskovian townsman (posadskii chelovek) who taught Roman Vilimovich Russian and temporarily hosted him. In their letters the two men discussed a wide variety of topics, from minutiae of everyday life to religious issues. The most striking fact is that they found common ground in the sensitive area of faith. The Englishman shows a great deal of interest in Eastern Orthodox tradition and rites, while the Russian trustingly shares his knowledge and provides religious literature, some copies of which are included in the “archive”. Both men agree on the fundamental idea that “Christians were born into this world from the same Father” (as Roman Vilimovich puts it, echoing Piotr Ignat´evich's words) and should love each other. The very possibility of such a dialogue in Muscovite Russia shatters the stereotype of mutual mistrust and dislike between Russians and West-European visitors. It is significant that the two men should avoid such issues as icons, saints, and ritualistic differences so as to leave the path of conflict and seek shared values. Examples of relationships between a native Russian and a visitor from Western Europe are rare, but they do exist – which means that the Petrine reforms enjoyed “grassroots support” not only among the boyar elite but also in certain circles of the urban middle class. The author suggests that this dialogue was greatly encouraged by the multicultural, rather open-minded environment of the Russian border market town.
  • Politiques extérieures

    • The Road to Pereiaslav : Ukrainian and Muscovite Understandings of Protectorate, 1620-1654 - Brian Davies p. 465-493 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article revient sur l'arrière-plan politique et culturel des accords de Perejaslav de 1654, qui plaçaient l'hetmanat de Bogdan Hmel´nyts´kyi sous la protection du tsar Aleksej Mihajlovič — décision qui eut des conséquences imprévues et de grande importance sur le futur politique de l'Ukraine, et qui reste controversée encore aujourd'hui. Il soutient que la conclusion des accords de Perejaslav doit beaucoup moins au discours sur les liens historiques, de nature religieuse et politique, entre Ukrainiens et Moscovites et sur l'unité originelle de la Rus´ (ce discours, alors tout récent, manquait encore de cohérence et de conviction) qu'à des considérations militaires : le tsar Aleksej désirait associer les cosaques d'Ukraine à sa campagne en Biélorussie et en Lituanie. L'article fait valoir par ailleurs qu'aucune des deux parties n'avait, à la veille de l'accord, d'idée précise et concrète sur la façon dont le protectorat redéfinirait les souverainetés respectives de la Moscovie et de l'hetmanat. Les modèles de protectorat existant alors impliquaient en effet un ensemble de conditions que Hmel´nyts´kyi n'était pas en mesure de reproduire, étant donnée sa situation stratégique, et que rien n'avait préparé les tsars de Moscou à accepter.
      This article reexamines the political and cultural background to the 1654 Pereiaslav Agreement placing Bogdan Khmel´nyts kyi's Hetmanate under the protection of Muscovite Tsar Aleksei Mikhailovich—an action that had significant unforeseen consequences for the political development of Ukraine and that continues to generate controversy today. It argues that the adoption of the Pereiaslav Agreement had much less to do with discourse about the historical religious-political kinship of Ukrainians and Muscovites and the original unity of Rus´ (this discourse had only recently begun and had not yet achieved much coherence or credence) than with military considerations, specifically, Tsar Aleksei's interest in securing Ukrainian cossack participation in his campaign in Belarus´ and Lithuania. It also argues that neither side came to Pereiaslav with a firm and concrete idea as to how protectorate would redefine the respective sovereignties of Muscovy and the Hetmanate, for the available historical models of protectorate derived from conditions Khmel´nyt´ski could not arrange given his strategic position at the time and which Muscovite tsars had no precedent for accepting.
    • Magnats et noblesse de Lituanie face à l'empire russe (1700-1730) - Andrej Macuk p. 495-510 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'issue de la seconde guerre du Nord, la perception de la Russie par les magnats et la noblesse du grand-duché de Lituanie se transforme. La situation politique intérieure a changé, en effet : l'opposition au roi, qui est surtout le fait des magnats lituaniens, gagne en importance ; or, c'est surtout sur la Russie que comptent ces opposants, afin de contrecarrer les efforts d'Auguste II pour accroître le pouvoir royal. C'est le cas notamment de Ludwig Pociej et Stanisław Denhoff, chefs de file de l'opposition, qui espèrent ainsi ramener les troupes « à la mode étrangère » sous leur commandement. Les changements les plus visibles sont ceux qui affectent le clan des Sapieha : ceux-ci réussissent, avec l'aide d'Aleksandr Menšikov, à s'intégrer dans l'élite russe, et Jan Kazimierz Sapieha est particulièrement actif dans sa recherche d'appuis à l'étranger contre Auguste II, sans pour autant renoncer à soutenir à Saint-Pétersbourg Stanisław Leszczyński, auquel la cour de Russie est hostile. Il doit cependant quitter la capitale russe à cause de l'hostilité des Golicyn et des changements intervenus à la cour ; il compte désormais sur le soutien de la France. C'est par Krzysztof Urbanowicz, ancien partisan des Sapieha, que passent maintenant les contacts entre la noblesse lituanienne et l'élite dirigeante russe. Urbanowicz préfère rester à Saint-Pétersbourg et servir les intérêts de la Russie, ce qui l'amène à rompre avec les partisans lituaniens de Leszczyński. Désormais c'est sur la France, et non plus sur la Russie, que compte l'opposition antimonarchique du grand-duché de Lituanie.
      Lithuanian nobility's and magnates' dealings with the Russian Empire (1700-1730)After the end of the Great Northern War, the gentry and magnates of the Grand Duchy of Lithuania started to perceive Russia differently. The reason was that the internal political situation had changed: opposition to the king, mainly led by Lithuanian magnates, had gained sway and relied on Russia's support for thwarting Augustus II's attempts at bolstering royal power. This was particularly true of opposition leaders Luwig Pociej and Stanisław Denhoff, who hoped to regain the command of foreign-trained troops that the king had taken away from them. The Sapiehas were particularly successful in that respect, having integrated into the Russian elite thanks to Aleksandr Menshikov's help. In St. Petersburg, Jan Kazimierz Sapieha actively looked for foreign support against Augustus II, but nonetheless continued to support Stanisław Leszczyński against the Russian court's hostility. He was forced to leave the Russian capital because of the Golitsyns' hostility and the changes that occurred at the court, and turned to France instead for support. Former Sapieha partisan Krzysztof Urbanowicz then became the new intermediary between the Lithuanian gentry and the Russian ruling élite. Urbanowicz preferred staying in St. Petersburg and serving Russia's interests, and eventually severed his ties with Leszczyński's Lithuanian partisans. From then on, the Grand Duchy of Lithuania's antimonarchic opposition no longer relied on Russia's, but on France's support.
    • La politique turque de Petro Dorošenko : Documents du fonds de Wojciech Bobowski à la BNF - Il´ja Vladimirovič Zajcev p. 511-532 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article est consacré à l'inventaire et à la description de documents inédits portant sur les relations entre l'Empire ottoman, l'Ukraine et la Moscovie à l'époque où Petro Dorošenko était hetman des Cosaques (1666-1676), documents extraits des archives de Woiciech Bobowski (Ali Ufki bey) qui sont conservées à la Bibliothèque nationale de France.
      Petro Doroshenko's Turkish policy
      The article is devoted to the inventory and description of unpublished documents relative to the relationships between the Ottoman Empire, Ukraine, and Muscovy at the time when Petro Doroshenko was Cossack hetman (1666-1676). These documents are part of Woiciech Bobowski's (Ali Ufki bey's) archives, housed at the Bibliothèque nationale de France.
  • Crise et renouveau

    • La Hovanščina et la crise financière de la Russie moscovite : La notion de crise et l'histoire de la Moscovie - Aleksandr Lavrov p. 533-555 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'appuie essentiellement sur les rapports du commissaire suédois à Moscou, Christofer Koch (ou von Kochen) concernant l'insurrection des strel´cy en 1682, souvent désignée dans les ouvrages d'histoire sous le nom de Hovanščina. Ces rapports, dont une petite partie seulement a été exploitée par les historiens, fournissent des éléments pour répondre à trois questions. La première, débattue depuis longtemps déjà, a trait à la nature du soulèvement : a-t-il été provoqué par une faction de la cour pour se débarrasser de la faction adverse, ou résulte-t-il d'une explosion de colère spontanée des masses populaires ? Les rapports de von Kochen vont plutôt dans le sens de la première hypothèse. La seconde concerne les finances de l'État : les strel´cy révoltés auraient trouvé selon le commissaire suédois – information entièrement inédite – les caisses du Kremlin complètement vides. C'est donc la crise financière qui a précédé l'insurrection et entravé sa répression par la suite. Enfin, les rapports de von Kochen permettent de reconstituer plus en détail l'action des vieux croyants pendant l'été 1682, action qui se fond dans le mouvement d'ensemble.
      Khovanshchina and Muscovite Russia's financial crisis
      This article is based chiefly on reports detailing the 1682 Strel´tsy uprising (also called Khovanshchina in historical works) written by Swedish commissioner in Moscow Christopher Koch (or Von Kochen). These little-exploited reports provide elements of answer to three questions. The first question, which has been debated for some time, concerns the nature of the uprising: was it caused by the rivalry between two opposing factions or by spontaneous popular riots? Von Kochen's reports tend to support the first hypothesis. The second question has to do with Muscovy's financial situation: Von Kochen's reports provide hitherto unknown information as to the fact that the insurgents found an empty treasury. The financial crisis can thus be said to have preceded the uprising and hampered its repression. Last, Von Kochen's reports allow us to reconstruct Old Believers' activities during the summer of 1682 in more detail—activities which became an integral part of the general movement.
    • Dinastičeskij krizis XVI-XVIIvv. v Rossii i Stepennaja kniga - Aleksej V. Sirenov p. 557-566 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dès la fin du XVIe siècle, le Livre des degrés, compilé dans les années 1560, était devenu obsolète dans sa conception. Au XVIIe siècle, il ne sert plus que de source pour quelques travaux historiques ou hagiographiques, généralement composés par des clercs. À partir des années 1630, toutefois, plusieurs auteurs essaient d'actualiser le Livre des degrés en le prolongeant jusqu'à leur époque et en rattachant les Romanov à la branche moscovite de la dynastie des Rurikides. Les tentatives les plus réussies sont celles de Sergej Šelonin (Serge de la Šelon´) et de Tihon Makar´evskij (du monastère Saint-Macaire). L'Histoire des tsars et grands princes de Russie, œuvre composée en 1667 par le secrétaire Fedor Akimovič Griboedov, est un cas à part : les matériaux empruntés au Livre des degrés y sont arrangés dans une perspective différente. Dans l'ensemble, l'influence exercée par le Livre des degrés sur les historiens russes du XVIIe siècle est discutable, et, au mieux, limitée et sporadique.
      The “Book of Degrees” and the Russian dynastic crisis of the turn of the seventeenth century
      Compiled in the 1560s, the Book of Degrees [Stepennaia kniga], was already obsolete by the end of the sixteenth century. In the next century, it was used as a source in only a limited number of historical and hagiographical works composed by clerics. From the 1630s onward, several attempts were made to update the text of the Book of Degrees and connect the Romanov dynasty with the Moscow Rurikids. The most successful were Sergii Shelonin's and Tikhon Makarievskii's writings. The History of tsars and grand princes of the Rus´ land, compiled in 1667 by Secretary F.A. Griboedov, is a special case: materials taken from the Book of Degrees are arranged in a different perspective. All in all, the influence of the Book of Degrees on Russian seventeenth-century historiography is questionable, and, at best, limited and spotty.
    • Lithuanian law of the 15th-16th centuries : ?New ways to bypass ?outdated'? regulations - Dmytro Petrovich Vashchuk p. 567-578 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les historiens du grand-duché de Lituanie rencontrent souvent dans les documents la formule bien connue « nous ne voulons ni enfreindre la coutume, ni introduire d'innovations ». En pratique, cette ligne de conduite interdisait aussi bien les atteintes à la tradition que la promulgation de lois nouvelles. C'est ce que l'on a appelé le « conservatisme lituanien ». Toutefois ces déclarations coexistent avec une politique de réformes extrêmement active. Comment expliquer cette contradiction apparente ?Les études historiques publiées jusqu'ici ne donnent aucune réponse à cette question. C'est pourquoi le présent article s'est donné pour tâche d'analyser l'interaction de la coutume (starina) et de l'innovation (novina) dans les sources législatives lituaniennes.L'étude comparative des chartes statutaires octroyées à la région de Kiev et à la Samogitie ainsi que du premier Statut Lituanien, permet d'affirmer que les faits démentent le prétendu « conservatisme » lituanien. Chaque fois que les chartes sont remaniées, on y ajoute de nouvelles clauses, tendant en général à élargir les privilèges de la noblesse, tandis que l'ancienne législation, qu'il s'agisse de son contenu ou de sa formulation, disparaît sans retour. La tradition sert de masque et de garant aux réformes successives.
      The student of the history of the Grand Duchy of Lithuania (GDL) repeatedly encounters the following well-known statement in documents, “We do not break old custom, neither do we introduce novelties.” This course of action, which prohibited breach of tradition as well as promulgation of new laws, has been called “Lithuanian conservatism.” However, these statements coexist alongside an extremely active reform policy. How can this apparent contradiction be explained? Historiography has not solved the problem thus far. The present article attempts to so by analyzing the interaction between custom (starina) and innovation (novina) in legal documents of the GDL.A comparison of the privileges granted to the Kiev region and Samogitia with the First Lithuanian Statute allows us to contend that facts belie the so-called Lithuanian “conservatism.” Every rewriting of the privileges brought about the introduction of new clauses tending generally to expand the nobility's privileges and superseding the old legislation. Tradition both concealed and guaranteed subsequent reforms.
    • Vysšie činy gosudareva dvora pri Petre I (1697-1701) - Andrej Viktorovič Zaharov p. 579-592 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'auteur étudie le recrutement des plus hauts grades de la cour en essayant de saisir la dynamique des promotions et le processus d'institutionnalisation des instances suprêmes de gouvernement. Les rôles de la cour sont analysés du point de vue linguistique et évalués comme source historique ; partant de là, l'article explore les relations entre l'élite et le pouvoir suprême, les mécanismes de la promotion et les procédés de contrôle au jour le jour du service nobiliaire.L'auteur s'attache à faire connaître deux types de documents, jusque là ignorés ou négligés : les convocations informant les sept plus hauts grades de la cour (soit cent personnes environ) des séances du Conseil du tsar (ou Bojarskaja duma) à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, et les rôles de la cour pour 1690-1714. Ces derniers constituent une source sérielle, à la fois abondante et détaillée, qui permet de reconstituer les carrières individuelles, et partant, la carrière-type des membres de l'élite dirigeante. En combinant les méthodes de l'analyse des sources et de la prosopographie, l'auteur arrive à la conclusion que les anciennes méthodes de contrôle administratif ont continué de s'appliquer aux grades traditionnels de la cour jusqu'à la promulgation en 1722 de la « Table des rangs », c'est-à-dire bien plus tard que les historiens ne le pensaient.
      This study of the recruitment of top-ranking officers at the court of Peter the Great is achieved through analysis of rank assignment dynamics and the way in which the highest government bodies became institutionalized. The author takes into consideration the linguistic aspects and reliability of the court's records, which entails analysis of communications between the élite and the supreme power, and reconstruction of the mechanisms at play in individual appointments and daily control of service personnel. The article relies on two hitherto ignored or neglected representative source corpora. The first consists of late seventeenth-century boiarskie povestki, notifications to attend sessions of the tsar's council (boiarskaia duma) addressed to the hundred or so officials occupying the seven highest ranks; the second corpus consists of boiarskie spiski, annual boyar lists, dating from the years 1690-1714. These rolls constitute an extensive and detailed serial source allowing the historian to reconstruct individual careers and infer what the typical career path of the leading élite was. The combination of source study and prosopography allows the author to conclude that older control methods were in use until the promulgation of the Table of Ranks in 1722, that is, much later than generally thought by historians.
  • Liste des abréviations

  • Articles

    • The Great Terror : Polish-Japanese Connections - Hiroaki Kuromiya, Andrzej Pepłoński p. 647-670 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La plupart des « espions » arrêtés pendant la Grande Terreur furent en premier lieu des « espions » polonais ou japonais, avant même les « espions » allemands. Ce n'est pas fortuit. Pendant les années 1920 et 1930 (et même pendant la Seconde Guerre mondiale quand, après Pearl Harbour, la Pologne et le Japon étaient techniquement en guerre), les services secrets polonais et japonais ont collaboré étroitement contre l'Union soviétique. Certes l'Union soviétique était au fait de cette collaboration et avait infiltré les services secrets japonais et polonais, même s'il reste difficile d'apprécier dans quelle mesure. Cependant, le travail des services polonais et japonais était suffisamment sérieux pour inquiéter Stalin. Jagoda, expert du contre-espionnage, avait mis en place des opérations du type « Trest » en Extrême-Orient jusqu'à la Grande Terreur, i.e. jusqu'à ce qu'il soit remplacé par Ežov. Ežov attaqua les opérations de Jagoda et décima les cadres de ses services secrets. C'est une partie peu connue de la Grande Terreur. Ce n'est pas qu'il y avait beaucoup d'espions (en fait ils étaient peu nombreux) ou que la Grande Terreur supprimait les véritables espions (probablement très peu si toutefois il y en avait) mais la Grande Terreur se positionnait dans le combat terrible auquel se livraient les services secrets internationaux. Les relations allemandes sont parfois mentionnées, les polono-japonaises jamais, même si elles semblent avoir été plus importantes que les premières. Ceci explique partiellement le nombre important d'exécutions d'espions polonais et japonais.
      The greatest number of people arrested as “spies” during the Great Terror is represented by Polish and Japanese “spies” followed by German ones. There is a reason for this. During the 1920s and 1930s (and even during WWII when, after Pearl Harbor, Poland and Japan were technically at war), Polish and Japanese intelligence services collaborated closely against the Soviet Union. Of course the Soviet Union knew of this and infiltrated the Japanese and Polish services (the extent is naturally not easy to determine). Still Polish-Japanese undercover work was serious enough to concern Stalin deeply. Iagoda, a past master of counterintelligence, carried out “Trest”-like operations in the Far East, right up until the Great Terror, i.e., until he was replaced by Ezhov. Ezhov attacked Iagoda's operations and decimated his foreign intelligence cadres. This is little known background to the Great Terror. It is not that there were many spies (in fact there were not many) or that the Great Terror struck actual “spies” (probably very few if any), but the fact of the matter was that the Great Terror took place against the backdrop of fierce international intelligence battles. German connections are sometimes mentioned, but Polish-Japanese connections are not, even though they appear to have been more important than the German ones. This partially explains the greater number of people executed as Polish and Japanese spies.
    • Эволюция высшего командования российской армии и флота первой четверти XVIII века - Сepгeй В. Черников p. 699-735 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article présente les résultats d'une étude approfondie d'un ample corpus de sources aussi bien inédites que publiées permettant de suivre l'évolution du commandement de l'armée et de la flotte russes durant le premier quart du XVIIIe siècle. L'auteur démontre, chiffres en main, que l'influence des spécialistes européens sur la modernisation du domaine militaire pétrovien à l'époque de la Guerre du Nord fut décisive. En effet, les étrangers constituaient 68 à 76 % du haut commandement en 1708-1709. Par la suite, la transmission de l'expérience aux officiers et généraux d'origine russe permit de réduire progressivement le nombre d'étrangers, sans que toutefois ils ne disparaissent tout à fait (en 1725 ils constituent 36 % du commandement). Dans l'appendice, on publie une liste exhaustive du haut commandement militaire (203 personnes du 1er au 5e grade selon la table des rangs).
      The facts and figures presented here result from an in-depth analysis of a large corpus of both published and unpublished source materials. They allow us to trace the evolution of the Russian army and navy command during the first quarter of the eighteenth century. European specialists — who accounted for 68 to 76 percent of high command in 1708 and 1709 — had a decisive influence on the modernization of Peter the Great's military at the time of the Great Northern War. In the following years, however, the transmission of experience to officers and generals of Russian origin led to a gradual reduction in the number of foreigners, although the latter did not entirely disappear — in 1725, they made up 36 percent of commanding officers. Appended is an exhaustive list of high commanding officers (203 in all, ranking from the first to the fifth echelons of the Table of Ranks).
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  • Comptes rendus