Contenu du sommaire : Autant de musiques, autant de mondes
Revue | Hermès (Cognition, Communication, Politique) |
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Numéro | no 86, 2020/1 |
Titre du numéro | Autant de musiques, autant de mondes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Musique, notre universalité - Dominique Wolton p. 11
- Introduction générale - Damien Ehrhardt p. 12-13
- Bibliographie sélective - p. 14-15
Partie I : Critique de l'harmonie universelle
- La musique ou l'utopie de l'universel - Céline Bryon-Portet p. 19-27 La musique semble porteuse d'un idéal de transculturalité. On considère volontiers cet art comme exprimant un langage universel, affranchi des particularismes linguistiques et des clivages socio-culturels, capable de s'adresser directement aux sens et à l'âme de tous les hommes. Celui-ci s'inscrirait donc presque naturellement dans une quête de communication et de compréhension absolues, mais aussi de concorde planétaire puisque l'harmonie sonore, métaphore de l'harmonie humaine, aurait des vertus pacificatrices et favoriserait un esprit de communion. Le présent article se propose d'étudier les différents aspects d'une telle utopie ainsi que le bien-fondé et les limites des présupposés philosophiques qui la sous-tendent.Music seems to convey a transcultural ideal and can readily be conceived of as expressing a universal language – a language liberated of all linguistic particularism and sociocultural divisions – which can speak directly to the soul and senses of every person. It would thus be quite natural to include music in any search for absolute communication and understanding. Music also contributes to the pursuit of world peace, since the pacifying quality of its resonant harmonies can serve as a metaphor for harmony between human beings and can foster spiritual communion.This article explores the different aspects of such a utopia, along with the merits and limits of the philosophical presuppositions that underlie it.
- Musique et monde. Bref panorama pour une longue histoire - Damien Ehrhardt p. 28-35 Le lien entre musique et monde se décline du point de vue de l'histoire des idées. Si la musique a toujours été reliée au ou à des monde(s), il convient de savoir de quelle musique et de quel(s) monde(s) il s'agit. De l'Antiquité au xixe siècle, on note le passage d'une vision singulière de la « musique du monde », avec une musique fonctionnelle reflet de l'harmonie des sphères, à une conception plurielle, que résume l'expression : « autant de musiques, autant de mondes ». Si la vision emphatique du compositeur et de l'œuvre au xixe siècle se situe aux antipodes de l'harmonie des sphères, la mondialisation n'a de cesse, depuis, d'apporter de la diversité à ces musiques et à ces mondes.The connection between music and the world can be grasped in terms of the history of ideas. Although music has always been linked to one or more worlds, it is also important to ask which music and which worlds have been brought together. Between antiquity and the nineteenth century, there was a move away from the univocal “world music” – which would function to reflect the harmony of the spheres – and towards a more pluralistic conception. This newer conception can be expressed in the statement, “There are as many forms of music as there are worlds.” The grandiloquence of the works and composers of the nineteenth century was diametrically opposed to the music of the spheres. Since then, these worlds and forms of music have ceaselessly been diversified by globalization.
- La musique contre la violence du monde ? Un art de la programmation transculturelle - Julie Oleksiak p. 36-42 Cet article porte sur le programme des musiques transculturelles de la fondation Royaumont (95) mis en place en 2000 et piloté jusqu'en 2016 par Frédéric Deval, directeur artistique. Celui-ci programme des rencontres entre « des cultures et des langages musicaux que la mondialisation amène à s'interconnecter ». Il invite ainsi des artistes à élaborer ensemble des créations « transculturelles », mais également à inventer des « communautés imaginaires » afin de contrer la violence du monde contemporain. L'analyse de la programmation montre de quelles manières le programmateur de musique entend entrer en résonnance avec le monde. L'engagement artistique, dès lors qu'il est pensé comme un remède à la violence du monde (et peu importe qu'il le soit ou pas), se révèle à la fois une démarche stratégique et l'aliment d'une créativité et façonne ainsi des représentations d'un monde globalisé.This article presents the Transcultural Music Program sponsored by the Royaumont Foundation, which is located north of Paris in the Val-d'Oise. The program was launched in 2000 by Frédéric Deval, who remained its artistic director until 2016. In this capacity, Deval set up encounters between cultures and musical languages that have been brought together and interconnected by globalization. He invited musicians both to collaborate on transcultural works and to invent new “imagined communities,” which would serve as an antidote to the violence of the modern world. An examination of the program reveals how, in selecting different works, the artistic director was seeking to attune himself to the world. When conceived of as a means of countering world violence (irrespective of whether it is or not), the artist's commitment is revealed : it is at once a strategic process and a fuel for creativity, and, as such, it shapes how the globalized world is represented.
- « La musique a ce pouvoir extraordinaire de rapprocher les hommes » - Pierre Baillot p. 43-45
- « L'expression “musique contemporaine” est absurde » - Philippe Schoeller p. 46-50
- Fusions globales, effusions locales. Festivals et mondialisation - Aurélien Djakouane, Emmanuel Négrier p. 51-58 Au cours de ces dernières années, la recherche sur les festivals a accompli des progrès à mesure que la « festivalisation de la culture » connaissait un essor à la fois qualitatif et quantitatif. Nous proposons d'abord une réflexion sur les liens, à la fois logiques et paradoxaux, qui unissent festivalisation et mondialisation en prenant appui sur les résultats d'une comparaison internationale publiée en 2013. Nous approfondirons ensuite cette réflexion à travers l'exemple singulier des Eurockéennes de Belfort dont l'enquête, répétée au fil des ans (2010-2017), illustre autrement les logiques à la fois locales et globales de ce que l'on pourrait appeler des festivals « mondiaux ».In recent years, as the “festivalization of culture” has been proliferating – both quantitatively and qualitatively – research into festivals has also been progressing. This article, which interprets the results of an international report published in 2013, begins with a reflection on the logical and paradoxical connections between festivalization and globalization. It then delves into the singular example of the Eurockéennes de Belfort festival. A survey of this festival conducted between 2010 and 2017 shows the logic, which is simultaneously global and local, that is at work in such “international” festivals.
- Le tournant numérique du spectacle vivant. Le cas des festivals de musiques actuelles - Gérôme Guibert p. 59-61
- « Ajouter une dimension interculturelle à la rencontre musicale » - Jérémie Fontaine p. 62-64
- Pop-idoles. Le marché des voix amoureuses au Japon - Agnès Giard p. 65-71 L'industrie musicale au Japon – la deuxième au monde – repose sur la production d'idoles (aidoru), c'est-à-dire de jeunes filles soumises à trois règles singulières : 1/ Ne pas avoir de talent 2/ Sourire 3/ Ne pas avoir de petit copain. L'idole doit nourrir le rêve d'une relation intime avec chacun des fans. Bien que l'industrie de la pop music au Japon soit née dans les années 1960 sur le modèle américain, elle s'en est donc démarqué de façon singulière en offrant à consommer des jeunes filles comme marchandises émotionnelles, reléguant la musique au rang secondaire, derrière des sessions dites de « serrage de main » (akushu-kai), permettant aux fans de toucher leur bien-aimée. En étudiant ces « jeux d'idolâtrie » – y compris dans leur version pour femmes, en jeu vidéo et en version 3D – j'espère apporter sur la notion même de musique un éclairage original : dans le cas du Japon, la production musicale de masse vise moins à produire des stars qu'une illusion de petit-e ami-e. Quelles fonctions sociales se voit-elle attribuer ? Ces fonctions sont-elles identiques selon que les idoles sont vraies ou fictives ?Japan's music industry, which is the second largest in the world, hinges on the production of pop idols (aidoru). These are young women who satisfy the curious requirements of 1) not being talented, 2) smiling constantly, and 3) not having any boyfriends. Their job is to give the impression that they have a close and personal relationship with each of their fans. Although Japan's music industry emerged in the 1960s and followed the American model, it quickly developed its own approach : it offered consumers such young women as emotional commodities. Music was secondary, much less important than the “handshake events (akushu-kai)” where fans could actually touch their beloved superstars. By exploring the “games of fandom” – including video games, 3D media and versions that are designed for women – this article seeks to highlight a unique aspect of music as such. In the case of Japan, producing music for the masses is focused less on creating star power and more on providing the illusion of a girlfriend or boyfriend. What social functions do such figures possess ? Do these change if the idol is real or fictional ?
- Eurovision : quand la musique dépasse et réactive en même temps les frontières - Éric Dacheux p. 72-73
- « Sur un air latino ». Le succès des tubes hispanophones dans la mondialisation - Christophe Magis p. 74-80 Le succès planétaire de certains hits musicaux hispanophones sur les dernières décennies – et notamment, en 2017, du tube Despacito – a conduit certains commentateurs à conclure à une nouvelle reconnaissance internationale de la culture latine ou latino-américaine, pied-de-nez nécessaire à « l'Amérique de Trump » et à la puissance impériale de sa production culturelle qui tend à toujours reléguer les latino-américains à un rôle subalterne. Pourtant, une étude des arrangements et du rapport texte/musique plus précise de certains des tubes en question oblige à reconsidérer cette vision irénique. On remarque en effet combien la langue espagnole, utilisée avec et au même titre que d'autres sèmes musicaux dans l'arrangement, se réduit à un signal à même de convoquer un imaginaire cliché cristallisé dans le genre « latino ».The worldwide success that has been attained in recent decades by certain Spanish-language hit songs, and especially by the chart-topper “Despacito” in 2017, has led some to conclude that there is a newfound recognition of Latin or Latin-American culture on the world scene. This can be interpreted as a much-needed slap in the face for “Trump's America” and the imperialism of its cultural production, which always seems to relegate Latinos and Latinas to subaltern roles. However, when the arrangements of this music and the relations between its lyrics and melodies are examined, this optimistic interpretation can be called into question. In effect, the Spanish language, which is used with and in the same way as other musical semes in the arrangement, is largely reduced to a signal that merely conjures up the chimerical stereotypes typified in the “Latin” genre.
- Mythes et réalités d'un son islandais dans un environnement musical mondialisé - Benjamin Lassauzet p. 81-84
- Robert Schumann et le Japon - Jung ja Park p. 85-90 Cet article met d'abord en lumière l'histoire de la réception de la musique de Robert Schumann (1810-1856) au Japon en faisant mention de son contexte social et de l'évolution des musiciens depuis le début de la véritable réception de la musique occidentale dans ce pays lointain. Ensuite, à travers les interviews de deux pianistes internationaux, il mène une réflexion sur l'interprétation de la musique de Schumann dans la mondialisation en lien avec cette réception.This article presents the history of the reception of the music of Robert Schumann (1810-1856) in Japan, with reference to both the social context and the ways that musicians have changed since Western music started to be accepted there. Two international pianists are interviewed, which leads to an additional exploration of how Schumann's music is interpreted in this era of globalization and how this relates to its reception in Japan.
- Quand le Brésil inspire la France. Échos dans la presse musicale (1845-1897 ; 1920-1938) - Zélia Chueke p. 91-95 Intitulée Quand le Brésil inspire la France, la recherche dont je m'occupe depuis 2013 se fonde sur trois inventaires, à l'origine de cet article. Le premier est la liste des œuvres pour piano publiées par les maisons d'éditeur française entre 1845 et 1897 évoquant le Brésil. Le deuxième registre les articles de la revue La France musicale pendant la même période et, le troisième, les dossiers du Fonds Montpensier, boîte Brésil, Virtuoses/ pianistes. Ces trois inventaires ont pu être consultés grâce à l'accès aux archives de la Bibliothèque nationale de France. Toutes ces sources témoignent du l'aspect inattendu, parfois inexplicable, des relations interculturelles et de la circulation des artistes entre les deux pays, voire entre deux ou trois continents. Les relations internationales qui se sont ainsi établies s'insèrent dans un processus de globalisation culturelle toujours existant, qui attire davantage l'attention et l'intérêt des spécialistes du monde contemporain.This article arises from a research project begun in 2013, which has explored three inventories of documents located in the archives of the Bibliothèque nationale de France. The first is a list of works for solo piano that mention Brazil and were published by French music publishers between 1845 and 1897. The second is a register of articles that appeared in La France musicale, a weekly review, during the same period. The third concerns the materials contained the box Fonds Montpensier, boîte Brésil, Virtuoses/pianistes. All of these sources attest to the unexpected, and sometimes inexplicable character of the intercultural relations between Brazil and France, revealing how musicians traveled back and forth between the two countries or even between two or three continents. The international relations established in this way were part of a preexisting, overarching process of cultural globalization that remains of great interest to specialists working today.
- La musique classique au risque du développement personnel - David Christoffel p. 96-100
- Les Beatles et la mondialisation - Guy Maruani p. 101
- La diffusion planétaire de la musique classique - Isaac Chueke p. 102-103
- « Il nous faut une culture qui démocratise » - Laurent Petitgirard p. 104-107
- La musique ou l'utopie de l'universel - Céline Bryon-Portet p. 19-27
Partie II : Résistances et incommunications
- La mondialisation des musiques « latino » : stratégies industrielles et rapports de pouvoir - Alix Bénistant p. 109-117 Partant des travaux de l'économie politique de la communication qui ont donné une place privilégiée à l'analyse des circulations culturelles et médiatiques au niveau international, cet article souhaite identifier les processus impliqués dans la construction et médiatisation à grande échelle d'une catégorie musicale dite « latino ». Il questionne ainsi le contexte d'émergence d'un secteur musical latino à Miami, pris au cœur des dynamiques de mondialisation, pour au final pointer les rapports de pouvoir qui se manifestent dans les stratégies d'internationalisation de ces productions culturelles spécifiques.On the basis of research into the political economy of communication, which has given special emphasis to the study of how culture and media circulate on the international level, this article seeks to identify the processes involved in the construction and worldwide media coverage of the “Latino” genre of music. It examines the context in which the Latino music industry has emerged in Miami, where it is caught up in the dynamics of globalization. Finally, it brings out the power relations that are involved in the strategies employed to internationalize such cultural products.
- Singularités et différences dans la musique pop : une révision de l'expression « world music » - Herom Vargas, Nilton Faria De Carvalho, Roberto Chiachiri p. 118-125 L'organisation de la musique pop utilise le terme de world music pour classer les productions non adhérentes dans le noyau Europe / États-Unis. Cet article propose trois axes de discussion sur l'utilisation de la world music : a) relire les textes sur le thème ; b) identifier les inégalités narratives historiques de portée globale qui la pénètrent ; c) une analyse empirique basée sur la sémiotique de la culture et les contributions de lignes poststructuralistes et décoloniales pour repenser la world music et sa fonction de manière esthétique.Pop music uses the term “world music” to classify the music made by those who are not located within the Europe/USA core. This article presents three approaches to reconsidering how the term is used : 1) rereading texts that discuss the subject, 2) identifying the historical narrative inequalities that permeate it on a global scale, and 3) undertaking an empirical analysis based on a cultural semiotics that is informed by poststructuralist and postcolonial methods. Together, these approaches provide a way of rethinking “world music” and its function from an aesthetic perspective.
- Uzeste : créolisation critique et résistance radicale - Fabien Granjon p. 126-129
- Chanter en langue régionale dans un contexte global. Les musiques occitanes entre pop, folk et avant-garde - Michael Spanu p. 130-133
- Anthropologie de l'underground : musique subversive et cyber-dissidence - Kerim Bouzouita p. 134-141 L'histoire de l'underground pourrait commencer avec Socrate acceptant son sort en buvant la ciguë après son procès, ou encore Diogène dénonçant les limites de la démocratie athénienne. Cette histoire pourrait aussi commencer avec les jazzmen de la première génération et leurs héritiers boppers et autres révoltés du free-jazz hurlants « mort à la mesure ! ». Cette histoire pourrait continuer avec Jimi Hendrix affranchissant la guitare ou Bob Marley dénonçant Babylone et se liant d'amitié avec le Rastafari. Nous pourrions raconter son déclin avec le hard rock et les Rolling Stones provoquant les gardiens du temple des idées bien-pensantes et du bon goût musical avec « Sympathy for the Devil ». Cette histoire pourrait finir dans un clip diffusé sur MTV, dépouillant la culture hip-hop de toute hostilité contre le « système ». Mais l'Histoire est complexe à chaque génération ses identités résistantes aux dogmes. Cet article explore l'anthropologie de l'underground tunisien, entre détermination et aventure, et ses modes de cyber-résistance face à la dictature.The history of the underground could begin with Socrates' drinking the hemlock after his trial or even with Diogenes' condemning the restrictions on democracy in Athens. It could also start with the first generation of jazz musicians and those who followed them, the boppers and the free jazz movement who bucked the system, shouting, “Down with moderation !” The story might continue with Jimi Hendrix's liberation of the guitar or Bob Marley's railing against Babylon and his friendship with Rastafarians. We can chart its decline with the advent of hard rock and the Rolling Stones, whose “Sympathy for the Devil” was a provocation aimed at the narrow-minded keepers of the temple of good musical taste. This history could conclude with a clip shown on MTV depicting a hip-hop culture stripped of all its animus to the “system.” However, history is complex and each generation has its own identities that resist dogma. This article explores the anthropology of the Tunisian underground as it moves between determination and adventure, as well as its ways of resisting the dictatorship through cyber-resistance.
- Jacek Kaczmarski : la poésie chantée comme révolte pendant la guerre froide - Joanna Nowicki p. 142-146
- Les médiations musicales du militantisme. La Jeunesse communiste dans les années 1960 - Jedediah Sklower p. 147-151 À partir du milieu des années 1950, la Jeunesse communiste (JC) française prend progressivement acte du nouveau visage de la culture jeune. Alors que celle-ci adopte de nouvelles modes musicales aux résonances mondiales, et que les industries culturelles et médiatiques se reconfigurent pour satisfaire et alimenter cette demande inédite, la JC abandonne le projet d'une « contre »-culture rouge et autonome vis-à-vis de la culture marchande dominante. Elle cherche alors à s'implanter au sein de la jeunesse en mimant les recettes de ses adversaires capitalistes et en s'appropriant les médiations de ses cibles. Cela implique dès lors non seulement de libéraliser le répertoire culturel du mouvement, mais aussi de remodeler l'organisation et d'informaliser les pratiques propagandistes des militants.Starting in the mid-1950s, the Jeunesse Communiste (JC), the political youth organization close to the French communist party, gradually began to acknowledge the new face of youth culture. As young people began to adopt new, more international trends in music and as the culture and media industries started to reshape themselves in order to satisfy and increase this demand, the JC gave up on their pursuit of a red “counter”-culture that would be separate from the commercialism of the dominant culture. They sought instead to gain a foothold in youth culture by imitating the techniques of their capitalist adversaries and appropriating the mediation of their targets. This meant that they had not only to liberalize the JC movement's repertory of cultural references but also to reshape their organization and to informalize the propaganda practices of their members.
- Music Reception in the Red Culture Campaign: Generation, Affect, and the Possibility of Empowerment - Xiao Mei p. 152-157 De 2008 à 2012, une campagne culturelle a été menée dans la ville de Chongqing en Chine, dans le cadre d'un projet politique ambitieux. Composée de quatre éléments – « chanter des chants communistes, lire les classiques, raconter des histoires et propager des maximes » – la campagne a été à la fois largement diffusée et très controversée. L'image de millions de personnes entonnant des chants révolutionnaires à l'unisson a rappelé les souvenirs des campagnes politiques passées de la Chine, conduites par le Parti communiste. Dans cet article, j'analyse comment le gouvernement et les participants ont formulé la signification des chants rouges pendant cette campagne. Alors que le gouvernement a utilisé la musique comme un outil de mobilisation, les différentes générations de participants l'ont abordée et classée différemment. Par exemple, la génération plus âgée a perçu une valeur nostalgique dans ces chants rouges, alors que les plus jeunes étaient plus critiques et détachés. Je m'appuie sur le concept d'« alliance affective » pour expliquer cette bifurcation de la réception entre ces deux générations.From 2008 to 2012, a Red culture campaign was carried out in the city of Chongqing in China, as a major part of an ambitious political project. Featuring four elements – “Singing Red, Reading Classics, Telling Stories, and Spreading Mottos” – the Red culture campaign was both widely publicized and highly controversial. The image of millions of people singing revolutionary songs in unison brought back the memories of China's past political campaigns led by the Communist Party. In this paper, I analyze how the government and participants framed the meaning of Red songs during this campaign. Whereas the government used music as a mobilizing tool, different generations of participants approached and categorized it differently. For example, the older generation saw nostalgic value in these Red songs, whereas younger people were more critical and detached from the political campaign. I draw on the concept of “affective alliance” to explain this bifurcation of reception between these two generations.
- Reggae, idéologies et luttes émancipatrices en Afrique - Edmond Doua p. 158-163 La musique franchit et brise les barrières géographiques et socioculturelles. Elle peut devenir un important moyen de diffusion des idéologies et se transformer en un puissant moyen de communication politique. La musique reggae, comme c'est le cas dans cette réflexion, s'inscrit dans cette dynamique sociale, à savoir se servir de la musique comme instrument de revendication et d'émancipation des peuples se disant opprimés. À titre d'illustration, Get Up Stand Up, titre éponyme de l'album conjoint de Peter Tosh et de Bob Marley, invite les citoyens à se battre pour leurs droits. Face à la prégnance du reggae dans les luttes de libération et d'indépendance en Afrique et de son influence sur les autres mouvements de protestation, depuis les années 1970, il semble opportun de jeter un regard critique sur ses véritables enjeux et son apport à la communication et à la diffusion des idéologies politiques. L'étude, qui se fait dans un contexte où cette musique est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco depuis 2018, veut décrire sa trajectoire, dresser la typologie de ses principaux praticiens et montrer, in fine, comment elle est conçue pour constituer un farouche outil de combat politique : un combat qui, au fil des générations, s'est imposé dans le monde entier. Au plan méthodologique, l'étude s'appuie un corpus de documents écrits et sonores, afin de mettre en évidence les aspects conceptuels et empiriques de cette musique, dans les luttes d'émancipation politique, culturelle et sociale sur le continent noir.Music crosses and breaks down geographical and sociocultural barriers. It can become a significant means by which ideologies circulate and become transformed into powerful tools of political communication. Reggae music, as understood in the present article, takes part in this social dynamic, where music serves as an instrument of protest and liberation for peoples who recognize that they are oppressed. For example, the song “Get Up, Stand Up,” co-written by Peter Tosh and Bob Marley, calls on the people to fight for their rights. Given the important role of reggae in African struggles for emancipation and independence and its influence on other liberation movements since the 1970s, it seems worthwhile to take a critical look at both what is truly at stake in this music and its contribution to the communication and spread of political ideologies. Carried out in the context of this music's inclusion on UNESCO's Intangible Cultural Heritage Lists in 2018, this study seeks to chart its course, to establish a typology of its principal performers and songwriters, and to show how it is designed fundamentally to serve as a forceful tool for the political combat that has, for generations, been erupting throughout the world. Methodologically, the study is based on the analysis of a corpus of written and audio documents, which show the conceptual and empirical aspects of the music in political, cultural, and social liberation movements in Africa.
- La musique metal, une mondialisation minoritaire - Gérôme Guibert p. 164-169 Depuis son émergence dans les années 1970, le heavy metal est resté un genre musical peu apprécié par une très grande majorité de la population, il est donc resté peu couvert par les médias excepté quelques articles à charge ou dépréciateur. Cependant, ce genre de musique a toujours eu, depuis plus de 40 ans, une minorité d'adeptes très attaché à la culture metal. On observe à l'heure actuelle un phénomène nouveau, puisque le heavy metal devient visible dans l'espace public. Ceci s'explique d'abord par un phénomène structurel, l'augmentation des adeptes de la musique metal, car une grande partie de ceux qui ont connu cette musique dans leur jeune âge continue d'en écouter, un peu partout dans le monde. Elle s'explique également par le succès d'évènements dédiés au genre musical. C'est le cas en France avec l'un des grands festivals se déroulant sur le territoire national, le Hellfest.Ever since it appeared in the 1970s, heavy metal has been a genre that has remained relatively unpopular with the general public. For this reason, it tends not to be covered by the media, other than in an occasional critical or disparaging article. Nevertheless, for the past 40 years, heavy metal has always attracted a small group of fans who are very attached to metal culture. At present, something new is occurring : heavy metal is gaining visibility in the public arena. This can be understood as a structural phenomenon – the growth in the number of fans of the genre – for many, throughout the world, who first got to know this music when they were younger, have continued to listen to it. It can also be understood as an effect of the success of heavy metal festivals and other events. This is the case in France, where Hellfest, one of the largest of these events, is held.
- Musique et discours, hymne et joie - Luciana Radut-Gaghi p. 170-173
- Le Heiva (Tahiti) : la musique dansée comme « fait social total » - Peter Brown p. 174-180 L'article présente le Heiva de Tahiti (Heiva i Tahiti), à la fois « festival-compétition » annuel qui renoue avec une tradition millénaire et phénomène social contemporain. Il étudie les relations entre musique, danse ('ori tahiti) et chants traditionnels (hīmeme), composantes essentielles de la culture tahitienne. Pour comprendre le contexte de ces modes d'expression, l'article analyse le concept transversal de « culture » en Océanie. Il considère certaines notions musicales (rythme, mesure) par rapport à l'intégralité de la vie humaine, en comparant l'approche occidentale et océanienne. Il discute des enjeux contemporains du Heiva, ainsi que des relations entre culture et commerce à l'échelle locale, régionale et mondiale et des controverses que celles-ci peuvent susciter.The article presents the Heiva i Tahiti, which is both an annual competitive « festival » based on ancient cultural practices and a contemporary social phenomenon. It studies the relations between music, dance ('ori tahiti) and traditional chants (hīmeme), which are fundamental aspects of Tahitian culture. To understand the context of these forms of expression, the article analyses the overarching concept of « culture » in Oceania. It examines certain musical notions (rhythm, beat) in relation to aspects of human life, comparing Western and Oceanian approaches. It discusses some contemporary issues presented by the Heiva and relations between culture and commerce locally, regionally and globally.
- Paysages sonores, musiques urbaines : de Murray Schafer à Nicolas Frize - Thierry Paquot p. 181-186 La société urbaine et industrielle génère des bruits mécaniques que des compositeurs vont entendre comme des sons et non pas des nuisances et intégrer à leurs partitions. Selon les lieux et les activités, ces sons – agréables ou déplaisants – ont des intensités différentes que les musiciens accordent entre elles en des harmonies inédites qui constituent l'étoffe d'un paysage sonore particulier. Cet article s'attarde sur l'apport théorique de Murray Schafer et décrit la mise en son de l'université d'Amiens par le compositeur Nicolas Frize. Cette présentation de l'écologie sonore révèle une esthétique acoustique trop souvent ignorée.Composers hear the racket generated by urban-industrial society not as noise pollution but instead as sounds that can be incorporated into the music they write. Depending on how and where they are produced, these sounds, which may be pleasing or grating, have varying intensities. Musicians attune these into novel harmonies that form the material for constructing a distinctive soundscape. This article explores Murray Schafer's theoretical contributions to this field and describes a work by the composer Nicolas Frize in which the University of Amiens was sonorized. This presentation of aural ecology amplifies an acoustic aesthetic that we tend too often to tune out.
- La mondialisation des musiques « latino » : stratégies industrielles et rapports de pouvoir - Alix Bénistant p. 109-117
Partie III : Communiquer en musique dans un monde multipolaire
- « Cette idée humaniste que la musique est universelle est une erreur fondamentale » - Jean Bauer p. 189-198
- Le `ibshakuhachi`/ib japonais, une flûte de bambou dans le giron de la mondialisation - Bruno Deschênes p. 199-202
- La kora et l'imaginaire musical dans le monde et dans le cloître - Hauke Dorsch, Isabelle Jonveaux, Katrin Langewiesche p. 203-206
- La musique traditionnelle roumaine dans les compositions de Vladimir Cosma - Liliana-Isabela Apostu p. 207-211 Né à Bucarest dans une famille de musiciens renommés, Vladimir Cosma a quitté la capitale roumaine à 22 ans, alors qu'il commençait déjà à se forger une réputation de compositeur. Formé ensuite à Paris, Cosma se voit confier par Yves Robert en 1968 la composition de sa première partition pour musique de film. Il enchaine dès lors les pièces pour cinéma et les thèmes de ses mélodies commencent à conquérir un public de plus en plus large. Son style se forgea à la lumière d'une maîtrise parfaite non seulement de la musique savante, mais aussi du jazz, de la variété et surtout de l'intégration des éléments musicaux de provenance traditionnelle ou folklorique. Il utilisa ainsi des thèmes et des motifs, des rythmes et des tournures mélodiques roumains ainsi que des instruments peu utilisés comme la flûte de pan ou le cymbalum, traditionnellement pratiqués dans le taraf roumain (orchestre de dimensions réduites avec des instruments spécifiques).Qui se douterait que le générique du film Le Grand Blond avec une chaussure noire par exemple, est une sârba roumaine (danse rapide, binaire, avec des éléments rythmiques spécifiques) ? Ou que dans le film Rabbi Jacob, les thèmes et les mélodies juives si envoûtantes sont inspirés directement des airs des ashkenazis pratiquant leur musique à Bucarest ? Pourtant, la musique de Vladimir Cosma est reconnue en tant que « musique française de film » et le compositeur est le musicien français le plus réputé dans ce domaine. Nous nous intéresserons ici à la manière dont certains éléments de la musique traditionnelle pratiquée en Roumanie ont été intégrés dans le langage musical devenu « universel » de Vladimir Cosma.Vladimir Cosma, who came from a family of accomplished musicians, left Bucharest, the city of his birth, when he was 22 and was already beginning to build his reputation as a composer. Next, he studied in Paris, and in 1968, Yves Robert entrusted him with the task of composing what would be his first film score. He went on to write more music for the cinema, and the themes of his melodies reached a growing audience. His style grew out of his mastery not only of art music but also of jazz, pop music, and especially, musical elements taken from vernacular and folk music. He used Romanian themes, motifs, rhythms, and melodic lines, and wrote for infrequently-used instruments such as the pan flute and the cimbalom, both of which are played in Romanian taraf (a small folk-music ensemble in which traditional instruments are played).Who would have thought that the theme of the film The Tall Blond Man With One Black Shoe is a Romanian sârba (a quick dance in duple meter with particular rhythmic elements) ? Or that, in The Mad Adventures of Rabbi Jacob, the enthralling themes and melodies are directly inspired by the tunes of the Ashkenazi Jews who performed in Bucharest ? However, Vladimir Cosma's work for the cinema is considered as part of “French film music” and he is the most renowned French musician in this domain. This article explores how certain aspects of the traditional music of Romania have been integrated into Cosma's “universal” musical language.
- La musique arabo-andalouse : convergences en diaspora - Fayçal El Mezouar p. 212-218 Lorsqu'une musique s'éloigne de son terreau initial pour devenir mondiale, elle perd de sa signification originelle. Par ailleurs, grâce aux pérégrinations et rencontres, elle en gagne la dimension d'un message universel ! Observer les conséquences de cette dynamique d'échange entre le duo « global/local », révèle le rôle des majors qui ont su atténuer le compromis entre la production de masse et celle spécifiquement « locale », mettant en œuvre une stratégie mondiale basée sur l'adaptation aux exigences régionales. En définitive, il semblerait que l'humanité s'est entièrement déterminée à partir de négociations et alternances faites à différentes échelles. Considérer que la transmission transculturelle s'opère par le perpétuel cycle de va et vient, soulève l'interrogation sur l'incompréhension qui se trouve également parmi nous-mêmes, et entre nous-mêmes et les autres. Cependant, qu'en est-il donc de l'arbitrage ?When music leaves its native land and becomes global, it loses its original meaning. The travels and encounters of that voyage, however, also provide music with its universal message. Examining the implications of the dynamic exchange within the “local/global” dyad reveals the role played by major record labels. By implementing a global strategy that aligns itself with regional requirements, these companies have found ways of mitigating the compromise between mass production and a production that is specifically “local.” Ultimately, it seems that humanity is completely determined by negotiations and interchanges that take place at various levels. To view transcultural transmission as involving a perpetual back-and-forth cycle raises a question concerning the incomprehension that is found among ourselves as well as between ourselves and others. What impact does this have on arbitration ?
- Les compositeurs voyageurs sur le chemin de la mondialité - Nicolas Darbon p. 219-230 De la Renaissance à nos jours, le compositeur est voyageur. Mais le Monde aujourd'hui englobe toute la planète Terre et le terme dérivé de mondialisation signale l'incroyable interdépendance et l'uniformisation des cultures. L'hypothèse de cet article est que le compositeur contemporain possède une perception de cette mondialisation, et que son ambition est de construire une mondialité, dans le sens défini par Édouard Glissant, qui serait une façon heureuse de vivre le Monde. C'est le cas d'Alain Berlaud, Jean-Claude Eloy, Ahmed Essyad, Thierry Pécou, Xu Yi, dont les esthétiques intégratives sont ici présentées. Mais paradoxalement, plus le compositeur est voyageur, plus il incarne cette mondialisation malheureuse qui consiste à déplacer, diffuser, universaliser – volontairement ou non – un modèle, des techniques, propres à l'Occident.From the Renaissance to the present, the composer has been a traveler. However, the world in which he or she travels is now the entire planet. The term “globalization,” which is derived from this, signals the incredible degree to which cultures have become interdependent and rendered uniform. The hypothesis of this article is that contemporary composers are aware of this globalization and that they seek to construct a “globalism,” in Édouard Glissant's sense of the term : a felicitous way of experiencing and living in the World. This is the case for the composers Alain Berlaud, Jean-Claude Eloy, Ahmed Essyad, Thierry Pécou, and Xu Yi, whose integrative aesthetics are explored in this article. Paradoxically, the more that a composer travels, the more he or she comes to embody the unfortunate aspects of globalization, which consists in shifting, spreading, and universalizing (willingly or not) the model and techniques of Western civilization.
- Être une compositrice japonaise en France aujourd'hui, entre tradition et mondialisation - Florence Lethurgez p. 231-236 La musique contemporaine s'implémente, en contexte de mondialisation, dans des territoires qu'elle recompose selon les frontières et les caractéristiques de son ordre propre. Nous en observons les dynamiques socio-communicationnelles auprès d'un noyau de compositrices japonaises étudiant et vivant en France. Quelles circonstances favorisent-elles ou non les syncrétismes entre musique traditionnelle japonaise et musique moderne universelle ?In the context of globalization, contemporary music recomposes the territories in which it is deployed in accordance with the boundaries and characteristics of its own order. This article explores the social and communicational dynamics of this process for a group of young Japanese women composers who are living and studying in France. It seeks to identify the situations that advance or inhibit various forms of “syncretism” between traditional Japanese music and universal modern music.
- La musique savante chilienne dans la mondialisation - Mauricio Gómez Gálvez p. 237-243 Cet article s'intéresse aux mutations de la musique contemporaine chilienne durant la période post-dictatoriale – très ouverte à la mondialisation – et, tout particulièrement, aux trajectoires et aux œuvres de deux compositeurs d'aujourd'hui. Après une mise en contexte, nous montrons comment ces créateurs provenant d'un espace culturel « périphérique » s'insèrent dans les réseaux de diffusion transnationale de la musique contemporaine. Enfin, il s'agit de comprendre les stratégies de communication interculturelle déployées dans leurs œuvres.This article explores how contemporary Chilean music has changed in the post-dictatorship era, with its open embrace of globalization. The works and career paths of two contemporary Chilean composers are presented. These are contextualized, and we go on to show how these creators, who originate from a “peripheral” cultural space, come to find their place in the transnational distribution network of contemporary music. Finally, we seek to grasp the intercultural communication strategies that are enacted in their works.
- Musiques `ibambient`/ib : liquéfaction du monde à l'ère de la communication mondialisée - Simon Lehmans p. 244-248 En prenant comme point de départ le carrefour qui fit se rencontrer Debussy et ses exotismes, Satie et son idée d'une musique fonctionnelle, et la littérature française avec le concept d'ambiance, on peut redessiner les contours d'une histoire de la musique moderne autour de l'idée d'une progressive « liquéfaction » des représentations du monde pour l'individu, étrangement synchrone avec le processus de la mondialisation. L'ouverture sur les cultures qu'a permis la mondialisation a nourri la musique occidentale moderne, et elle-même s'est imposée au reste du monde via ses industries culturelles. Aujourd'hui, ce système s'est bouclé, et la musique mondiale est faite d'hybrides en flottaison difficiles à situer dans le temps ou l'espace. Parallèlement à ces confrontations culturelles, la mondialisation a changé profondément les modes de production et de consommation de la musique et du son, désormais omniprésent sous ses formes esthétisées dans nos quotidiens, et défait de son caractère sacré. Sans porter de jugement moral sur les « méfaits » ou les « bienfaits » d'un tel changement de statut pour la musique, on propose l'idée que l'évolution de la musique depuis la fin du xixe siècle constitue un bon témoignage du changement des représentations du monde, en dilution dans le tourbillon de l'expérience de la vie moderne.This article's point of departure is located at the crossroads where Debussy met exoticism, Satie met functional music, and French literature met the concept of “ambiance.” This provides a way to sketch a new history of modern music, one that draws on the notion that each person's representations of the world are gradually “liquefying,” in a way that is curiously synchronous with the process of globalization. Opening up to the diversity of cultures through globalization has fueled modern Western music, which has, in turn, been imposed on the rest of the world by the West's culture industries. This has become a closed-loop system, and world music is now made up of drifting hybrids that are hard to locate in space and time. Along with the confrontations among cultures, globalization has profoundly changed the modes of production and consumption of music and sound, whose aestheticized forms have become omnipresent in daily life. These modes have made music and sound lose their sanctity. Without taking a position on the morality of the “wrongs” or the “benefits” of this change in the status of music, we suggest that the development of music since the end of the nineteenth century attests quite clearly to the changes in how the world is represented, a world that has been diluted in the maelstrom of modern life.
- La dance culture, une mondialisation réussie - Alexandre Augrand p. 249-256 Au cours de la seconde moitié du xxe siècle voient le jour plusieurs mouvements musicaux et festifs (sound-systems jamaïcains, hip-hop, disco, house et techno) qui sont englobés sous le terme de « dance culture ». Toutes ces scènes apparus localement dans des villes, voire des quartiers, sont le résultat d'un ensemble de transferts culturels – déplacements humains, des réappropriations, des expérimentations musicales, des accidents mais également des élans de contestations sociales et politiques – qui vont inspirer des communautés, des DJs et des producteurs expérimentateurs. Ces mouvements connaissent chacun leur tour, et de manière différente, des phénomènes de mondialisation entre les années 1970 et 1980 amenant l'émergence de nouvelles scènes musicales dans de nombreux pays qui, chacun, se développent selon leurs propres revendications sociopolitiques et identités culturelles.Many new festive, musical forms appeared in the second half of the twentieth century, such as Jamaican sound system, hip hop, disco, rap, house, and techno, a spectrum that is referred to as “dance culture.” All of these scenes emerged in urban neighborhoods. They are the result of a series of cultural transfers that include human displacement, re-appropriation, musical experimentation, and happy accidents, as well as the rise of social and political protest movements ; all of these inspired communities, DJs and inventive producers. Each of them had its own, specific encounter with the phenomena of globalization in the 1970s and 1980s, which gave rise to other new music scenes in many different countries. Each of these would then develop in relation to its own sociopolitical aspirations and cultural identities.
- L'afro-futurisme au-delà des frontières - p. 257-260
- La mondialisation des musiques populaires au prisme des concepts de scène et d'interculturalité - Marc Kaiser p. 261-266 Pour envisager les musiques populaires mondialisées comme l'une des actualisations possibles de l'interculturel, nous proposons de mobiliser deux concepts habituellement dissociés : le premier, celui de « scène musicale », afin d'appréhender les musiques populaires en articulant dans un même mouvement analytique des genres musicaux mondialisés avec des appropriations territoriales spécifiques ; le second, celui d'« interculturalité », dans le but de penser la rencontre d'univers symboliques distincts depuis la communication interculturelle, en particulier dans son rapport aux médias.In order to conceive of globalized popular music as one of the possible ways through which the intercultural is realized, this article draws on two concepts that are not usually associated with one another. The first is that of the “scene” as this term is used in music ; this provides a way to approach popular music by relating, in a single analytic movement, globalized music genres and their local appropriations. The second, “interculturality,” allows for a conceptualization of how distinct symbolic universes encounter each other through intercultural communication, especially in relation to the media.
- Hybridations musicales à l'ère de la mondialisation numérique - Hervé Zénouda p. 267-274 L'accès généralisé à l'information musicale favorise des mélanges stylistiques qui traversent tous les genres ainsi que toutes les sphères culturelles. Si cette hybridation musicale n'est pas nouvelle, elle prend aujourd'hui une dimension inédite avec les technologies numériques fondées sur la connaissance. Cet échange généralisé et mondialisé concerne les musiques mais aussi les connaissances musicales. Ce transfert de connaissances est favorisé à la fois par les dimensions multimédia mais aussi par la formalisation de la théorie musicale incluse dans les ontologies musicales et portée par le paradigme numérique fondé sur la connaissances et les métadonnées. Ce paradigme de la connaissance modifie fortement l'accès à la musique mais aussi renouvelle profondément les méthodes de création musicale.L'objet de cet article est donc de traiter la question de l'hybridation musicale sur ces deux plans : d'un côté, celui de l'échange communicationnel et de l'autre celui de son infrastructure technique.The ubiquitous availability of music information allows for a blending of styles that cuts across all genres and cultural spheres. Although this kind of musical hybridization is not a new phenomenon, its scope is increasing in an unprecedented way with the emergence of knowledge-based digital technologies. This widespread and globalized exchange involves the knowledge of music as well as music itself. The transfer of knowledge is spurred on by multimedia and, simultaneously, by the formalization of music theory included in music ontologies and conveyed by the digital paradigm based on knowledge and metadata. This paradigm has a significant impact on how people gain access to music and provides a profound renewal of the ways that music is made.This article explores the hybridization of music in terms of both communicational exchange and its technical infrastructure.
- Le streaming musical, un révélateur des enjeux de la diversité culturelle - Alexandre Joux p. 275-282 Le streaming musical accompagne la mondialisation de l'écoute de la musique en ligne. Il est une réponse, organisée par les acteurs du marché, au développement du piratage dans les années 2000. Il s'apparente ainsi à une mondialisation des à l'ensemble de la production musicale, y compris au « sud » où les majors investissent désormais dans la production nationale. Ses logiques de recommandation, en revanche, ne garantissent pas nécessairement une meilleure circulation planétaire des œuvres, au moins du point de vue de la diversité de la création.Music streaming has participated in the globalization of the way in which music is listened to online. Set up by major market players, it is a direct response to the growth in music piracy in the 2000s. It is thus an example of how the logic of markets is globalized and extended to all musical production, including in the global South, where major labels have started investing in national music industries. Its appeal to the use of rating systems and recommendations does not, however, guarantee that musical works will circulate more freely around the world, as least not as far as the diversity of creation is concerned.
Diagonales
- Software and Experience. A Phenomenological Analysis of Digital Technology - Luca M. Possati p. 283-294 Cet article explore la relation entre les logiciels informatiques et l'expérience humaine. L'expérience basée sur le software – l'expérience médiée par la technologie numérique – découle d'un écart radical entre « code » et « expérience vécue » – l'expérience des utilisateurs ordinaires qui interagissent avec les technologies de l'information et de la communication (TIC). Cet écart, ou rupture, est paradoxal et ne peut être réduit à l'« opacité » de cette technologie. L'article commence par une discussion sur le jeu vidéo Assassin's Creed: Odyssey III. Un jeu vidéo est une relation entre un être humain (l'utilisateur qui joue) et une machine dont les effets sont d'une grande portée et qui peut inclure la définition de tous les aspects de l'expérience du monde qui concernent l'utilisateur. Les jeux vidéo sont un exemple utile car ils sont conçus pour fournir à l'utilisateur une expérience numérique extrême et profonde. L'article poursuit sur le fossé entre le code et l'expérience vécue et explore comment le caractère caché du code est une condition nécessaire de l'expérience numérique. Lorsqu'une personne joue à un jeu vidéo ou regarde une image sur un écran d'ordinateur, elle ne voit pas le code et n'a pas besoin de connaître le code qui crée l'expérience. La section suivante examine la définition ontologique du logiciel en tant qu'entité. Le logiciel se révèle être un objet complexe composé de nombreux niveaux différents dont l'unité pose problème. La dernière section explore comment la rupture entre l'expérience vécue et le code est reconstituée par l'imagination à travers l'activité de conception.This article explores the relation between computer software and human experience. Software-based experience – experience that is mediated by digital technology – arises from a radical gap between “code” and “lived experience” – the experience of ordinary users interacting with information and communications technology (ICT) devices. This gap, or break, is paradoxical and cannot be reduced to the “opacity” of such technology. The article begins with a discussion of the video game Assassin's Creed: Odyssey III. A video game is a relationship between a human being (the user playing the game) and a machine with far-reaching effects that can include the defining of all aspects of the experience of the world relevant to the user. The video game is a useful example because video games are designed to provide the user with a digital experience that is extreme and profound. The article goes on to take up the gap between code and lived experience and explores how the hidden character of the code is a necessary condition of the digital experience. When someone plays a video game or looks at an image displayed on a computer screen, he or she does not see the code and need have no awareness whatsoever of the code that creates the experience. The next section examines the ontological definition of software as an entity. Software is shown to be a complex object composed of many different levels whose unity is problematic. The final section explores how the break between lived experience and code is reconstituted by the imagination through the activity of design.
- Software and Experience. A Phenomenological Analysis of Digital Technology - Luca M. Possati p. 283-294
Lectures
- Lectures - Brigitte Chapelain p. 295-301
Hommages
- Immanuel Wallerstein (1930-2019) : Une pensée-monde - Thierry Paquot p. 303-312
- Kirk Douglas (1916-2020) : La star internationale qui n'était jamais contente - Marc Vernet p. 313-315